30 mai 2016

Église et Écriture

Il ne faut pas "prendre l'Écriture pour la révélation (...) elle nest pas quelque chose comme une icône magico-sacramentelle dans laquelle la chose, c'est à dire la grâce, serait substantiellement enfermée et cachée (..) le véritable enfantement de l'Église consiste à porter des âmes pour le Christ." (1)

Nous retombons la sur l'interaction constante et nécessaire entre les trois tables déjà évoquées plus haut. La Parole, les sacrements ne sont pas au centre du système, ils s'articulent dans la construction de l'Église, de ces pierres vivantes qui se rassemblent en Christo (456).

(1) Hans Urs von Balthasar Gc1 op Cit p. 458

29 mai 2016

Les trois tables

L'articulation entre les deux tables (écriture et sacrement) est pour Balthasar liée dans la figure de l'Église qui les conjuguent. Cette Église qui devient temple du Christ est pour moi comme une troisième table. 
C'est l'enjeu de cette dynamique sacramentelle que je cherche à articuler.

"L'Eucharistie n'aurait pas de sens, s'il ne se fait des hommes pour la goûter; elle tend donc plus loin qu'elle même, elle est figure médiatrice(2), ajoute Balthasar. 

Et pourtant l'articulation même de ces trois tables est autant nécessaire que fragile. 
L'Écriture elle même est attaquée sous les coups parfois légitimes de l'historico-critique néo-bultmannienne(3), quand les sacrements apparaissent eux-mêmes fragiles dans leur capacités à être signe, donnant à l'Église, réputée pécheresse par la faute des hommes, peu de justification. 
On peut être effrayé par tout cela. 
C'est sans compter sur le travail de l'Esprit et

l'importance de l'humilité et de la faiblesse, chemin trinitaire par excellence. Il y a peut être à comprendre que la fragilité même des trois tables est figure de la triple kénose : une danse fragile et relative qui est chemin de l'image à la ressemblance. 



(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op. Cit p. 447
(2) p. 448
(3) p. 449ss

28 mai 2016

Pierres pécheresses

"Une Église qui ne serait que le corps du Christ  c'est à dire en tout que l'expression de sa force vivifiante et en rien celle de la résistance à cette force (...) serait contradictoire, du fait qu'elle n'aurait plus besoin de" s'amender et d'humilité. L'Église reste  pécheresse. "Elle doit croire à l'image de l'obscurité mais aussi la contempler (...) pour qu'elle puisse être transformée en cette même image (2Co 3, 18) par la force spirituelle qui en émane" (1) 
Je retrouve dans ces pages de Balthasar des éléments développés dans ‎mes deux derniers tomes de Humilité et miséricorde, mais aussi dans "Cette Église que je cherche à aimer" à la suite des travaux de Kung, Moltmann et de Moingt.

(1) Hans Urs von Balthasar,  Gc1, p. 441ss.

27 mai 2016

Rédemption et enfouissement

Aux cris des souffrants comme à ceux des curieux qui voudraient voir la gloire de Dieu manifestée dans sa splendeur, il ne sera donné que le signe de Jonas. Paradoxe de l'humilité de Dieu.  "La rédemption du monde ne peut pas se produire au coeur d'une théophanie spectaculaire qui de son éclat éblouirait la misère, mais seulement dans le mystère d'un amour survivant dans la souffrance à toute la honte dont il est revêtu et au fardeau qui lui est imposé" (1)

Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 440

26 mai 2016

Aveugle...

Sommes-nous des Bartimée ? (Cf. Mc 10, 46-52). Souvent nous nous tenons au seuil, parfois même au premier rang de cette route qui monte du monde (Jericho) à Dieu (Jérusalem). Jésus passe et nous le voyons de loin. Il nous attire, mais nous ne le voyons pas de l'intérieur.  Nos soucis nous aveuglent.

Il faut du temps pour percevoir la nuit qui envahit notre coeur.  Et pourtant,  comme le suggère saint Grégoire le grand,  "Celui donc qui reconnaît les ténèbres de son aveuglement et ressent la privation de la lumière éternelle, qu'il crie au fond de son cœur, qu'il crie de toute son âme : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (1)

(1) Homélies sur les évangiles, n°2 (trad. Tissot, Les Pères nous parlent, 1954, p. 190)

Pierres vivantes

" Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ." (1 P 2, 5)

Cette phrase de l'épître de Pierre, donnée par la liturgie d'aujourd'hui nous invite à la contemplation et à l'humilité.  Nous ne serons jamais en effet le tout de l'Église, même pas une église locale.  Nous ne sommes qu'une pierre, un caillou sur le chemin.  Seul nous ne servons qu'à faire trébucher le passant.  Et pourtant Dieu se sert de notre pierre pour le grand édifice,  parfois comme signe, souvent comme contre signe. Il nous place au bon endroit, caché dans une fondation obscure ou ciselé sur un chapiteau.  Peu importe,  seuls nous ne sommes rien. Ensemble, nous faisons l'Église.

25 mai 2016

Sacrement et sommet

Le sommet de toute dynamique humaine et sacramentelle est l'unité dans le Corps, une unité ‎qui s'ouvre dans la fraction du pain, signe du don du Corps, jamais purement humain ou purement divin, mais toujours divino-humain, source de notre contemplation/appropriation qui nous conduit à une vie "de plus en plus profonde et de plus en plus riche, venant du Christ et s'introduisant dans le Christ, en intégrant progressivement le Dieu vivant trinitaire et la création totale résumée dans le Christ" (1)

Ces propos pourraient être Teilhardien, Balthasar introduit là ce qu'il développera plus tard dans sa Dramatique Divine, sous le concept de "en Christo"‎.

(1) Hans Urs von Balthasar , GC1 p. 414.

24 mai 2016

Contempler et agir

Il y a équivalence pour Balthasar entre contemplation et appropriation. Pour lui la contemplation n'est pas tant une prise de distance qu'une interaction intérieure entre le regard porté sur le Christ, la mise en vibration de cette révélation lumineuse et son effet sur l'agir. ‎On rejoint pour moi ici les trois stades de la vie spirituelle dont parle Jean-Jacques Olier.
La contemplation de la Croix, gloire tragique de notre Seigneur "nous transforme en cette même image/icône" (2 Co 3, 18). Sa lumière, en pénétrant en nous, nous transperce et nous transforme. "La figure qui s'inscrit [ainsi] dans ma propre vie devient pour moi le salut (...) C'est en elle que j'apprends, que je déchiffre" ce qui est "désordre sans figure".
On se trouve là au coeur de la méditation du chemin de tout homme.

Pour le couple, coeur de notre étude et dont nous ne devons pas abandonner la perspective, comme pour tout homme, dynamique sacramentelle et rejoint le chemin tracé par GS 48, faire de sa vie un sacrement.
tout cela s'inscrit au coeur de sa

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1, op. Cit p. 410.


Contemplation trinitaire

Le Christ est un tremblement de terre dans l'histoire de la quête de l'homme vers Dieu. Épicentre de toute révélation, il annule et remplace toutes les quêtes. Les dieux grecs, le Dieu de Moïse comme celui de l'Islam n'atteignent pas la pointe non-violente de l'homme-Dieu crucifié par amour pour l'homme, signe ultime de tout dévoilement et pourtant trace fragile et humble d'un Dieu qui se cache de peur de violer notre liberté de croire.
A ses côtés, tous les essais semblent de bien pales répliques, même si nous devons les respecter et y chercher les semences du Verbe.

23 mai 2016

Ode à l'enfouissement

Les vingt dernières années, certains se sont attachés à déconstruire ‎le chemin de leurs pères dans la foi, les accusant trop facilement de la déchristianisation. La réponse apportée nous a construit un monde docte, de savants, parfois trop sûrs d'eux, qui enseignent avec autorité mais à qui manque parfois une véritable sensibilité pastorale. 
Le chemin idéal est probablement entre les deux, mais l'enfouissement n'est pas la cause principale de nos problèmes. Il fallait peut-être que les graines du moralisme exacerbé meurt pour que l'amour de l'Église rejaillisse du coeur de l'homme.‎ Et l'enfouissement qui est en soi une figure évangélique de l'humilité et de la kénose est probablement une des voies prises par l'Esprit pour préparer les temps nouveaux. Si la formation est devenue nécessité, n'opposons pas trop les deux voies.
Cherchons l'unité dans une véritable démarche pastorale.

22 mai 2016

Figure et enthousiasme

"L'Esprit ‎est à la fois figure et figuration et amour et enthousiasme" (1)
Que veut nous dire Balthasar par cette tension ? J'y vois celle qui existe entre la Croix et la joie, la souffrance et l'amour, la tristesse et l'espérance. Folie aux yeux des hommes, elle n'est pas illusion ou opium mais ce grand écart auquel Dieu nous conduit entre nos désirs d'homme et l'incroyable construction du royaume. Chacun a sa pierre à porter sur ce sentier. Parfois nous ne parvenons qu'a l'un des points cités mais nous savons qu'ensemble nous portons ce projet, poussé par l'Esprit.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 417

Envoyé de mon smartphone BlackBerry 10 sur le réseau SFR.

19 mai 2016

Le déploiement de la figure

C'est dans la contemplation de la vie cachée des saints que la dynamique trinitaire s'aperçoit et se cache, se révèle et s'enfouit‎ dans le monde. "Elle ne fait pas violence (...) et nous laisse libres, parce qu'elle nous rend libres, et c'est justement en cela qu'elle doit être l'évidence suprême. L'amour qui lui répond librement, elle ne veut le subjuguer qu'à sa manière, par l'évidence de l'amour" (1) Balthasar nous développe cette thèse en évoquant Pascal et son insistance sur le Dieu caché : "toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n'est pas véritable" (2) Jésus-Christ est demeuré inconnu parmi les hommes (...) ainsi l'Eucharistie parmi le pain commun" (3). Pour Balthasar, Pascal ne veut ni d'une clarté trop manifeste, ni une obscurité destructrice. Il vise la contemplation du "mystère de Jésus" qui rassemble et tient captives toutes les évidences de Dieu et de la création (...) fait éclater les véritables dimensions de l'homme : sa grandeur comme sa misère. (4)

(1) Hans Urs von Balthasar Gc1 p. 407s
(2) Pascal, Pensées 598
(3) ibid 638
(4) Gc1 p. 409

18 mai 2016

Christ, discours de Dieu

Une belle contemplation qui rejoint la joie intérieure de ceux qui communient au corps et au sang du Christ : "Le Christ est ce discours de Dieu, adressé à nous tous. Ce n'est pas du dehors qu'il nous parle, c'est en nous ; il nous atteint au plus intime de notre nature (...) par l'incarnation, nous sommes transportés dans la sphère du dialogue (...) introduit dans la lumière merveilleuse du Verbe" (1)

"Cette lumière du soleil, vue par les yeux de notre corps, annonçait le soleil spirituel, le Soleil de justice. C'est vraiment le soleil le plus doux qui se soit levé pour ceux qui, en ce temps-là, ont eu le bonheur d'être ses disciples, et de le regarder de leurs yeux pendant qu'il partageait la vie des hommes" ( 2)


(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 404.
(2) Grégoire d'Agrigente, Commentaire de l'Ecclesiaste

Parler avec autorité

Qu' st-ce qui permet au Christ de parler avec puissance et autorité demande non sans raisons Balthasar ? La question mérite d'être posée tant elle semble contradictoire avec l'humilité du Christ qui est au coeur de sa nature et de sa révélation. "Religieusement, cela rend un son intolérable (...) ce n'est pas le Dieu‎ dévoilé qui parle ainsi, c'est un homme (...) il ne peut y avoir pour cela qu'une seule justification : c'est que cet homme agit dans l'obéissance (...) cela n'est possible que parce que cet homme qui obéit en se "faisant" Dieu, est un Dieu qui obéit en se faisant homme. La première démarche serait hubrys [démesure](...) s'il n'obéissait jusqu'à la mort" (1)

Il reste à contempler une autre question subsidiaire qui a aussi son importance : qu'est ce qui justifie nos propres prises de parole? La limite entre orgueil, vanité et vérité se situe probablement dans une tension identique : celle de trouver avant tout, en dépit de tout discours la vérité en actes, l'humilité et l'obéissance, un chemin qui reste fragile, un chemin de désert.(2)
 
(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 404-405
(2) cf. mon essai éponyme

17 mai 2016

Kénose et accomplissement

En écho avec nos réflexions précédente sur l'image et la ressemblance,  contemplons ce que disait Aphraate de Mossoul au 4eme siècle : "Mon ami, prenons la ressemblance de celui qui nous donne la vie. Alors qu'il était riche, il s'est appauvri lui-même. Alors qu'il était haut-placé, il a abaissé sa grandeur. Alors qu'il habitait les hauteurs, il n'a pas eu de lieu où s'appuyer la tête. Alors qu'il doit venir sur les nuées, il est monté sur un ânon pour entrer à Jérusalem. Alors qu'il est Dieu et fils de Dieu, il a porté la ressemblance de serviteur. Lui qui est le repos de toutes les peines, il a été fatigué de la peine du chemin. Lui qui est la source qui étanche la soif, il a eu soif et il a demandé de l'eau à boire. Lui qui est la satiété qui rassasie notre faim, il a eu faim quand il jeûnait au désert pour être tenté. Lui qui est le veilleur qui ne dort pas, il s'est endormi et s'est couché dans la barque au milieu de la mer. Lui qui est servi dans la tente de son Père, il s'est laissé servir des mains des hommes. Lui qui est le médecin de tous les hommes malades, ses mains ont été percées par des clous. Lui dont la bouche énonçait de bonnes choses, on lui a donné du fiel à boire. Lui qui n'avait fait de mal ni nui à personne, il a été frappé de coups et il a supporté l'outrage. Lui qui fait vivre tous les morts, il s'est livré lui-même à la mort de la croix. Notre Vivificateur lui-même a fait preuve de tout cet abaissement ; abaissons-nous nous-mêmes, mes amis".

On peut mettre cela en écho avec Balthasar :
"En se faisant homme il ne fait pas violence à l'homme, mais l'accomplit justement dans ce qu'il a de plus humain" (2)

(1) Aphraate de Mossoul, Les Exposés, n° 6 (trad. SC 349, p.388), source AELF

(2) Gc1 op. Cit p. 403.