29 avril 2015

Désert - suite

Il y a des chemins qui se perdent au désert. Car l'homme reste fragile et le désert est aussi la découverte de ces failles, de ces impasses, de notre avidité (première tentation), de notre vaine gloire (deuxième tentation) et de notre impuissance.
Le psaume 94, nous rappelle cela : « Ne fermez pas votre coeur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
9où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. 

10« Quarante ans leur génération m'a déçu, +
et j'ai dit : Ce peuple a le coeur égaré,
il n'a pas connu mes chemins.
11Dans ma colère, j'en ai fait le serment :
Jamais ils n'entreront dans mon repos. » 

Chanté tous les matins aux Laudes,  il rappelle à l'homme sa finitude et met en valeur,  comme en contraste, que ce qui est "impossible à l'homme est possible à Dieu", comme nous le dévoile une lecture cursive de Marc 10, 27 où cette affirmation du Christ précède l'annonce de sa Passion (10, 33). 

La course sans fin - sainte Catherine de Sienne

A la suite de mon essai sur Grégoire de Nysse, (la course infinie), et de mon étude sur Philippiens 3 (1), je découvre ce petit texte de sainte Catherine de Sienne, qui leur fait écho : "toi, éternelle Trinité, tu es comme un océan profond: plus j'y cherche et plus je te trouve ; plus je trouve et plus je te cherche. Tu rassasies insatiablement notre âme car, dans ton abîme, tu rassasies l'âme de telle sorte qu'elle demeure indigente et affamée, parce qu'elle continue à souhaiter et à désirer te voir dans ta lumière, ô lumière, éternelle Trinité". (2)

(1) cf. Serviteur de l'homme,  kénose et diaconie
(2) sainte Catherine de Sienne,  Dialogues 167, trad. Bréviaire

28 avril 2015

Adoration eucharistique ?

Ce petit texte d'origine ancienne (1) suscite en moi toute une série de réflexions :
"Car, sous la figure du pain, c'est le corps qui t'est donné ; sous la figure du vin, c'est le sang qui t'est donné, afin que tu deviennes, en participant au corps et au sang du Christ, un seul corps et un seul sang avec le Christ. C'est ainsi que nous devenons des « porte-Christ », son corps et son sang s'étant répandus dans nos membres. De cette façon, selon saint Pierre, nous devenons participants de la nature divine."

Il y a dans l'Église deux écoles qui s'affrontent à mon avis inutilement entre les partisans de l'adoration eucharistique et ceux qui y voient un excès d'idolatrie. 
Comme souvent,  la réponse me semble être de respecter une tension :  celle de considérer que nous devons d'abord être,  comme le dit ce texte des porte-Christ et que pour ce faire,  conscients  d'être temple du Christ nous devons nous nourrir de la contemplation de ce que nous portons, pour ne pas diluer dans le monde la force de ce que  nous révèle la prière silencieuse. 

Mais la contemplation ne peut être valable que si elle nous transforme utilement en "porte-Christ" et Dieu nous attends dans l'agir.

(1) Catéchèse de  Jérusalem aux nouveaux baptisés

21 avril 2015

Par lui et en lui

Belle messe dominicale à l'issue d'une retraite avant hier.
Au moment de la consécration,  le prêtre nous a invité à déposer sur l'autel toutes nos offrandes.
Elles ont alors jailli de l'assemblée,  offrandes et prières multiples, feu d'artifice de nos vies réunies.
Aujourd'hui,  l'hymne du bréviaire (sexte) résonne comme une réponse :
Le Fils de Dieu,
les bras ouverts,
A tout saisi dans son offrande,
L'effort de l'homme et son travail,
Le poids perdu de la souffrance.
L'élan puissant de son amour
Attire à lui la terre entière,
Il fait entrer dans son repos
Le monde en marche (..)
La création devient en lui
Première étape du Royaume.
C'est aussi un peu le résumé de ce que je viens d'écrire dans "où es tu ?"

20 avril 2015

Le chemin du désert - 2

La traversée du désert est aussi ce lieu de mise en retrait où nous pouvons prendre du recul sur nos vies pour percevoir le don de Dieu et notamment ses fruits invisibles. 
Comme le suggère Newman,  "nous ne discernons pas la présence de Dieu au moment où elle est avec nous, mais seulement après, quand nous reportons nos regards vers ce qui s'est passé et qui n'est plus... Des événements nous arrivent, agréables ou pénibles ; nous n'en connaissons pas la signification ; nous ne voyons pas en eux la main de Dieu. (...) Nous ne voyons rien. Nous ne voyons pas pourquoi telle chose arrive, ou à quoi elle tend. Un jour, Jacob s'est écrié : « Tout est contre moi ! » (Gn 42,36) ; certainement il semblait bien que ce soit ainsi... Et pourtant tous ses malheurs devaient tourner à bien. Considérez son fils Joseph, vendu par ses frères, emmené en Égypte, emprisonné, les fers entrant même dans son âme, et qui attendait que le Seigneur jette sur lui un regard de bienveillance. Plusieurs fois le texte sacré dit : « Le Seigneur était avec Joseph »... Après coup, il a compris ce qui sur le moment était si mystérieux, et il dit à ses frères : « Dieu m'a envoyé en avant de vous pour sauver vos vies. Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu » (Gn 45,7).  Merveilleuse providence, si silencieuse et pourtant si efficace, si constante et infaillible ! C'est ce qui déjoue le pouvoir de Satan ; il ne peut pas discerner la main de Dieu à l'œuvre dans le cours des événements". (1)

Or Satan est le diviseur, qui se complait dans le bruit et la confusion.  Dans le désert,  l'ordre réapparaît et sa confusion est mise à jour.  C'est pourquoi dès les premières pages de la Bible, chez Osée (2) face à la confusion de Gomer, Dieu dit : "je la conduirait au désert".  (Osée 2, 7).
 C'est pourquoi à sa suite,  l'Esprit conduit l'homme-Jésus au désert,  car là seulement la claire vision de Dieu nous est rendue.

À notre tour, le passage au désert peut être le lieu d'un combat intérieur entre nos tendances à l'adhérence au mal et cette libération de nos êtres en vue de la réception pleine et entière du don de Dieu. 

À l'image de ce combat évoqué de Jacob, la lutte peut être douloureuse,  mais combien plus sera la libération accessible.  Car en se purifiant de l'inessentiel nous trouvons l'essence de nos vies, le coeur à coeur auquel nous sommes invités.  La danse de Jacob est le prélude de la danse des anges,  c'est l'ultime symphonie de celui qui trouve son Dieu, et en se laissant saisir,  reprends la course sans fin de l'apôtre,  qui ne perçois plus le passé que comme des balayures, tant la marche vers et avec Dieu le comble. (Cf. Ph 3).

 Les pèlerins d' Emmaüs ( luc 24, 13ss) en ont fait l'expérience.  Fuyant la mort du Fils dans le désert, ils trouvent Celui qui ouvre leurs yeux sur le passé, leur fait distinguer Ses fruits invisibles et surtout Se rend présent dans la fraction du pain, au point que leur coeur devient tout brûlant d'une présence inaccessible et qui pourtant les transporte. Alors, "devenants des « porte-Christ » [« christophe »], Son corps et son sang se répandant dans [leurs] membres, [ils deviennent] participants de la nature divine" (3) et peuvent revenir à Jérusalem,  monter sur le "mont de la rencontre" car Dieu est en eux, avec eux.


(1) Bienheureux John Henry Newman in PPS IV,17 « Christ Manifested in Remembrance.
(2) l'exégèse moderne considère le livre d'Osee comme le plus ancien.
(3) Saint Cyrille de Jérusalem Catéchèses baptismales n 22 (trad. Éditions du Soleil levant, 1962, p. 471)







18 avril 2015

La tentation du désert

Avis de recherche. ‎Après où es tu ? Je travaille sur un texte qui pourra s'intituler chemin de désert, une méditation sur ce tout est rien / Dieu est tout croisé chez Thérèse d'Avila.

Il y a la bonne tentation du désert, celle qui nous permet de faire silence ‎et de trouver Dieu et la mauvaise tentation celle qui nous conduit à un repli sur nous mêmes et nous éloigne de notre tâche sur terre.
Comme le souligne Rom 14, 7-9 : "aucun d'entre nous ne vit pour soi même (...) si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur. (...) Dans notre vie‎, nous appartenons au Seigneur."
Il existe une tension à maintenir entre Marthe et Marie. Le chemin du désert est celui qui purifie cette tension et fortifie à la fois notre vie intérieure et notre agir.

15 avril 2015

Où es-tu mon dieu ?

Je vous l'avais annoncé il y a quelques jours, je viens de terminer "Où es tu mon Dieu ?" un travail de recherche pastorale sur la tension théologique entre création et souffrance.

Extrait : Où est Dieu ? Est-il tout-puissant ? S’il l’est, pourquoi n’agit-il pas ? Et s’il agit, comment ? L’idée d’un Dieu créateur du beau peut-elle persister alors que nous ne cessons d’être confrontés à « l’horreur du mal » ? Toutes ces questions restent de l’ordre du mystère. Ici, tout chercheur doit reconnaître à la fois son incompétence et sa révolte. Et pourtant, il serait dommage de poser la plume, tant cette question reste au cœur du refus de nos contemporains d’adhérer à toute idée de Dieu. S’ils ne peuvent tolérer que le monde ne soit pas parfait, que la création ait des « ratés » et que l’horreur reste possible, qu’elle soit liée au mal de faute (la violence des hommes) ou au mal de peine (la nature et ses dérèglements) , la place de Dieu reste en question.

Où es-tu mon Dieu ?  fait suite à mon mémoire de licence : "Quelle espérance pour l'homme souffrant ?".


12 avril 2015

Sur les pas de Thérèse d'Avila - 4

"‎Crois tu, ma fille‎, que se délecter soit un mérite ? Le seul mérite, c'est d'agir, de souffrir, d'aimer".

(1) Pensées sur l'amour de Dieu, in La vie de sainte Thérèse d'Avila, op. Cit. p. 259

11 avril 2015

Oraison selon saint Jean de la Croix

Saint Jean de la croix distingue 3 temps :
1) la représentation imaginaire des mystères sur lesquels on doit méditer 
2) la considération intellectuelle des mystères représentés 
3) le repos amoureux et attentif à Dieu où se recueille le fruit, où s'ouvre à l'illumination divine la porte de l'entendement. On passe de la connaissance naturelle à la connaissance surnaturelle‎ lorsque l'âme se met dans le repos pacifique, amoureux et tranquille à la fois (1).

Source : La vie de sainte Thérèse d'Avila, op. Cit. p. 254

09 avril 2015

Danse de Thérèse

Pour ceux qui connaissent mes pages sur la "danse trinitaire", ces lignes de la vie de sainte Thérèse parleront peut-être : "La tendresse, la gaîté, étaient pour Térésa de Jésus de si pures manifestations de l'amour du prochain, donc de l'amour de Dieu, qu'il lui arrrivait, dans ces récréations de s'enflammer d'ardeur impétueuse, et incapable de résister à l'élan de l'esprit, elle se mettait à danser". 

(1) Ibid. p. 240

08 avril 2015

Sur les pas de Thérèse - 3

‎"L'humilité c'est être dans la vérité (...) nous ne sommes rien, mais Dieu nous habite et Dieu est tout" (1).

Sans commentaires...

(1) Ibid. p. 168

01 avril 2015

Sur les pas de Thérèse - 2

‎Il est difficile d'adhérer du haut de notre rationalisme post-moderne aux élans mystiques de Thérèse et pourtant qui peut rester indifférent à ce qu'une vie de prière et d'oraison peut apporter à une âme. Dans un monde où les distractions sont infiniment plus nombreuses le "tout est rien" déjà cité, et la contemplation de la vie de Thérèse  ne peuvent que nous conduire à percevoir combien son "Dieu est tout" peut devenir le centre de nos vies
 A sa suite, nous pouvons alors crier : Dieu embrase mon âme, car loin de toi, je ne suis rien.