25 septembre 2016

Tragédie - 2

"La théophanie visible n'est jamais que la face extérieure et contingente d'une apparition essentiellement intérieure, la gloire divine s'attestant elle-même dans la monstruosité de la douleur humaine et du sacrifice" (1)

"Chez Sophocle, derrière l'homme de plus en plus solitaire, Dieu se révèle comme le Dieu lointain, caché, courroucé. Il faut au cœur de l'homme un grand courage et une grande piété pour affronter cette nuit de l'abandon". (2)

Qu'est-ce qui se joue ici, dans cette terre où Dieu ne diffuse pas sa lumière, si ce n'est la prise de conscience des limites humaines ? La tragédie grecque est aussi, comme peut l'être l'AT, notre histoire...

(1) GC6 p. 85
(2) p. 86

24 septembre 2016

Tragédie grecque et déréliction

Intéressante thèse de Hans Urs von Balthasar sur la tragédie grecque que je vous livre a brut : "C'est dans la souffrance que la vérité éclate (...) celle qui met a nu l'homme dans sa déréliction, le démasque violemment et l'humilie. (...) La souffrance n'est pas niée (...) fuie, tout au contraire c'est au plus profond de la douleur que passe le chemin menant de l'homme a Dieu, et que se révèle la vérité profonde de l´être. Inconnu des philosophes, cet héroïsme d'un coeur sans defense conduit directement au Christ(1).
Plus loin(2), il précise a propos dr Prométhée et d'Oedipe roi que l'homme y apparait dans sa nudité et que c'est "ce dévoilement qui constitue l'événement de la tragédie" On découvre ainsi que "la tragédie est liturgie en ce sens quelle est au service de Dieu qui se révèle, de son Epiphanie(3)".
"De quel côté que l'homme se tourne, il souffre, et qu'il accuse les dieux est encore un visage de sa souffrance : dans tous les cas en effet, au dessus de l'homme pris au filet, tombe dans le malheur extreme, Dieu surgit, tel le fruit mûr sortant de sa coque éclatée".

On n'est pas loin, à mon avis, de ce que cherche a dire Marc 15,8 dans son déchirement du voile.

Il nest pas étonnant alors que Hans Urs von Balthasar évoque dans ce cadre le lien intrinsèque entre cette "plénitude mythique et le "fait sacramentel" (4) qui le dépasse, car il s'agit bien de la même dynamique.

Pour rejoindre ma "dynamique sacramentelle", mais aussi la théologie de JB Metz, l'intérêt est que ce qui se dévoile là n'est pas de l'ordre du parfait, mais d'un chemin douloureux.

(1) GC6 p. 83
(2) p. 84
(3) il cite ici W.F. Otto, Ursprung der Tragédie. Aeschylos, dans Das wort der Antike, 1962, p. 175-179
(4) GC6 p. 85

23 septembre 2016

Théophanie homérique

L'analyse par Hans Urs von Balthasar des théophanies chez Homère nous ouvrent un champ de contemplation cohérent avec ce que nous disions sur les semences du Verbe. Tout chercheur de Dieu a accès a des parcelles de la lumière même sil est de notre devoir de montrer que le Christ nous conduit plus loin : "Un rapport dieu-homme qui baigne tout d'une lumière scintillante que le mot éros ne traduit pas, pas plus que celui de philia (...) et qui est celui de l'amour, d'un amour essentiel, silencieux, et qui enveloppe tout de tendresse. Les apparitions divines sont pour Homère un donné traditionnel qu'il purifie manifestement (...) et auquel il donne la forme pure et lumineuse qui correspond bien à sa vision intérieure de Dieu et de l'homme" (1) et l'amène à conclure : "nous sommes tout proches d'eux"(2)


(1) Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 51.
(2) Homère, Od. 7, 201-205, ibid.

Les pleurs de Zeus

Une faille dans le "Dieu sans changement" grec que Hans Urs von Balthasar se plait à relever (1). Un Zeus émut par la souffrance de l'homme, qui "pleure des larmes de sang", (2) et prend pitié des plaintes d'Achille.

À méditer à l'aune de nos propos précédents.

(1) GC6 p. 46
(2) Ibidem.

Burin spirituel - Padre Pio

Je découvre dans le bréviaire du 23 septembre ce beau texte de Padre Pio, qui évoque pour moi un veille tradition spirituelle depuis Gn 32, 26, Ex 4 et 1 Rois 19, le combat avec Dieu. 

C'est ce qu'appelle Jérémie la circoncision du coeur (Jr 4, 6) et que Paul reprend à plusieurs reprises. 

"C'est par les coups répétés d'un burin salutaire et un nettoyage soigneux que l'Artiste divin veut préparer les pierres avec lesquelles se construit l'édifice éternel.(...) Le Père céleste se comporte de la même manière avec les âmes choisies (...) Mais que sont ces coups de marteau et de burin ? Ma sœur, ce sont les ombres, les craintes, les tentations, les afflictions de l'esprit et les troubles spirituels, avec un parfum de désolation, et aussi le malaise physique.


Dès lors, remerciez l'infinie bonté du Père éternel qui traite votre âme de cette façon, parce qu'elle est destinée au salut. (...) Ouvrez votre cœur à ce médecin céleste des âmes et abandonnez-vous en toute confiance entre ses bras très saints. Il vous traite comme les élus, afin que vous suiviez Jésus de près par la montée du Calvaire. (...).

Ayez la certitude que tout ce que votre âme a éprouvé a été disposé par le Seigneur. Alors, n'ayez pas peur de tomber dans le mal et l'offense de Dieu. Qu'il vous suffise de savoir qu'en tout cela vous n'avez jamais offensé le Seigneur, mais qu'au contraire il en a été davantage encore glorifié.

Si cet Époux très tendre se cache à votre âme, ce n'est pas, comme vous le pensez, qu'il veuille vous punir de votre infidélité, mais parce qu'il met toujours à l'épreuve votre fidélité et votre constance, et qu'en outre il vous purifie de certains défauts, qui n'apparaissent pas tels aux yeux de chair, c'est-à-dire ces défauts et ces fautes dont le juste lui-même n'est pas exempt. Dans la sainte Écriture, il est dit en effet : Le juste tombe sept fois.

Et, croyez-moi, si je ne nous savais pas dans une telle affliction, je serais moins content, parce que je verrais que le Seigneur vous donne moins de pierres précieuses… 

Chassez comme des tentations les doutes contraires… Chassez aussi les doutes qui concernent votre façon de vivre, c'est-à-dire que vous n'écoutez pas les inspirations divines et que vous résistez aux douces invitations de l'Époux. Tout cela ne provient pas de l'esprit du bien mais de l'esprit du mal. Il s'agit d'artifices du diable, qui cherchent à vous éloigner de la perfection ou, du moins, à retarder votre marche vers elle. Ne perdez pas courage !

Si Jésus se manifeste, remerciez-le ; s'il se cache, remerciez-le encore : ce sont comme des jeux amoureux. Je souhaite que vous arriviez à rendre votre souffle avec Jésus sur la croix et à crier avec Jésus : Tout est consommé ( 1)

Écoutons ce que dit Paul en Colossiens 2:11

En lui vous avez été circoncis d'une circoncision non faite de main d'homme, de la circoncision du Christ, par le dépouillement de ce corps de chair.

"Tu ne repousse pas un coeur brisé" Ps 51

(1) lettre du Padre Pio, source AELF

22 septembre 2016

Charis chez Pindare

Au delà d'Homère et d'Hésiode, qui nous enseignent les vertus de la mesure et de la vigilance, Pindare développe le concept d'humilité, mais surtout la "charis" dans le sens du don le plus abouti, le plus spontané. Le poète "se fait le gérant de la charis divine elle-même qu'il répand comme une coupe nuptiale écumante et débordante" (1).
Il ne manque à cela, ajoute Balthasar qu'un "homme-Dieu embrassant dans son triomphe la mort comme la vie" vers la "fête éternelle". (2) et peut être, ce fleuve jaillissant dont nous parle Ez 47, 1-12.

(1) Cf. GC6 p. 76
(2) p. 77

Gloire et Kénose

il est intéressant de trouver les deux concepts dès l'antiquité grecque avec des nuances qui méritent d'être commentée. Hans Urs von Balthasar nous fait goûter la gloire des héros grecs non dans "l'or qui scintille" (1) mais comme "aimés des Dieux", habités de vertus que nous appellerons plus tard théologales. De même Ulysse est alternativement paré par Athéna de gloire et d'humilité, cette dernière allant jusqu'à la nudité, la perte de toute beauté pour affronter les prétendants de Pénélope. Que ces éléments soient présents dans l'imaginaire et la tragédie grecque ne préjugent pas de la révélation. Ils tracent néanmoins des pistes acceptables qui conforte l'idée de Balthasar. L'apport grec ne s'oppose pas au christianisme (2), il vient lui donner une épaisseur, celle de la raison humaine, certes aveuglée parfois, mais pour autant habitée elle aussi des semences du Verbe.Le contempler nous ouvre les yeux au travail universel de Dieu vers l'homme. Et la kénose d'Ulysse ne fait pas ombrage à celle du Christ, elle lui prépare un écrin.

(1) cf. GC6 p. 36ss.
(2) cf. p. 11

21 septembre 2016

Le silence de Germain - Un roman à découvrir

Une lecture facile, qui court comme l'enfant qui dévale son escalier dans les premières pages.
Un récit qui nous prend aux tripes, devient envoûtant.

Cela fait des années que je cherche à exprimer cela dans mes romans. Le chant du Large, La caresse de l'Ange, La perle ont le même projet littéraire.

Ici, je trouve une leçon d'humilité. Delphine de Roquefeuil nous conduit au coeur du sujet, n'apporte pas de réponse, mais entrouvre le voile et la fin, que je vous laisse découvrir est pleine d'espérance.

A déguster sans modération.

Delphine de Roquefeuil, Le silence de Germain, Edilivre (2016)

19 septembre 2016

Le beau démoniaque

Ambivalence et tension. "Aucun transcendantal n'est plus démoniaque que le "kalon" (beau)(...) apparence projetée sur la réalité périssable : reflet de Dieu ou du néant" (1). Nous devons porter ce risque qui depuis Cesarée (Mc 8, 34) fait cohabiter en nous l'intuition du divin et le risque de passer à côté et sombrer dans la vanité et la fatuité de se croire plus grand que Dieu. Ce rêve d'Icare habite notre condition humaine. Nous devons l'apprivoiser pour ne pas le laisser nous envahir. Pierre l'a appris à ses dépends. Dès que nous nous croyons proche de Dieu, il nous rappelle que nous ne sommes qu'un homme tout en nous couvant de son amour miséricordieux.

(1) GC6 p. 28

16 septembre 2016

De l'art à Dieu

Ce gouffre évoqué plus haut a cependant des ponts et Hans Urs von Balthasar en déploie un avec majesté en affirmant qu'il existe dans l'art des semences du verbe, "logos spermatikoi" que l'on peut "rassembler dans la figure de révélation dont le centre est le Christ". (1)

(1) GC6 p. 24

La beauté et la gloire

On comprend mieux dans la suite du tome 6 la distinction fragile entre la beauté, transcendantal porté aux nues depuis Platon jusqu'à Hegel, et la Gloire (1) dont nous avons vu dans le tome 7 combien elle ne rayonnait finalement que dans la Croix. C'est ce gouffre qu'il faut combler entre la projection humaine et la révélation fragile de l'amour divin. Nous avons déjà commenté plus haut la tension testamentaire entre le plus bel enfant des hommes et l'ignominie de la Croix. Les chemins de Dieu sont insondables. Dans cette contemplation se joue pourtant la tension même de la foi.

Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 18

15 septembre 2016

Circumincession des transcendantaux

Je poursuis ma lecture un peu désordonnée de Hans Urs von Balthasar par le tome 6 de la Gloire et la Croix. Je note avec intérêt le fait qu'il parle de la circumincession des transcendantaux. Je croyais le terme réservé aux Personnes divines dans ce que j'appelle la danse trinitaire. Et pourtant cette évocation du "facteur de conciliation" de salut par la grâce "qui est le propre du beau-sain n'a jamais éliminé le salut éthique et la clarté de la vérité" (1) est bien du même ordre. L'esthétique transcendantale est loin de notre art humain, ce n'est qu'un aspect de la danse trinitaire et cette conciliation prend sens car elle révèle "l'immanence".

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Le domaine de la métaphysique, Les fondations, tome 6, théologie Aubier n. 84, 1991, traduction Robert Givord et Henri Engelman, ci après GC6, p. 15

Une procession silencieuse

Quel est finalement l'enjeu de mes réflexions sur la dynamique sacramentelle. Il est, en fait, dans l'actualisation en devenir du "Faites ceci en mémoire de moi". Nous devrions vivre chaque eucharistie dans cette dynamique intérieure suggérée par Varillon d'offrir nos "travaux" sur l'autel. À l'image de la danse africaine qui se "joue" à l'offertoire, nous devrions tous avancer dans nos cœurs avec nos efforts de la semaine et les présenter à Dieu pour qu'Il divinise ce que nous avons cherché à humaniser. L'enjeu est là, non dans le geste, mais dans ce qu'il signifie, dans la dynamique sacramentelle véritable qui s'est mise en branle dans nos vies.

À méditer

14 septembre 2016

Pierre un Pécheur aimé

Dans la tension que nous avons ouverte entre Marie et Pierre, il peut nous arriver de percevoir combien nous sommes de la race de ceux qui ne cessent de chuter, renier et délaisser notre maître au lieu de nous tenir fidèle au pied de la Croix.
Notre seule consolation, à la suite du pape François est de nous savoir "pécheur aimé"(1).

C'est la joie de Pierre. Elle doit nous porter dans l'espérance.

(1) Spadaro, op. cit. p. 203


12 septembre 2016

Le clown pour Dieu

Ici se termine mes notes de lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix d'Urs von Balthasar (GC7). Le dernier chapitre qui mérite le détour évoque la figure du clown pour Dieu, de don Quichotte, Simplicius à l'Idiot de Dostoeisvsky, mais aussi au clown de Rouault.
On y trouve une étonnante contemplation de l'humilité et de la charité loin de tout valoir et pouvoir. C'est finalement un ode à la folie de Dieu au sens paulinien.
À méditer