28 septembre 2007

Unis par le reflet de la beauté du Christ

La beauté est la cause unique de l'amour; il faut donc que la religion catholique ait revêtu l'homme d'une beauté qu'il n'avait pas auparavant. Mais laquelle ? Si je vous regarde du dehors, vous n'êtes pas changés, votre visage est celui de l'antiquité, et même vous avez perdu quelque chose dans la rectitude des lignes de la physionomie. Quelle beauté nouvelle avez-vous donc reçue ? Ah ! Une beauté qui vous laisse hommes et qui est pourtant divine ! Jésus Christ a mis sur vous sa propre figure, il a touché votre âme avec la sienne, il a fait de vous et de lui un seul être moral. Ce n’est plus vous, c’est lui qui vit en vous. Cette beauté que le monde ne voit pas, nous chrétiens, nous l’entrevoyons ; elle perce à travers l’humanité déshonorée, nous la sentons ; elle nous séduit, non pour un jour, comme la beauté humaine, mais avec l'indélébile magie de l'éternité. Si je vous aime, si je suis forcé de vous parler, si je donnerais ma vie pour le salut d'un seul d'entre vous, ce n'est pas que je sois plus qu'un homme; mais je vois en vous une inexprimable lueur qui vous enveloppe, vous pénètre, et me ravit au-dedans de vous. Je l'ai moi-même à votre oeil si vous êtes chrétiens. A moi comme à vous, dans la vie et dans la mort, il nous restera la beauté qui vient du Christ, son visage qui est sur nous, et l'amour qui en jaillit pour nous réjouir vivants et nous embaumer au tombeau.

Henri Lacordaire, O.P. 25ème conférence de Notre-Dame, in La Liberté de la parole évangélique, Paris, Cerf, p 271-272, coll. Sagesse Chrétienne

26 septembre 2007

Mon âme magnifie le Seigneur

Pourquoi Marie dit-elle: Mon âme magnifie le Seigneur? Considérant que mon Seigneur et Sauveur est l’image du Dieu invisible (Col 1, 15), je peux voir que mon âme a été faite à l'image du Créateur, afin d'être une image de l'Image, car mon âme n'est pas l'image de Dieu, à proprement parler, mais elle a été créée à la ressemblance de la première Image.

Alors je verrai qu'à la manière de ces peintres d'effigies qui ne disposent que d'un unique portrait royal et dont tout l'art réside dans la reproduction de ce modèle, chacun de nous, façonnant son âme à la ressemblance du Christ en propose une image plus grande ou plus petite, terne et laide ou au contraire nette, lumineuse, fidèle au portrait original.

Et si j'agrandis l'image de l'Image - c'est-à-dire mon âme - et si je la magnifie par mes actes, mes pensées, mes paroles, alors l'image de Dieu s'agrandit à son tour et notre âme magnifie le Seigneur lui-même, dont elle est l'image. (1)

(1) Origène, Homélie sur Luc, PG 13, 1820

24 septembre 2007

« Heureux les pauvres de coeur »

La « pauvreté en esprit » me semble désigner l'humilité. L'apôtre Paul nous donne en exemple la pauvreté de Dieu, « qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, pour nous faire partager sa richesse par sa pauvreté » (2Co 8,9). Tout ce que nous pouvons percevoir par ailleurs de la nature divine dépasse les limites de notre condition, mais l'humilité nous est possible ; nous la partageons avec tous ceux qui vivent sur terre, façonnés de la glaise à laquelle ils retournent (Gn 2,7;3,19). Si donc tu imites Dieu en ce qui est conforme à ta nature et ne dépasse pas tes ressources, tu revêts comme un vêtement la forme bienheureuse de Dieu.

Qu'on ne s'imagine pas qu'il est facile d'acquérir l'humilité. Au contraire, ceci est plus difficile que l'acquisition de toute autre vertu. Pourquoi ? Parce qu'à l'heure où se reposait l'homme qui avait semé le bon grain, l'ennemi a semé la part la plus considérable de la semence, l'ivraie de l'orgueil, qui a pris racine en nous (Mt 13,25)... Comme presque tous les hommes sont naturellement portés à l'orgueil, le Seigneur commence les Béatitudes, en écartant ce mal initial de l'orgueil et en conseillant d'imiter le vrai Pauvre volontaire qui en vérité est bienheureux, de manière à lui ressembler, selon notre pouvoir, par une pauvreté volontaire pour avoir part à sa propre béatitude. (1)

(1) Saint Grégoire de Nysse, Homélies sur les Béatitudes, n° 1 (trad. DDB 1979, p.32)

21 septembre 2007

Orgueil


« Quoi que je fasse, ce sera en porte à faux devant le Seigneur. Supposons que j’ai soif : si je bois, j’allège ma souffrance alors que le Seigneur a eu soif sur la croix. Et si je ne bois pas, c’est pour pouvoir maîtriser la souffrance : d’un côté comme de l’autre, c’est de l’orgueil. Quoi que l’on fasse, ce sera toujours à contretemps : Devant Dieu on est toujours qu’un pécheur. Et c’est précisément lorsque l’on est admis à subir la souffrance du Christ et jusque dans son enfer, qu’on peut échapper à cette contradiction : on souffre avec lui et en même temps, il souffre pour moi. » (1)

Il ne peut y avoir de décentrement véritable que s’il est admis par Dieu. Le reste est pur orgueil… J’ai du chemin à parcourir.

(1) EHI, n° 134, Adrienne von Speyr / Hans Urs von Balthasar p. 402

PS ; Sur ces termes, je fais une pose dans la publication de ce blogue... Les messages seront plus espacés, alors que je commence mes cours d'exégèse...

20 septembre 2007

Traversée de l’enfer

Le sujet de l'enfer est toujours délicat et je ne me prononcerai pas plus que dans la présentation de ce point de vue.

Pour Hans Urs von Balthasar, Adrienne von Speyr est la seule à proposer une lecture théologique de la vision luthérienne de l’enfer. Sa démarche n’est ni amour, ni espérance. C’est seulement la « constatation de cette chose purement objective » dans une sorte de connaissance qui lui est surimposée, qu’il rencontre là à l’instant terrible de tous les péchés, tout ce qui est purement et simplement rejeté et n’a plus la moindre chose à voir avec le Père dont la création est toujours bonne.

Il s’agit d’une constatation objective. Le Christ « traverse l’enfer à la rencontre du Père qui ne s’y trouve sûrement pas, mais le fait qu’il le traverse en étant celui qu’il est réellement, c'est à dire le Fils sans péché » n’est pas neutre. Dans ce samedi saint « il se dirige vers deux directions opposées : d’un côté, il va au paradis avec le bon larron mais avec le mauvais larron qu’il veut aller chercher » il ira au plus loin de l’enfer, porteur des péchés, au plus proche. « Il est ce mouvement qui a perdu son être parole (de là son silence) tout en restant l’attestation la plus forte et la plus manifeste du Père au monde ».(1)

Et la mystique ajoutera que cette démarche est trinitaire. Ce qui tombe sous le sens, du fait même de la nature de la Trinité, mais ce qui mérité d’être souligné trois fois.

De même, « Le Père n’est jamais plus présent que dans cette absence sur la croix ». (2)

« Quand le Fils paraît être le plus abandonné par le Père, c’est alors que la déréliction est utilisée pour faire sauter le verrou de la véritable déréliction, celle de l’enfer, et pour faire entrer le Fils, accompagné du monde libéré, dans le ciel du Père ». (3)

(1) Adrienne von Speyr, Kreuz und Hölle, 26 et 333, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 390-393
(2) ibid. 306 cité p. 394
(3) ibid. p. 190s cité p.397

19 septembre 2007

Jeûne

« J’ai mangé une nourriture que vous ne connaissez pas… c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 4, 33s). Il y a là pour Hans Urs von Balthasar, une clef décisive pour l’intelligence du récit de la tentation. En effet, pour lui, c’est le sens du jeûne prolongé que de « se mettre volontairement dans la situation où l’homme ne peut qu’attendre l’aide de Dieu ». Il y a là un décentrement véritable.

A l’inverse, ne pas jeûner serait comme le serpent au paradis : au lieu de s’en remettre à Dieu pour obtenir le fruit de l’arbre de vie (Ap 2,7) on l’usurpe soi-même. Vouloir trouver de sa propre initiative ce que Dieu et lui seul promet de donner à l’indigent, tel est le grand péché où l’on tente Dieu. (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.327

18 septembre 2007

Anthropologie

« Si Dieu devient homme et le demeure éternellement, toute théologie dès lors, demeure pour toujours une anthropologie » (1)

« le fini lui même a acquis une profondeur infinie, il n’est plus l’opposé de l’infini, mais bien ce que l’infini a eu l’intention de devenir, ce qui ouvre pour tout le fini, dont il s’est fait lui-même un membre, une issue pour l’infini ». (2)
Sans commentaires.

(1) K. Rahner, Réflexions théologiques sur l’incarnation, Ecrits théologiques, 3, Paris, DDB, 1963, 92-95
(1) ibid p. 95-97 cité par UvB p. 315

17 septembre 2007

Silence de la croix

« J’aurai beaucoup de choses à vous dire mais vous ne pouvez pas les porter maintenant » (Jn 16,12). Sa passion est toute proche. Alors, nous dit Hans Urs von Balthasar, aucune parole ne peut plus l’exprimer. Il est en effet impossible d’expliciter l’amour divin contenu dans cette passion, et « c’est pourtant là que se trouve le cœur de tout ce que Dieu dit au monde. A ce moment, l’indicible ou ce qui nécessairement entre dans le silence prend toujours plus de place, jusqu’à occuper tout le terrain avec la mort de Jésus. Et il n’y aura finalement rien d’autre que cette action silencieuse pour donner le branle à une herméneutique dont on ne verra jamais la fin ». (1)

J’ai beaucoup devisé sur ce thème dans le tome 2 de Bonheur dans le couple. Depuis le lavement des pieds jusqu’au silence final, les actes comptent plus que les mots. Le silence conclut la Parole.

C’est l’Esprit qui développera et approfondira tout ce qui semble encore enveloppé dans le silence ajoute à ce sujet Hans Urs von Balthasar.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.308
(2) cf le tome 2 de Bonheur dans le couple

16 septembre 2007

Symbolique et dévoilement

« Le symbole donne à penser » de P. Ricoeur que nous avions déjà cité dans notre analyse très antérieure du philosophe est reprise ici par Hans Urs von Balthasar. L’expression y reçoit son vrai sens théologique : « l’accord objectif de la parole et de l’image qu’est Jésus donne lieu à un processus indéfini de compréhension et appropriation ». (1). Pour le théologien, le discours en paraboles n’est jamais conçue pour être mystérieux. Au contraire, les paraboles dévoilent à fond l’amour divin attesté en Jésus et étaient prononcées en vue de dévoiler cet amour, de le donner, d’inviter à le reproduire ».

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.300
(2) ibid p. 303

15 septembre 2007

Icône - II

Une icône n’est pas un simple décalque ou une imitation mais « la véritable monstration de ce qui est le plus intérieur dans l’essence même d’une chose… c’est un rayonnement, une mise en évidence de la réalité essentielle dans sa participation substantielle à l’objet ». (1)

Il faut pour cela prendre de la distance par rapport à l’exaltation que provoque l’apparence, pour sans la nier, la recevoir et entrer dans la contemplation de ce qui est plus profond en elle.

(1) H. Kleinknecht, Das Grieschische Sprachgebrauch von eikon p. 386 cité p. 290

13 septembre 2007

Limites d’espérance

K. Rahner nous dit d’une certaine manière que nous ne pouvons concevoir la résurrection du Christ « qu’à travers notre propre espérance transcendantale de résurrection ». Ce n’est que dans cet horizon intelligible « que peut être espérée et vécue une réalité qui soit de l’ordre de la résurrection de Jésus ». (1)

Cela ne fait que souligner notre petitesse et notre finitude.

(1) Traité fondamental de la Foi, Paris 1983, 302-308 cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 265

12 septembre 2007

Adversaire

Le Christ est l’adversaire de ta volonté jusqu’à ce qu’il devienne l’auteur de ton salut (1) J’entends résonner dans cette affirmation la prophétie du glaive. Ce n’est pas une ballade au clair de lune…

(1) Saint Augustin, Serm. 109, 3, 3 PL 38, 637 cité par Hans Urs von Balthasar, Th. II, p. 258

11 septembre 2007

Connaissance et symphonie


Dieu « communique avec chacune des choses qui entrent dans le mouvement, et c’est ainsi que se justifie une fois de plus le jeu de mots de Claudel posant l’identité de connaissance et de co-naissance » (1). Cela rejoint pour moi l’idée de symphonie de même que la communion des corps et des cœurs est connaissance et co-engendrement de l’être en Dieu. Cette communion symphonique de l’homme et de la femme (2), qui se reçoive et se livre peut alors tout le sens liturgique que lui confère Jean-Paul II, dans ses catéchèses du mercredi.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p. 252-3
(2) cf le tome 2 de Bonheur dans le couple

10 septembre 2007

Calice

Le corps est livré, le sang est versé dans le calice offert. Et cet épanchement de l’être de Dieu n’est pas un prêt. C’est comme le don total du Père dans le Fils, le décentrement total du Christ en l’humanité. Femme voici ton Fils. Je ne suis plus pour moi, je me suis fait don. Et jaillit le fleuve…

09 septembre 2007

Basar

Le terme hébreu basar signifie au sens premier la chair de l’animal que l’on sacrifie. On dit aussi que l’homme est charnel. Pour Hans Urs von Balthasar, l’expression toute chair se rencontre aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament pour désigner l’humanité dans son ensemble. Et c’est seulement dans les textes tardifs de l’Ancien Testament et dans les apocryphes qu’apparaît par infiltration de l’hellénisme une opposition chez l’homme entre la chair et l’esprit.(1)

J’avais déjà longuement discerné sur cette sémantique du terme basar dans mes pages consacrées au « une seule chair » de Gn 2,23 dans en lui donnant la traduction hyperbolique de symphonie.

Je viens de recevoir une autre interprétation que je n’avais pas perçu. C’est l’utilisation de ce sens dans le « qui ne manges pas ma chair et boit mon sang » prononcé par Jésus lors de la Cène. Si chair est la personne toute entière du Christ, manger sa chair prend un sens tellement plus large. C’est une adhésion complète à sa personne, un basculement dans le en-christoï… Et de même, « boire le sang » est l’acte de vie, l’adhésion à une renaissance, au sens de celle de Nicodème.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p. 243