11 décembre 2014

Le royaume est parmi vous

L'interprétation brillante que John P. Meier fait de Luc 17, 20-21 (1) nous ramène à notre propre foi. On peut en effet attendre la fin du monde qui réglerait tous nos problèmes et punirait les impies. Ce serait passer à côté de ce que nous dit Jésus. Le royaume de Dieu est au milieu de vous. A l'époque où la phrase est prononcée, après la guérison des dix lépreux, c'est bien sûr Jésus. Mais aujourd'hui encore, n'est-il pas présent dans le regard aimant d'un frère, dans le service rendu, dans les gestes réellement gratuits échangés, bref dans la charité active qui manifestent encore sa présence ?

(1) op cit P. 344 ss

07 décembre 2014

La custode

J'ai lu il y a quelques années, dans une retraite à Aix, un petit livre de Teilhard de Chardin, baptisé la custode. Il décrivait ce Christ auquel l'on communiait et qui s'échappait quant on voulait le "garder pour soi". 
Je viens de trouver ce que je crois en être un petit extrait dans une conférence : "« Ô ! Seigneur, je le désire, que mon acceptation soit toujours plus entière, plus large, plus intense, que mon être se présente toujours plus ouvert, plus transparent à Votre influence »
Je n'ai jamais pu remettre la main sur ce texte, mais, en lisant ce texte de Benoît de Ford (1), un cistercien du 11ème siècle, je retrouve un peu cette idée : « Je suis le pain de vie, dit Jésus ; celui qui vient à moi n'aura jamais faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif » (Jn 6,35)... Il exprime ainsi par deux fois le rassasiement éternel où rien ne manque plus.La Sagesse dit pourtant : « Ceux qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif » (Si 24,21). Le Christ, qui est la Sagesse de Dieu, n'est pas mangé pour rassasier dès à présent notre désir, mais pour nous faire désirer ce rassasiement ; et plus nous goûtons sa douceur, plus notre désir en est stimulé. C'est pourquoi ceux qui le mangent auront encore faim, jusqu'à ce que vienne le rassasiement. Mais lorsque leur désir aura été comblé, ils n'auront plus faim ni soif.
« Ceux qui me mangent auront encore faim. » Cette parole peut aussi s'entendre du monde futur, car il y a dans le rassasiement éternel comme une sorte de faim qui ne vient pas du besoin mais du bonheur. Le rassasiement n'y connaît pas de satiété ; le désir n'y connaît pas de gémissements. Le Christ, toujours admirable dans sa beauté est aussi toujours désirable, « lui que les anges désirent contempler » (1P 1,12). Ainsi, alors même qu'on le possède, on le désire ; alors même qu'on le tient, on le cherche, selon qu'il est écrit : « Sans relâche cherchez sa face » (Ps 104,4). Il est en effet toujours cherché, celui qui est aimé pour être possédé à jamais. "
(1) cité par Évangile au quotidien,
Benoît de Ford, Le Sacrement de l'autel, PL 204, 690 (trad. Orval) ‎



05 décembre 2014

Lectures pastorales - Complément de recherche

‎Comment lire la parole de Dieu ? 
Plusieurs avis divergent sur le sujet, même si une lecture à plusieurs est toujours privilégiée. Il y a néanmoins toujours la possibilité de se retirer dans sa chambre à l'abri du bruit du monde, pour une rencontre particulière et intime avec ce que Dieu a à nous dire dans le secret. C'est aussi le chemin de l'oraison qui fait d'une prière, ligne après ligne, le chemin d'une rencontre personnelle.
Depuis des années l'auteur de ces pages passe de l'une à l'autre de ces méthodes au gré du temps et des rencontres. Ce livre à venir rassemblera plusieurs essais et plusieurs approches. 
L'évangile de Marc (déjà paru sous epub gratuit) favorisera une lecture personnelle. Les notes ne sont là que pour répondre à des obstacles jugés insurmontables. Elles ont été rédigées pour répondre aux questions d'un lecteur anonyme qui s'est plié à l'exercice de lire l'évangile le plus court d'une traite en se contentant de souligner ses questions.
L'évangile de Luc est abordé différemment, comme une lecture commentée en s'attachant à ne pas quitter l'approche particulière de l'auteur, dans le cadre de ce que l'on appelle une lecture narrative qui ne s'interroge que peu aux sources.
Matthieu (en cours de rédaction) sera abordé de manière similaire, mais en ajoutant une lecture synoptique, qui met en regard les propos de l'auteur avec les deux autres évangélistes précités. 
Enfin Jean  a déjà fait l'objet d'une première lecture contemplative avant de l'aborder sous l'angle théologico- pastorale ‎dans le cadre d'un autre ouvrage paru sous le titre "à genoux devant l'homme".
Au total, ces "lectures pastorales" vous invitent à trouver votre propre chemin qui ne peut qu'être unique qu'il soit individuel ou plus idéalement en Église.
Ajoutons qu'à cette lecture des quatre Évangiles s'ajoute celle des Actes et des lettres de Paul, dans un ouvrage déjà paru sous epub sous le titre de "Chemin d'Eglise"...
Comme tous les travaux presentés sur ce blog, une aide de relecteurs sera toujours là bienvenue.

04 décembre 2014

Psychologie humaine et libertés


Comme le montre fort bien John P. Meier (1) à l'époque de Jésus on avait du mal à considérer que l'âme humaine puisse ne pas être habitée par Dieu ou le malin. Il n'y avait pas de lieu neutre. Aujourd'hui, peut-être que notre insistance sur la liberté humaine nous fait ignorer l'importance d'un discernement intérieur.

(1) op cit. p. 332 tome 2

03 décembre 2014

Jésus l'exorciste

‎Que Jésus soit un exorciste parmi d'autres en son temps, voir directement en concurrence, John P. Meier ne le nie pas. Par contre, il insiste sur "la configuration particulière des différentes composantes de son activité ministérielle qui forment un tout." (1)
Et c'est peut-être là qu'il nous faut chercher les traces d'un homme, serviteur de l'humain dans son contexte particulier du monde juif du premier siècle. Car ce n'est pas pour un fait particulier mais pour l'ensemble de sa vie et de sa mort qu'il est l'unique médiateur.


(1) op. Cit., tome 2, p. 322

02 décembre 2014

La charité

Je reviens d'un samedi fort instructif chez les dominicains, au 222 rue du Faubourg sur le thème de la justice, organisé par le GPCF. Nous y avons débattu de la question de notre responsabilité, à la lumière de l'intervention d'un philosophe, qui nous a rappelé ces textes d'Emmanuel Lévinas, que j'aime tant.

Nous y avons eu une discussion intéressante sur le don. Nous n'étions pas tous d'accord. J'ai entendu une phrase qui m'a frappé : "Ce n'est pas parce que je suis un catho qu'il faut tout me demander'. Une réaction qui interpelle.

La logique du don, que j'évoquai à la lumière d'Etant donné de Jean-Luc Marion est-elle inaccessible ? N'est-ce possible qu'en Dieu, avec Dieu.. En Christo  ?
La charité n'est-elle qu'une utopie. Et quels sont nos pauvres ?
Lévinas est excessif, nous dit, un peu abruptement Sibony. Le Christ l'est peut-être aussi pour le monde d'aujourd'hui ! Mais est-il mort pour rien ?

La pauvreté n'a pas disparue... Elle est multi-forme...

A propos des pauvres d'aujourd'hui, je retombe sur ce petit texte de Mère Térésa, qui met peut-être les choses en perspectives...

"Vous qui habitez en Occident, bien plus que la pauvreté matérielle, vous connaissez la pauvreté spirituelle, et c'est pour cela que vos pauvres sont parmi les plus pauvres. Parmi les riches, il y a souvent des personnes spirituellement très pauvres. Je trouve qu'il est facile de nourrir un affamé ou de fournir un lit à un sans-abri, mais consoler, effacer l'amertume, la colère et l'isolement qui viennent de l'indigence spirituelle, cela demande beaucoup plus de temps."

Bienheureuse Teresa de Calcutta (1910-1997), fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité, No Greater Love, p. 93 


24 novembre 2014

Renversement kénotique



Je me réjouis de constater que John P. Meier finit par conclure sur l'historicité‎ probable des 3 premières béatitudes de Matthieu et de Luc (1)
Elle conforte l'idée de ce que j'appelle le renversement ou l'inversion kénotique c'est à dire le fruit de la kénose. Si Jésus peut affirmer heureux les pauvres, les affligés et les affamés c'est probablement parce que l'essentiel de son incarnation se joue là : Dieu vient visiter les affligés, il a entendu leur souffrance et se fait serviteur.

(1) ibid p. 283

23 novembre 2014

Christ serviteur - suite

La liturgie des textes de Christ roi soutient à sa manière l'idée de Dieu serviteur
Car qu'est ce qu'un bon roi si ce n'est celui qui prend réellement soin de ses sujets. Quel est le sens de notre fonction baptismale de roi si ce n'est d'entrer à sa suite, dans la même logique d'un roi serviteur ce que judas na pu comprendre en Jn 12 et 13. 
Ecoutons les textes de ce dimanche : Livre d'Ézéchiel 34,11-12.15-17 : " Parole du Seigneur Dieu : Maintenant, j'irai moi-même à la recherche de mes brebis, et je veillerai sur elles. 
Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau quand elles sont dispersées, ainsi je veillerai sur mes brebis, et j'irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de brouillard et d'obscurité. 
C'est moi qui ferai paître mon troupeau, et c'est moi qui le ferai reposer, déclare le Seigneur Dieu. 
La brebis perdue, je la chercherai ; l'égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la soignerai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître avec justice.(...) »
Le Psaume 23(22),1-2a.2b-3.5.6 va dans le même sens : " Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. il me conduit par le juste chemin pour l'honneur de son nom. (...)
De même, l'Évangile de Matthieu 25,31-46. "(...) 'Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. 
Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger ; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; 
j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi ! '
Alors les justes lui répondront : 'Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu...  ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ?
tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et nous t'avons habillé ? 
tu étais malade ou en prison... Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ? '
Et le Roi leur répondra : 'Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.. »
Saint Jean XXIII (1881-1963), commente ainsi ce texte :   "Que ton Règne arrive, ô Roi de Gloire ! (Ps 23) (..) Règne sur notre patrie afin que tous les citoyens, (...) se sentent les fils du même Père céleste, appelés à coopérer au bien temporel de tous, heureux d'appartenir à l'unique corps mystique dont ton sacrement est à la fois le symbole et la source intarissable !       (...) Fais que tous les peuples, Jésus eucharistique, te servent en toute liberté, conscients de ce que « servir Dieu, c'est régner ». 


( 1) Prière en l'honneur du Roi eucharistique (Bulletin quotidien de l'Ufficio Stampa Vaticana, 24/01/1959

19 novembre 2014

Abba - Notre Père


Selon John P. Meier (1), la version originelle du Notre Père en araméen devait commencer par abba, qu'il traduit par "notre père chéri". Même si la notion de père est parfois difficile à porter pour certains enfants de nos générations blessées, je me plais à contempler le Christ appeler son père ainsi. Cela dit beaucoup de la relation intra-trinitaire.

Plus encore, Meier (2) souligne le contraste entre :
-  cette appellation familiale :  (Abba)
-  et l'idée de royaume qui suit dans les deux versets suivants : (qui est aux cieux / Que ton règne vienne)

Le contraste est pour lui saisissant.
Dans notre contemplation d'un Christ serviteur, il y a peut être un biais à étudier, celui du serviteur qui devient fils ou ami. On a là en effet une tension qui s'ouvre entre distance et proximité, entre puissance et faiblesse, volonté et renoncement.

(1) tome 2, p. 238
(2) ibid p. 244

18 novembre 2014

Un banquet de la Parole : Jn 2, 1-11, Jn 17 de Cana au dernier repas...

‎Suivant le lien donné par John P. Meier (1) j'ai expérimenté avec mon groupe de Saint Philippe la mise en perspective des deux textes suivants :
A - Jn 2, 1-11 : le récit de Cana,
B - Jn 17 : Le dernier discours.

Cette lecture en parallèle renforce la perception théologique de Cana, pour qui "le troisième jour" (Jn 2, 1) n'est finalement qu'une illustration de cette éclosion progressive de la gloire, qui s'étend de la vie à la mort et de la croix à la glorification du Père par le Fils.

A cela, nos 6 jarres incomplètes sont invitées à la noce, et comme le disait Varillon, il ne reste plus à Dieu qu'à " diviniser ce que nous avons [tenté] d humaniser ". Le rêve d'unité qui transparaît de Jn 17 ne souligne que mieux la vision à la fois eucharistique et eschatologique du récit de Jn 2.

(1) op. Cit. Tome 2, p. 725ss

17 novembre 2014

Mt 11, 16-19 - danse trinitaire

‎Les lecteurs de Danse trinitaire (1) se rappelleront peut être de mon utilisation osée de Mt 11, 16-19 (//Lc 7) pour justifier le fait que Jésus nous appelle à la danse.


A qui comparerai-je cette génération? Elle ressemble à des enfants assis dans des places publiques, et qui, s'adressant à d'autres enfants, disent: 

A Nous vous avons joué de la flûte, et vous n'avez pas dansé;
B nous avons chanté des complaintes, et vous ne vous êtes pas lamentés.
B' Car Jean est venu, ne mangeant ni ne buvant, et ils disent: Il a un démon.
A' Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant, et ils disent: C'est un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des gens de mauvaise vie. 



La lecture de John P Meier qui voit dans ce texte un chiasme antithétique admirable (cf. A BB' A') en particulier dans la version de Matthieu me conforte dans mon analyse. Pour lui, c'est bien Jésus qui nous invite ici à une danse joyeuse, par opposition au chant funèbre de Jean (2).

Ce qui me réjouit aussi est que ce texte est considéré par lui, a la suite de E. P. Sanders, comme très certainement authentique et non comme un ajout de l'Église primitive, tant la citation qui suit et s'y accorde présentant Jésus comme "un glouton et un ivrogne" ‎ne peut être un ajout de l'Église primitive. (3)


(1) La danse trinitaire in A genoux devant l'homme
(2) John P. Meier, tome 2, op. Cit. p. 143
(3) ibid. p. 144-146



12 novembre 2014

Pourquoi Jésus a-t-il accepté le baptême de Jean - Jésus serviteur (suite)

‎La thèse d'Hollenbach, soulignée par John P. Meier (1) est qu'il se considérait comme pécheur, ce qui n'est pas inintéressant conceptuellement, même si notre position catholique exclut qu'il le fut. Demeure la question. Pourquoi ce geste ? Il n'est pas impossible de concevoir que ce geste s'inscrive dans le mouvement kénotique qui caractérise le sens même de son incarnation. Meier donne sur cette piste l'exemple d'Esdras qui souhaitait s'associer au repentir collectif du peuple. Christ a été jusqu'aux enfers relever Adam insiste nos amis orthodoxes dans leur iconographies. 
La réponse à la question n'est pas éloignée de leur contemplation. Elle travaille notre compréhension de la kénose, c'est à dire cette volonté de rejoindre l'homme jusque dans ses mouvements intérieurs. 
Quelle que soit la véracité des propos de Jean sur Jésus (celui qui vient après moi...), la quasi certitude ‎du baptême de Jésus nous indique les conditions même de cette kénose qui va jusqu'à reconnaître "l'autorité charismatique de Jean" (2) et donc implique que Jésus s'inscrive dans un rite d'origine humaine (même s'il était inspiré) probablement parce que ce geste accompagne tout homme dans le processus de conversion intérieur mais aussi collectif (avantage du rite) qui nécessite de passer par la mort - que signifie cette plongée dans l'eau - pour venir à la vie.

Bien sûr, la reprise théologique de ce geste va ensuite de source : elle est soulignée par les évangélistes dans les récits théophaniques ‎qui suivent. Elle rejoint aussi ce pont que nous avons souligné : le passage par la mort préfigure le sacrifice unique du Christ en Croix.

(1) op. Cit, tome 2, p. 98
(2) ibid. p. 103

09 novembre 2014

Service et édification - Christ serviteur


La diaconie est aussi une manière d'entrer dans l'édification du "temple"

A cet égard, Ephésiens 2 nous invitent à la méditation :
"Vous n'êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes citoyens du peuple saint, membres de la famille de Dieu, car vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c'est le Christ Jésus lui-même. En lui, toute la construction s'élève harmonieusement pour devenir un temple saint dans le Seigneur. En lui, vous êtes, vous aussi, des éléments de la construction pour devenir par l'Esprit Saint la demeure de Dieu"  (Ep 2, 19-22)

De même, la liturgie nous fait entrer dans cette contemplation  :

Jésus Christ, pierre angulaire
Méprisée des bâtisseurs,
Mais unique aux yeux du Père,
Nous chantons notre bonheur
D'être, en toi, pierres vivantes
Édifiées dans ta maison :
Mystérieuse communion,
Que l'amour fonde et cimente.

De ces vies que la souffrance
A taillées et martelées,
De ces pierres où l'espérance
A gravé sa nouveauté,
Tu construis le sanctuaire,
Où réside l'Esprit Saint,
Et l'Église est le témoin
Du salut pour notre terre.

Jésus Christ, pierre de faite,
Où convergent à l'infini
Et s'embrassent tous les êtres,
Que déjà l'amour unit,
L'Esprit Saint à ta louange
De ces pierres tire un chant
Qui jaillit secrètement
Et s'accorde aux voix des anges.

Le texte de saint Césaire d'Arles (1) va aussi dans ce sens :

"Tous, frères très chers avant le baptême, nous avons été des temples du diable ; après le baptême, nous sommes devenus des temples de Dieu ; et si nous réfléchissons attentivement au salut de notre âme, nous savons que nous sommes le temple véritable et vivant de Dieu. Dieu n'habite pas seulement dans des temples faits de la main de l'homme, ni dans une demeure de bois et de pierres, mais principalement dans l'âme créée à l'image de Dieu, par la main du Créateur lui-même. C'est ainsi que saint Paul a dit : Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c'est vous."  (2)


Ajoutons,  à ce commentaire, les textes que proposent la liturgie pour la fête de la Dédicace de la basilique du Latran.

Livre d'Ézéchiel 47,1-2.8-9.12.

Au cours d'une vision reçue du Seigneur, l'homme qui me guidait me fit revenir à l'entrée du Temple, et voici : sous le seuil du Temple, de l'eau jaillissait en direction de l'orient, puisque la façade du Temple était du côté de l'orient. L'eau descendait du côté droit de la façade du Temple, et passait au sud de l'autel.
L'homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l'extérieur, jusqu'à la porte qui regarde vers l'orient, et là encore l'eau coulait du côté droit.
Il me dit : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux.
En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent.
Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. "

Le psaume 46 évoqué le même jour nous invite aussi a percevoir que dans cette course, Dieu est pour nous "refuge et force, secours dans la détresse, toujours offert." Il continue d'ailleurs en ajoutant cette belle image vue chez Ézéchiel

"Fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu,
la plus sainte des demeures du Très-Haut.
Dieu s'y tient : elle est inébranlable ;
quand renaît le matin, Dieu la secourt.

Il est avec nous, le Seigneur de l'univers ;
citadelle pour nous, le Dieu de Jacob !
Venez et voyez les actes du Seigneur,
Il détruit la guerre jusqu'au bout du monde."

C'est fort de ces deux textes que nous pouvons saisir l'enjeu "personnel" du récit tiré de l'Evangile.
On perçoit alors mieux l'enjeu de ce que de demande Paul.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2,13-22.

Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem.
Il trouva installés dans le Temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. »
Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Écriture : L'amour de ta maison fera mon tourment.
Les Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? »
Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps.
Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite".

Nous pouvons en effet rester en dehors du conflit qui oppose le Christ aux marchands du temple.

Mais une lecture selon les "4 sens" (3)  nous éveillera peut être plus loin. Lorsque  que nous percevrons soudain que le conflit est aussi intérieur.  C'est en nous que Jésus veut chasser les marchands.

 Saint Augustin va aussi dans ce sens :

"Salomon, parce qu'il était prophète, a fait un temple de pierre et de bois…pour le Dieu vivant qui a fait le ciel et la terre, et dont la demeure est aux cieux… Pourquoi Dieu a-t-il demandé qu'un temple soit bâti ? Était-il privé de demeure ? Écoutez le discours d'Étienne, au moment de sa Passion : « Salomon, dit-il, lui construisit une maison, mais le Très-Haut n'habite pas les temples faits de main d'homme » (Ac 7,48). Pourquoi dès lors a-t-il bâti ou fait bâtir un temple ? Pour préfigurer le corps du Christ. Le premier temple n'était qu'une ombre (Col 2,17) : quand la lumière vient, l'ombre s'enfuit. Cherches-tu maintenant le temple construit par Salomon ? C'est une ruine que tu trouves. Pourquoi ce temple n'est-il que ruine ? Parce que la réalité qu'il annonçait s'est accomplie. Le vrai temple, le corps du Seigneur, est tombé aussi, mais il s'est relevé, et si bien relevé qu'il ne pourra jamais plus tomber…      Et nos corps à nous ? Ils sont membres du Christ. Écoutez saint Paul : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Co 6,15) Lorsqu'il dit : « Vos corps sont les membres du Christ », qu'est-ce à dire, sinon que nos corps, joints à notre tête qui est le Christ (Col 1,18), font ensemble un temple unique, le temple de Dieu ? Avec le corps du Christ, nos corps sont ce temple… Laissez-vous construire dans l'unité, pour ne pas tomber en ruine en restant séparés." (4)


(1) Homélie de saint Césaire d'Arles pour l'anniversaire d'une dédicace
(2) 1 Corinthiens 3, 17
(3) Henri de Lubac, op. cit.
(4) Saint Augustin, Sermon Morin n°3, 4 ; PLS 2, 664 (trad. Solesmes, Lectionnaire, t. 3, p. 916 rev.)



08 novembre 2014

Serviteur de l'homme - Les limites de l'exercice

‎Le risque dans tout essai christologique, y compris celui sur lequel je travaille sur l'humilité du Christ, est d'avoir une idée préconçue de Dieu, de "projeter [ses] conceptions théologiques préférées sur une image de Jésus qui viendrait légitimer [sa] thèse" (1).

Ce n'est pas à exclure, en ce qui me concerne, d'autant que mes propres travaux sur la kénose sont très antérieurs à ces éléments. Quelques remarques sont à apporter pour ma défense :
- la thèse kénotique ne vient pas de moi, mais de Philippiens 2
- le fait que je souligne d'autres convergences dans les apports exégétiques ‎sur le baptême et le lavement des pieds me permettent de considérer que l'on répond là aux critères de la multiplicité des sources. Que le Christ lui-même souligne ce point dans des textes divers, et peu susceptibles de critique sur leur historicité, du fait de l'embarras qu'ils génèrent, me font perdurer sur cette voie.
Mais le lecteur est prévenu...

Il faut aussi souligner que tous apports et réflexions ‎sur Jésus ne peuvent présenter qu'une facette d'un ensemble plus vaste et par définition insaisissable.
Le fait de souligner l'insistance du Christ sur la notion de serviteur, qui s'appuie notamment sur de nombreuses citations et attitudes ( cf. Jn 13, Mt 18, 1-5; 20, 28 et Lc 9. 46. 48; 22, 27, Mc 9 34 ; 10, 44-45) n'exclut pas les autres aspects de la révélation. Ils ne font qu'insister sur une de ses facettes, et développer les implications qui en découlent, notamment en matière de pastorale. 

Notre propos cherchera donc à mettre en parallèle ces citations, les insérer dans un contexte plus large (vie et mort du Christ, reprise par les premiers chrétiens et notamment Paul, par les Pères de l'Eglise) avant de saisir la manière dont cette tradition diaconique a vécu et s'est développée ou éteinte dans l'Eglise.

Voici donc quel serait le plan possible de notre recherche.

1) Les actes kénotiques de Jésus 
2) Les ‎paroles qui accompagnent et expliquent les actes
3) Christ nous invite au service
4) La passion, ultime kénose 
5) Relecture paulinienne
6) Correspondance dans l'Ancien Testament (Serviteur souffrant dans Isaïe)
7) Diaconie
8) Conclusions et ouvertures

Plusieurs fragments préexistent à ce travail et devront être résumés et/ou insérer dans notre approche :
1) "A genoux devant l'homme" qui résume notre recherche sur les attitudes chez Jean 
2) nos notes récentes sur le baptême du Christ chez John P. Meier
3) "Le dernier pont" qui trace un lien avec la Passion
4) nos propos déjà repris dans Chemins d'Eglise 
5) les éléments déjà publiés ici sur la diaconie en lien avec le texte de la commission théologique internationale, et notre lecture de Congar, Moingt et Grieu
6) Certains points publiés dans "Dieu de faiblesse"



Le chapitre 2b sur le Christ nous invite au service pourra inclure notamment les textes suivants 

1. Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 17,7-10.

Jésus disait aux Apôtres : « Lequel d'entre vous, quand son serviteur vient de labourer ou de garder les bêtes, lui dira à son retour des champs : 'Viens vite à table'?
Ne lui dira-t-il pas plutôt : 'Prépare-moi à dîner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et que je boive. Ensuite tu pourras manger et boire à ton tour. '
Sera-t-il reconnaissant envers ce serviteur d'avoir exécuté ses ordres ?
De même vous aussi, quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir. ' »


2. « Dites-vous : ' Nous sommes des serviteurs quelconques ' »

      Les yeux du Seigneur regardent les humbles, pour qu'ils se réjouissent. Mais la face du Seigneur se détourne des orgueilleux, pour les humilier. L'humble reçoit toujours de Dieu la compassion… Fais-toi petit en tout devant tous les hommes, et tu seras élevé plus haut que les princes de ce monde. Devance tous les êtres, embrasse-les, abaisse-toi devant eux, et tu seras honoré plus que ceux qui offrent de l'or. Descends plus bas que toi-même, et tu verras la gloire de Dieu en toi. Car là où germe l'humilité, là se répand la gloire de Dieu… Si tu as l'humilité dans ton cœur, Dieu t'y révélera sa gloire…       N'aime pas l'honneur, et tu ne seras pas déshonoré. L'honneur fuit devant celui qui court après lui. Mais l'honneur poursuit celui qui le fuit, et il proclame à tous les hommes son humilité. Si tu te méprises toi-même, afin de ne pas être honoré, c'est Dieu qui te manifestera. Si tu te blâmes toi-même par amour de la vérité, Dieu permettra que tu sois loué devant toutes ses créatures. Elles ouvriront devant toi la porte de la gloire de ton Créateur, et elles te loueront. Car tu es en vérité à son image et à sa ressemblance (Gn 1,26).  (2)


(1) John P. Meier op. Cit. p. 97
(2) Isaac le Syrien (7ème siècle), moine près de Mossoul, Discours, 1ère série, n°5 (trad. Touraille, DDB 1981, p. 87 rev.)

07 novembre 2014

Humilité du Christ - II Liturgie du vendredi

La liturgie du Vendredi nous fait cadeau de deux hymnes qui entrent aussi dans cette comtemplation de l'humilité du Christ :

Hymne 1 :

Pour le trouver...
Ouvrons les yeux,
Cherchons sa trace et son visage,
Découvrons-le qui est caché
Au cœur du monde comme un feu !

Puisqu'il est avec nous
Pour ce temps de violence,
Ne rêvons pas qu'il est partout
Sauf où l'on meurt...
Pressons le pas,
Tournons vers lui notre patience,
Allons à l'homme des douleurs
Qui nous fait signe sur la croix !

Puisqu'il est avec nous
Dans nos jours de faiblesse,
N'espérons pas tenir debout
Sans l'appeler...
Tendons la main,
Crions vers lui notre détresse ;
Reconnaissons sur le chemin
Celui qui brûle nos péchés !

Puisqu'il est avec nous
Comme à l'aube de Pâques,
Ne manquons pas le rendez-vous
Du sang versé…
Prenons le pain,
Buvons la coupe du passage :
Accueillons-le qui s'est donné
En nous aimant jusqu'à la fin !

Hymne 2 :

Dieu caché,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce fruit nouveau-né
Dans la nuit qui t'engendre à la terre ;
Tu dis seulement
Le nom d'un enfant :
Le lieu où tu enfouis ta semence.

R/Explique-toi par ce lieu-dit :
Que l'Esprit parle à notre esprit
Dans le silence !

Dieu livré,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce corps partagé
Dans le pain qui te porte à nos lèvres ;
Tu dis seulement :
La coupe du sang
Versé pour la nouvelle confiance. R/

Dieu blessé,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que cet homme humilié
Sur le bois qui t'expose au calvaire !
Tu dis seulement :
L'appel déchirant
D'un Dieu qui apprendrait la souffrance. R/

Dieu vaincu,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ces corps décharnés
Où la soif a tari la prière ;
Tu dis seulement :
Je suis l'innocent,
A qui tous les bourreaux font violence. R/

Dieu sans voix,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce signe levé,
Edifié sur ta pierre angulaire !
Tu dis seulement :
Mon peuple est vivant,
Debout, il signifie ma présence. R/

Dieu secret,
Tu n'as plus d'autre Parole
Que ce livre scellé
D'où l'Agneau fait jaillir ta lumière.
Tu dis seulement
Ces mots fulgurants :
Je viens! J'étonnerai vos patiences !

R/Explique-toi par ce lieu-dit :
Que l'Esprit parle à notre esprit
Dans le silence !