19 septembre 2007

Jeûne

« J’ai mangé une nourriture que vous ne connaissez pas… c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 4, 33s). Il y a là pour Hans Urs von Balthasar, une clef décisive pour l’intelligence du récit de la tentation. En effet, pour lui, c’est le sens du jeûne prolongé que de « se mettre volontairement dans la situation où l’homme ne peut qu’attendre l’aide de Dieu ». Il y a là un décentrement véritable.

A l’inverse, ne pas jeûner serait comme le serpent au paradis : au lieu de s’en remettre à Dieu pour obtenir le fruit de l’arbre de vie (Ap 2,7) on l’usurpe soi-même. Vouloir trouver de sa propre initiative ce que Dieu et lui seul promet de donner à l’indigent, tel est le grand péché où l’on tente Dieu. (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.327

18 septembre 2007

Anthropologie

« Si Dieu devient homme et le demeure éternellement, toute théologie dès lors, demeure pour toujours une anthropologie » (1)

« le fini lui même a acquis une profondeur infinie, il n’est plus l’opposé de l’infini, mais bien ce que l’infini a eu l’intention de devenir, ce qui ouvre pour tout le fini, dont il s’est fait lui-même un membre, une issue pour l’infini ». (2)
Sans commentaires.

(1) K. Rahner, Réflexions théologiques sur l’incarnation, Ecrits théologiques, 3, Paris, DDB, 1963, 92-95
(1) ibid p. 95-97 cité par UvB p. 315

17 septembre 2007

Silence de la croix

« J’aurai beaucoup de choses à vous dire mais vous ne pouvez pas les porter maintenant » (Jn 16,12). Sa passion est toute proche. Alors, nous dit Hans Urs von Balthasar, aucune parole ne peut plus l’exprimer. Il est en effet impossible d’expliciter l’amour divin contenu dans cette passion, et « c’est pourtant là que se trouve le cœur de tout ce que Dieu dit au monde. A ce moment, l’indicible ou ce qui nécessairement entre dans le silence prend toujours plus de place, jusqu’à occuper tout le terrain avec la mort de Jésus. Et il n’y aura finalement rien d’autre que cette action silencieuse pour donner le branle à une herméneutique dont on ne verra jamais la fin ». (1)

J’ai beaucoup devisé sur ce thème dans le tome 2 de Bonheur dans le couple. Depuis le lavement des pieds jusqu’au silence final, les actes comptent plus que les mots. Le silence conclut la Parole.

C’est l’Esprit qui développera et approfondira tout ce qui semble encore enveloppé dans le silence ajoute à ce sujet Hans Urs von Balthasar.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.308
(2) cf le tome 2 de Bonheur dans le couple

16 septembre 2007

Symbolique et dévoilement

« Le symbole donne à penser » de P. Ricoeur que nous avions déjà cité dans notre analyse très antérieure du philosophe est reprise ici par Hans Urs von Balthasar. L’expression y reçoit son vrai sens théologique : « l’accord objectif de la parole et de l’image qu’est Jésus donne lieu à un processus indéfini de compréhension et appropriation ». (1). Pour le théologien, le discours en paraboles n’est jamais conçue pour être mystérieux. Au contraire, les paraboles dévoilent à fond l’amour divin attesté en Jésus et étaient prononcées en vue de dévoiler cet amour, de le donner, d’inviter à le reproduire ».

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.300
(2) ibid p. 303

15 septembre 2007

Icône - II

Une icône n’est pas un simple décalque ou une imitation mais « la véritable monstration de ce qui est le plus intérieur dans l’essence même d’une chose… c’est un rayonnement, une mise en évidence de la réalité essentielle dans sa participation substantielle à l’objet ». (1)

Il faut pour cela prendre de la distance par rapport à l’exaltation que provoque l’apparence, pour sans la nier, la recevoir et entrer dans la contemplation de ce qui est plus profond en elle.

(1) H. Kleinknecht, Das Grieschische Sprachgebrauch von eikon p. 386 cité p. 290

13 septembre 2007

Limites d’espérance

K. Rahner nous dit d’une certaine manière que nous ne pouvons concevoir la résurrection du Christ « qu’à travers notre propre espérance transcendantale de résurrection ». Ce n’est que dans cet horizon intelligible « que peut être espérée et vécue une réalité qui soit de l’ordre de la résurrection de Jésus ». (1)

Cela ne fait que souligner notre petitesse et notre finitude.

(1) Traité fondamental de la Foi, Paris 1983, 302-308 cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 265

12 septembre 2007

Adversaire

Le Christ est l’adversaire de ta volonté jusqu’à ce qu’il devienne l’auteur de ton salut (1) J’entends résonner dans cette affirmation la prophétie du glaive. Ce n’est pas une ballade au clair de lune…

(1) Saint Augustin, Serm. 109, 3, 3 PL 38, 637 cité par Hans Urs von Balthasar, Th. II, p. 258

11 septembre 2007

Connaissance et symphonie


Dieu « communique avec chacune des choses qui entrent dans le mouvement, et c’est ainsi que se justifie une fois de plus le jeu de mots de Claudel posant l’identité de connaissance et de co-naissance » (1). Cela rejoint pour moi l’idée de symphonie de même que la communion des corps et des cœurs est connaissance et co-engendrement de l’être en Dieu. Cette communion symphonique de l’homme et de la femme (2), qui se reçoive et se livre peut alors tout le sens liturgique que lui confère Jean-Paul II, dans ses catéchèses du mercredi.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p. 252-3
(2) cf le tome 2 de Bonheur dans le couple

10 septembre 2007

Calice

Le corps est livré, le sang est versé dans le calice offert. Et cet épanchement de l’être de Dieu n’est pas un prêt. C’est comme le don total du Père dans le Fils, le décentrement total du Christ en l’humanité. Femme voici ton Fils. Je ne suis plus pour moi, je me suis fait don. Et jaillit le fleuve…

09 septembre 2007

Basar

Le terme hébreu basar signifie au sens premier la chair de l’animal que l’on sacrifie. On dit aussi que l’homme est charnel. Pour Hans Urs von Balthasar, l’expression toute chair se rencontre aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament pour désigner l’humanité dans son ensemble. Et c’est seulement dans les textes tardifs de l’Ancien Testament et dans les apocryphes qu’apparaît par infiltration de l’hellénisme une opposition chez l’homme entre la chair et l’esprit.(1)

J’avais déjà longuement discerné sur cette sémantique du terme basar dans mes pages consacrées au « une seule chair » de Gn 2,23 dans en lui donnant la traduction hyperbolique de symphonie.

Je viens de recevoir une autre interprétation que je n’avais pas perçu. C’est l’utilisation de ce sens dans le « qui ne manges pas ma chair et boit mon sang » prononcé par Jésus lors de la Cène. Si chair est la personne toute entière du Christ, manger sa chair prend un sens tellement plus large. C’est une adhésion complète à sa personne, un basculement dans le en-christoï… Et de même, « boire le sang » est l’acte de vie, l’adhésion à une renaissance, au sens de celle de Nicodème.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p. 243

06 septembre 2007

Le temps de l’Esprit

Rupert de Deutz a semble-t-il organisé le schéma trinitaire en l’étendant à l’histoire du monde. Pour lui Dieu intervient dans la création, le Fils est présent du 1er Homme à l’incarnation comme verbe de Dieu, et de l’annonciation à la fin du monde, l’humanité serait d’après lui sous la mouvance de l’Esprit. (1)

Tout cela n’empêche pas, bien sur que les trois personnes agissent en commun.

Son originalité, souligne le théologien, est de commencer la période de l’Esprit non à Pâques mais dès l’annonciation (2).

Je trouve cette analyse très intéressante, dans la mesure où cela conforte l’impression laissée par les paroles du Christ rapportées par Jean. Il n’agit pas pour lui, mais dans la mouvance de l’Esprit. Et de fait, cela renforce cette circumincession kénotique de chaque personnes en Dieu, qui n’agissent pas pour eux-mêmes mais dans un don total, un décentrement constant.

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.220
(2) p. 222

05 septembre 2007

Don total - III

« Le don sans fondement du Père en faveur du Fils est le fait d’un amour qui dépasse, en raison, l’être et la connaissance qu’il a de lui-même ». Hans Urs von Balthasar cite à ce sujet une belle phrase de G. Siewerth « L’amour est en ce sens, plus enveloppant que l’être lui-même ; il est le transcendantal pur et simple qui embrasse la réalité de l’être, de la vérité et de la bonté » (1)

Saisir cela n’est possible, ajoute le théologien « que si l’on ose parler avec Boulgakov, d’une première kénose intra trinitaire, laquelle n’est autre que le dépouillement positif que Dieu fait de lui-même, dans le don de l’essence divine tout entière par les processions. » (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.191
(2) p. 192

04 septembre 2007

Le don total - II

Il ne reste rien à Dieu le Père. Le Père, en engendrant le Fils a « tout donné » (Rm 8,32) sans aucun reste, si bien que pour quiconque refuserait ce tout, le Père n’ait rien d’autre à proposer ». (1) Cela pourrait rester des spéculations de théologien, si ce n’était le cœur du message de la Parabole de l’enfant prodigue. Dieu donne tout et plus encore.

Ainsi ajoute Balthasar « en premier lieu, dans la foulée de la génération par le Père, il y aura une sortie de soi pour se déverser en quelque sorte dans une totalité qui dépasse tout ce qui peut appréhender comme forme, image, expression ». On retrouve l’image souvent évoquée du fleuve jaillissant de l’amour du Fils qui reproduit pour moi le tout donné du Père en un tout donné à son Eglise.

Le théologien précise que l’on ne saurait le qualifier autrement « qu’en le désignant comme amour pur et simple ». « En second lieu, puisque le fondement originaire (...) ne peut être désigné que comme amour pur et simple, le Fils se retourne vers le Père. Et ceci répond à ce qu’il est essentiellement, puisque sa substance n’est que totale réception : en se recevant, il se tourne vers la source ». (2) Pour moi cet aller-retour n’est pas différent du « je te reçois et je me donne à toi », tant et si bien qu’un couple qui perçoit les deux mouvements c'est à dire altérité et retour sur don peut être à son échelle petite « image » trinitaire. Mais cette corrélation reprise d’ailleurs par K. Barth n’est pas acceptable pour Hans Urs von Balthasar (3)

Il distingue non sans raison l’économie trinitaire de l’imitation et souligne que « Tout cela se vérifie dans l’économie et sur la croix » (4)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.162
(2) p. 165-6
(3) cf. p. 187
(4) p. 167

03 septembre 2007

Fidélité de Dieu

L’amour du Dieu fidèle qui constitue le fondement de toute la théologie de l’Alliance en pastorale du mariage n’a de sens que lorsqu’on a découvert, intégré, goûté cet amour de manière personnelle. Il dépend de « l’épiphanie » de Dieu par sa parole ou par le biais d’autrui. Le parallèle entre nos liens avec l’autre et nos liens avec Dieu reste fort. C’est dans l’exercice quotidien de la confiance, mais parfois aussi du doute et de l’absence que ce construit un amour véritable, une fiance.

Mais à cela, le théologien ajoute que « dans la relation avec la créature, il y a toujours eu deux choses : une grâce et l’exigence d’une réponse. Quand la réponse fait défaut, c'est à dire du côté de l’homme, l’histoire de Dieu avec lui est rompue » (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.158

01 septembre 2007

Le don total

Le Père, en engendrant le Fils « n’a pas donné au Fils une partie de sa substance et en a retenu une autre pour lui-même » (1)

« Mais on peut aussi bien dire l’inverse » ajoute Hans Urs von Balthasar « il n’est possible de concevoir qu’il est éternellement le Père que parce que, de toute éternité, il a transmis au Fils tout ce qui lui est propre, y compris la divinité » (2). « Le Père est Père non par lui-même, mais par rapport au Fils » (3)

Aussi peut-on ajouter, à la suite du théologien, que ces processions du Père dans le Fils et dans l’Esprit ne peuvent être finalement qu’une chose : l’amour. « Des circumincessions qui dessine ensemble le visage unique, libre et personnel de Dieu » (4).

(1) DS 805 Conc. Tolet.
(2) Hans Urs von Balthasar, Th. II, p. 147
(3) Conc. Tolet. DS 528
(4) ibid p. 148