17 avril 2018

Dynamique sacramentelle 18 - la place du diacre, Albert Rouet

Encore une phrase qui renforce ma thèse sur l'élargissement nécessaire de la conception du sacramentel :
« La sacramentalité de son ordination [diacre] découle de ce que l'Église étant sacrement du royaume, il sert « l'ecclésial » hors de l'Église. Sa dimension sacramentelle signifie et rend présent dans l'Église et pour son élan vers le monde le Christ Premier Né de toute créature. C'est donc par rapport au Royaume qu'il convient de comprendre Le sacramentel, et non seulement à partir de sa stricte « utilisation » communautaire (...) tout sacrement est sacrement de l'Église, qui est elle-même sacrement du Royaume » (1)
À quoi aboutit-on à ce stade ? Probablement à la prise en compte de la supériorité du sacrementel sur Le liturgique qui n'en est que la traduction symbolique et nécessaire.

La beauté de nos liturgies, ce qu'elles traduisent de nos traditions et de notre obéissance à ces rites reste creux si la dimension sacramentelle de la marche vers le royaume n'est pas la toile de fond.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 99

La barque de l'Église

"Le Christ monte dans une barque : n'est-ce pas lui qui a découvert le lit de la mer après avoir rejeté ses eaux, afin que le peuple d'Israël passe à pied sec comme en une vallée ? (Ex 14,29) N'est-ce pas lui qui a affermi les vagues de la mer sous les pieds de Pierre, de sorte que l'eau fournisse à ses pas un chemin solide et sûr ? (Mt 14,29) Il monte dans la barque. Pour traverser la mer de ce monde jusqu'à la fin des temps, le Christ monte dans la barque de son Église pour conduire ceux qui croient en lui jusqu'à la patrie du ciel par une traversée paisible, et faire citoyens de son Royaume ceux avec qui il communie en son humanité. Certes, le Christ n'a pas besoin de la barque, mais la barque a besoin du Christ. Sans ce pilote venu du ciel, en effet, la barque de l'Église agitée par les flots n'arriverait jamais au port. (1)

A contempler

(1) Saint Pierre Chrysologue, Sermon 50, 1.2.3 ; PL 52, 339-340 (trad Bouchet, Lectionnaire, p. 324 rev.)

13 avril 2018

Dynamique sacramentelle - le diaconat a besoin d’espace

« Quand l'Église se considère elle-même, quand son regard se porte prioritairement sur elle-même, au fond elle peut se passer de diacre permanents. (...) Au contraire, quand elle se tourne vers l'humanité et vers le royaume dont elle est le sacrement, alors les diacres lui sont nécessaires » (1)
Une belle image qui réoriente la dimension sacramentelle de la diaconie.


Elle est complétée plus loin par un phrase qui souligne ce point. « Une sorte de myopie n'envisage les sacrements que pour l'Église et en son sein (...) il y a [au contraire] au coeur même de l'activité sacramentelle, un dépassement, une ouverture, par lesquels, comme aurait pu dire Pascal, l'Église passe par l'Église. Un outrepassement. (2)


(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 87
(2) ibid p. 98

01 avril 2018

Déposer et revivre - il est ressuscité !

Comme le suggère déjà Isaïe 53, 12, "il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort,et il a été compté avec les pécheurs, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs."
Méditons un instant ce dépouillement à l' aune de Jn 10, 17-18.
Ma vie, nulle ne la prends, c'est moi qui la dépose ...

Il a déposé sa vie entre les mains du Père.  "C'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui à donné le nom" de Dieu sauveur, suggère en écho Philippiens 2.

Louange et gloire à notre Dieu.  Il est ressuscité !

24 mars 2018

Une lecture kénotique des Rameaux - Saint André de Crête

"Il vient donc, en faisant route vers Jérusalem, lui qui est venu du ciel pour nous, alors que nous étions gisants au plus bas, afin de nous élever avec lui, comme l'explique l'Écriture, au-dessus de toutes les puissances et de toutes les forces qui nous dominent, quel que soit leur nom.

Et il vient sans ostentation et sans faste. Car, dit le prophète, il ne protestera pas, il ne criera pas, on n'entendra pas sa voix. Il sera doux et humble, il fera modestement son entrée. ~

Alors, courons avec lui qui se hâte vers sa passion, imitons ceux qui allèrent au-devant de lui. Non pas pour répandre sur son chemin, comme ils l'ont fait, des rameaux d'olivier, des vêtements ou des palmes. C'est nous-mêmes qu'il faut abaisser devant lui, autant que nous le pouvons, l'humilité du cœur et la droiture de l'esprit afin d'accueillir le Verbe qui vient, afin que Dieu trouve place en nous, lui que rien ne peut contenir.

Car il se réjouit de s'être ainsi montré à nous dans toute sa douceur, lui qui est doux, lui qui monte au dessus du couchant, c'est-à-dire au-dessus de notre condition dégradée. Il est venu pour devenir notre compagnon, nous élever et nous ramener vers lui par la parole qui nous unit à Dieu.

Bien que, dans cette offrande de notre nature humaine, il soit monté au sommet des cieux, à l'orient, comme dit le psaume, j'estime qu'il l'a fait en vertu de la gloire et de la divinité qui lui appartiennent. En effet, il ne devait pas y renoncer, à cause de son amour pour l'humanité, afin d'élever la nature humaine au-dessus de la terre, de gloire en gloire, et de l'emporter avec lui dans les hauteurs.

C'est ainsi que nous préparerons le chemin au Christ : nous n'étendrons pas des vêtements ou des rameaux inanimés, des branches d'arbres qui vont bientôt se faner, et qui ne réjouissent le regard que peu de temps. Notre vêtement, c'est sa grâce, ou plutôt c'est lui tout entier que nous avons revêtu : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ. C'est nous-mêmes que nous devons, en guise de vêtements, déployer sous ses pas.

Par notre péché, nous étions d'abord rouges comme la pourpre, mais le baptême de salut nous a nettoyés et nous sommes devenus ensuite blancs comme la laine. Au lieu de branches de palmier, il nous faut donc apporter les trophées de la victoire à celui qui a triomphé de la mort.

Nous aussi, en ce jour, disons avec les enfants, en agitant les rameaux qui symbolisent notre vie : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'lsraël" (1)

(1) Saint André de Crête,  Homélie pour le dimanche des rameaux, source AELF

22 mars 2018

Christ mystère - Albert Rouet

A partir de l'expression de Heb 2,2 : "Christ mystère" écoutons le commentaire de Mgr Rouet  ; "Le mystère désigne donc l'inépuisable générosité de Dieu, ce fleuve surabondant qui, du Père et à travers le cœur transpercé du Fils vivifie l'humanité. L'Église vit de cette eau. Elle la reçoit pour la répandre. Elle est ainsi dépassée, en amont par la largesse de Dieu qui se donne, l'infini de son amour ; en aval vers l'indéfini de l'humanité toujours multiple, nouvelle et ancienne, repliée et novatrice" (1)

Un écho à mon livre éponyme " l'amphore et le fleuve". Mais plus encore un hymne à la réalité du Dieu amour... Il nous abreuve et nous inonde de sa grâce. À contempler.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 56-7

Tendresse blessée - Péguy

"Nul chemin ne conduit le chrétien au Domaine qui ne passe au carrefour de la Croix. La joie ne lui est pas retirée : elle est le son même de sa vie. Mais le bonheur tranquille n'est pas la joie. La joie dans les larmes, ou pendant le bon temps, une joie ardente et voilée, voilà l'état naturel du chrétien. Péguy disait que la tendresse, à cause de cela est la moelle du catholicisme. Une tendresse blessée...(1)

Un écho à mon "Dieu de faiblesse" éponyme?

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 175

16 mars 2018

Piétisme et fadeur

« Si le chrétien donne si souvent l'impression dans ses homélies sociales de ne pas avoir prise sur la réalité vivante (...) c'est bien souvent que l'énergie chrétienne qui lui donnerait le mordant (...) s'est affadie en lui dans un piétisme sans âme et sans accent : si bien qu'aux meilleures mêmes l'âpreté et l'indignation apparaissent comme une faute, l'affirmation des déterminismes, des contradictions provisoirement insolubles, des nécessités comme une impiété. » Mounier nous invite ainsi à « l'ascèse des contradictions et des expériences directement débattues »(1).
Qu'est-ce à dire ? Sombrons nous encore aujourd'hui dans un laisser faire au nom d'une miséricorde trop vite accordée. Ses propos sont durs et interpellent. Dans le contexte de 1934 sont ils plus pertinents qu'aujourd'hui ?
Personnellement j'ai peut-être cette fadeur du miséricordieux et le manque de mordant d'une piété exacerbée. Mais je sais qu'un jugement hâtif n'est pas non plus chrétien.
Notons seulement que Mounier dénonce aussitôt le risque de sombrer dans un discours moral, « responsable de la médiocrité de l’action ».
À méditer

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 153

15 mars 2018

La discrétion de Dieu

Une belle évocation chez Mounier qui entre en écho avec « la voix d'un fin silence », mon livre éponyme : « Saint Irénée évoquait la pédagogie divine ; on a parlé depuis de la discrétion de Dieu. Un immense silence qui dure toute l'histoire ; une inspiration par touches intimes qui laissent le champ libre à tout appareil humain ; la patience de tous les détours qui séparent l'inspiration de l'effet : telles apparaissent ces voies qui ne sont pas nos voies ». (1)

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 116

13 mars 2018

L'eau qui purifie -Jn 5 - lecture spirituelle de Grégoire de Nysse

A propos de Jn 5 et de la piscine de Bethesda, prenons nous le temps de considérer que nous pouvons être cet homme englué dans nos adhérences au mal. 
Écoutons sur ce point Grégoire de Nysse : "Tout homme qui entend le récit de la traversée de la Mer Rouge comprend quel est ce mystère de l'eau, dans laquelle on descend avec toute l'armée des ennemis et de laquelle on émerge seul, laissant l'armée des ennemis engloutie dans l'abîme. Qui ne voit que cette armée des Égyptiens..., ce sont les diverses passions de l'âme auxquelles l'homme est asservi : sentiments de colère, impulsions diverses de plaisir, de tristesse ou d'avarice ?... Toutes ces choses et toutes celles qui sont à leur origine, avec le chef qui mène l'attaque haineuse, se précipitent dans l'eau à la suite de l'Israélite. Mais l'eau, par la force du bâton de la foi et la puissance de la nuée lumineuse (Ex 14,16.19), devient source de vie pour ceux qui y cherchent un refuge — et source de mort pour ceux qui les poursuivent... Cela signifie, si l'on en dégage le sens caché, que tous ceux qui passent par l'eau sacramentelle du baptême doivent faire mourir dans l'eau toutes les inclinations mauvaises qui leur font la guerre — l'avarice, les désirs impurs, l'esprit de rapine, les sentiments de vanité et d'orgueil, les élans de colère, la rancune, l'envie, la jalousie... (...) De même on doit engloutir toute l'armée égyptienne, c'est à dire toute forme de péché, dans le bain du salut comme dans l'abîme de la mer et en émerger seul, sans rien qui nous soit étranger.(1)

(1) Saint Grégoire de Nysse, La Vie de Moïse, II, 121s ; SC 1 (trad. SC p. 181 rev.)

12 mars 2018

Dynamique 16 - diaconie de l’Église

« Ou bien [l'Église] se pense comme une société religieuse qui a des œuvres envers les « autres » démunis ou incroyants, ou bien la présence des autres la transperce en son cœur. » (1)

L'enjeu est là souligne Mgr Albert Rouet. Qu'elle est la différence ? Elle est une question de hauteur. Soit l'autre est contemplé de haut, soit il devient le centre : « c'est à moi que vous l'avez fait » (Mat 25). Non pas par devoir, mais comme nous l'avons souligné sur les pas de Mounier parce que l'autre doit devenir premier, sens, centre de nos vies.

« Pour avoir des œuvres, point besoin de diacres. Mais si ces « autres » pénètrent le centre et pour qu'ils y arrivent, des diacres deviennent nécessaires. C'est toute la différence entre assistanat et présence » (2)
La diaconie se joue là. Dans cette inversion qui dépasse la simple pitié pour devenir kénose, à la suite du Christ, c'est à dire pour entrer dans la prise de conscience que l'Eglise est Corps où chacun devient essentiel. Ce n'est pas mon salut que je vise, mais la construction eschatologique du grand Corps, du Royaume.

La fonction du diacre ne peut être cléricale. Elle est bien au contraire une chance de remettre la kénose au centre de sa dynamique sacramentelle. Le diacre est le signe que la diaconie est centrale, essentielle et constitutive de la dimension kénotique de l'Eglise tout entière, il devient le bras visible de cette dimension particulière.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 49
(2) ibid.


Foi et espérance

Peut-on définir le chrétien comme « « pessimiste actif ». Non répond Emmanuel Mounier qui préfère l'expression « d'optimiste tragique » (1). La différence tient aux trois vertus théologales. La foi et l'espérance nous interdisent tout pessimisme, même si le réalisme nous force à considérer le tragique de l'existence.
À méditer

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 110

Dynamique 15 - visibilité ou enfouissement

Il semblerait que les balancements actuels entre visibilité et enfouissement ne datent pas d'aujourd'hui. Entendre Mounier évoquer en 1948 qu'il y a 20 ans « le grand souci des jeunes chrétiens était de se manifester et de conquérir (« Vous êtes chrétiens et cela doit se voir ») » interroge. Je préfère personnellement sa deuxième version, plus inductive : « Vous êtes chrétiens, ça doit se percevoir, mais ça ne doit pas se voir (...) Être chrétien, c'est peut-être s'effacer sous une certaine transparence plus que s'efforcer à trop d'évidence. Se prêter difficilement à laisser agir en soi un Être plus qu'en ses nom et place »(1)

On est là bien sûr au cœur d'un conflit très profond digne de celui de Jn 8 entre les défenseurs de la loi gravée sur le roc et les traits dans le sable de Jésus. Pharisaïsme ou Présence intérieure ? Drapeaux et étendards ou contagion de l'amour ?
La foi ne s'impose pas. Elle est don de Dieu.

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 98

08 mars 2018

Dynamique 14 - engagement en tension

« L'homme n'est homme que par l'engagement. Mais si l'homme n'était que ses engagements, il serait esclave, surtout dans un monde où le réseau collectif se fait de plus en plus serré. (...) il faut [alors] qu'un drame intérieur anime l'engagement. Ce drame atteint son maximum d'intensité et de fécondité quand il résulte de la tension, dans l'impromptu de l'expérience, entre l'exigence inflexible de l'Absolu et l'exigence pressante de la réalisation. La situation d'insécurité et de hardiesse où elle nous introduit est le climat des grandes entreprises » (1)

Sans commentaire

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 96-97

07 mars 2018

Dynamique 13 - engagement

Où nous conduit l'adsum evoqué plus haut. Pour Mounier le chrétien est celui qui s'engage... « non pas seulement ici ou là, mais tout entier dans chaque acte, si bien que chacun de ses actes (...) devrait être comme le ramassement de toute sa vie (...) unité (...). [Être qui ] toujours dit je en pensant moi le moins souvent possible ; car ce je qui s'engage et qui s'affirme (...) s'efface d'un effacement cette fois supérieur, comme un médiateur, un répondant qui serait tout entier sa réponse (...) une parole unique dans un don unique : « cette goutte de sang que j'ai versé pour toi »(1)
Ici on sent l'accent christique du discours, mais n'est-ce pas notre chemin.

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 86