22 janvier 2017

Va chercher ton mari - Jn 4

Dans mon interprétation de ce dialogue avec la Samaritaine je m'attachais à la symbolique des 5 maris et du compagnon de cette femme y voyant le signe d'un manque affectif que l'arrivée de Jésus transformait et convertissait. Claude Flipo à une interprétation plus contextuelle et voit dans les cinq une allusion aux dieux de ce peuple d'immigrés voisins d'Israël (1). Une chose nous rapproche : "Le va chercher ton mari est un appel à une autre quête, celle du vrai Dieu. Il se base sur Osée 2 où le "ton Baal" devient "Ton Mari". Épousailles d'un autre niveau.

(1) Claude Flipo, ibid. p. 66

21 janvier 2017

De l'Église à l'homme

La contemplation du récit de la guérison du paralytique par Marc, nous dit Claude Flipo s'inscrit dans une trame qui vise l'intérieur de l'homme, sa conversion intime. Et ce travail passe par l'aide d'une petite église : quatre hommes qui ont la foi jusqu'à faire un trou dans le toit pour descendre leur ami devant Jésus.
On ne sait rien, à ce stade de la foi de l'homme, mais il faut goûter à ce passage de la foi des autres à sa propre espérance. "Ne regarde pas mes péchés mais la foi de ton Église". C'est bien la foi de l'Église qui nous porte jusqu'à Lui, alors même que la nôtre est encore fragile, et que notre coeur est bien pauvre en amour"(1).

(1) Claude Flipo, ibid. p. 51

20 janvier 2017

Joseph le passeur

Belles images que ces 50 portraits bibliques de Claude Flipo(1) que je découvre 10 ans après leur parution.
Après celles de Zacharie, d'Elisabeth et des bergers qui entrent en résonance avec Silo le berger, ma dernière lecture pastorale, je m'arrête sur la figure de Joseph. Flipo en fait un portrait de passeur, d'écoutant du "bruit de fin silence", de lanceur qui mérite d'être contemplée dans une lectio très ignatienne.


(1) Claude Flipo, Hommes et femmes du nouveau testament, cinquante portraits bibliques, Paris, Seuil, 2006, p. 30ss.

19 janvier 2017

Le cosmos pour Aristote

"Voir le cosmos comme un temple du divin(1)" selon Aristote a-t-il aujourd'hui un sens ? Non si l'on considère ce que l'on sait du vide et de l'espace. Oui si l'on passe dans la contemplation spirituelle de l'ordre des planètes et ce qu'il révèle du Dieu créateur. Non si l'on s'arrête au chaos. Oui si l'on cherche au delà le sens, la direction, l'oméga...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC6, p. 187

18 janvier 2017

Souffrance des enfants

A relire, la Croix de ce Week-end sur la souffrance des enfants et cette belle phrase citée sur cet « autre Dieu » que la protestante Marion Muller-Colard a découvert à l'âge adulte : Il n'est ni justicier (« si le mal me tombe dessus, c'est que je l'ai mérité »), ni pervers (« je n'ai pas mérité cela »). Il « compte sur chacune de nos vies pour circonscrire avec lui le chaos ».(1)

On y retrouve une préoccupation longuement évoquée dans mes travaux de 2013 et 2014(2)

(1) cité dans La Croix du 7-8/1/2017
(2) Quelle espérance pour l'homme souffrant et Où es-tu mon dieu ?

17 janvier 2017

Joie céleste - Dante

C'est probablement le passage du tome 2 de la Gloire et la Croix qui m'avait le plus marqué il y a douze ans. Il s'agit de cette vibration céleste où "la montagne entre en transe chaque fois qu'une âme se sent purifiée (...) le purgatoire tout entier accompagne d'un Gloria tumultueux qui ébranle ses fondements mêmes, cette irruption dans la liberté éternelle" (1). Elle est pour moi une belle anticipation de la cité de Dieu, non lieu de rédemption individuelle mais collective. L'image se complète par celle des "corps lumineux des bienheureux" (...) "qui tournent sur eux-mêmes, comme des roues de lumière" (2) et me font penser à cette "danse des anges(3)" si bien représenté dans le "jugement dernier" de Fra Angelico que l'on trouve maintenant à Florence.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 384
(2) Dante, Par. 24, 13, cité p. 385
(3) cf. aussi mon livre éponyme.

15 janvier 2017

Bonnes nouvelles du cosmos - Un film, un livre, une rencontre...

Je sors de ce film, ému jusqu'au fond de l'être. Une magnifique rencontre de la personne humaine dans sa différence et la densité de sa profondeur. Et en prime, surprise, elle était là samedi au Luminor, en chair et en os avec sa mère et la réalisatrice pour répondre à nos questions. Sa réponse écrite lettre à lettre à ma question sur Dieu me laisse d'autant plus rêveur que je l'ai entendu dit d'une autre manière dans l'Évangile de demain. "L'infini était avant Babouillec", le nom que cette jeune autiste s'est donnée.

Elle a écrit, lettre à lettre, un livre très dense poétiquement : "Algorythme éponyme".
Voir aussi  :
- La bande annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19565405&cfilm=247964.html
et sur ce film, la recension de la revue Etudes de décembre 2016...
D'après Julie Bertuccelli, réalisatrice, le DVD sort le 9 mars avec plein de bonus...

Dynamique sacramentelle 2

"Béatrice regarde Dieu, Dante regarde Béatrice, et dans ce pur miroir voit le signe que Dieu lui fait. Car la bien-aimée n'enferme pas en elle le poète; au contraire, elle lui ouvre le regard à toute réalité, alors qu'il se serait contenté d'elle seule et qu'il sent sa parole et son esprit se dérober lorsqu'il s'agit de dépeindre l'amour qui jaillit de ses yeux sanctifiés". (1) Dante le souligne d'ailleurs ainsi "Elle me dit : "Retourne-toi et écoute, car ce n'est pas dans mes yeux qu'est le Paradis"(2)

(1) Hans Urs von Balthasar GC2 p. 376
(2) Dante, La divine comédie, par. 18, 13-21.


14 janvier 2017

Dynamique sacramentelle chez Dante

Béatrice tourne ses regards vers le Christ, ce qui conduit Dante à réaliser qu'il est comme un vieux chêne déraciné par la tempête. "Il tombe vaincu sur le sol". Intéressante composition romanesque qui introduit ce qu'Hans Urs von Balthasar appellera la scène la plus dense de la Divine Comédie: "Ici, l'éros a dépassé sa subjectivité, il a grandi jusqu'à la forme objective d'un sacrement, et inversement la forme sacramentelle se dévoile, elle se justifie et apparaît comme amour".

Pourquoi parler de dynamique sacramentelle ici. Parce qu'à mon avis, le chemin "érotique" de Dante trouve ici son point culminant. C'est la direction du regard de Béatrice qui conduit Dante à la conversion et cette unité retrouvée en Christ est signe...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p.373.

13 janvier 2017

La voie ascétique - Dante

Hans Urs von Balthasar nous prévient (p. 366), la Divine Comédie est centrée autour de la "rencontre de Dante avec Béatrice dans le purgatoire". "Dante commence par se laver dans la rosée du ciel (...) puis revêt la ceinture ascétique en jonc. Puis viennent les degrés de la montagne, et chaque fois c'est comme une mue (...) le dépouillement des ténèbres du monde (...) et par là le cœur s'ouvre à la paix, se purifie "pour revenir à celui qui t'a fait" (2).

Hans Urs von Balthasar souligne que le trajet se fait de jour à la différence du chemin de saint Jean de la Croix. Mais que nous importe... Car si dans la nuit de nos jours, nous marchons vers la lumière de nos nuits, l'enjeu est ailleurs, dans ces mues successives qui nous conduisent à la voie unique, celle des pas du Christ vers le Père.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, op. Cit. p. 366
(2) p. 369

12 janvier 2017

La violence n'est pas en Dieu...

Depuis la publication de mon tome 10 des lectures pastorales sous le titre "Dieu n'est pas violent" (1), il me semble que cette piste de théologie négative mérite d'être poussée plus loin. 

Dire que Dieu n'est pas, c'est avancer dans le mystère.  C'est aussi vérifier dans nos coeurs et nos vies combien cela prend corps.

Que le Christ ait rejeté toute violence, nul n'en doute. 
Pourquoi Pierre avait-il alors sur lui une épée ? (Jn 18, 10). Quid aussi de la fameuse colère de Dieu et du jugement dernier.  Sont-ils compatibles avec l'amour de l'ennemi ?  (Luc 6, 27-35 / Mat 5, 44)
Quid surtout de la violence qui monte en nous face à l'injustice,  à la violence du monde, à l'islam ? Peut-on suivre le Christ les armes à la main ?

Dieu est amour,  miséricorde... jusqu'où...?
La violence de l'apocalypse est-elle compatible avec le Dieu amour ?
Jusqu'où balayer devant notre porte avant de critiquer l'extrémisme islamique ?
Peut-on aller plus loin ? Face au judaïsme radical et un coran intégral où se situe le "plus" chrétien ? N'est-il pas dans le jusqu'au bout de l'amour ?  Est-ce utopie, naïveté ou fidélité au chemin sur lequel le Christ nous conduit ?
Un travail de recherche à venir...

(1) : Lectures pastorales (essai de numérotation)
0. A genoux devant l'homme (Jean)
1. Chemins de miséricorde (Luc)
2. Sur les pas de Marc
3. Sur les pas de Jean
4. Chemins croisés (Matthieu)
5. Chemins d'Evangile (Recueil : 1 à 4)
6. Chemins d'Église (Actes)
7. Kénose et Diaconie (Actes et Paul)
8. NT, tome 3 (Autres lettres et Apocalypse) 
9.  Lire l'AT, tome 1 - Osée et Genèse
10. Dieu n'est pas violent (Exode et Rois)
11. Chemins de prière (psaumes)
12. Silo le berger (Luc 2)




11 janvier 2017

Beauté infinie

Il n'est pas humain de croire que l'on peut saisir l'insaisissable, comprendre l'infini de Dieu et tous nos efforts humains ne valent rien face à l'excès en Dieu. On peut comprendre dans cette dynamique que Dante dépose aux pieds de Béatrice "son emploi de poète ; car il est sûr, non seulement de ne pas pouvoir dire combien elle est belle, mais qu'elle est beaucoup plus belle qu'il ne le comprend et que, seul, son Créateur peut jouir totalement de cette beauté"(1).

(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 389

08 janvier 2017

Cana - une lecture spirituelle -Faust de Riel

Le récit de Jean mérite un large détour.  Sa force symbolique dépasse largement l'histoire elle même,  la simple compassion de Jésus pour des fiancés d'une bourgade de Gallilée.  La simple allusion au troisième jour et donc à la résurrection nous interpelle.  Celle des noces, thème récurrent de l'Ancien Testament aussi.
Comme le puits de Jn 4, l'enjeu est donc plus vaste et l'ironie johannique sur les rapports de Jésus et sa mère ne doit pas nous dérouter. Je découvre comme toujours chez les Pères de l'Église des pépites dans leur lecture spirituelle de Cana. Celle ci,  proposée dans l'office des lectures vaut le détour : "Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.
Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.
Aussi, comme un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations; en assumant l'incarnation, il va s' unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle.
Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, Si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux sont changées tout à coup, elles qui plus tard doivent changer les hommes.Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi disparaît et la grâce la remplace: le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne disparaît au profit de l'alliance nouvelle.
Comme dit l'Apôtre :Le monde ancien s'en est allé, un monde nouveau est déjà né. De même que l'eau contenue dans les cuves ne disparaît pas, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ.Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré; le vin de l'ancienne alliance était bon, mais celui de la nouvelle est meilleur. L'ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La nouvelle alliance, celle qui nous concerne, nous restitue le goût de la vie en nous donnant la grâce. Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi qui t'enseigne: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsqu'on t'enseigne: Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent." (1)
Que l'auteur de ce sermon, abbé de Lerins puis évêque de Riez, au Veme siècle soit ensuite accusé de semi-pelagianisme enlève-t-il de l'intérêt à cette interprétation ?
Sa lecture est doublement sacramentelle. Elle donne sens au baptême comme à l'eucharistie,  dans une dynamique cohérente avec d'autres analyses,  sans parler de mes travaux de recherche sur ce thème (2).
(1) Fauste de Riez, Sermon sur l'épiphanie
(2)  cf. Dynamique sacramentelle et Sur les pas de Jean

07 janvier 2017

Cana 2 -Saint Ephrem

Une deuxième interprétation qui n'enlève rien à la première est aussi digne d'intérêt.  "Au désert, notre Seigneur a multiplié le pain, et à Cana, il a changé l'eau en vin. Il a ainsi habitué la bouche des hommes à son pain et à son vin, jusqu'au temps où il leur a donné son corps et son sang. Il leur a fait goûter un pain et un vin transitoires, pour faire grandir en eux le désir de son corps et de son sang vivifiants...
Il nous a attirés par ces choses agréables au palais, afin de nous entraîner plus encore vers ce qui vivifie pleinement nos âmes. Il a caché de la douceur dans le vin qu'il a fait, pour indiquer aux convives quel trésor incomparable est caché dans son sang vivifiant. Comme premier signe, il a donné un vin réjouissant pour les convives, afin de manifester que son sang réjouirait toutes les nations. Si le vin intervient en effet dans toutes les joies de la terre, de même, toutes les vraies délivrances se rattachent au mystère de son sang. Il a donné aux convives de Cana un vin excellent qui a transformé leur esprit, pour leur faire savoir que la doctrine dont il les abreuverait transformerait leur cœur. Ce vin, qui n'était d'abord que de l'eau, a été changé dans les jarres, symbole des premiers commandements amenés par lui à la perfection. L'eau transformée, c'est la Loi menée à son accomplissement. Les invités de la noce ont bu ce qui avait été de l'eau, mais sans goûter à cette eau. De même, lorsque nous entendons les anciens commandements, nous les goûtons dans leur saveur non pas ancienne mais nouvelle." (1)

Que l'auteur de ce texte soit docteur de l'Église ajoute-t-il du crédit à sa thèse ? :)
Est-elle très différente de celle de Fauste de Riez ? Elle est en tout cas plus ancienne puisqu'Ephrem était diacre en Syrie au IVeme siècle.

Il nous faut puiser à ces deux sources comme à toutes les semences du Verbe.  L'Écriture est un puits sans fond et la diversité est aussi source d'unité quand elle nous conduit à l'ultime contemplation,  celle du Christ.

(1) Saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 12, § 1-2 ; SC 121 (trad. cf SC, p. 213)

05 janvier 2017

Diversité et unité - Augustin, Cité de Dieu

En complément d'un post récent sur ce thème je relève l'allégorie spirituelle fait par l'évêque d'Hiponne sur l'arche de Noé (quelques pages après la "couverture sacramentelle" de la nudité du patriarche par ses fils). Pour Augustin, les différentes espèces dans l'arche peuvent être considérées comme une "figure de l'Église qui pouvait être constituée de plusieurs nations" (1).

Au sens de 1 Co 12, 14, cette multitude est représentative d'une unité encore à trouver dans une barque ecclésiale encore soumise aux tempêtes et aux divisions et chemin d'une sainteté encore en marche. Elle fait écho à une barque traversée d'une ligne blanche (symbole de la persistance du péché en son sein) croisée dans une église croate dédiée aux martyrs de la guerre.

Les divisions et les différences n'ont de sens que pour nous conduire à l'unité in Christo qui ne viendra pas de nos efforts mais de notre humble capacité à être traversé par l'Esprit.

(1) Saint Augustin, La Cité de Dieu, Bourges, Éd. Gilles, 1818, p. 22