31 mai 2005

Ecritures...

Ecrire revient à porter un jugement sur soi-même (1).
C'est un peu le sentiment que me procure ce blog. Un instant où en cristallisant mon dire, je m'expose à un jugement extérieur. Et cet exercice induit un cheminement qui peut-être fécond.
Comme le dit plus loin Balthasar, le jugement sur soi-même conduit à la mort sauf si un sentiment chrétien permet de dépasser cette auto-condamnation. C'est peut-être la voie qui s'ouvre à moi. M'exposer pour faire apparaître la faiblesse de mes actes comme de mes raisonnements et aller au delà...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 385

Abandon - I

"Le mystère de ce Dieu puissant dont l'amour n'avait pas la possibilité de répondre au Fils abandonné sur la croix et criant vers lui, le mystère d'une faute incompréhensible mais partout présente entre le ciel et la terre" (1)
Cela reste pour moi effectivement le coeur du mystère mais aussi de l'espérance d'un sens. Car si l'abandon avait été total, nous n'aurions plus rien à espérer. Or justement, au delà de l'abandon, nous pouvons entrer dans l'acte de foi le plus essentiel, celui de croire que la mort et l'abandon ont été vaincus par la croix et que la résurrection est au bout du chemin...
Face à cela, il subsiste cependant une dialectique entre un Icare qui en cherchant à comprendre se brûle les ailes dans la démesure de sa raison ou le simple chemin fragile d'une interrogation pour le monde que l'on cherche à répondre...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 368

Tragique...

Le tragique est un élément incontournable de nos vies... Mais notre société en refuse parfois la réalité, oubliant dans le présent et ses bonheurs fragiles l'implacable direction.
Le tragique habite nos vies, la mort nous guette et chaque pas nous prépare à cet acte ultime qui nous permettra à la fois de perdre le peu qui nous rattache à la terre et d'entrer dans le mystère du sens, de vibrer dans une nouvelle espérance

30 mai 2005

Abandon...

Je continue à me heurter à cette compréhension même de la déréliction, ce sentiment qui touche pour moi au mystère : "Le Christ a connut la souffrance de l'abandon. L'abandon au mal" nous dit Urs von Balthasar (1).

Qu'est-ce à dire ? Comment comprendre cela si ce n'est en pénétrant au coeur du mystère même de l'incarnation, c'est-à-dire d'un Christ qui veut souffrir la souffrance même de l'homme au plus profond de sa chair, de son esprit.
Il n'y a que l'espoir du Psaume 21, dans le "tu m'as répondu" qui suit le cri du "pourquoi m'as tu abandonné" que l'on peut trouver la trace d'une espérance. Et c'est peut-être dans cette espérance que l'on peut tracer un chemin pour notre foi.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 367

29 mai 2005

Démesure (Hybris - II)

"Ce n'est que par une orgueilleuse démesure (hybris) qu'un homme pourrait prétendre saisir le sens qui renferme le tout de l'existence. Dans le bonheur ou le malheur, la réussite ou l'échec, il ne peut au mieux, qu'approcher ce sens à tâtons, par une croyance mais aussi en fixant de petits îlots de sens, il les verra s'enfoncer dans une mer infinie d'inexplicable." (1)

Ce qui rend vain toute l'hybris de nos discours, ces belles paroles ou nous en venons à croire que nous ne pouvons jamais atteindre le soupçon d'une vérité véritable...
Il y a comme dans ce blogue, un moment où l'on se heurte à l'indicible et où le silence serait peut-être plus parlant. Un silence qui comme Pascal s'efface petit à petit dans les actes, une charité nouvelle à inventer et vivre, dans le respect de ce qui nous échappera encore...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 357

28 mai 2005

Ouverture de WikiKto

Je vous signale l'ouverture d'une encyclopédie libre catholique...
Quelques contributions de votre serviteur, pour un site au service de 'l'intelligence de la foi'...

Eve

"A côté d'Adam face au monde, il y a Eve pour donner sens à l'impossible" (1)
C'est peut-être là le secret de cette création d'ish et d'isha. Deux différences qui se penchent l'une vers l'autre et se faisant contribuent à une certaine fécondité que l'homme seul ne pourrait espérer atteindre. Penser seul c'est croire que l'on peut. Vivre à côté de, c'est travailler à un autrement...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 347

27 mai 2005

Peur - II

Le Dialogue des Carmélites de Bernanos nous introduit dans la méditation de la peur naturelle de Blanche, qui est assumée dans la peur surnaturelle du jardin des Oliviers et insérée dans la communion des Saints où elle a sa place. (1)

C'est vrai que Blanche dans cette pièce admirable est profondément travaillée par la peur. Je n'avais pas fait le lien alors avec mes réflexions précédentes sur la peur de Jésus et sur le mystère même de cette incarnation. Dire que le Christ habite nos peurs et cependant les dépasse dans un Fiat, c'est insister sur le chemin, la voie tracée qui va de son agonie à sa mort et de la mort à la résurrection...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 337-338

26 mai 2005

Le seuil

G. Marcel : "La mort de l'être aimé est un seuil et même le seuil".
Sans commentaires... On verra à ce moment là ?

(1) Cité par Urs von Balthasar, ibid p. 330

25 mai 2005

Vie et mort...

Fridolin Wiplinger : "Si je découvre dans l'amour mon être-moi que comme être-avec, ce devrait en être fini de celui-ci tandis que je continue de vivre physiquement. Dans son essence, l'amour est un amour jusqu'à la mort précisément parce qu'il est toujours incarné (...) Le caractère inconditionnel de l'amour personnel dans la pureté du "pour toi" en tant que but suprême de l'option de vie exige finalement de placer tout, c'est à dire la vie entière sous ce jour, de la prodiguer, de l'offrir et le cas échéant de l'abandonner. (...) Il est temps que les chrétiens s'arrachent enfin à la nuit métaphysique grecque impersonnelle "pour enfin peut-être commencer à avoir le regard libre pour l'être personnel de l'homme et une compréhension personnelle de sa vie, de son agonie et de sa mort, à partir de celle de Jésus Christ et de sa résurrection" Das Personal Verstande Tod (Fribourg/Br Munich 70)

Sans commentaires...

(1) cité par Urs von Balthasar, ibid p. 327

23 mai 2005

La mort - II

"S'il y a en moi une certitude inébranlable, c'est qu'un monde déserté par l'amour ne peut que s'engloutir dans la mort, c'est aussi que là où l'amour persiste, là où il triomphe de tout ce qui tend à le dégrader, la mort ne peut pas ne pas être en définitive vaincue." (1) On retrouve cette espérance du Cantique des cantiques : "l'amour est fort comme la mort". Je ne sais d'ailleurs, si depuis la résurrection du Christ, on ne pourrait pas traduire cette espérance de l'Ancien Testament en "plus fort que la mort"...
Cela fait revivre en moi les admirables pièces de Gabriel Marcel que sont L'Iconoclaste, Le Fanal, Le mort de demain...

G. Marcel cité par Urs von Balthasar, ibid p. 327

22 mai 2005

Salvifici Doloris - II (Le sens salvifique de la souffrance)

"Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Eglise". Cette phrase de Paul qui introduit la lettre apostolique de Jean-Paul II donne le ton de toute la lettre.

L'idée centrale c'est que la souffrance est la rencontre entre un homme libre et le mal qu'elle que soit sa forme. Quelle que soit la forme de cette souffrance, se trouve "toujours une expérience du mal qui entraîne la souffrance de l'homme. Ainsi donc, la réalité de la souffrance fait surgir la question de l'essence du mal : qu'est-ce que le mal ?"" (§ 7)

Sur la cause du mal, Jean-Paul II souligne qu'il s'agit d'abord de l'absence d'un bien.

On a envie cependant de compléter, à ce stade, par la distinction thomiste entre "mal de peine" (tremblement de terre, maladie) et le "mal de faute" (mal causé par un tiers).
Cette rencontre avec le mal pose la question du pourquoi ? mais aussi du but (pour quoi ?). Alors que pour les amis de Job, cette souffrance semble justifiée par la faute, Job nous fait découvrir le travail de l'homme qui est un chemin de conversion. Déjà dans L'Ancien Testament, nous remarquons une tendance qui cherche à dépasser l'idée selon laquelle la souffrance n'a de sens que comme punition" (§12).
Mais pour comprendre le pourquoi, il faut nous tourner vers le Christ. La souffrance "doit servir à la conversion c'est-à-dire à la reconstruction du bien". (...) "Le Christ nous fait entrer dans le mystère et nous fait découvrir le pourquoi de la souffrance, dans la mesure où nous sommes capables de comprendre la sublimité de l'amour divin." (§ 13).
Le Christ apporte une lumière nouvelle, celle du salut. (§ 15)
Le Christ se fait proche de la souffrance humaine. (§ 16) et son enseignement et notamment les huit béatitudes trace un chemin hyperbolique qui montre que la souffrance participe à l'oeuvre du salut.
Jean-Paul II rejoint ici ce qui pour Hans Urs von Balthasar est le propre de la dramatique divine. Le Christ est au centre du drame, chemin de lutte contre le mal sous toutes ses formes. Chemin et victoire.
Or pour Jean-Paul II, le Christ prend sur lui cette souffrance. "Le Fils de même nature que le Père souffre en tant qu'homme. (...) Il se charge d'une manière totalement volontaire des souffrances" (§18), rejoignant la prophétie du Serviteur Souffrant (Isaïe 53, 5). La réponse du Christ à la souffrance est donc à la fois dans la Bonne Nouvelle mais avant tout par sa propre souffrance". C'est le langage de la Croix.
La souffrance c'est subir le mal mais c'est aussi une participation à l'amour.

Le mystère du mal s'inscrit donc dans le drame. Et comme le souligne Paul, lorsque je souffre "ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. (§20).

On prend alors conscience du paradoxe de la faiblesse et de la force. Je ne peux répondre seul à la souffrance. Il y a un moment où seul Dieu peut l'assumer en moi (faiblesse) et en même temps, ce dé-centrement, ce sur-centrement en Christ me permet d'obtenir sa grâce (force).

Dans ma souffrance, je participe au drame. "Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ . Les souffrants s'inscrivent donc dans la communion des martyrs et des saints, dans le chemin de l'Eglise, celui qu'elle trace dans "l'Evangile de la souffrance . (§25) Ce chemin, Marie fut la première à le tracer, en complétant dans sa chair (comme elle l'avait fait dans son coeur) la souffrance de son Christ, en l'accompagnant sur le chemin du Calvaire.

Cette participation à la souffrance donne une "force particulière qui rapproche intérieurement l'homme du Christ, une grâce spéciale (§26). "Lorsque le corps est profondément atteint par la maladie (...) la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d'autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d'une santé normale .
Le souffrant accomplit ainsi un service irremplaçable et entre dans la communion de l'Eglise, au sein même du drame.

Jean-Paul II rappelle ensuite "la parabole du Bon Samaritain qui appartient à ce même Evangile de la souffrance. Elle indique, en effet, quelle doit être la relation de chacun d'entre nous avec le prochain en état de souffrance. Il nous invite à ne pas passer outre, à ne pas épargner nos moyens, notre coeur, comme nos moyens matériels, être capable de don, libérer en nous ses capacités d'aimer. Et Jean-Paul II rappelle la phrase du Christ : "C'est à moi que vous l'avez fait" (§29).

La relecture de ce texte à l'aune de la vie et de la mort de Jean-Paul II lui donne un sens tout particulier. On perçoit combien sa mort saluée par tant d'hommes et de femmes a tracé à sa manière l'Evangile de l'amour qui est pour reprendre ses propres mots l'Evangile de la souffrance.

Texte Intégral : http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_letters/documents/hf_jp-ii_apl_11021984_salvifici-doloris_fr.html

La Mort - I

Le tragique se situe dans le choix entre une mort, évènement passif que l'on fuit ou un autre hautement actif que l'homme choisit délibérément en en fixant à son gré, l'instant la manière et le pourquoi. (1)
C'est à la fois l'instant le plus humiliant, celui où l'on sombre dans la pourriture et en même temps le plus noble si l'homme le prend comme un enjeu et un accomplissement de son existence...
Il n'y a, insiste Urs von Balthasar qu'un sujet véritablement dramatique, le choix de l'homme face à la mort.
On retrouve cette interpellation soulevée par Lévinas, dans ce que Sibony interprète comme l'interpellation ultime de l'homme face à la Scène... Celle où l'on doit choisir entre vivre coupable ou mourir pour l'autre. Mais est-ce que ce choix fondamental n'est pas ce à quoi nous devons nous préparer toute une vie. Etre prêt au don, si notre don n'a que cet instant pour être valide (ce qui reste d'ailleurs une question à méditer...).


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 310

21 mai 2005

Paul Ricoeur

"Le philosophe Paul Ricoeur, l'un des plus grands penseurs français de l'après-guerre, dont l'oeuvre considérable est mondialement reconnue, est décédé à l'âge de 92 ans, à son domicile près de Paris, a annoncé samedi un de ses proches..."

J'en parlais encore il y a deux jours. Je l'ai croisé il y a dix ans à la soutenance de thèse d'un ami, mais surtout dans ses livres...

C'était un grand, grand bonhomme...

Grâce ou liberté ?

"La libre victoire sur soi-même présentée d'en bas comme soumission, sagesse, renoncement est distinguée d'en haut comme effet de la grâce. Pour Calderon, il n'y pas de fatalité neutre mais seulement le oui et le non de la nature déchue par le péché héréditaire face à ce que saint Paul appelle les puissances du monde, et la saisie de la grâce salvatrice dans la soumission qui extérieurement se subordonne au destin mortel mais aussi le surmonte intérieurement." (1)

Probablement un peu compliqué à la relecture...
Ce que j'en retiens, mais il faut peut-être se replonger dans le texte, c'est que ce qui est bon en moi, ce que je travaille, de toutes mes forces, n'est vainqueur que lorsque j'abandonne ma volonté pour faire la sienne et que j'atteins ainsi une liberté véritable, créatrice, féconde. Au bord du gouffre de la démesure, tu me conduis vers les eaux tranquilles...

Il y a donc conjonction entre mon oui et la grâce reçue, qui s'harmonise dans une liberté nouvelle et créatrice...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 309