12 janvier 2019

Au fil de Jean 3,22-30, tressaillement et décentrement - Cana et Nicodème

*En ce temps-là, Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait.
Jean, quant à lui, baptisait à Aïnone, près de Salim, où l'eau était abondante. On venait là pour se faire baptiser.
En effet, Jean n'avait pas encore été mis en prison.
Or, il y eut une discussion entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification.
Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »
Jean répondit : « Un homme ne peut rien s'attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel.
Vous-mêmes pouvez témoigner que j'ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui.
Celui à qui l'épouse appartient, c'est l'époux ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il entend la voix de l'époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite.
Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue*. Jean 3,22-30 (1)

Ce petit épisode où l'on voit Jésus baptiser en « concurrence » avec Jean est très particulier. Pour l'exégète John Meyer il traduit et prépare à la coexistence de deux écoles différentes, celle des disciples de Jean qui perdurera encore après la mort du Christ. Et c'est justement au sein de cette école que l'évangéliste Jean va tenter deux déplacements et une tentative de réconciliation. Augustin nous y conforte en apportant deux exhortations : « le tressaillement » et le « décentrement » deux concepts déjà largement commentés dans nos pages.
*Écoutez, enfants de la lumière, vous qui avez été adoptés en vue du Royaume de Dieu ; écoutez, frères très chers ; écoutez et tressaillez de joie dans le Seigneur, vous les justes, puisqu' « à vos cœurs droits, la louange va bien » (Ps 33,1). Écoutez ce que vous savez déjà, méditez ce que vous avez entendu, aimez ce que vous croyez, proclamez ce que vous aimez ! ...
Le Christ est né, Dieu par son Père, homme par sa mère ; il est né de l'immortalité de son Père et de la virginité de sa mère. De son Père, sans le concours d'une mère ; de sa mère, sans celui d'un père. De son Père, sans le temps ; de sa mère, sans la semence. De son Père, il est principe de vie ; de sa mère, la fin de la mort. De son Père, il est né pour régler l'ordre des jours ; de sa mère, pour consacrer ce jour-ci.
Devant lui il a envoyé Jean Baptiste, qu'il a fait naître lorsque les jours se mettent à décroître, et lui-même est né lorsque les jours commencent à rallonger, préfigurant ainsi les paroles de ce même Jean : « Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ». En effet, la vie humaine doit s'affaiblir en elle-même et s'augmenter en Jésus Christ, « afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15). Et afin que chacun de nous puisse répéter ces paroles de l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).(2)

Cette première place du Christ ne nie pas notre existence, elle constitue le lieu de notre déplacement. Diminuer pour qu'en nous (en Christo) nous devenions passeur de Dieu, Christophore, porte-Christ.

La phrase de Galates citée par Augustin résume tout.

Quelles sont les conditions de cette transformation en nous ? 
Elle se lit entre les lignes dans un autre passage des mêmes chapitres de Jean et rejoins notre commentaire de 1 Jn 4. 
« Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.

Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.

Aussi, tel un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations ; en assumant l'incarnation, il va s'unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle. ~ Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux, tout à coup, sont changées, elles qui plus tard doivent changer les hommes. ~

Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi touche à sa fin et la grâce lui succède : le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne se transforme en la Nouvelle alliance. Comme dit l'Apôtre : Ce qui est ancien a passé, voici que du nouveau est advenu. De même que l'eau contenue dans les cuves ne perd rien de ce qu'elle était, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ. ~

Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré ; le vin de l'Ancienne alliance était bon, mais celui de la Nouvelle est meilleur. L'Ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La Nouvelle alliance, celle qui nous concerne, restitue le goût de la vie en donnant la grâce.

Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi, lorsque tu entends : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsque tu entends : Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » (3)

De Cana à Nicodème, Jean nous mène un pas plus loin

(1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Augustin, Sermon 194, onzième sermon sur la Nativité du Seigneur (trad. coll. Icthus, t.8, p. 98 rev.), source Evangile au quotidien 
(3) Fauste de Riez, Sermon sur l'eucharistie, source AELF


11 janvier 2019

Au fil de Luc 5, 12-14 - le lépreux

"Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre ;
voyant Jésus, il tomba face contre terre et le supplia :
« Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »
Jésus étendit la main et le toucha en disant :
« Je le veux, sois purifié. »
À l'instant même, la lèpre le quitta."

Quelle est notre lèpre ? Sommes-nous aujourd'hui capable de tomber face contre terre et de demander le pardon de Dieu ?

Ce mouvement intérieur d'introspection n'est pas inutile. Il nous fait prendre conscience de toutes nos addictions, nos paresses, nos adhérences au monde. 

Comme le psalmiste nous pourrions dire : “oui mes péchés me submergent, leur poids trop pesant m’ecrase. Mes plaies sont puanteur et pourriture, c’est la le prix de ma folie. Plus rien n’est sain dans ma chair (Ps 37, 5-8)

Nous sommes loin du Christ qui reste en permanence tourné vers le Père. Et pourtant c'est dans ce lien spirituel au Père qu'il se penche vers nous, s'agenouille probablement pour nous toucher, malgré nos infirmités. 

La première lecture (1 Jn 5) parle d'Esprit, d'eau et de sang. Qu'est-ce à dire ? Le don de Dieu, c'est d'abord l'Esprit, ce qui au fond de notre coeur vient nous tourner vers le Père et nous aide à crier Abba (ou vers le Christ en disant « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. »

C'est en ensuite l'eau vive, cette eau qui coule du coeur transpercé et qui nous inonde de consolation et de vie, nous purifie et nous relève comme Naaman au Jourdain. L’eau du Jourdain celle la même où Il s’est plongé pour nous inviter à faire de même...

C'est ensuite le sang, celui versé pour nous et devant qui notre coeur fond et devient sans repos. 
Le sang, c'est en effet cette conversion du coeur qui nous fait aller plus loin. 
Écoutons sur ce point Bonaventure : 
« Un jour que François priait dans la solitude et que, emporté par sa ferveur, il était tout absorbé en Dieu, le Christ en croix lui est apparu. À cette vue, « son âme s'est fondue » (Ct 5,6) et le souvenir de la Passion du Christ l'a percé si profondément qu'à partir de ce moment il pouvait difficilement se retenir de pleurer et de soupirer lorsqu'il venait à penser au Crucifié ; lui-même en a fait un jour l'aveu peu de temps avant sa mort. Et voilà comment il a compris que c'était à lui que s'adressait la parole de l'Évangile : « Si tu veux venir après moi, renonce à toi-même, prends ta croix et suis-moi » (Mt 16,24).
Il s'est abandonné dès lors à l'esprit de pauvreté, au goût de l'humilité et aux élans d'une piété profonde. Alors que jadis non seulement la compagnie, mais la vue d'un lépreux, même de loin, le secouait d'horreur, il se mettait dorénavant, avec une parfaite insouciance pour lui-même, à leur rendre tous les services possibles, toujours humble et très humain, à cause du Christ crucifié qui, selon la parole du prophète, a été considéré et « méprisé comme un lépreux » (Is 53,3).(1)

(1) Saint Bonaventure, Vie de Saint François, Legenda major, ch. 1 (trad. cf. Vorreux, Éds franciscaines 1951, p. 572), source Évangile au quotidien 


09 janvier 2019

Au fil de la première lettre de saint Jean 4, 11-18 et de Marc 6, 45-52- De bruissements en tressaillements

"Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l'a jamais vu.
Mais si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection.
Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui
et lui en nous :
il nous a donné part à son Esprit.
Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous,
et nous y avons cru.
Dieu est amour :
qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui."

Il n'y a jamais pour nous de manifestation irréfutable de la présence de Dieu autre que celle de la nature ou que ce que Dieu consent à nous révéler.

Il y a par contre des bruissements et des tressaillements intérieurs. Car loin des trompettes et des cors du Sinaï, Dieu a choisi le silence du Crucifié pour clôturer sous forme d'apothéose sa pleine révélation aux hommes, ne la rappelant que par des traces et des soupirs. 

Et pourtant il serait faut de dire qu'il s'est tu. Le langage de Dieu est dans la voix d'un fin silence, dans le souffle ténu de l'Esprit, dans le bruissement des feuilles de la Bible et le tressaillement de nos coeurs.

Il vient nous visiter. Il demeure en nous. Saurons-nous l'entendre, sentir ses mots enfouis au plus profond de nos coeurs ou dans le cri de nos frères.

Comme Jésus après la multiplication des pains, repartons au désert et écoutons sa voix. Alors la tempête de nos vies laissera place au silence. 

« Confiance ! c'est moi ; n'ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque
et le vent tomba ;
et en eux-mêmes
ils étaient au comble de la stupeur,
car ils n'avaient rien compris au sujet des pains :
leur cœur était endurci." (Marc 6, 50-52)


08 janvier 2019

Au fil de Matthieu 14,17 - 5 pains et deux poissons

"Combien de pains avez-vous ?" Qu'avez-vous apporté ? La question de Jésus résonne encore dans nos coeurs. Qu'avons-nous à proposer au monde ? Le fruit de notre travail. Cinq petits pains, pas très bien cuits, un peu desséchés peut-être, et une surprise qui nous vient de Dieu. Deux poissons encore frétillants qui ont réjoui notre coeur. Cadeau inopiné, surprise de Dieu. C'est cela que nous apportons aujourd'hui. Ensuite tout vient de toi. Tu les transformes et Tu les multiplies. Tu nourris une foule immense. Nous ne sommes rien mais nous participons à ce mouvement, parce que nous sommes ton Église.
Fais de nous des instruments et des passeurs de ta bonne nouvelle.

07 janvier 2019

Impossible à l’homme

Il y a une dimension de pardon qui semble impossible à accorder, parce que nous restons englués dans des vieux schémas intérieurs, des souffrances enfouies au plus profond de notre être, des incompréhensions trop lourdes à porter.

Dieu seul peut nous aider à dépasser cela. La miséricorde divine vient creuser au plus profond de notre être la force essentielle qui redonne vie, car l'amour est plus fort que la mort, la miséricorde plus grande que nos adhérences au mal...

C'est peut être cela qu'il faut déposer au pied de la Croix.

Dieu vient transformer nos cœurs.

Ce qui est impossible à l'homme est possible en Dieu (cf. Mat 19).

La dynamique sacramentelle est au cœur de ce passage intérieur entre l'impossibilité humaine et ce que Dieu réalise en nous. Metanoia, conversion, fission nucléaire du cœur disait Benoît XVI (1)

(1) Benoît XVI, discours au JMJ de Cologne

Les mages 3

« Aujourd'hui, les mages considèrent avec une profonde stupeur ce qu'ils voient ici : le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu, Dieu dans l'homme ; et celui que le monde entier ne peut contenir, enfermé dans le corps d'un tout-petit ! ~ Et dès qu'ils voient, ils proclament qu'ils croient sans discuter, en offrant leurs dons symboliques : par l'encens, ils confessent Dieu ; par l'or, le roi ; par la myrrhe, sa mort future. » (1)

(1) Saint Pierre Chrysologue, homélie sur l'épiphanie, source AELF 

06 janvier 2019

Après les mages - 2

Enfant digne d'amour, je te vois dans cette grotte, couché sur la paille, très pauvre et très méprisé ; mais la foi m'enseigne que tu es mon Dieu descendu du ciel pour mon salut. Je te reconnais pour mon souverain Seigneur et mon Sauveur ; je te proclame tel mais je n'ai rien à t'offrir. Je n'ai pas l'or de l'amour, puisque j'ai aimé les choses de ce monde ; je n'ai aimé que mes caprices, au lieu de t'aimer toi, infiniment digne d'amour. Je n'ai pas l'encens de la prière, puisque j'ai malheureusement vécu sans penser à toi. Je n'ai pas la myrrhe de la mortification, puisque, pour ne m'être pas abstenu de plaisirs misérables, j'ai tant de fois contristé ta bonté infinie. Que t'offrirai-je donc ? Mon Jésus, je t'offre mon cœur, tout souillé, tout dénué qu'il est : accepte-le et change-le, puisque tu es venu ici-bas laver dans ton sang nos cœurs coupables et nous transformer ainsi de pécheurs en saints. Donne-moi donc cet or, cet encens, cette myrrhe qui me manquent. Donne-moi l'or de ton saint amour ; donne-moi l'encens, l'esprit de prière ; donne-moi la myrrhe, le désir et la force de me mortifier en tout ce qui te déplaît...
Ô Vierge sainte, tu as accueilli les pieux rois mages avec une vive affection et tu les as comblés ; daigne aussi m'accueillir et me consoler, moi qui viens, à leur exemple, faire visite et m'offrir à ton Fils. (1)

(1)Saint Alphonse-Marie de Liguori, Méditations pour l'octave de l'Épiphanie, n°1 (trad. Noël, Éds. Saint-Paul 1993, p. 302 rev.), source Evangile au quotidien

Au fil de Matthieu 2, 1-12 – Adoration des mages

« 1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, 2 disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile à l'orient et nous sommes venus l'adorer. » 3 Ce que le roi Hérode ayant appris, il fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et il s'enquit auprès d'eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent :
5 « À Bethléem de Judée, car ainsi a-t-il été écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple. »
7 Alors Hérode, ayant fait venir secrètement les mages, s'enquit avec soin auprès d'eux du temps où l'étoile était apparue. 8 Et il les envoya à Bethléem en disant:«Allez, informez-vous exactement au sujet de l'enfant, et lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi j'aille l'adorer. » 9 Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue à l'orient allait devant eux, jusqu'à ce que, venant au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 À la vue de l'étoile, ils eurent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent; puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.»

La citation du verset 5 établit un  nouveau pont avec une prophétie de l'Ancien Testament, soulignant, à dessein, un lien, une filiation spirituelle là où la généalogie n'apportait qu'une descendance.
À cela s'ajoute l'étoile qui confère à la venue de Jésus une origine supra-terrestre. Les « luminaires » se courbent devant la venue du Sauveur. Contemplation théologique de l'incarnation, à laquelle nous pouvons, là encore, choisir d'adhérer. Même si aujourd'hui, nous savons bien plus que Matthieu sur le fonctionnement des astres, ce qui compte n'est-il pas ici de contempler que la venue de Dieu sur terre est en soi un miracle. « Qu'est-ce que l'homme pour que tu en aies souci ? » demande le psaume.
Notons qu'à la différence de l'introduction de Matthieu, qui met en scène la puissance des mages et leur vénération, Luc (2, 5-11) insiste de son côté sur la simplicité et la pauvreté. L'apparition aux bergers, souvent considérés comme des sous-hommes à l'époque juive parce qu'en contact avec des animaux, donc susceptibles d'être impurs, est chez lui dans le plan de Dieu. C'est aux petits qu'il se dévoile. Luc s'adresse-t-il aux humbles quand Matthieu s'adresse aux puissants ? S'agit-il de deux perspectives, de deux théologies ? Pas forcément ! Mais ces différences donnent deux accents à un même mystère, celui de la venue de Dieu chez l'homme.
De plus, l'allusion aux mages, chez Matthieu, ouvre des perspectives que Luc n'a pas développées. Ce ne sont pas les Juifs qui accueillent Jésus, mais bien une multitude de peuples, venus des quatre coins de l'horizon. Un trait particulier, là encore de la lecture de Matthieu.

La venue du Christ ne s'est pas faite en un jour, mais est le fruit d'un long processus qui vient de l'origine et se dévoile progressivement, selon le plan de Dieu, jusqu'à la « prise de chair » du Verbe.
Si, comme le dit saint Augustin, c'est par « le cœur seul qu'on voit le Verbe » il nous faut aussi passer par la chair. C'est pourquoi l'évêque d'Hippone ajoute « tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C'est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe (1) »
Que faut-il guérir en nous? Rien d'autre que nos aveuglements, ce qui obscurcit notre cœur de la contemplation du mystère. Dieu a tout donné, jusqu'à remettre dans le sein d'une Vierge, le fruit d'un long travail de révélation. Il nous faut contempler, au-delà de l'attitude de la Vierge, l'abandon du père, sa kénose, comme le soulignera Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie.

Naissance, mort et résurrection :

«Ce qui était depuis le commencement..., ce que nous avons contemplé..., nous vous l'annonçons » (1 Jn 1,1-3)
La liturgie de l'octave de Noël en faisant contempler en parallèle les textes de 1 Jean 1, et le récit du tombeau vide, nous renvoie à la fois aux premiers temps de Noël et de Pâques. La mise en parallèle est saisissante. Nous sommes à l'aube, dans les deux cas, d'un nouveau jaillissement de la vie. Le premier est le prologue du second, il s'éclaire d'ailleurs du second. Car c'est bien à la lumière de la résurrection que les évangélistes nous le font percevoir.

Ce que les mages viennent adorer est déjà le Christ en Croix et la myrrhe et l'encens sont autant pour sa sépulture que pour sa venue, quand l'or souligne le royaume à venir.

Le massacre des innocents est le prélude de la mort de l'agneau.

Le tombeau vide sera de même ce temps où l'on erre sans savoir, entre souffrance et interrogation. Seuls ceux qui sont portés par la foi et l'intelligence de la foi peuvent passer au-delà de cette impression d'abandon du monde par Dieu. De même que pendant les temps de la Nativité, le monde semblait livré à lui- même, au matin de Pâques, les apôtres étaient dans le doute, jusqu'à ce que pointe une étoile, qu'une lumière apparaisse dans la nuit. Alors ils courent, n'osant espérer la lumière. Écoutons Jean Scot Erigène:«Pierre et Jean courent tous deux au tombeau. Le tombeau du Christ c'est l'Écriture sainte, dans laquelle les mystères les plus obscurs de sa divinité et de son humanité sont défendus, si j'ose dire, par une muraille de rocher. Mais Jean court plus vite que Pierre, car la puissance de la contemplation totalement purifiée pénètre les secrets des œuvres divines d'un regard plus perçant et plus vif que la puissance de l'action, qui a encore besoin d'être purifiée. Pierre entre cependant le premier dans le tombeau ; Jean le suit. Tous deux courent, et tous deux entrent. Ici Pierre est l'image de la foi, et Jean représente l'intelligence... La foi doit donc entrer la première dans le tombeau, image de l'Écriture sainte, et l'intelligence entrer à sa suite... Pierre, qui représente aussi la pratique des vertus, voit par la puissance de la foi et de l'action le Fils de Dieu enfermé d'une manière inexprimable et merveilleuse dans les limites de la chair. Jean, lui, qui représente la plus haute contemplation de la vérité, admire le Verbe de Dieu, parfait en lui-même et infini dans son origine, c'est-à-dire dans son Père. Pierre, conduit par la révélation divine, regarde en même temps les choses éternelles et les choses de ce monde, unies dans le Christ. Jean contemple et annonce l'éternité du Verbe pour le faire connaître aux âmes croyantes Je dis donc que Jean est un aigle spirituel au vol rapide, qui voit Dieu ; je l'appelle théologien. Il domine toute la création visible et invisible, il va au-delà de toutes les facultés de l'intellect, et il entre divinisé en Dieu qui lui donne en partage sa propre vie divine (2)»

Matthieu 2, 13-15 – La fuite en Égypte

13 Après leur départ, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse; car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 14 Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte. 15 Et il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce qu'avait dit le Seigneur par le prophète : J'ai rappelé mon fils d'Égypte.
Commentaire :
Encore un songe avec une petite structure concentrique (ou chiasme) que nous pouvons lire comme suit :

A Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte 

B et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse;
car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 

A ´ Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte.

Pourquoi cette fuite, que nous dit-elle de l'enfance de Jésus ?
Finalement peu de chose si ce n'est le centre du chiasme :
Hérode va chercher à le faire périr, ce qui n'est pas sans lien avec le drame de la Croix. Dès le départ, la tension monte : le Fils de l'homme entre dans le monde avec contre lui une force qui le conduira à la mort. Peut-on y voir un dessein de Matthieu : nous faire entrer, dès le départ, dans une tension qui va jusqu'à la mort ?

Matthieu 2, 16-23 – Le massacre des innocents

16 Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après le temps qu'il connaissait exactement par les mages. 17 Alors fut accompli l'oracle du prophète Jérémie disant : « 18 Une voix a été entendue en Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleure ses enfants; et elle n'a pas voulu être consolée, parce qu'ils ne sont plus. » 19 Hérode étant mort, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte, 20 et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui envolaient à la vie de l'enfant sont morts. » 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël. 22 Mais, apprenant qu'Archélaüs régnait en Judée à la place d'Hérode, son père, il eut peur d'y aller, et, ayant été averti en songe, il gagna la région de la Galilée 23 et vint habiter dans une ville nommée Nazareth, afin que s'accomplît ce qu'avaient dit les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Commentaire :
On retrouve une structure concentrique presque identique qui clôture le chapitre et a pour centre :
A « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts. » 
A' 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël.

Oublions le récit et faisons ce que l'on peut appeler une lecture allégorique de ces deux chiasmes. Matthieu nous met devant un drame et nous ouvre à l'espérance. À ceux qui, comme ses condisciples, craignaient la persécution et le martyr, Matthieu trace un chemin d'espérance : En Christ, la mort n'est que temporaire, car ceux qui nous persécutent mourront, alors que nous chrétiens vivrons de la résurrection. Selon ce prisme de lecture, souligné par les deux chiasmes, une autre vision du récit se révèle, celle d'une pédagogie qui nous fait apercevoir ce que saint Ignace appellera le combat des deux étendards. Il y a l'étendard d'« Hérode » qui cherche à mettre à mort et celui de Dieu qui conduit à la vie.


 (1 ) Saint Augustin, commentaire de la première lettre de saint Jean

(2) Jean Scot Érigène (?-v. 870), bénédictin irlandais, Homélie sur le prologue de l'évangile de Jean, §2 (trad. Jean expliqué, DDB 1985, p. 27 rev.), source Evangileauquotidien.org

Ce texte est un extrait de Chemins croisés, ma contemplation sur l'Évangile de Matthieu 

05 janvier 2019

Au fil de Jean 1,43-51 - Nathanaēl sous le figuier

« En ce temps-là, Jésus décida de partir pour la Galilée. Il trouve Philippe, et lui dit : « Suis-moi. »
Philippe était de Bethsaïde, le village d'André et de Pierre.
Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l'avons trouvé : c'est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. »
Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et vois. »
Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n'y a pas de ruse en lui. »
Nathanaël lui demande : « D'où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t'appelle, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu. »
Nathanaël lui dit : « Rabbi, c'est toi le Fils de Dieu ! C'est toi le roi d'Israël ! »
Jésus reprend : « Je te dis que je t'ai vu sous le figuier, et c'est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. »
Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'homme. » (1)
Il nous faut peut-être entendre d'abord le « suis-moi » adressé à Philippe pour entrer dans la contemplation du texte. Car il conditionne la réception de la suite de l'Évangile. Sommes-nous prêts ?
A cette question qui rejoins l'où es-tu ? de Dieu au jardin (Gn 2), suis la démarche intérieure de tout homme. Écoutons celle de saint Nersès Snorhali au XIIeme siècle :
« Vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent »
Jacob, le fils cadet d'Isaac et de Rebecca, tu l'as appelé ton bien-aimé, Seigneur ; tu as changé son nom en celui d'Israël (Gn 32,29). Tu lui as révélé l'avenir, en lui montrant l'échelle dressée de la terre au ciel : à son sommet se tenait Dieu, les yeux fixés sur le monde, et sur l'échelle montaient et descendaient les anges... C'était le symbole du grand mystère, comme l'ont dit les hommes que l'Esprit éclairait...
Et moi, pour le bien, je suis aussi le cadet. Pour le mal, assurément je suis un homme mûr, comme l'aîné Ésaü... : j'ai vendu mon trésor pour assouvir ma convoitise (Gn 25,33) et j'ai effacé mon nom du Livre de Vie où sont inscrits dans les cieux les premiers des bénis (Ps 68,29).
Je te supplie, ô toi, Lumière d'en haut, Prince des chœurs de feu. Que pour moi aussi soient ouvertes les portes du ciel, comme elles l'ont été autrefois pour Israël. Mon âme déchue, de grâce, fais-la monter par l'échelle de lumière, signe mystérieux donné aux hommes de leur retour de la terre vers le ciel. Par la ruse du Malin, j'ai perdu l'onction parfumée de ton Esprit ; daigne de nouveau oindre ma tête par ta droite protectrice. Je ne te résiste pas, ô puissant, dans un corps à corps comme Jacob (Gn 32,25), car je ne suis que faiblesse.(2)
Sous le regard que pose Jésus à Nathanaēl, rien ne résiste devant celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Le figuier est l'arbre du jugement. Personne ne résiste au regard de Jésus. Pourtant sa miséricorde infinie est plus grande que nos faiblesses.
Suis-je à la hauteur? Non. Mais Jésus sauve et c'est sur le Fils de l'homme, au dessus de lui (c'est à dire par sa Croix) que nous pouvons dire « Me-voici ».
Le grec « epi » (sur, au dessus) rejoins et ouvre à la contemplation de la Croix...


1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Nersès Snorhali, Jésus, Fils unique du Père, 85-95 ; SC 203 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 1, p. 114)

04 janvier 2019

Au fil de Jean 1,35-42 - l’agneau de Dieu

« En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. »

Hier nous méditions sur le nom de Jésus, Dieu sauve. La tradition nous révèle bien d'autres noms, comme le souligne Grégoire de Naziance : « Jésus est Fils de l'homme, à cause d'Adam et à cause de la Vierge, dont il descend... Il est Christ, l'Oint, le Messie, à cause de sa divinité ; cette divinité est l'onction de son humanité..., présence totale de Celui qui le consacre ainsi... Il est la Voie, parce qu'il nous conduit lui-même. Il est la Porte, parce qu'il nous introduit au Royaume. Il est le Berger, parce qu'il guide son troupeau vers le pâturage et lui fait boire une eau rafraîchissante ; il lui montre la route à suivre et le défend contre les bêtes sauvages ; il ramène la brebis errante, retrouve la brebis perdue, panse la brebis blessée, garde les brebis qui sont en bonne santé et, grâce aux paroles que lui inspire son savoir de pasteur, il les rassemble dans le bercail d'en haut. » (1)

Et pourtant le titre le plus marquant est celui souligné par Jean Baptiste, car il résume et introduit à la Croix : « Il est aussi la Brebis, parce qu'il est victime. Il est l'Agneau, parce qu'il est sans défaut. ». Contempler l'agneau c'est laisser fondre en nous toute tentation de pouvoir, d'avoir et de valoir. C'est laisser résonner en nous la kénose (cf. Ph. 2) et l'abandon du Christ, entendre à nouveau le psaume 39 (40) : « tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici je veux faire ta volonté”

C'est pourquoi  « Il est Grand prêtre, parce qu'il offre le sacrifice. Il est Prêtre selon Melchisédech, parce qu'il est sans mère dans le ciel, sans père ici-bas, sans généalogie là-haut car, dit l'Ecriture, « qui racontera sa génération ? » Il est aussi Melchisédech, parce qu'il est Roi de Salem, Roi de la paix, Roi de la justice... Voilà les noms du Fils, Jésus Christ, « hier, aujourd'hui, toujours le même », corporellement et spirituellement, « et il le sera à jamais ». Amen.
(Références bibliques : Mt 24,27 ; Mt 1,16 ; Jn 14,6 ; Jn 10,9 ; Jn 11 ; Ps 22 ; Is 53,7 ; Jn 1,29 ; He 6,20 ; He 6,20 ; He 7,3 ; Is 53,8 ; He 7,2 ; He 13,8) (2)


(1) Saint Grégoire de Nazianze, Discours théologique 4 (trad. coll. Les Pères dans la foi, Migne 1995, p. 125 rev.), source Evangelizo 
(2) ibid.


03 janvier 2019

Au fil de Jean 1 - Avant moi il était

Cette première place est pour moi un mantra. En mettant Dieu à la première place, c’est une conversion du coeur qui s’etablit et mon être devient réception et temple de ce don inouï de Dieu.
C’est ce que je tente d’approfondir dans mon livre “L’amphore et le fleuve

Au fil de Marc 12, 31 - Dieu d’abord

« Songez toujours qu'il faut absolument aimer Dieu et le prochain : Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton Esprit, et ton prochain comme toi-même.

Il faut toujours y penser, le méditer, le retenir, l'accomplir. L'amour de Dieu est premier dans l'ordre des préceptes ; l'amour du prochain est premier dans l'ordre de la pratique. Car celui qui t'a prescrit cet amour en deux préceptes ne t'a pas recommandé le prochain d'abord, et Dieu ensuite ; mais Dieu d'abord, et le prochain ensuite.

Quant à toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu ; en aimant le prochain, tu purifies ton regard pour voir Dieu. C'est ce que saint Jean dit de façon évidente : Si tu n'aimes pas ton frère, que tu vois, comment pourrais-tu aimer Dieu, que tu ne vois pas ?

Voici que l'on te dit : Aime Dieu. Si tu me dis : Montre-moi celui que je dois aimer, que répondrai-je, sinon ce que dit saint Jean : Dieu, personne ne l'a jamais vu ? Mais ne t'imagine pas que tu es absolument exclu de la vie de Dieu ! Saint Jean nous dit : Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu. Aime donc le prochain, regarde en toi d'où te vient cet amour du prochain ; là tu verras Dieu, dans la mesure où cela te sera possible.

Mets-toi donc à aimer le prochain. Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne méprise pas ton semblable. ~

En agissant ainsi, qu'obtiendras-tu ? Alors ta lumière jaillira comme l'aurore. La lumière, c'est ton Dieu. C'est une aurore, parce que son avènement se produira pour toi après la nuit de ce monde. Car cette lumière-là ne se lève pas, ne se couche pas : elle demeure toujours.

En aimant le prochain, en prenant soin de ton prochain, tu es en route. Où cela, si ce n'est vers le Seigneur Dieu, vers celui que tu dois aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ? Car nous ne sommes pas arrivés jusqu'au Seigneur, mais nous avons le prochain avec nous. Porte donc celui avec qui tu marches, pour parvenir à celui avec qui tu désires demeurer.= (1)

(1) Saint Augustin, homélie sur l'Évangile de Jean, source AELF 

02 janvier 2019

Au fil de Jean 1 - Jean Baptiste au désert

« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert »
« Je ne suis pas digne de délier ses sandales » (Jn 1)
Nos paroles humaines restent creuses si elles ne sont pas portées et habitées par le Verbe qui les précèdent et les prolongent.
Sommes-nous des cymbales qui résonnent ?

Peut être faut il retrouver le chemin du désert pour comprendre que nous ne sommes que les « mains de Dieu »(1), petits (2) instruments fragiles de la grâce.

La figure de Jean Baptiste est une figure diaconale.



(1) relire Etty Hillesum
(2) cf. Thérèse de Lisieux

Philologie et contemplation

Il y a risque à passer trop de temps dans des considérations historico-critiques sur la Bible. C'est celui d'oublier ce que le contact de la Parole réalise en nous. Elle est un feu qui brûle et ravive en nous l'essentiel.
"De grands théologiens et maîtres spirituels comme Origène ont pu garder le regard de l'orant animé par l'amour et connaissant les dimensions divines de la Parole, à travers toutes les considérations philologiques. Ils ont même pu pratiquer l'anatomie de la Parole précisément par amour respectueux et brûlant pour le Logos devenu homme et Parole écrite" (1)

L'enjeu précise Hans Urs von Balthasar est de ne pas perdre l'orientation vers la prière, une certaine docilité qui nous expose à la radicalité et la lumière jaillissant de la rencontre.

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 199ss

30 décembre 2018

Sainte Famille - Corrigé - Paul VI


En guise de corrigé à mes essais d’homélie, deux leçons apportées par l’office des lectures (source AELF) :

  1. Une contemplation d’Eph 5 25-26 sur l’agenouillement réciproque des époux 
« Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole »

  1. L'exemple de Nazareth
Nazareth est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus : l’école de l’Évangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer et à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. Peut-être apprend-on même insensiblement à imiter. Ici, on apprend la méthode qui nous permettra de comprendre qui est le Christ. Ici, on découvre le besoin d’observer le cadre de son séjour parmi nous : les lieux, les temps, les coutumes, le langage, les pratiques religieuses, tout ce dont s’est servi Jésus pour se révéler au monde. Ici, tout parle, tout a un sens. Ici, à cette école, on comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle, si l’on veut suivre l’enseignement de l’Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines !

Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l’éducation, jamais achevée, à l’intelligence de l’Évangile. Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth.

Une leçon de silence d’abord. Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hyper sensibilisée. Ô silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable ; apprenons de Nazareth comment la formation qu’on y reçoit est douce et irremplaçable ; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.

Une leçon de travail. Nazareth, maison du fils du charpentier, c’est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain ; ici, rétablir la conscience de la noblesse du travail ; ici, rappeler que le travail ne peut pas avoir une fin en lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur.


(1) Paul VI, Homélie à Nazareth du 5/1/64