18 mai 2016

Christ, discours de Dieu

Une belle contemplation qui rejoint la joie intérieure de ceux qui communient au corps et au sang du Christ : "Le Christ est ce discours de Dieu, adressé à nous tous. Ce n'est pas du dehors qu'il nous parle, c'est en nous ; il nous atteint au plus intime de notre nature (...) par l'incarnation, nous sommes transportés dans la sphère du dialogue (...) introduit dans la lumière merveilleuse du Verbe" (1)

"Cette lumière du soleil, vue par les yeux de notre corps, annonçait le soleil spirituel, le Soleil de justice. C'est vraiment le soleil le plus doux qui se soit levé pour ceux qui, en ce temps-là, ont eu le bonheur d'être ses disciples, et de le regarder de leurs yeux pendant qu'il partageait la vie des hommes" ( 2)


(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 404.
(2) Grégoire d'Agrigente, Commentaire de l'Ecclesiaste

Parler avec autorité

Qu' st-ce qui permet au Christ de parler avec puissance et autorité demande non sans raisons Balthasar ? La question mérite d'être posée tant elle semble contradictoire avec l'humilité du Christ qui est au coeur de sa nature et de sa révélation. "Religieusement, cela rend un son intolérable (...) ce n'est pas le Dieu‎ dévoilé qui parle ainsi, c'est un homme (...) il ne peut y avoir pour cela qu'une seule justification : c'est que cet homme agit dans l'obéissance (...) cela n'est possible que parce que cet homme qui obéit en se "faisant" Dieu, est un Dieu qui obéit en se faisant homme. La première démarche serait hubrys [démesure](...) s'il n'obéissait jusqu'à la mort" (1)

Il reste à contempler une autre question subsidiaire qui a aussi son importance : qu'est ce qui justifie nos propres prises de parole? La limite entre orgueil, vanité et vérité se situe probablement dans une tension identique : celle de trouver avant tout, en dépit de tout discours la vérité en actes, l'humilité et l'obéissance, un chemin qui reste fragile, un chemin de désert.(2)
 
(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 404-405
(2) cf. mon essai éponyme

17 mai 2016

Kénose et accomplissement

En écho avec nos réflexions précédente sur l'image et la ressemblance,  contemplons ce que disait Aphraate de Mossoul au 4eme siècle : "Mon ami, prenons la ressemblance de celui qui nous donne la vie. Alors qu'il était riche, il s'est appauvri lui-même. Alors qu'il était haut-placé, il a abaissé sa grandeur. Alors qu'il habitait les hauteurs, il n'a pas eu de lieu où s'appuyer la tête. Alors qu'il doit venir sur les nuées, il est monté sur un ânon pour entrer à Jérusalem. Alors qu'il est Dieu et fils de Dieu, il a porté la ressemblance de serviteur. Lui qui est le repos de toutes les peines, il a été fatigué de la peine du chemin. Lui qui est la source qui étanche la soif, il a eu soif et il a demandé de l'eau à boire. Lui qui est la satiété qui rassasie notre faim, il a eu faim quand il jeûnait au désert pour être tenté. Lui qui est le veilleur qui ne dort pas, il s'est endormi et s'est couché dans la barque au milieu de la mer. Lui qui est servi dans la tente de son Père, il s'est laissé servir des mains des hommes. Lui qui est le médecin de tous les hommes malades, ses mains ont été percées par des clous. Lui dont la bouche énonçait de bonnes choses, on lui a donné du fiel à boire. Lui qui n'avait fait de mal ni nui à personne, il a été frappé de coups et il a supporté l'outrage. Lui qui fait vivre tous les morts, il s'est livré lui-même à la mort de la croix. Notre Vivificateur lui-même a fait preuve de tout cet abaissement ; abaissons-nous nous-mêmes, mes amis".

On peut mettre cela en écho avec Balthasar :
"En se faisant homme il ne fait pas violence à l'homme, mais l'accomplit justement dans ce qu'il a de plus humain" (2)

(1) Aphraate de Mossoul, Les Exposés, n° 6 (trad. SC 349, p.388), source AELF

(2) Gc1 op. Cit p. 403.


Naître et mourir

"Nous faisons de nous-mêmes des prématurés, des êtres incomplets et inconsistants si le Christ n'est pas formé en nous, comme dit saint Paul. (...) [de même ajoute-t-il que nous devons mourir à] notre fierté. Et encore : C'est pour toi, Seigneur, qu'on nous frappe de mort chaque jour. Et enfin : Nous avons reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort.On voit très clairement comment Paul meurt chaque jour, lui qui ne vit jamais pour le péché, qui mortifie sans cesse les membres de son corps, qui porte en lui-même l'agonie du corps du Christ, qui est sans cesse crucifié avec le Christ vivant en lui. À mon avis, c'est là une mort au bon moment, celle qui est devenue l'introductrice de la vraie vie.C'est moi, dit Dieu, qui fais mourir et qui fais vivre, afin de faire comprendre que, c'est vraiment un don de Dieu que d'être mort au péché et de vivre par l'Esprit. C'est parce qu'il fait mourir que sa parole promet de faire vivre". (1)

On le voit cette mort spirituelle à ce qui nous fait adhérer au monde est la condition de notre salut.  C'est le message du Christ à Nicodeme (Jn 3)

(1) Saint Grégoire de Nysse,  commentaire de l'Ecclesiaste 3

15 mai 2016

Dynamique sacramentelle - 3

Cette conjonction avec l'économie trinitaire se fait presque à notre insu. En nous ouvrant à sa grâce,  l'Esprit qui nous envahit, réalise en nous ce à quoi Dieu nous destine. Comme le suggère Irénée,  "la farine sèche ne peut sans eau devenir une seule pâte, pas davantage nous tous, ne pouvions devenir un en Jésus Christ sans l'eau qui vient du ciel" ( 1 )

Paul nous le dit aussi à sa manière :"l'Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas ce que nous devons, selon nos besoins, demander dans nos prière (...) Il prie pour nous par des gémissements ineffables" Rom 8, 26.

(1) Contre les hérésies

14 mai 2016

Dynamique sacramentelle - suite

Nous avons déjà commenté le mouvement qui nous fait tendre de l'image à la ressemblance. Il se conjugue en fait à celui de l'économie trinitaire qui voit notamment "la descente de Dieu dans la chair et l'ascension de la chair jusque dans l'esprit. Chair est mise ici pour l'homme terrestre et esprit pour la sphère divine" (1) La venue du Verbe qui vient ici planter sa tente (Jn 1, 14) y fait habiter la plénitude de Dieu (Col 1, 19, 2,9), précise Balthasar.

On peut ajouter avec humilité que la dynamique qui en découle n'est presque pas de notre fait. C'est Dieu, qui en suscitant en nous l'amour nous conduit à entrer dans cette danse, lui qui nous a créé pour l'amour.

(1) Gc1 p. 399

13 mai 2016

M'aimes - tu ?

Combien de fois aie-je lu ce texte de Jn 21 en plaignant le pauvre Pierre.  Et si la question m'étais posée à moi. Quelle serait ma réponse ?

12 mai 2016

La clé trinitaire - 2

Dans la fin de LS, notre pape insiste sur la clé trinitaire. J'en trouve un écho chez Balthasar : "Le Fils révèle Dieu dans sa forme d'esclave ; mais le Saint-Esprit,‎ splendeur de Dieu illumine cette forme d'esclave et fait apparaître sa gloire. (...) il est à la fois si humble (...) et si zélé et emporté pour la cause de Dieu (...) [que se révèlent en lui des] tensions qui ne sont compréhensibles et explicables qu'en fonction de ses dimensions trinitaires" (1).

Qu'est ce à dire ? Au delà de l'humilité du Fils qui est la forme la plus évidente et surprenante de la révélation de l'amour du Père se meut en Christ les caractéristiques mêmes du Père, cette attente infinie d'une réponse, ce trépignement d'impatience de celui qui ne peut se résoudre de notre médiocrité. La maternité de Dieu ne peut être soulignée sans évoquer sa paternité, la miséricorde ne peut masquer son désir de justice et c'est le tout de l'amour qui se penche vers l'homme.

(1) Hans Urs von Balthasar, op Cit, Gc1 p. 387.

11 mai 2016

Contre l'élitisme

Imiter le Christ ne consiste pas à devenir un surhomme, souligne Balthasar (1), mais au contraire à devenir celui qui "n'élève pas la voix, reste méconnaissable". Qu'est ce à dire ? Ce n'est pas la sagesse ou la puissance qui distingue le Christ c'est l'amour dans le détail d'une miséricorde gratuite, non pas affichée mais vécue dans le souci du pauvre. Sur ce chemin nous avons beaucoup à faire....

(1) Ibid p. 386‎.

09 mai 2016

Voile

Pourquoi cette révélation qui semble au départ une "époque lumineuse" dans l'Ancien Testament semble-t-elle de plus en voilée ? "Israël n'est jamais plus sûr de son Dieu que lorsque dans l'exil, ce Dieu semble l'avoir abandonné" (1) nous précise Balthasar. Deux explications semblent possibles. L'enfance dite lumineuse est probablement une projection des auteurs en exil qui gomment une partie du passé pour redonner l'espoir. Le présent est de plus en plus noir pour que le "reste" soit capable d'accueillir l'incroyable d'un Dieu qui le rejoint en s incarnant...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 385 

06 mai 2016

Le pont

"Si la première parole est ordonnée à l'homme en tant qu'il est créature issue de Dieu, la deuxième s'adresse personnellement à lui, enfant de Dieu enrichi de la grâce et l'appelle jusqu'au coeur de Dieu".
Pourtant précise Balthasar, "on n'a pas ‎le droit de sauter le degré de la création pour s'occuper uniquement de la révélation de grâce par la Parole plus élevée. C'est d'abord comme créature que l'homme apprend à reconnaître comme son Seigneur le Dieu toujours plus grand et, du fait même, toujours plus caché. Ce rapport unique entre le voile et le dévoilement est inscrit dans‎ son être même" (1)

Cette première étape me semble essentielle car elle trace ‎les fondements d'une approche anthropologique dans la deuxième édition en préparation de ma dynamique sacramentelle. Elle rejoint ce que nous avons souligné chez Theobald.

Hans Urs von Balthasar, op Cit., Gc1 p. 380.


Le plus petit

"Ne pas être enfermé par le plus grand, mais être contenu par le plus petit, c'est cela qui est divin". Cette phrase, nous dit Spadaro (1) "fait partie d'une longue épitaphe littéraire qu'un jésuite anonyme a composé en l'honneur d'Ignace de Loyola. Elle avait tellement plus à Hölderlin qu'il en fit la devise de son Hyperion".

‎Elle nous fait bien sûr à l'hostie, mais derrière le signe c'est tout le mouvement kénotique qui se révèle, depuis le renoncement du Père jusqu'au silence du Fils et la kénose de l'Esprit. Elle fait apparaître à contre nos tentations récurrentes à l'hubris, cette triple démesure du valoir, du pouvoir et de l'avoir que Jésus rejette en Lc 4/Mt 4.

(1) Le pape François , l'Eglise que j'espère, entretien avec le père Spadaro, s.j. Flammarion, Études, 2013, p. 55

05 mai 2016

Clé de lecture trinitaire - de la contemplation à l'action - pape François

A la suite du billet précédent, je note que le pape François, dans les paragraphes 237 à 239 de Laudato Si nous invite, à la suite de Bonaventure, à une lecture trinitaire des signes de la révélation, jusqu'à la contemplation dans l'hostie eucharistique du don du Père créateur, du Christ donnant son Corps, et de l'Esprit qui embrase la personne qui le reçoit et se laisse habiter par ce triple don. Il nous faut "essayer de lire la réalité avec une clé trinitaire", insiste-t-il en 239.

"Plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu'elle entre en relation, quand elle sort d'elle même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création. (240).

04 mai 2016

Conversion

Une conversation spirituelle ‎peut se dérouler sans référence explicite à l'Esprit nous rappelle Christoph Théobald (1). Le franchissement du "seuil" qui lui donnera une dimension spirituelle cette fois explicite ne vient que lorsqu'à l'invitation d'un tiers qui "en vit déjà", elle peut advenir par la conversion de la personne à "une écoute responsable ou répondante (ob-auditio = obéissance) à l'Esprit (2).

Comment peut se faire ce passage de l'implicite ‎ à l'explicite ? Quand la proposition peut-elle se faire ? Une chose est de vivre dans l'Esprit (...) une autre est de vivre sous la conduite de l'Esprit (3). La conversation doit se rendre progressivement attentive à ce qui se passe dans l'interlocuteur, renvoyé à sa liberté et confié à ce ou plutôt à Celui qui se révèle en lui et à lui comme véritable "maître intérieur" de son existence (3) 
En cela, la proposition, nécessaire à une première introduction ne pourra jamais produire la conversion (...) qui est toujours l'oeuvre de l'Esprit-Saint qui doit être repéré lui-même dans une autre inaliénable liberté (4)


(1) Paroles humaines, Parole de Dieu, Paris, Salvator, 2015, p. 163
(2 à 4) ibid.‎ p. 164 à 166.

03 mai 2016

Responsabilité et décroissance

. Après une longue diatribe sur la politique et l'engagement chrétien vers le bien commun(1), Christoph Théobald nous conduit sur les pas d'Hans Jonas et son principe de responsabilité. Étonnante application, à la lumière de l'évangile, de ce principe en faveur d'une décroissance responsable pour le bien des générations suivantes. "Acte de foi et d'étonnement"(2) devant l'enfant à naître qui suscite chez nous l'importance d'une nouvelle gratuité, voire d'une kénose. Cette attitude qui est finalement celle du créateur, est appelée pour lui à se transformer en "don de soi" jusqu'au bout, prenant ici une "figure nouvelle et inédite" (3) celle de la "pauvreté spirituelle (...) du partage et de la solidarité" (...) par une "révision de manière drastique de nos modes de vie, entrant individuellement et collectivement dans une autolimitation". Ce mouvement entre dans cette double asymétrie et symétrie évoquée plus haut. Asymétrie des dons reçus du créateur et symétrie dans l'attitude de celui qui rejoint la kénose divine, se perçoit comme hôte de la terre et entre à son tour dans le don.

Quel est l'enjeu ? N'est ce pas cette semence apostolique que décrit Tertullien avec la belle image de la bouture : "Et dans chaque cité ils fondèrent des Églises, auxquelles dès lors les autres Églises empruntèrent la bouture de la foi et la semence de l'enseignement, et l'empruntent tous les jours pour devenir elles-mêmes des Églises. Et par cela, elles aussi sont considérées comme apostoliques, en tant que rejetons des Églises apostoliques" (4)

(1) Christoph Théobald,  ibid p. 125ss.
(2) p. 154.
(3) 156.
(4) Tertullien,  Traité sur la prédication apostolique