30 décembre 2006

Colère de Dieu - II

Pour Balthasar, sans la colère de Dieu, il ne pourrait pas y avoir de grâce. La colère et la tendresse sont inséparables (1)
La colère de Dieu est cependant pour lui une colère maîtrisée. Comme Jésus qui s'irrite, se met en colère contre les pharisiens. Mais cette n'est pas incompatible avec son amour mais bien au nom de l'amour du bien. Il faudrait donc pour lui percevoir la colère avec la même intensité que la miséricorde et la tendresse comme des attributs essentiels mais contenu et maîtrisé, intrinsèque à la nature divine ?
L'erreur serait par contre de voir dans les séismes ou la peine injuste la manifestation de Dieu.
(cf. la distinction reprise chez Thomas d'Aquin).

(1) Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, p. 315

Ecoute...


Ecoute, tel est le premier mot de la règle de St Benoît. Dans notre société de l'information, l'interpellation à écouter prend une coloration particulière. Elle est invitation au silence et à une réceptivité nouvelle. Mais notre monde est il prêt à ce silence, à éteindre "les machines à bruit" pour laisser passer le souffle ténu, le bruit du fin silence qui souffle au fond de notre coeur...

Balise : Prier, Silence

22 décembre 2006

La tendresse de Dieu

C'est le temps de Noël... Chemins de lecture fait une pause et vous laisse méditer la tendresse de Dieu, qui dans les traits d'un petit enfant, vient habiter notre humanité...

20 décembre 2006

Un oui d'amour

Quand on compare le non libre de l'homme et le "oui" d'amour "purement gracieux et totalement sans cause de Dieu", on perçoit la distance abyssale de l'amour divin "qui suscite l'intensification croissante et sans cause (cf. Jn 15,25) de la haine humaine". (1)
On perçoit aussi la distance entre notre oui et celui du Christ.
Distance et appel...

(1) ibid p. 313

19 décembre 2006

L'abandon de Dieu...

La situation du Christ est pour Urs von Balthasar plus radicale et plus accablante que celle subie par le pécheur, parce qu'elle se déroule à un niveau de profondeur que nulle créature ne pourrait soupçonner, celle de la relation entre les hypostases divines. C'est pourquoi, ajoute-t-il, "l'abandon de Dieu est le contraire de l'enfer tout en étant son authentique réalisation. C'est pourquoi, les plaies du Christ demeurent éternellement ouvertes" (1)
N'est-ce pas aussi d'une certaine manière, le prix de notre liberté... Un prix bien cher à payer et que nous ne pourrons pas rembourser... Un prix qui nous interpelle surtout, signe élevé pour nous élever...

Urs von Balthasar, ibid p. 312

18 décembre 2006

Kénoses multiples...

Balthasar définit 3 niveaux de la même kénose :
1) la désappropriation du Père dans le Fils
2) celle du Fils en l'Eucharistie
3) de l'ensemble de la Trinité, dans le nous Trinitaire
Enfin, de part cette kénose originelle, d'autres kénoses de Dieu sont rendues possibles :
a) L'"autolimitation du Dieu Trinitaire" dans le don de la liberté aux créatures,
b) L'alliance indissoluble du côté de Dieu
c) L'eucharistie pro-nobis qui n'est pas que la kénose du Fils seul mais un don trinitaire, au monde, de la croix et de la résurrection.
En ce sens, Balthasar interprète l'échange admirable comme au coeur de l'impuissance de Dieu, plus fortes que toutes les puissances d'amour ou Dieu accepte d'aller jusqu'à être bouc émissaire, toute impuissance, jusqu'à aller au point d'éprouver le mal qui résulte du péché (il s'est fait péché). Pour lui la plus grande distance, infinie entre Dieu et le fils est le résultat même de cette impuissance.
Cette vision kénotique corrige à mon avis les premières impressions qui laissaient voir la distance comme une apatheia du Père. Le concevoir comme une kénose lui donne une autre dimension, celle de faire apparaître l'abandon comme l'acte ultime de la tendresse de Dieu, celle qui plonge l'ensemble de la trinité dans une démarche kénotique...

Urs von Balthasar, Dramatique divine, 3, p 305 à 312
Balises : Kénose Bathasar

17 décembre 2006

Fils Prodigue revisité

Et si nous devions relire le Fils prodigue (Luc 15) à l'échelle de l'humanité entière. Dieu aurait une multitudes de fils perdus et il n'aurait de cesse de guetter leur retour pour leur donner la place de fils, leur mettre les sandales au pieds, celle de l'homme libre et non du va-nu-pieds, les habiller de la robe de l'héritier...
Files infinies des hommes qui se présentent penauds et que Dieu comble de la joie du Père...
Et foules inombrables aussi des fils aînés qui ne connaissent pas la joie d'un "tout ce qui est à moi est à toi" et qui méprisent ceux que Dieu attends...
Suis-je loin de la réalité... ?

16 décembre 2006

Dieu est dans le don - II

Pour Urs von Balthasar, en Dieu "se trouve le point de départ de ce qui peut devenir souffrance". Il note à ce sujet l'imprudence du Père qui se donne (et donne tout ce qui lui appartient). Une imprudence qui mène à celle du Fils qui reçoit tout en acceptant de se laisser lui aussi prodiguer mais aussi à celle de l'Esprit qui en même temps lui est donné et se heurte à une liberté qui refuse de répondre à cette imprudence et la déforme en la prudence de celui qui veut prendre par lui même toute initiative. (1)
Peut-on dire que l'amour est imprudence et donc point de départ d'une souffrance possible ? N'est-ce pas là ce qui distingue d'une certaine manière l'éros de l'apapê, ce saut dans l'incertitude et dnas la confiance où l'on s'expose au non retour d'autrui... On peut entrevoir ici l'extrême imprudence de Dieu qui confie à nos mains le monde...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.303-304

Balises : Don, Agapê, Lévinas, Balthasar

Prier - 2

Prier, c'est ne plus être seul - et ce n'est pas seulement l'individu, c'est l'humanité toute entière qui est solidaire -, prier, c'est émerger comme l'homme qui se noie, émerger à la surface des eaux de sang, d'ennui ou de frénésie de l'histoire pour respirer un instant l'aire de l'éternité. - non pour fuir l'histoire, mais pour y devenir patient et tenace, humblement serviteur de la vie, à la fois réaliste et visionnaire. (...) "Trouve la paix intérieure, et des milliers se sauveront à tes côtés ", disait au siècle dernier Séraphin de Sarov, qui à la fin de sa vie, vibrait d'une telle intensité pascale qu'il accueillait chaque visiteur de ces mots : "Ma joie, Christ est ressuscité !"

Source : Olivier Clément, Parole et pain, nº 37

15 décembre 2006

La Prière

Il n'y a rien qui ne demande plus d'effort que de prier Dieu. Car chaque fois que l'homme veut prier, les ennemis cherchent à l'en détourner ; ils savent en effet qu'on ne peut résister que si l'on prie Dieu. Et quel genre de vie vertueuse que l'homme poursuive, il trouvera son repos s'il y persévère ; quant à la prière, elle réclame le combat jusqu'au dernier soupir.

Agathon l'ermite, Témoignages des Pères du désert, cité par Magnificat, Juin 2004

Dieu, principe de division...


Dieu est principe de division, nous dit Balthasar...

Peut-on parler d'un Dieu qui tend vers l'humanité ? Peut-on dire que cette tension se cristallise en Christ, Dieu-Fils qui est différent du Père et expression de cet amour du Père, libre et fidèle au don voulu d'un Dieu aimant ?

Pour Urs von Balthasar, ce don n'est pas externe mais intérieur, "à l'intérieur du premier geste de Dieu". L'amour absolu qui se donne soi-même sans cesser d'être amour et se faisant est "plus fort que l'enfer" dans l'ordre "englobant de la distinction réelle absolue du Père et du Fils". Il se donne sans se perdre. "Il ne s'évanouit pas avec le don". Il est la totalité d'existence divine dans ce don même. Pour le théologien, ainsi se manifeste à la fois toute la puissance infinie et toute l'impuissance de Dieu puisqu'il ne saurait être Dieu autrement que dans cette kénose intra-divine. (1)

Je pense que le paradoxe de la puissance et de l'impuissance est très bien traduite ici. Ne touche-t-on pas ici à la définition même du décentrement comme don qui ne se perd pas mais reste don permanent. Qui ne se perd pas parce que ce don même est reconnu comme moyen d'être, et de ce fait comme existence.

Pour Balthasar, la conséquence, c'est que le Fils ne peut, à son tour exister en possédant le caractère absolu de divinité que sous le mode de la réception de cette synthèse unique de toute puissance et d'impuissance.

Alors voit-on la totalité de l'imago dei comme être de réception totale et étant par ce fait sujet existant, comme "pouvoir de se faire don", perpétuellement régénéré dans l'existence, malgré le don total, parce qu'étant d'abord réception.

Je suis, être temple, passeur, sarment d'une sève reçue. Le grain existe parce qu'il meurt et peut être à son tour touché au coeur du kérygme...

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.302
Balises : Don, Image, Décentrement, Balthasar

13 décembre 2006

Prier selon les exercices

J'ai découvert récemment cette approche de la prière par saint Ignace : "Demander ce que je veux. Ce sera, ici, demander une connaissance intérieure de tout le bien reçu, pour que moi, le reconnaissant pleinement, je puisse en tout aimer et servir sa divine Majesté. Le premier point est de me remettre en mémoire les bienfaits reçus : ceux de la création, de la rédemption et les dons particuliers, pesant avec tout mon coeur tout ce que Dieu notre Seigneur a fait pour moi et tout ce qu'il m'a donné de ce qu'il a, et ensuite que le Seigneur lui-même désire se donner à moi, autant qu'il peut, selon son divin dessein. Et à partir de là, réfléchir (...) sur ce que je veux donner..." Il complète ses réflexions par un bel acte d'abandon: "Prenez Seigneur, et recevez toute ma liberté ; tout ce que j'ai et tout ce je possède ; vous me l'avez donné ; à vous, Seigneur, je le rends. Tout est vôtre, disposez-en selon votre entière volonté. Donnez-moi de vous aimer, donnez-moi votre grâce, celle-ci me suffit."

Source : S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels 233-234, Christus nº 76

Sotériologie chez Balthasar - Suite

Procédant du Père et du Fils, "respire l'esprit commun qui scelle la différence infinie tout en la maintenant ouverte (c'est cela même l'essence de l'amour) et parce qu'il est l'unique esprit des deux il fait le lien de leur unité.". Pour Balthasar, la "kénose de Dieu qui se révèle dans la théologie de l'alliance - pour en arriver jusqu'à la croix - et tâche d'atteindre à partir de là le mystère de l'absolu selon une théologie négative : celle-ci, d'une part écartera de Dieu toute expérience et toute science qui le compromettrait avec le monde ; mais d'autre part, elle portera en Dieu les conditions de possibilité de cette expérience et de cette souffrance, de manière à fonder une christologie avec toutes ses implications "trinitaires". Pour Urs von Balthasar cette réflexion permet d'avancer sur "la corde raide" en évitant les "discours à la mode sur la souffrance de Dieu, tout en posant en Dieu un agir" (1)
On voit que Balthasar ne veut pas se désolidariser de la vision grecque d'un Dieu immutable et fait là comme une contorsion entre Dieu et le monde. D'une certaine manière, l'intérêt de cette dissociation est de permettre une vision économique du Christ qui assume par son incarnation ce que Dieu ne peut assurer sans perdre de ce qui fait de lui Dieu. C'est pour Balthasar une façon de "procéder à tâtons bien au delà et aussi loin que possible vers ce que pressent la foi du "mystère des mystères" qu'il voit posé comme insondable"

(1) Balthasar, DD III, p.300-1

Balises : Sotériologie Souffrance Kénose Balthasar

Le présent

La foi s'organise selon le passé, l'espérance selon l'avenir, mais la charité, nous dit Jean-Luc Marion, "se joue au présent". (1) Elle nous rebute, nous inquiète et nous lasse, parce qu'ajoute t-il, "à son sujet, aucune excuse, aucune échappatoire, aucun discours d'excuse ne vaut. J'aime ou je n'aime pas, je donne ou je ne donne pas. (...) inquiétante doctrine qui met toutes choses entre nos mains. D'autant plus inquiétante qu'il s'agit de l'acte le plus simple - aimer ou ne pas aimer."
(1) Jean Luc Marion, La connaissance de la charité, Communion n° 196

11 décembre 2006

Un coeur qui écoute...

En face de Dieu, dans nos rapports les plus intimes avec lui, est-ce qu'un coeur qui écoute n'est pas cette meilleure part dont le Seigneur a dit qu'elle ne nous serait pas ôtée ? (...) Parle, ton serviteur écoute (1 S 3,9) : une attitude fondamentale de l'âme qui sait dans la foi que son Dieu veut entrer en communication directe avec elle. Elle reste ainsi à l'écoute de tous les appels de Dieu, de tous les souffles de l'Esprit. (...) Mais c'est seulement quand un profond silence enveloppe toutes choses que la Parole en nous se déclare. Donne-moi, Seigneur, un coeur qui écoute - car la Parole unique ne multiplie pas les paroles (cf. Mat 6,7). Lorsque le Seigneur (...) prend possession d'une âme, il ne crie pas, il n'élève pas la voix, mais il se tait dans son amour. (...) Il suffit d'écouter dans son coeur le silence de Dieu jusqu'à ce que notre coeur s'affine dans ce silence et que le Seigneur lui donne la sagesse (cf. Pr 2,6)... la sagesse, don qui transforme le silence en saveur nous fait goûter la saveur incréée, l'Esprit.
(...) N'est-ce pas ce qu'attendent obscurément de nous tous nos frères ? Les malades ont souvent plus besoin de cela que de remèdes (...) Un silence plein d'amour, qui entend avec charité la plainte de celui qui souffre, est souvent bien plus efficace que des paroles de consolation.

Soeur Jeanne d'Arc, o.p. Un Coeur qui écoute, Cerf 1966, p. 17-19, cité par Magnificat, Juin 2004