15 novembre 2017

Le principe de l’agir - 2

Poursuivons la lecture : « Je n'ai rien que je n'aie reçu, et pourtant il faut en même temps que surgisse, en moi-même, l'être que j'ai reçu et qui me semble imposé (...) il faut que je l'engendre à nouveau par une adhésion personnelle (...) afin d'égaler le mouvement réfléchi au mouvement spontané de mon vouloir. Or c'est dans l'action que » (1) tout se joue pour Blondel.
Il y a là des propos que l'on retrouve à la fois d'une certaine manière chez Lévinas dans "l'appel du visage" à agir où dans les pages de Ricoeur sur la philosophie de la volonté. Mais relire cela dans un contexte de 1893 donne une autre lueur et en même temps une vision qui va jusqu'à nos pastorales d'engendrement.
On trouve bien sûr aussi un lointain écho de l'entretien du Christ avec Nicodème (Jn 3) dans le concept de nouvelle naissance. 
Qu'est-ce à dire aujourd'hui. Face à la soumission à une mode, un modèle, une culture, où se situe ma volonté ? Comment vient-elle à mon esprit et quelle interaction dynamique se joue entre ce que j'ai reçu et ce que je vis en acte ?
Quel lien, aussi entre la grâce reçue et enfouie en moi (2) et ce que je traduis ensuite par un agir ?
Comment puis-je mettre en actes, ce qui me tient à coeur ?
Quelle cohérence ?
Au creux de cette question se joue l'agonie et la déréliction : " non pas ma volonté,  mais celle du divin en moi qui m'appele"...
À méditer.
(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, p. XXIV
(2) cf. plus haut le concept de grâce chez Diadoque de Photicé

Le principe de l’agir - Maurice Blondel

Après un long plaidoyer sur l'agir, Blondel en vient au cœur de notre sujet sur l'immanence : Il faut, pour lui, « rechercher s'il n'y a pas un mouvement initial qui persiste toujours, qu'on aime et qu'on veut, même quand on le renie ou quand on en abuse » (1).

C'est la peut-être le creuset de ce que je cherche à définir comme tressaillement, cette interaction fragile entre l'homme et l'auto-communication d'un Dieu agenouillé.

Ce mouvement est-il la symphonie du Dieu trine qui, dans le creuset de notre coeur, nous invite à danser une partition nouvelle ?

(1) Maurice Blondel, l'Action, Paris, Felix Alcan, éditeur, 1893, page XX de l'introduction.

Pertinence et impertinence de l’Église - Étienne Grieu

Un deuxième point qui mérite de s'arrêter dans l'analyse d'Etienne Grieu est ce paragraphe qui ose affirmer, à la différence de ce que pouvait dire Pierre Rabhi, interviewé ce matin sur RND, que l'Evangile passe par l'Église.
Cette affirmation ne va pas de soi. Elle est possible dans ce déplacement évoqué par Grieu à la suite de Théobald(1) dans la manière de penser la Révélation. Non pas un ensemble d'articles de foi mais une « dynamique relationnelle toujours à reprendre (...) une histoire qui se retisse et qui dans le feu de l'Esprit, projette de nouvelles lueurs sur ce qui nous a été donné par le Père » (2).

Dynamique qui avant d'être sacramentelle se tisse dans nos humanités...

« En redécouvrant l'Église comme fraternité nous sommes tout naturellement reconduits vers (...) ceux qui se tiennent au bord du monde », allusion explicite à la périphérie du pape François dans EG.

Cela nous ramène au coeur de l'alliance dans cet agenouillement de Dieu vers le monde.

Face à la tentation du repli, Grieu nous invite à une « audacieuse impertinence ». À méditer.

(1) Christoph Théobald, La réception du concile Vatican Il, Cerf, 2009
(2) Etudes n.4243 11/2017, op. Cit. p. 79

Immanence et transcendance

Le sujet lancé par Maurice Blondel en 1893 dans "L'action", un livre condamné à l'époque et dont on vient de me prêter un exemplaire n'est-il pas au coeur des tensions actuelles décrites par Théobald en début de son livre. Si l'homme est "capax dei" quelle place à la grâce ? Le chemin ouvert par Blondel a influencé beaucoup de recherche et il faut attendre Lubac et Rahner pour que les choses se tassent. Pour autant cette tension théologique mérite un détour. 

Quel est l'enjeu ?
Je ne maitirise pas ces sujets. Pour moi le concept d'immanence est une reprise de ce que sous entendait Justin (logos spermatikos) et Diadoque de Photicé ? N'est ce pas ce que suggère aussi Nostra Aetate : l'homme a en soi la capacité de trouver Dieu, il a en lui des rayons de la vérité.  De quel droit ? N'est ce pas au nom du souffle divin évoqué en Gn 1. La transcendance n'ajoute rien d'autre.  Elle fait entrer en résonance.  Entre vie et sacrements,  l'enjeu est la danse. À contempler et approfondir.

Le mendiant et la brise -2

Dieu que nul oeil de créature
N'a jamais vu,
Nulle pensée jamais conçu,
Nulle parole ne peut dire,
C'est notre nuit qui t'a reçu :
Fais que son voile se déchire.
Fais que tressaille son silence
Sous ton Esprit ;
Dieu, fais en nous ce que tu dis,
Et les aveugles de naissance
Verront enfin le jour promis
Depuis la mort de ta semence (1)

Je trouve un deuxième écho à ma thèse sur l'image fragile d'un Dieu mendiant d'amour dans les propos d'Étienne Grieu dans le dernier numéro d'Etudes, sous le titre de "Pertinence et impertinence de l'Église". (2).
Étienne y développe un sujet rémanent chez lui, l'alliance,  mais ses propos sur les échecs de Dieu me font prendre conscience de notre proximité d'approche. 

On lit entre les lignes ce que dit mon père Gilbert dans le mendiant et la brise...
J'ai aimé travailler avec Étienne sur mon livre Marions-nous. Je regrette qu'il soit si pris. J'aimerais lui offrir ma nouvelle et discuter encore sur ces enjeux pastoraux, ces urgences au sens theobaldien...

Troisième écho avec l'évangile d'aujourd'hui en Luc 17, 17 : "Et les neuf autres où dont-ils ?" pleure Jésus après la guérison des 10 lépreux. A méditer.  
(1) Hymne de l'office des lectures,  source AELF
(2) cf. ETUDES de novembre 2017

14 novembre 2017

Loi, gradualité, pastorale et Évangile

Nous arrivons au coeur de la tension soulevée par le pape François entre morale et pastorale. Christoph Théobald l'introduit à la lumière de sa lecture de Vatican II et de ce qui a suivi. Les questions posées par le Concile sur la pastorale était-elle en rupture ou en continuité avec la tradition ? Christoph Théobald note un glissement entre ce qui était considéré comme une « herméneutique de continuité » et « l'herméneutique de réforme » et en vient au sujet qui fâche. L'indissolubilité du mariage est-elle une loi ? Son approche est particulièrement intéressante. S'appuyant sur l'approche paulinienne, Christoph Théobald préfère dire que l'indissolubilité est aux yeux du Christ un « évangile », c'est à dire une bonne nouvelle. Car, note-t-il la réalité pastorale reste que l'homme est faillible, ce qui implique cette gradualité encore soulignée par le pape François (1)

(1) j'invite le lecteur à relire lentement les propos de Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 215 à 219

13 novembre 2017

Recevabilité de l’Évangile

Il faut que Christoph Théobald insiste trois fois sur ce mot (1) pour que je prenne conscience de son importance. Et pourtant c'est bien pour moi une question essentielle de pastorale, mais plus largement de tout le christianisme. À quel point ouvrons-nous notre porte à l'Evangile ?
Comment creuser en l'homme ce désir, ce tressaillement intérieur qui rend sa terre féconde à la semence du Verbe ?
Notre mission d'évangélisation ne doit-elle pas s' auto-réguler pour accueillir et entendre ces freins à l'évangile ? C'est l'enjeu d'une pastorale du seuil (2).

Que nous dit Christoph Théobald ? Il reprend les termes mêmes du pape François dans EG 39 : «  L’Évangile nous invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et nous sauve, le reconnaissant dans les autres et sortant de nous -mêmes pour chercher le bien de tous ». Soulignant cette reconnaissance de Dieu en autrui, Christoph Théobald note aussi l’importance pour François de la force et de l’attrait de l’annonce comme sa notion de « parfum de l’Évangile ».

Rien ne sert de servir une morale si on ne la fonde sur un désir profond d’adhérer à la personne de Jésus-Christ et de croire en sa force.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 94ss, 175ss et 208ss
(2) cf. mon essai éponyme

11 novembre 2017

Mission baptismale - Munera

Que recouvre notre mission baptismale de prêtres, prophètes et roi. L'expression mérite d'être expliquée et je trouve pour la première fois chez Christoph Théobald (1) une belle exhortation: il y insiste sur la vie sacramentelle (fonction sacerdotale), le témoignage d'une vie de foi et la catéchèse (fonction prophétique) mais surtout définit la fonction royale comme une "entrée au service de la présence du règne de Dieu au sein de nos réalités terrestres". Si souligne la hiérarchie de ces fonctions donnée par Vatican II en insistant sur la liturgie comme " sommet et source de toute vertu " citant SC § 10, je suppose qu'il garde en tête son schéma déjà cité qui souligne la nécessaire interaction entre vie et sacrement et fonde mes travaux sur la dynamique sacramentelle (2).

A mon humble avis, le service du règne que je traduis par diaconie, fonde la vérité des autres fonctions et la hiérarchie de Vatican II n'a une importance que si la réalité du lien entre vie et sacrement prends corps. Pour ceux de la périphérie, qui sont loin du monde chrétien, ceux pour qui "le mystère ne leur évoquent plus rien"(3) seront plus touchés par le "climat d'humanité qui leur parle éventuellement, l'accueil de la fragilité humaine, le droit de cité donné au questionnement et au doute". C'est pourquoi il me semble, en dépit de SC 10, que pour eux la hiérarchie doit être inversée.


(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 189
(2) Il reviendra en effet plus loin sur cette hiérarchie.
(3) ibid. p. 193

Pastorale du seuil

"Conduisez-vous avec prudence envers ceux qui sont hors de l'Eglise, sachant profiter des circonstances. Que votre parole soit toujours aimable, assaisonnée de sel en sorte que vous sachiez comment il faut répondre à chacun". Colossiens 4:5‭-‬6

A méditer à l'aune de mes travaux éponymes sur la Pastorale du seuil

09 novembre 2017

"L'amour de ta maison" et les Marchands du temple - Jean 2

Le texte de Jn 2 que nous donne à contempler la liturgie d'aujourd'hui (les marchands du temple) en cette fête de la dédicace du Latran doit se contempler à l'aune de la Passion qui habite ce texte dès les premiers versets de la péricope précédente (Cana). Nous sommes au "troisième jour" et la Croix est là,  bien présente dans cette eau qui va devenir le vin des noces. (1)
L'époux est là et l'heure de ses noces approchent. Il monte déjà charnellement et spirituellement à Jérusalem.  Le bon vin, servi en dernier se prépare,  après un long effort de Dieu vers l'homme.  Le mendiant d'amour va tout donner (cf. plus haut) même son Fils.
La mère est là, au pied de la Croix et il crie d'angoisse.  "Femme que me veux tu ?"
Est-ce déjà l'heure ?
Non, pas encore, mais "que ta volonté soit faite".

Allez, amis serviteurs, au puits de la rencontre, puisez l'eau vive ! (cf. Jn 4).
Remplissez les jarres, car la source est prête.


Dans cet axe, le zèle du Christ est à entendre à l'aune du psaume 68 (69) tout entier cité par Jean 2, 17. [Père], l'amour de ta maison est mon tourment. Outre le verset 10 cité c'est tout le psaume qui jaillit comme un cri. Face à cette plainte, la colère du Christ sur le traitement fait à la "maison du Père" semble bien légère. 
Écoutons et méditons en effet le psaume,  l'allusion au vinaigre,  entendons le cri du Crucifié.
02 Sauve-moi, mon Dieu : les eaux montent jusqu'à ma gorge ! 
03 J'enfonce dans la vase du gouffre, rien qui me retienne ; 
* je descends dans l'abîme des eaux, le flot m'engloutit. 
04 Je m'épuise à crier, ma gorge brûle.
* Mes yeux se sont usés d'attendre mon Dieu.
05 Plus abondants que les cheveux de ma tête, ceux qui m'en veulent sans raison ; 
* ils sont nombreux, mes détracteurs, à me haïr injustement. 
Moi qui n'ai rien volé, que devrai-je rendre ? 
* 06 Dieu, tu connais ma folie, mes fautes sont à nu devant toi.
07 Qu'ils n'aient pas honte pour moi, 
ceux qui t'espèrent, Seigneur, Dieu de l'univers ;
* qu'ils ne rougissent pas de moi, ceux qui te cherchent, Dieu d'Israël ! 
08 C'est pour toi que j'endure l'insulte, que la honte me couvre le visage :
09 je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. 
10 L'amour de ta maison m'a perdu ; on t'insulte, et l'insulte retombe sur moi.
11 Si je pleure et m'impose un jeûne, je reçois des insultes ; 
12 si je revêts un habit de pénitence, 
je deviens la fable des gens : 
13 on parle de moi sur les places, les buveurs de vin me chansonnent.
14 Et moi, je te prie, Seigneur : c'est l'heure de ta grâce ; 
* dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi, par ta vérité sauve-moi. 
15 Tire-moi de la boue, sinon je m'enfonce : 
* que j'échappe à ceux qui me haïssent, à l'abîme des eaux.
16 Que les flots ne me submergent pas, que le gouffre ne m'avale, 
* que la gueule du puits ne se ferme pas sur moi. 
17 Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ; 
* dans ta grande tendresse, regarde-moi.
18 Ne cache pas ton visage à ton serviteur ; je suffoque : vite, réponds-moi. 
* 19 Sois proche de moi, rachète-moi, paie ma rançon à l'ennemi.
20 Toi, tu le sais, on m'insulte : je suis bafoué, déshonoré ; 
* tous mes oppresseurs sont là, devant toi.
21 L'insulte m'a broyé le coeur, le mal est incurable ; 
* j'espérais un secours, mais en vain, des consolateurs, je n'en ai pas trouvé.
22 A mon pain, ils ont mêlé du poison ; quand j'avais soif, ils m'ont donné du vinaigre. (...)
30 Et moi, humilié, meurtri, que ton salut, Dieu, me redresse. 
31 Et je louerai le nom de Dieu par un cantique, je vais le magnifier, lui rendre grâce.
32 Cela plaît au Seigneur plus qu'un taureau, plus qu'une bête ayant cornes et sabots. 
33 Les pauvres l'ont vu, ils sont en fête : « Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
34 Car le Seigneur écoute les humbles, il n'oublie pas les siens emprisonnés. 
35 Que le ciel et la terre le célèbrent, les mers et tout leur peuplement !
36 Car Dieu viendra sauver Sion et rebâtir les villes de Juda. 
Il en fera une habitation, un héritage : 
* 37 patrimoine pour les descendants de ses serviteurs, demeure pour ceux qui aiment son nom.

Alors la point du texte jaillit  comme un chant d'espérance : " Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » 

Percez son sein et "et aussitôt, il en sorti[ra] du sang et de l’eau." (Jn 19, 34).
Dans cet axe les deux lectures du jour paraissent évidentes : 

« J’ai vu l’eau qui jaillissait du Temple,
et tous ceux que cette eau atteignait étaient sauvés » (Antienne Vidi aquam)

« En ces jours-là, au cours d’une vision reçue du Seigneur,l’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison,de l’eau jaillissait vers l’orient,puisque la façade de la Maison était du côté de l’orient.L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l’autel. L’homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l’extérieur, jusqu’à la porte qui fait face à l’orient,et là encore l’eau coulait du côté droit. Il me dit :« Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain,et se déverse dans la mer Morte,dont elle assainit les eaux.En tout lieu où parviendra le torrent,tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre,et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives,toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ;
leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas.Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux,car cette eau vient du sanctuaire.Les fruits seront une nourriture,et les feuilles un remède. » Ez 47, 1-2.8-9.12

"Frères,vous êtes une maison que Dieu construit.Selon la grâce que Dieu m’a donnée,moi, comme un bon architecte, j’ai posé la pierre de fondation.Un autre construit dessus.Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction.La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ. Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu,et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu,cet homme, Dieu le détruira,car le sanctuaire de Dieu est saint,et ce sanctuaire, c’est vous.– Parole du Seigneur.
(1 Co 3, 9c-11.16-17) (2)

(1) cf. mon commentaire dans "sur les pas de Jean".
(2) Source AELF

08 novembre 2017

Mendiant d'amour

Il y a dans le regard de ceux que vous croisez dans la rue,  assis sur le trottoir la main tendue autre chose que l'attente d'une pièce de monnaie. Il y a ce désir d'être reconnu,  aimé. Il y a un désir de compter pour vous, alors que chaque jour, vous le croisez, vous donner votre obole et votre sourire. Il y a même parfois celui qui vous donne un cadeau,  le monde à l'envers,  alors même que c'est depuis des mois l'inverse. Est-ce parce qu'un jour vous avez donné un billet,  un vrai sourire, parce que,  à croupi vous lui avez parlé ?
Et si Matthieu 25, 35 avait raison, et si c'était Dieu, dans ce mendiant à genoux devant l'homme ?
Il y a dans le regard de Dieu que vous croisez une main tendue, ce désir d'être reconnu,  aimé. Il y a un désir de compter pour vous, alors que chaque jour, vous le croisez, vous lui donnez un peu de temps et un sourire. Il y a même souvent ce Dieu qui vous donne un cadeau puis s'efface de peur de violer votre liberté.

07 novembre 2017

Pour lui-même

L'amour du prochain est en soi une tension délicate à appréhender. Il faut probablement évoquer à ce stade la triple clé de lecture d'Augustin (1) qui distingue Amare Amare, Amare Amari et Amare, c'est à dire aimer aimer, aimer être aimé et aimer tout simplement, gratuitement dirait Jean-Luc Marion. "Partant du principe fondamental de gratuité" il est véritablement chrétien d'aimer l'autre "pour lui-même"(2). C'est à dire de ne pas chercher à le forcer à quoi que soit y compris à croire(3) mais tout simplement de s'agenouiller devant lui (4) et le laisser grandir en espérant qu'il goûte à cette intimité inouïe de notre Dieu par simple transpiration.

"Nous devrions nous interroger sur la mystérieuse force de diffusion qui habite l'Évangile lui-même et, surtout, prendre au sérieux notre difficulté à nous initier les uns les autres à l'expérience "mystique" qu'il véhicule" (5)

(1) De Trinitate
(2) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 182
(3) cf. Le mendiant et la brise
(4) cf. A genoux devant l'homme
(5) Christoph Théobald, ibid. p. 185

06 novembre 2017

Gratuité et liberté religieuse

Il existe une tension vive entre l'urgence de la mission et la prise en compte de la réalité, comme de la nécessaire liberté religieuse. J'ai abordé maladroitement ce thème dans "Pastorale du seuil" et je trouve des accents similaires chez Christoph Théobald (1). Son apport est d'insister sur la gratuité.

Si l'homme fait "l'expérience de l'inouï de l'intimité avec Dieu" peut-il se taire. C'est dans ce cadre qu'il prêche pour une "mission (...) respectueuse de la liberté du récepteur [basée sur] (...) l'amour de la véritable liberté d'autrui".
Pour lui, l'Église est capable de se laisser toucher ET enseigner et s'appuie sur "cet amour de la liberté d'autrui".

Je travaille dans ce sens en préparant la publication imminente (sous 3-4 jours) sur Amazon et fnac.com d'une petite nouvelle intitulée "Le mendiant et la brise". Une manière pour moi de dire que le mendiant n'est autre que Dieu lui-même.

Une nouvelle que j'illustre en couverture par cette annonciation peinte par ma soeur. Elle illustre bien l'agenouillement réciproque de ceux qui se tournent vraiment vers autrui :


(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 171ss

05 novembre 2017

Vie et sacrements

Je retombe sur le schéma de Christoph Théobald qui m'a conduit à écrire “la dynamique sacramentelle”. Il est tiré de la page 41 de "Présences d'Évangile: Lire les Évangiles et l'Apocalypse avec l'Église d'Algérie et d'ailleurs de Christoph Theobald, Paris 2003, p. 41. Pour moi ce schéma parle tout seul. il résume ce que je cherche à dire en 150 pages. Les sacrements n'ont de sens qu'en lien intime avec la  vie.

04 novembre 2017

L'adhérence et l'endurcissement

La doctrine du péché originel mise en avant par Augustin en plein développement contre Pélage est à conceptualiser,  relativiser et mettre en perspective.  De même les propos de Sainte Catherine de Sienne sur le même thème.  À l'aune de nos réflexions sur la miséricorde il faut entendre par contre ce qu'elle dit sur la divine providence :
"Dans son ignorance, l'homme croit voir la mort dans ce que je lui donne pour sa vie, et il devient ainsi cruel envers lui-même. Pourtant ma Providence l'assiste toujours. Aussi, je veux que tu le saches : tout ce que je donne à l'homme provient de ma souveraine Providence.Et c'est pourquoi, lorsque je l'ai créé par ma Providence, j'ai regardé en moi-même et j'ai été saisi d'amour par la beauté de ma créature. J'ai voulu la créer à mon image et à ma ressemblance, en y employant largement ma Providence. En outre, je lui ai donné la mémoire pour qu'elle garde le souvenir de mes bienfaits : car je voulais qu'elle participe à ma puissance de Père éternel.Je lui ai encore donné l'intelligence, pour que, dans la sagesse de mon Fils unique, l'homme connaisse ma volonté, car c'est moi qui donne toutes les grâces avec un brûlant amour de Père. Et je lui ai donné aussi la volonté pour aimer, en participant à la douceur du Saint-Esprit, afin qu'il puisse aimer ce que son intelligence ne pouvait connaître et voir.Voilà ce que ma douce Providence a fait, uniquement pour que l'homme soit capable de me comprendre et de me goûter avec une joie parfaite, dans l'éternelle vision qu'il aurait de moi." (1)
Romains 11 nous éclaire sur ce point, comme sur des passages surprenant de l'évangile : "l’endurcissement d’une partie d’Israël s’est produit pour laisser à l’ensemble des nations le temps d’entrer.C’est ainsi qu’Israël tout entier sera sauvé" nous dit Paul.
Aujourd'hui que dire sur la condition de l'homme. Qu'il soit pris dans un jeu d'adhérence au mal, qu'il souffre d'addiction ou soit tenté par la jalousie et la violence ne relève pas d'une malédiction originelle de Dieu mais plutôt de son état de liberté. 
(1) Sainte Catherine de Sienne,  Dialogue sur la divine providence,  source AELF