31 mai 2017

Ces femmes qui dérangent nos prêtres

Question complexe et projet de réponse caricaturale et discutable : La lecture sexiste et cléricale du sacerdoce féminin pose question.  Est-ce parce que la psychologie masculine et les tentations qu'elle sous tend fait craindre à nos pasteurs la présence des femmes à l'autel pour deux raisons inavouables ? : la distraction que le corps de la femme implique sur la concentration spirituelle de nos assemblées, mais aussi un risque de perte de pouvoir,  plus souterrain ?
La femme,  dans sa sensibilité propre apporterait pourtant un plus à l'Église.
Elle l'apporte déjà à sa manière. 
Est-ce qu'en cassant la tradition nous changerions les choses ? L'Église,  encore crispée sur des questions de tradition n'est pas prête à faire ce pas. Pourtant il n'empêche pas de s'interroger.
Sur ce point les arguments de Borras semblent insuffisants.
On oublie trop vite la place des femmes dans l'Église primitive. Les premières au tombeau,  les diaconnesses sont occultées à dessein, alors qu'un sitz im leben permettrait d'aller plus loin.
Il y aurait intérêt à pousser plus loin l'argumentaire.
À méditer.

Précarité pastorale

L'analyse d'Alphonse Borras dont je viens d'achever la lecture(1) n'est pas d'un optimisme béat.  Il rejoint malheureusement mes propres observations sur le terrain et notamment dans deux des trois diocèses que je fréquente.  La raréfaction des prêtres comme des fidèles soulève des enjeux que l'on ne peut ignorer.  Les solutions proposées par Borras,  du 517.2 à l'utilisation de prêtres étrangers n'adressent pas le fond du problème, celui de la remise en route de la dynamique sacramentelle propre et commune des baptisés. 
Borras repousse le sacerdoce féminin, n'exclut pas la question du diaconat féminin et prône l'utilisation parcimonieuse et raisonnable des viri probati,
Mon expérience pousserait plus dans les directions de fond proposée par Moingt(2) ou Théobald(3),  celle d'une nouvelle évangélisation des fidèles qui met plus l'insistance sur l'évangile que le rite. Cela demande d'adresser le coeur du problème : mon expérience propre est que l'évangile n'est plus au coeur de la foi. Remettre le Christ au centre, par la lecture pastorale et commune des évangiles en maison d'Evangile comme nous tentons de le faire(5) ne porte plus sur des questions de présidence qui semble obséder Borras, mais sur l'inhabitation de l'homme en Christo qui conditionne tout le reste. Les travaux de la nouvelle école d'évangélisation de Versailles va probablement aussi dans ce sens(4). Elle ne vise pas la conversion des autres mais notre propre rapport au Christ.  Alors la question du pouvoir n'est plus, car nous n'agissons plus. C'est Christ qui agit malgré nous.
A discuter.

(1) Quand les prêtres viennent à manquer,  op. Cit.
(2) cf. L'Évangile sauvera l'Église (voir mes notes sur le tag Joseph Moingt).
(3) cf. ses analyses sur la Pastorale d'engendrement
(4) hommage discret à ma petite soeur....
(5) en lien avec les recherches du diocèse d'Arras. Voir aussi mes travaux sur ce thème.

24 mai 2017

Monopole 3

Quelles sont les conditions d'une vie paroissiale féconde pour la communauté ?
"Soit le curé collabore et la vie paroissiale se développe, soit il ne collabore pas et la vie paroissiale végète" (1) nous dit Borras.
L'adage est vrai aussi pour les laïcs.
Cela demande pour le canoniste due soit identifiable :
1. une cible (une mission définie),
2. une cohésion (faire corps)
3. et un ancrage dans l'Évangile (faire sens).
4. Borras ajouté l'importance d'une loyauté institutionnelle (faire face)(2),
L'ensemble permettant de créer une Église participative qui stimule et encourage chacun.

Bien sûr tout cela demande que "le vent souffle" au sein même de la communauté,  ce qui suppose d'y être à l'écoute pour que les tentations du pouvoir et du valoir soient tempérées à bon escient.

(1) p. 122
(2) p. 124

18 mai 2017

Monopole 2

Une phrase de Borras interpelle et va dans le sens de notre recherche précédente : "le prêtre n'est pas responsable de tout, il est responsable du tout"(1).
Sa fonction implique une "spiritualité communionelle ou pour mieux dire "missionnaire dans la communion" poursuit-il en visant la promotion et la validation de la "pleine stature de sujets libres dans la communion de l'Église". 
Cette dimension christique et pneumatologique du ministre est celle du pasteur si bien confirmée par le droit canon. La présidence de l'eucharistie prend alors une dimension pleine, comprenant à la fois un lien de transcendance, d'unité et d'envoi.

C'est aussi, et le terme n'est pas neutre depuis les travaux de Bacq et Théolbald, un "engendrement pastoral"(2) qui "provoque à la conversion et à l'action".

Le mot "provoquer" est un peu fort. Il traduit l'importance et l'enjeu, il rappelle l'épée tranchant au fond des coeurs de l'Évangile, mais aussi cette fission nucléaire du coeur évoquée par Benoît XVI à Cologne.

C'est peut-être là que nous comprenons l'essence de l'autorité reçue d'en haut par "l'investiture sacramentelle de l'imposition des mains" (3). Elle se gagne aussi par l'exemplarité et l'ancrage dans la Parole. L'autorité n'a de sens que si l'homme s'efface derrière Celui qui l'envoie (cf. Jn 14ss).

(1) p. 92
(2) ibid.
(3) p. 81

17 mai 2017

Corpus permixtum 4 - l'oeuvre commune

Après une longue diatribe sur unité et communion, Borras cite ce beau texte de LG30 qui précise que les pasteurs ont la magnifique tâche de "comprendre leur mission de pasteurs à l'égard des fidèles et à reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l'unité apporte son concours à l'œuvre commune". Il ajoute qu'une Église vraiment synodale ne se réalise que par le concours de tous les fidèles et de leurs pasteurs"(1).
La suite va plus loin et j'y adhère d'autant plus qu'elle rejoint là encore ma quête sur la dynamique sacramentelle. Borras évoque, à la suite des propos du Pape déjà commenté sur le "flair du peuple", l'idée qu'une Église synodale a pour responsabilité commune d'entrer dans une "dynamique" où les baptisés ne sont pas seulement suscités pour leur participation à la mission mais aussi dans sa réforme :"la reformatio de l'Église l'entraîne à se conformer à la forma Christi dans une dynamique de discernement et de purification de ce qui la "déforme"(2) au sens d'une "conversion ecclésiale".
Il y a bien là une extension du sens rituel du sacrement en ce qui devient signe réel et efficace...

(1) p. 73
(2) p. 75, cf. aussi EG 30
NB : Borras rappelle par ailleurs p. 76 les propos du Pape sur les deux obstacles majeurs à une Église vraiment synodale : le cléricalisme et l'ecclésiocentrisme (EG 102).

16 mai 2017

Corpus permixtum 3

Borras continue la citation précédente en évoquant une "asymétrie constitutive". "La communauté ecclésiale tire son unité, nous dira Vatican II à la suite de saint Cyprien, de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint" (LG 4b). Il en conclut un risque que la "raréfaction des prêtres dans la vie ecclésiale risque d'atténuer voire d'estomper le sens de la sacramentalité de l'Eglise et du ministère chez les fidèles trop marqués par une culture techniciste de l'efficacité et de la performance". (1)

C'est là en effet le danger principal auquel s'ajoute certainement la difficulté de ne pouvoir départager des prises de pouvoir qui s'instaurent entre laïcs, en dépit de leur désir de faire communauté.

On rejoint l'oxymore de l'autorité et du service qui incombe aux ministres.

On est au coeur du sujet.
Pourquoi le prêtre aurait-il plus de pouvoir que les laïcs est en droit de se demander un observateur extérieur ?
On répondra probablement (2), en se basant sur le droit canon, par deux ou trois arguments  : parce qu'il est image du Christ (ce qui doit être probablement modulé et restreint au sacrifice eucharistique), parce qu'il a reçu le sacrement de l'ordre et la grâce associée et qu'il est berger/pasteur de son troupeau...

Cela n'empêche pas, dit en substance, Ratzinger dans les principes de la foi catholique(3) qu'il puisse être  incompétent. Pour autant, on doit lui reconnaître une autorité qui ne vient pas de lui...

L'enjeu est de maintenir cette tension, qui relève in fine de la surveillance de l'épiscope et probablement du pape. Cette dimension verticale n'empêche pas la conscience des laïcs et l'importance d'une horizontalité. Elle apporte néanmoins un contre pouvoir à ces derniers et aide à structurer l'ensemble. On voit bien aussi le danger : l'excès de pouvoir où l'excès de contestation. L'art est d'introduire tout ça dans une dynamique trinitaire qui conduit le pasteur lui-même à considérer sa double fonction : berger et serviteur.

La question de l'autorité est toujours à relire à l'aune de celle du Christ, qui lui-même s'en réfère au Père. "Tu n'aurais pas d'autorité si elle ne t'avait été donnée"... dit-il à Pilate.

El l'enjeu, comme le souligne Borras page 68ss est de garder en tension unité et catholicité.

(1) p.67
(2) J'anticipe probablement sur les développements à venir de Borras. Mais c'est le jeu de ces "chemins de lecture : se laisser interpeller, quitte à trouver ensuite des éléments de réponse et de contradiction.
(3) Je commente et développe ce point dans "Humilité et miséricorde, tome 3".

15 mai 2017

La tête et le corps - corpus permixtum 2

Pour autant, la diversité des membres est aussi un danger, celui d'une dispersion et d'une division dans l'agir qui perd de vue l'importance du rapport à la source unique et essentielle.
C'est là où Borras intègre l'analogie du corps, pour marquer l'importance du Christ-tête de l'Église. Difficile argumentation qui soutient pourtant depuis l'origine la difficile articulation de l'unité et de la diversité.
"Ce rapport d'altérité tête-corps est proprement symbolique car les ministères ordonnés signifient le lien intrinsèque du corps à la tête (...) il instaure un rapport à un tiers et, de ce fait, il y a trois termes : le corps ecclésial de tous les fidèles, les pasteurs à leur tête et le Christ-tête de son corps."(1)
Est-ce comme le dit Borras un modèle et plus encore un modèle normatif qui structure toute communauté ecclésiale.
J'en parlais avec un ami prêtre qui me racontait en retour l'expérience dun retour de pèlerinage en terre sainte et à Rome où des protestants présents lui avait fait part de leur découverte à Rome du sens et de l'importance de la primauté papale. Le danger d'un corpus permixtum est d'oublier la transcendance et l'unité au milieu de la diversité.
Il y a un balancier à toujours reconstruire entre communion et unité, liberté et autorité, charismes et relectures, corps et tête.

(1) ibid. p. 66

14 mai 2017

Corpus permixtum

"Ce corps diversifié qu'est l'Église est aussi un corps mêlé - un corpus permixtum"
Qu'est-ce qui fait l'Eglise ? En quoi et de quoi est-elle constituée ?
Je trouve, là encore une convergence de vue avec Borras, sur un concept que certains pourraient qualifier de "pluralisme pastoral", s'il n'était de fait une manière d'exprimer le fait que "l'Esprit souffle où il veut".
L'auteur évoque sur ce point (p. 63) que "l'appartenance ecclésiale est à concevoir de manière dynamique en termes d'itinérance, de mise en route, de cheminement". Il rejoint là, pour moi l'idée que les chemins vers l'Eglise sont divers. Ce me rappelle ce que Danièle Hervieu Léger disait au sujet des quatre voies d'entrée dans l'Église (art, mystique, communauté...).
Comprendre que Dieu ratisse large pour le royaume renforce l'importance d'une ouverture a priori des portes de l'Église vers la périphérie.
L'enjeu, pour Borras est aussi "d'éviter la tentation des purs et la menace sectaire" (1). Il est aussi évangélique au sens de Luc 15.
Le bon pasteur ramène à lui toutes les brebis perdues. C'est le sens eschatologique de la résurrection, c'est aussi notre enjeu pastoral.
"L'Église est là où sont les baptisés" (2).
La contempler comme une construction de pierres vivantes,  savamment ciselées pour en faire une cathédrale divine, c'est percevoir le travail de l'Esprit que l'on ne concevra qu'à la fin des temps. Alors la création apparaîtra dans toute sa mystérieuse beauté,  alors Saint Jean Chrysostome aura raison d'y voir la trace de l'Esprit à l'oeuvre,  alors la danse de Dieu sera visible en l'homme,  alors le Christ sera Parole accomplie, alors la Victoire de la Croix sera complète.
(1) ibid. p. 63
(2) p. 64

13 mai 2017

Monopole du prêtre ?

L'analyse d'Alphonse Borras part en fait d'un constat qui prend sa source dès les premiers siècles jusqu'à aboutir à une situation de fait : le monopole du prêtre dans la paroisse, avec tout ce que cela entraîne de clichés et de "mimétisme"(1)
Pour autant son analyse est disruptive puisque plus loin, rejoignant d'ailleurs la lettre du pape au cardinal Ouellet, il invite tout chrétien à un "sacerdoce d'existence" qui est pour lui "plus radical encore qu'un sacerdoce de fonction"(2). Cela ne nie pas la grâce sacramentelle de l'ordre mais donne à celle du baptisé toute sa puissance. C'est bien cela que je qualifie de dynamique sacramentelle.
(1) op cit p. 34
(2) p. 61

12 mai 2017

La danse trinitaire - Élisabeth de la Trinité

« Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité ; que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre mystère ! Pacifiez mon âme. Faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là, tout entière, tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à votre action créatrice. » (1)
À contempler à l'aune de l'évangile du jour, comme une invitation à la vie en Dieu

(1) Bienheureuse Élisabeth de la Trinité, cité par le CEC

11 mai 2017

Sacerdoce commun - Alphonse Borras

Je reprends la lecture de Borras(1) Ce qui me frappe dans son chapitre 2 tient d'abord à la dynamique sacramentelle qu'il développe pour tous les baptisés, appelés et convoqués à la même fonction sacerdotale.

Pour lui, l'enjeu reste que tous baptisés se sentent "disciples missionnaires" et qu'ils "intercèdent devant Dieu pour le monde" au sein d'un "sacerdoce commun à tous les baptisés [qui] s'inscrit dans le Sacerdoce du Christ qui s'offre au Père et reconduit vers lui toute l'humanité"(1).
Il évoque nos églises actuelles comme des "minorités témoins, au sens sacramentel", rejoignant ce que je décris de mon côté dans "la dynamique sacramentelle"(2).

C'est pour moi à la fois l'enjeu et l'interpellation. Comme je l'écris après Theobald, la question sacramentelle doit être vue ici au sens le plus large. L'enjeu est une communauté qui est signe pour le monde, plus que dans la seule commémoration de l'eucharistie pour autant essentielle, mais à travers elle dans ses fruits d'unité et de charité, ce que Borras developpe en évoquant la multitude des charismes.

(1) Alphonse Borras, quand les prêtres viennent à manquer, Paris, Mediaspaul, 2017, p. 59
(2) cf mon livre éponyme.

10 mai 2017

Circumincession - Cardinal Journet


La relation intra-trinitaire est de l'ordre de la danse. Les pères de l'église parle à ce sujet de la circumincession.  Il nous faut contempler la Trinité "qui vient à nous dans ce chemin de l'Incarnation, cette voix de la tendresse de Dieu venant au milieu de nous pour nous parler, non plus à distance du haut du Ciel, mais nous parler à travers une voix humaine, un langage humain" (1).

(1) Cardinal Charles Journet (1891-1975),
Conférences données à Genève de 1972 à 1974 sur l'Évangile selon S. Jean (Texte publié par la fondation Cardinal Journet, pp.253-257 ; rev.)





09 mai 2017

La danse des âmes

Si l'on suit Simone Weil et son défenseur François Cheng, notre chemin est de devenir rien (1), pour que Dieu nous habite entièrement, c'est-à-dire que notre désir ne devienne autre que Son désir, que notre voie est celle de rejoindre la Voie, que notre destinée est d'être uni à elle, pour ne faire plus qu'un avec le désir veritable, pour danser et chanter avec notre Dieu, alors la phrase de Jésus nous invite à la danse : mon Père et moi nous sommes un. Devenir rien pour être uni à l'Un. Tel est notre chemin.

"Le Seigneur m'a fait comprendre comment les trois Personnes n'étant qu'une même chose, elles sont cependant distinctes. En présence de telles merveilles, l'âme éprouve un nouveau désir d'échapper à l'obstacle du corps, qui l'empêche d'en jouir. Quoiqu'elles semblent inaccessibles à notre bassesse et que la vue en passe en un moment, l'âme en retire beaucoup plus de profit, sans comparaison, que de longues années de méditation, et sans savoir comment."(2)


(1) retrouve-t-on ici une idée déjà citée de Thérèse d'Avila : "tout est rien" ?
(2) Sainte Thérèse d'Avila, Les relations, œuvres complètes, tome 1 p. 418

08 mai 2017

De la beauté à la grâce -Saint Basile

"SI les prémices sont aussi belles, qu'en sera-t-il de la plénitude totale ?" (1)

(1) Saint Basile,  traité sur l'Esprit Saint,  source AELF

07 mai 2017

Ultime renoncement - Simone Weil

Simone Weil considère la création de la part de Dieu non comme une expansion mais comme "un retrait, un renoncement... Dieu a accepté cette diminution. il a vidé de soi une partie de l'être" pour sur la croix, finir par "toucher quelque chose qui n'est plus le malheur, qui n'est plus la joie, qui est l'essence centrale, essentielle, pure, non sensible, commune à la joie et à la souffrance, et qui est l'amour même de Dieu". (1)
On est là au coeur de ce que A. von Speyr décrit fort bien au sujet de la tension kénose, déréliction et grâce. Ce cri qui aboutit à la joie de voir Dieu.

(1) Cité par F. Cheng, op. Cit. p. 141-2