14 mai 2007

Souffrance et Joie - I

Pour Hans Urs von Balthasar, la douleur et la peine sont les caractéristiques les plus profondes de l’amour et la vérification authentique en est donnée dans toute l’attitude du Fils. Pour lui, l’obéissance du Fils est l’accomplissement parfait de la volonté du Père Jean 6,38 « Tu ne voulais pas de sacrifice, alors j’ai dit, me voici ».

« Cette mission trinitaire du Fils, acceptée de toute éternité dans l’obéissance et transposée du ciel sur la terre est nous le savons (...) un mission en vue du péché, entrant dans la similitude de la chair du péché, afin de condamner le péché dans cette chair (Rm 8,3). »Mais ajoute-t-il, la « mort n’est pas un mal créé par Dieu, mais au contraire le sceau de la gloire et le terme sans laquelle la vie ne serait pas vie » (1)

A suivre...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 228

13 mai 2007

Silence face au mal

C'est l'expérience du mal radical – Auschwitz et la fraternité maintenue de certains – qui a obligé les théologiens à mettre en question l'axiome grec de l'impassibilité de Dieu grâce à une théologie de la mort qui dans son silence entend sa passion en tous les sens du terme (1)

Mais le concept d'une obéissance est encore à travailler par les théologiens. Or l'ensemble des Evangiles propose une autre forme, celle d'une amitié, d'une égalité qui met chacun des partenaires à une même hauteur. Ils proposent plutôt un partenariat entre Dieu et l'homme : moi avec lui et lui avec moi. Le vainqueur je lui donnerai de siéger avec moi sur un trône (Ap 3, 20 sv). Qu'elle singulière subversion du concept du trône.

Le roi agenouillé pour que l'autre comprenne qu'il n'est pas esclave mais ami. C'est l'hyperbole du Verbe, le silence de Dieu, qui avant de se donner, traduit dans le lavement des pieds, le cœur du mystère… Il subsiste donc une tension entre Silence et Verbe...

Dieu ne désire qu'une chose, que l'homme puisse comprendre de lui-même, de l'intérieur de lui-même – en véritable partenaire – son propre mystère de Dieu.

Et c'est pourquoi, le langage de Jésus-Christ est hyperbole, parce que la vérité ne peut-être entendue comme telle. Elle doit résonner plus haut, pour déchirer le voile

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 171

12 mai 2007

Silence - IV

Dieu aurait-il tout livré, y compris lui-même, sa propre sainteté, pour que nous puissions, grâce à son silence – accéder en nous et par nous-mêmes à la source de la béatitude ? Dire Dieu serait-ce une manière de désigner la sainteté comme mystère, messianique du monde et de l'histoire ? (1)

Oui, si l'on pense l'amour comme le respect de l'autre dans sa liberté. Oui, si l'on contemple le Christ agenouillé au pied de Judas, pour lui laver les pieds. Dans le silence de l'amour, Dieu a tout dit et ne cesse de se dire.

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 168

11 mai 2007

Silence - III

Pour Théobald, Dieu se révèle lui-même comme mystère absolument discret – voix pourrait-on dire, au sein même de l'éclosion de notre propre liberté de conscience. Quand Dieu a tout dit et révélé, une fin est arrivée qui ne peut être suivie que par son silence et la croissance de la liberté humaine, jusqu'à devenir capable de tenir debout face à ce mystère. (1)

Il nous faut là encore nous imprégner de la lecture du 1er livre des rois (Ch. 19) pour découvrir ce bruit d'un fin silence déjà évoqué et percevoir combien, pour que la liberté puisse être Dieu doit entrer dans cette kénose. Alors peut-on comprendre ce que Balthasar décrivait comme les kénoses successives de la Trinité. Dieu qui s'efface pour laisser paraître le Fils, le Verbe qui s'efface pour prendre la condition humaine et le souffle de l'Esprit qui n'ose réveiller le cœur de l'homme de peur de heurter sa liberté. Seul le voile déchiré à fait apparaître le mystère, vite enfoui dans les profondeurs du monde. La bonne nouvelle, c'est qu'il nous aime…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 162

10 mai 2007

Saisi…

"Dieu a voulu que le Verbe premier né descende vers la créature (…) et soit saisi par elle, et que la créature à son tour saisisse le Verbe et monte vers lui, dépassant ainsi les anges et devenant à l'image et à la ressemblance de Dieu" (1)

Je résonne encore sur le terme de saisissement, qui renvoie à ce que j'écrivais il y a peu sur Philipiens 3… Ce que j'apprécie chez Irénée, c'est ce double saisissement qui a des accents trinitaire. Le Christ nous saisit par l'incarnation pour que nous soyons acteurs du verbe et co-participants à sa bonne nouvelle ?

(1) Saint Irénée, Contre les Hérésies, Livre V, 36,3

09 mai 2007

Souffrir avec

Pour Maritain « Dieu souffre avec nous et beaucoup plus que nous. Il demeure en compassion tant que durera la souffrance sur notre terre ».(1)
Il me semble en effet, que ce 'souffrir avec' participe à l’échange trinitaire et perpétue l’incarnation du Verbe. Il n’aurait pas de sens que la souffrance du Fils s’arrête sur la Croix. Elle est à la fois perpétuée par nos propres souffrances, mais non pas comme un évènement extérieur au mystère trinitaire, mais à mon humble avis, comme constituant essentiel de notre participation en Christ. Quand nous souffrons, nous souffrons en Christ et le cri du calvaire n’est pas éloigné de notre cri. Il est présent, dans l’actualité de nos vies et souffre avec nous, tout en nous portant par l’espérance indéfectible de sa propre victoire qui nous ouvre à l’attente du jour…
A l'inverse, on ne peut ignorer Paul qui affirme qu'il n'y a eu qu'un sacrifice. La tension est à trouver entre ces deux extrêmes...

(1) Maritain in Approches sans entraves p. 316

Sacrement-personnes – Passeur III

"Ce ne sont pas seulement des moyens sensibles inanimés, des sacrements-choses que le Christ emploie pour réaliser son Corps mystique, mais ce sont aussi – et par la même logique – des moyens sensibles animés, des sacrement-personnes". (1)

Le sommes-nous véritablement ? C'est peut-être cela, être passeur…

(1) Y. Congar, Esquisse du mystère de l'Eglise, "Foi-vivante" 18, Paris, Le Cerf, 1966

08 mai 2007

Souffrance de Dieu

Dieu éprouve la souffrance du Fils « à une profondeur qu’aucune créature, aucun homme sauf précisément l’unique qui est son Fils n’a jamais pu atteindre et cela d’ailleurs pour que l’homme ne puisse souffrir aussi excessivement. Cette compassion paternelle de Dieu est le vrai mystère, c’est l’abîme de l’abaissement de son Fils, ce qui constitue en propre l’évènement historique de la mort de ce Fils crucifié » (1)

Barth rejette ici également l’idée que Dieu puisse souffrir jusqu’à l’éternité, comme si l’entrée dans la victoire de la résurrection n’avait pas eu lieu, mais quid alors des phrases de Paul qui parlent d’achever dans sa chair la passion. Est-ce le mystère de la victoire et de l’histoire ?

(1) Barth, KD IV/2 p. 399 cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 217

07 mai 2007

Passeur de Dieu - II

"Ce n'est pas la foi de quelqu'un qui est perçue immédiatement par autrui, ni la Révélation qui l'habite, mais c'est son rayonnement, voire sa présence significative ou révélatrice au sein de l'immense réseau de nos liens" Pour Théobald, c'est en cela que nous devenons signes pour d'autres, que nous sommes passeurs, révélateurs, que nous pouvons aider à accueillir paisiblement, dans un acte de foi leur propre mystère, tel qu'il se présente dans les éléments révélateurs de leur vie et ce grâce au lent compagnonnage de leur propre cheminement. (1)

On retrouve les accents de M. Rondet dans ce texte magnifique publié dans Etudes en 1997 où il nous invitait à ne pas présenter des certitudes mais à accompagner l'homme sur les chemins de sa quête.

(1) d'après Christoph Théobald, in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 142

06 mai 2007

Le Voile…- II

"C'est seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe. Car le Seigneur est esprit et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous, qui le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur, qui est Esprit." 2 Cor 3, 12-18

J'ai toujours été frappé depuis ma lecture de l'Idole et la Distance, de J.L. Marion par cette tension entre distance et proximité qui trouve d'une certaine manière dans le thème du voile, une certaine forme de conceptualisation. La distance n'est là que pour respecter notre liberté, mais comme l'indique le Cantique des cantiques, l'époux est dérrière la porte... ou derrière le voile...

05 mai 2007

Passion de Dieu

Chez Barth, la déréliction est le « reflet d’une passion de Dieu ».

Dieu ne devient pas pour autant étranger à lui-même, il n’est en rien diminué (...) et il n’y a pas pour lui de conflit entre la colère et l’amour. Pour Barth, la liberté est simplement dépassée et reprise dans le dessein ultime de Dieu. Dieu demeure celui qui agit, même quand il se laisse maltraiter. (1)

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 216

04 mai 2007

Création souillée

Après un long développement sur la vulnérabilité de Dieu, telle qu’elle se révèle dans l’Ancien Testament et est reprise ou contestée par les Pères de l’Église sous la pression du concept grec d’un Dieu immutable, Hans Urs von Balthasar analyse plusieurs thèses récentes sur ce thème. Pour Bresnett souligne-t-il (1) « Dieu trouve plus de joie dans une création souillée que dans un vide immaculé ».

J’aime cette vision qui laisse à l’homme toute liberté pour souiller ou embellir le monde, tout en ayant hériter du don le plus grand, celui de suivre son Dieu et participer ainsi à la création positive du monde…

(1) Bresnett, Suffering of the impassible God p. 71, cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 214

03 mai 2007

Pastorale - Rencontres

"Nos rencontres peuvent devenir des lieux de révélation, des formes sacramentelles de la Révélation, comprenant effectivement des événements et des paroles intimement unis entre eux" (1)

Un but à atteindre ?

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 141

02 mai 2007

Un vide sans fond

"Il se révèlera que ce vide sans fond et sans mot que nous ressentons comme une mort est plein, en réalité du mystère primordial que nous nommons Dieu, de sa pure lumière, de son amour qui saisit tout et offre tout (…). Un balbutiement d'un homme qui attend ce qui doit venir en éprouvant l'engloutissement de la mort comme ce surgissement déjà, de ce qui vient". (1)

(1) K. Rahner, Expériences d'un théologien catholique, Paris Cariscript, 1985, pp. 39-41 (conférence prononcée quelques jours avant sa mort), cité par Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 136

01 mai 2007

Violence du monde

On pourrait penser que la montée de l’intelligence humaine, de l’éducation et la mondialisation de l’information permettent de damner le pion à la montée de la violence. Et cependant, un bref retour en arrière sur l’histoire du siècle dernier montre qu’il n’en est rien. « Le crime s'accroît dans la mesure où, montant de l'animalité, il gagne en esprit » (1) et c’est bien notre drame. Plus nous pensons, plus nous pouvons innover dans la violence. C’est pourquoi un certain message écrit sur la chair et le sang, n’a pas perdu son acuité. Car si l’homme est devenu moderne, il reste homme…

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 190