22 octobre 2019

Retour à la kénose du Père - Joseph Moingt

je suis heureux de retrouver chez Moingt cette insistance discrète sur la kénose du Père. En rappelant notamment Barth, mais sans pour autant citer Moltmann, il rappelle l'importance de « parler de l'humanité de Dieu, conscient (...) que le Père ne peut pas être tenu à l'écart de l'humanité du Fils puisqu'elle a pour cause la volonté du Père de faire de nous ses enfants »(1)

À creuser dans la dynamique même de cette danse trinitaire que je retrouve dans cette icône découverte à Issoudun et que je trouve admirable



(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 140

17 octobre 2019

Au fil de Luc 11 - Humilité et miséricorde - 4

« Toi, l'homme qui juge, tu n'as aucune excuse, qui que tu sois : quand tu juges les autres, tu te condamnes toi-même car tu fais comme eux, toi qui juges.
    Or, nous savons que Dieu juge selon la vérité ceux qui font de telles choses.
    Et toi, l'homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même, penses-tu échapper au jugement de Dieu ?
    Ou bien méprises-tu ses trésors de bonté, de longanimité et de patience, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion ?
    Avec ton cœur endurci, qui ne veut pas se convertir, tu accumules la colère contre toi pour ce jour de colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses œuvres.
    Ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l'honneur et une existence impérissable,recevront la vie éternelle ; mais les intrigants, qui se refusent à la vérité pour se donner à l'injustice, subiront la colère et la fureur.
    Oui, détresse et angoisse pour tout homme qui commet le mal, le Juif d'abord, et le païen. Mais gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, le Juif d'abord, et le païen. Car Dieu est impartial. (1)

Les textes d'aujourd'hui vont plus loin :
« En ce temps-là, Jésus disait : « Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue et vous passez à côté du jugement et de l'amour de Dieu. Ceci, il fallait l'observer, sans abandonner cela. Quel malheur pour vous, pharisiens, parce que vous aimez le premier siège dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques.
    Quel malheur pour vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »
    Alors un docteur de la Loi prit la parole et lui dit : « Maître, en parlant ainsi,
c'est nous aussi que tu insultes. » Jésus reprit : « Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul » Lc 11, 42-46 Textes liturgiques © AELF.

Depuis que le chapitre 8 de Jean a été écrit, il nous faut être plus prudent sur notre capacité à juger autrui. « Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre ».

Humilité et miséricorde (2) constitue l'une des clés de l'avenir de notre Église. Brandir la morale sur les places publiques ne dessert pas la véritable mission confiée à l'homme. L'annonce du kérigme n'est pas à confondre avec le moralisme pharisien.

Jésus est amour.

Les pères du désert avait compris cela : « Malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter »
Un frère qui avait péché fut chassé de l'église par le prêtre ; abba Bessarion se leva et sortit avec lui en disant : « Moi aussi, je suis un pécheur. » (...)
Un frère fauta une fois à Scété. On tint un conseil, auquel on convoqua abba Moïse. Mais celui-ci refusa de venir. Alors le prêtre lui envoya dire : « Viens, car tout le monde t'attend. » Il se leva, et vint avec une corbeille percée qu'il remplit de sable qu'il mit sur son dos et qu'il porta ainsi. Les autres, sortis à sa rencontre, lui dirent : « Qu'est-ce que cela, père ? » Le vieillard dit : « Mes fautes sont en train de s'écouler derrière moi et je ne les vois pas ; et moi, je suis venu aujourd'hui pour juger les fautes d'autrui ? » Entendant cela, ils ne dirent rien au frère, mais lui pardonnèrent.
Abba Joseph interrogea abba Poemen en disant : « Dis-moi comment devenir moine. » Le vieillard dit : « Si tu veux trouver du repos ici-bas et dans le monde à venir, dis en toute occasion : Moi, qui suis-je ? Et ne juge personne. »
Un frère interrogea le même abba Poemen en disant : « Si je vois une faute de mon frère, est-il bien de la cacher ? » Le vieillard dit : « À l'heure où nous cachons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi cache les nôtres, et à l'heure où nous manifestons les fautes de notre frère, Dieu lui aussi manifeste les nôtres. »(3)



(1) Rm 2, 1-11
(2) cf. ma trilogie éponyme
(3) Les Sentences des Pères du désert (4e-5e siècles)
Collection systématique, ch. 9, ; SC 387 (Les Apophtegmes des Pères; trad. J.-C. Guy, s.j.; Éds Cerf 1993, p. 427s), source : l'Évangile au Quotidien

15 octobre 2019

Amour en toi 45 - Augustin - Le royaume intérieur

Une petite exhortation qui fait mouche dans un monde où la tendance est à la dispersion et la quête insatiable et insensée de l'éphémère.

Nul n'échappe à cette course et pourtant l'essentiel est ailleurs :
« Ces hommes sont nombreux qui nous disent « Qui nous montrera les biens ? » et ne voient pas le Royaume de Dieu qui est en eux-mêmes, « se sont donc multipliés par la récolte leur froment, de leur vin et de leur huile ». Se multiplier, en effet, ne se dit pas toujours de l'abondance, mais quelquefois de la pénurie, alors qu'une âme enflammée pour les voluptés temporelles d'un désir insatiable, devient la proie de pensées inquiètes qui la partagent, et l'empêchent de comprendre le vrai bien qui est simple » (1)



(1) Augustin, Discours sur les psaumes I, Psaume 4, §9, Paris, Cerf, p. 44

13 octobre 2019

Le chemin de Pierre - Au fil de Jean 13 à 21

Nous sommes un peuple d’êtres raisonnables qui bloquons de plus en plus souvent nos émotions au nom de l’intelligence des choses, de la maîtrise des événements. En fait, du fait de nos expériences de la souffrance, de la dureté du monde, nous construisons des tours de protection intérieure qui ne laisse plus de place à Dieu pour nous atteindre. 
La médiation du chemin de Pierre nous enseigne quelque chose de différent. Pierre refuse le lavement des pieds (Jn 13) parce qu’il est un combattant. Il veut dominer les choses et projette sur Jésus son propre désir de pouvoir (rappelons nous son épée en Jn 18). 

La phrase de Jésus en Jn 13, 8 le conduit à accepter le lavement des pieds, mais ne le change pas pour autant. « Pierre lui dit: Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit: Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. Simon Pierre lui dit: Alors, Seigneur, pas seulement mes pieds, mais aussi mes mains et ma tête!» Jean‬ ‭13:8-9‬ ‭

Il faut qu’il aille jusqu’au triple reniement « je ne suis pas » (1) qui fait écho en négatif à la triple affirmation des « je suis » du Christ (Jn 18) pour que son obstination soit chemin de conversion. Alors se révèle en lui son entêtement et Dieu lui fait le don des larmes... (cf. Lc 22,62 - Jean ne le dit pas...)

C’est là où sa tour intérieure s’effondre et où Dieu peut venir en lui véritablement. 
Les larmes sont rares dans l’Ecriture. On trouve en Isaïe 22 une belle tour qui s’effondre : 
« Pourquoi donc es-tu montée avec tout ton peuple sur les toits en terrasse, (...) Tes capitaines, tous ensemble, prennent la fuite; (...)  C’est pourquoi je dis: Détournez de moi les regards, laissez-moi pleurer amèrement; ne me pressez pas de me consoler du ravage de la belle, de mon peuple.»
‭‭Isaïe‬ ‭22:1-4‬ 

L’expérience de Pierre est à contempler. Elle est en soi la première expérience ignatienne. Ce qu’Ignace nous fait découvrir n’est rien d’autre. Cessons de nous opposer à l’amour de Dieu. 

Laissons le s’agenouiller devant nous et nous toucher au coeur. Laissons le nous laver les pieds...

Pierre n’a pas compris tout cela du premier coup. En Jean 21 il est redevenu le maître de pêche. Il tourne en rond. Il veut encore maîtriser son destin. Et voici qu’à nouveau il pêche toute une nuit en vain. Nuit des hommes...

Alors quand le Seigneur lui donne à nouveau une leçon d’humilité en lui montrant le bon côté où il faut pêcher, il se rend compte de sa nudité devant Dieu (2). 

Vient enfin la triple et douloureuse question de Dieu. Le texte est discret et là encore le grec beaucoup plus riche (1), mais l’on peut s’imaginer les larmes de Pierre quand par trois fois il va crier du fond de son cœur : « Seigneur tu sais bien que je t’aime... ». Pierre est alors prêt à porter l’Eglise jusqu’à accepter qu’on lui attache la ceinture du martyr.
Ce n’est pas sur une pierre solide que Jésus a bâti son Eglise, mais sur une pierre fissurée à travers laquelle passe le Dieu d’amour, fleuve immense jailli du coeur transpercé.
L’expérience ignatienne est au cœur de ces mouvements. il faut aller jusqu’à cette dépossession de nous mêmes pour que notre faiblesse devienne la fêlure où Dieu va entrera dans notre intimité la plus intime.



C’est cela l’expérience de la fragilité dont Jean Vanier c’est fait l’apôtre. 
(1) Le grec est très expressif sur ce thème. Je développe tout cela dans mon livre « À genoux devant l’homme »
(2) Sur la nudité de l’homme voir aussi Gn 3, 7, Ex 33, 4, Marc 14, 52

12 octobre 2019

La tradition apostolique ? - Hyppolite de Rome - Pouvoir et religion

« Ordination et office cultuel, canons liturgiques (...) Tout cela remontrait à un petit livre écrit vers 215 par Hipolyte, evêque de Rome (...)  un livre qui ne tarda pas à faire loi en tout lieu, sans doute à cause de son titre, La tradition apostolique. Titre trompeur en ce sens que rien de ce qu'il prône n'était pratiqué ni imposé du temps des apôtres (...) ni de leurs successeurs immédiats ni même plus lointains (...) nom mensonger toutefois parce que les réformes qu'il préconise ont été acceptées partout sans contestation sous l'impulsion et l'autorité de la foi des apôtres victorieuse de la gnose et des troubles qu'elle avait engendrés. Il est beaucoup plus hasardeux de faire remonter cette institution religieuse à Jésus lui-même, qui attendait la venue imminente du Royaume de Dieu dont il rassemblait déjà les élus (Mt 16,18), sans jamais avoir laissé entendre qu'il préparait une religion nouvelle destinée à supplanter le judaïsme et à durer jusqu'à la fin des temps. (1)

Et si le cléricalisme était le fruit d'une tentation de pouvoir, loin du message évangélique originaire et auto-entretenu par ceux qui s'y retrouvent.. Depuis que je suis clerc, moi-même, je me méfie de cette tentation inhérente à ma fonction qui me fait chercher une autorité qui serait personnelle et non « donnée » comme tout charisme.
À méditer en ces temps de crise de l'Église.

« Le monde est rempli de prêtres, mais on rencontre rarement un ouvrier dans la moisson de Dieu ; nous acceptons bien la fonction sacerdotale, mais nous ne faisons pas le travail de cette fonction. »(2)

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 114
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélie sur l’évangile, source office des lectures du 12/10/19 Aelf

05 octobre 2019

Homélie du samedi 5 octobre - Luc 10 - Fils de Dieu

« Père, Seigneur du ciel et de la terre,
je proclame ta louange :
ce que tu as caché aux sages et aux savants,
tu l'as révélé aux tout-petits.
Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bienveillance.
    Tout m'a été remis par mon Père.
Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ;
et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils
et celui à qui le Fils veut le révéler. » Luc 10, 21-23 AELF

Prenons nous conscience du mystère ?
La révélation de ce lien particulier entre le Père et le Fils, n'est pas, comme le souligne si bien Joseph Moingt (1) une phrase pouvant être tirée d'une réflexion post pascale de Jean, mais probablement une phrase très ancienne, tirée des premiers « logia », ces fragments qui ont servis à la constitution des trois premiers évangiles dits synoptiques. Il y a des chances qu'elle ait été prononcée par Jésus lui même.

Ici les apôtres sont, comme la plupart d'entre nous, des petits, à qui le grand mystère de l'amour divin a été révélé. Le Christ est le FILS, c'est-à-dire qu'il est, au delà de son humanité le chemin unique pour nous conduire au Père. Quand nous oublions de voir l'étendue de notre faiblesse, quand nous croyons être sage et savant par nous-mêmes, il nous faut prendre le temps de revenir à l'essentiel, à l'essence même de notre foi : la contemplation du mystère de la Croix, cet effacement mystérieux de l'homme Dieu qui révèle notre violence, nos désirs de pouvoir et nous conduit à l'amour. Ici seulement, comme le suggère Marc 15, le voile se déchire de haut en bas...:

«Le rideau suspendu dans le temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas. Le capitaine romain, qui se tenait en face de Jésus, vit comment il était mort et il dit: «Cet homme était vraiment Fils de Dieu!» Marc‬ ‭15:38-39‬ ‭BFC‬‬



L'homme veut prendre le pouvoir sur la vie et la mort, il se croit sage et puissant. Il oublie que la vie est un don. Don de Dieu, dont du Père. Méditons cela ce week-end, dans le silence et la prière.
(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 102

04 octobre 2019

La danse intérieure - Nouvelle

Le thème de la danse m’habite depuis bien longtemps et m’a déjà conduit à publier :
- Une dernière valse, nouvelle
- La danse Trinitaire, essai, repris dans L’Amphore et le fleuve et À genoux devant l’homme.
Voici la danse intérieure, une petite nouvelle écrite en communion avec mes deux filles alors qu’elles portent la vie. À l’occasion de la naissance de ma troisième petite fille et en action de grâce voici : La danse intérieure, une nouvelle qui interpelle sur la vie in utero. Elle ne porte pas d’autres messages qu’un éveil à cette communion particulière entre l’enfant et la femme, à ce tressaillement qui nous invite à méditer sur l’amour en nous. Ode à la vie... à l’époque des débats PMA - GPA, un autre regard sur maternité et filiation.

Cette très courte nouvelle est accessible gratuitement sur Kobo et Fnac.com
L’édition comprend aussi « Une dernière valse ».
Mes amis pourront aussi me la demander par mail ou mp.

03 octobre 2019

Philippiens 3 - La course infinie

33 ans après le choix de ce texte pour notre mariage, je continue de me nourrir de la puissance de cette exhortation que je retrouve dans l'office des lectures d'aujourd'hui : « Il s'agit pour moi de connaître le Christ, d'éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l'espoir de parvenir à la résurrection d'entre les morts.
Certes, je n'ai pas encore obtenu cela, je n'ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.
Nous tous qui sommes adultes dans la foi, nous devons avoir ces dispositions-là ; et, si vous en avez d'autres, là-dessus encore Dieu vous éclairera.
En tout cas, du point où nous sommes arrivés, marchons dans la même direction. » (Ph 3, 10-16)

Grégoire de Nysse s'en est inspiré dans sa Vie de Moise, il me reste, à sa suite d'en faire un chemin de vie. Priez pour moi...


27 septembre 2019

création et liberté - 7

« Être image [de Dieu] n'est pas pour l'homme un accident, mais plutôt quelque chose de substantiel (S. Bonnaventure) (1)

L'homme a reçu au fond de lui-même, comme le disait Origène « le précepte de liberté » (2)

C'est dans cette dynamique qu'il doit s'inscrire pour entrer dans la danse de Dieu.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 59
(2) p. 60

24 septembre 2019

Création et réconciliation - 6

Dans la mort et la résurrection du Christ nous pouvons devenir créature nouvelle. En renonçant à ce qui nous attache à l’égoïsme, à la division, au mal nous devenons participants de la dynamique divine, de sa danse...

«De ce qui était divisé, le Christ a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de la séparation : la haine »(1)

En renonçant à la haine nous entrons dans l'amour...

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 90

19 septembre 2019

Homélie du 25ème dimanche ordinaire - Am 8, Ps 112, 1 Tm 2 et Luc 16 - Dieu et l'argent

Projet 5
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Où sont nos priorités ?
Je vous posais déjà cette question il y a 15 jours et vous allez trouver que je radote un peu.
Pourtant cette apparente rengaine n'est que la suite du message de Jésus rapporté par Luc,
qu'il développe patiemment depuis le chapitre 14. Rappelez-vous déjà les mouvements auxquels il nous appelait :
- l'abaissement
- le choix de Dieu d'abord
- l'attention à Dieu et au véritable prochain.
A plus court terme, dans l'évangile lu dimanche dernier, avec le récit du fils prodigue, notre curé nous interpellait sur la miséricorde de Dieu, mais aussi sur l'attitude du deuxième frère, notre propension au jugement et notre attachement au matériel... Que vaut un veau gras par rapport au frère
retrouvé, à l'amour...
Aujourd'hui Luc va plus loin. Il nous conduit à voir ce qui en nous nous sépare de Dieu et notamment de deux des trois écueils principaux de l'homme : le pouvoir et l'argent. Combien d’enferment sur nous mêmes, de portes que nous fermons, de porte monnaies qui ne laissent échapper que des pieces jaunes. Tout cela nous empêche d’ouvrir nos mains à ceux qui pleurent et qui crient à notre porte... !

Déjà Amos insistait sur ce point : "vous écrasez les malheureux, anéantissez les humbles"...
Le pouvoir, l'avoir (et le valoir) sont les trois failles de l'homme.
Par notre désir de prendre pouvoir sur l'autre, d'opprimer ou de juger les faibles (comme le deuxième frère du fils prodigue) nous éloigne de Dieu...

L'avoir, l'amour de l'argent est la deuxième faille. Elle pollue nos relations...
Et l'épisode du gérant malhonnête montre comment nous rusons avec lui.
Mais Luc dénonce cela avec force : se détacher de l'argent... devenir
généreux non pour acheter l'autre mais pour aimer en vérité. Voici à
quoi Dieu nous appelle...
Renoncer...
------- (supplément pour dimanche)
C’est ce que vont faire aujourd’hui parents, parrains et marraines de ces trois enfants, baptisés aujourd’hui...
Les jeunes enfants ne sont pas encore pollués par cela. En cela, ils nous précèdent dans le royaume. En contemplant ces 3 enfants que nous allons baptiser aujourd'hui je vous invite, à la suite de Jésus, à retrouver la candeur de votre enfance, à devenir des dépendants de Dieu, loin du pouvoir et de l'avoir...
Et vous parents, parrains et marraines, je vous invite à conduire ces enfants loin de ces chemins qui nous détournent de Dieu... Non pas en les gâtant de cadeaux et en les rendant dépendants à l’argent, mais bien en les conduisant à l’essentiel,
———
L’enjeu est d’aller à l’inverse de ce qui nous attire. Loin de l’argent et du pouvoir, il y a l’humilité et le don. Un amour désintéressé et débordant, l’amour qui nous vient de Dieu. Cet amour là s’est manifesté en Christ. Il est le chemin...
J’en viens à 1 Timothée 2 « le Christ s’est donné lui-même en rançon pour tous ». L’erreur serait de croire que la rançon est payée à un dieu jaloux. Le prix payé par le Christ est le prix payé du don de soi pour nous inviter au même don et ainsi nous libérer de la tentation du pouvoir et de l’argent. C’est un agenouillement devant l’homme. La rançon au temps de Jésus était le prix payé pour libérer l’esclave. En offrant sa vie, Christ nous aide à nous libérer du mal. En communiant à son Corps nous participons à cela. Méditons le dans le silence.

13 septembre 2019

Les richesses sont-elles dangereuses pour le salut ? - Saint Jean Chrysostome

     


En la fête de Chrysostome un cadeau de Clerus.org

HOMÉLIE 34 (13,8) OU LES PROPHÉTIES SERONT RENDUES INUTILES, OU LES LANGUES CESSERONT, OU LA SCIENCE SERA ABOLIE.

Chrysostome sur 1Co 3400

3400
(
1Co 13,8)

ANALYSE.

1. La charité supprime tous les maux.
2. La connaissance que nous avons de Dieu en cette vie ne peut être qu'une connaissance imparfaite.
3. Eloge de la charité.
4-7. Avec quelle ardeur il faut embrasser la charité. — Combien Dieu a fait de choses pour unir les hommes entre eux. — Des mariages. — Pourquoi Dieu les a défendus entre parents. — Comparaison de deux villes, l'une toute de riches, l'autre toute de pauvres. — Du respect pour l'Ecriture. — N'y rien ajouter, n'en rien retrancher. — D'où viennent les richesses et la pauvreté. — Dieu attend les mauvais riches à pénitence.

3401 1. Après avoir montré l'excellence- de la charité, en ce que les grâces et les succès du monde ont besoin d'elle, après avoir énuméré toutes ses vertus, et montré qu'elle est le fondement de la philosophie parfaite, il montre dans un nouveau et troisième point quelle est sa valeur. Et il le fait pour persuader à ceux qui sont humbles qu'ils ont le principal des biens, et que s'ils ont la charité, ils ne possèdent pas moins et possèdent même plus que ceux qui sont combles de faveurs; et aussi pour rabaisser ceux qui, combles de ces faveurs, en seraient enorgueillis, et pour leur montrer qu'ils n'ont rien s'ils n'ont la charité. Les hommes s'aimeront entre eux quand l'envie et l'orgueil seront supprimés parmi eux, et d'un autre côté, s'ils s'aiment les uns les autres, ils écarteront loin d'eux ces vices. Car « la charité n'est sujette ni à l'envie ni à l'orgueil ». Ainsi il a entouré les hommes comme d'un mur solide, et de cette concorde générale qui supprime tous les maux, et n'en devient que plus ferme, il leur a présenté toutes les raisons qui peuvent relever leur courage. C'est un même esprit qui donne, dit-il, et il donne en vue de l'utilité ; il distribue ses dons comme il lui plaît, et il les distribue à titre de faveurs et non de dettes. Quelqu'un eût-il reçu de moindres dons, il compte cependant parmi les élus, et jouira de grands honneurs; celui qui en a reçu de plus grands, a besoin de celui qui en a moins, et c'est la charité qui est le premier des dons et la voie la meilleure.

C'est ainsi que parlait l'apôtre, unissant les hommes entre eux par un double lien ; par la croyance qu'ils ne sont pas moins bien partagés, quand ils ont la charité, et que, s'ils s'empressent vers elle et la possèdent, ils ne souffriront plus aucun des maux de l'humanité, soit parce qu'ils ont la source de tous les biens, soit parce que tout en n'ayant rien, ils ne sont plus sujets à aucune lutte : car celui qui a été captivé par la charité, est tout aussitôt exempt de luttes. Aussi montrant tous les biens que l'on recueille de la charité, il a décrit ses fruits, dont le seul éloge est capable de guérir les maux des hommes. En effet, chacune de ces paroles est un remède suffisant pour guérir leurs blessures. C'est pourquoi il disait : «Elle est patiente », contre ceux qui s'emportent aux disputés; «elle est exempte d'envie », contre les hommes qui portent envie à ceux qui sont au-dessus d'eux; « elle n'est pas arrogante », contre ceux qui ne veulent condescendre à rien ; « elle ne cherche point son intérêt », contre ceux qui méprisent l'intérêt des autres; « elle ne s'excite point, elle ne médite point le mal », contre ceux qui se portent aux outrages ; « elle ne se plaît point (528) à l'injustice, et elle se plaît à la vérité », encore contre les envieux; « elle défend tous les hommes », contre ceux qui dressent des embûches; « elle espère tout », contre ceux qui se désespèrent; « elle supporte tout et ne perd jamais patience », contre ceux qui se livrent facilement à la discorde.

Après avoir ainsi montré la grandeur de la charité et sa supériorité, il en fait voir l'excellence sous un autre point de vue; il compare la charité à d'autres objets pour exalter sa valeur, et il dit: « Ou les prophéties seront rendues inutiles,ou les langues cesseront».En effet, si elles n'ont été accordées aux hommes qu'à cause de la foi, dès que celle-ci sera répandue par toute la terre, elles seront inutiles. Mais cette affection mutuelle ne cessera point, elle s'accroîtra au contraire, et sera plus forte encore dans l'avenir que dans le présent. Car aujourd'hui. il y a bien des causes qui affaiblissent et diminuent la charité, les richesses, les affaires, les maladies du corps et les souffrances de l'âme. Mais que les prophéties et les langues cessent, cela n'est pas étonnant; que la science elle-même soit abolie, voilà qui soulève des questions, car il ajouté : « Ou la science sera abolie ». Quoi donc? Nous vivrons alors dans l'ignorance ? A Dieu ne plaise ! Car la science alors devra être augmentée, et c'est pourquoi l'apôtre disait : « Alors je connaîtrai comme je suis connu ». (
1Co 13,12) C'est pourquoi, afin de ne pas laisser croire que la science cessera, de même que les prophéties et les langues, après avoir dit: « Ou la science sera abolie », il ne s'en contente point, mais il ajoute la manière dont elle sera détruite, disant.: « Nos connaissances sont partielles, et nos prophéties sont partielles. Mais quand sera venu ce qui est parfait, alors sera inutile ce qui est partiel ». La science donc ne sera point abolie, mais seulement la science partielle : non-seulement nous aurons autant et d'aussi grandes connaissances, nous en aurons de plus grandes encore. C'est ce qu'un exemple montrera bien, nous savons aujourd'hui que Dieu est partout, mais comment? Nous l'ignorons : Nous savons qu'il a tout tiré du néant, mais la manière, nous l'ignorons ; qu'il est né d'une Vierge, mais comment, nous l'ignorons également. Il montre ensuite combien grande est la différence entre ces deux sciences, et que ce qui nous manque n'est pas peu, disant : « Quand j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant; quand je suis devenu homme, j'ai rejeté ce qui était de l'enfant ». Il nous le montre encore par un autre exemple, disant : « Nous voyons maintenant à travers un miroir (12) ».

3402 2. Après avoir montré ce miroir, il ajoute « Dans une énigme », prouvant plus clairement encore que notre science présente ne consiste qu'en de faibles parties. « Mais alors face à face », non pas que Dieu ait une face; c'est pour exprimer sa pensée d'une manière plus claire et plus intelligible. Voyez-vous comme notre connaissance s'accroît par degrés? « Maintenant je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu». Voyez-vous comme il rabaisse doublement leur orgueil, et en ce due leur science n'est que partielle, et en ce qu'ils ne l'ont point tirée d'eux-mêmes? Ce n'est pas moi en effet, dit saint Paul, qui connais Dieu, c'est Dieu qui s'est fait connaître à moi. De même donc qu'aujourd'hui il me connaît d'abord, et vient vers moi, ainsi alors j'irai vers lui avec un empressement bien plus vif qu'aujourd'hui. En effet, celui qui demeure dans les ténèbres ne peut pas, avant d'avoir vu le soleil, s'empresser vers la beauté de ses rayons, c'est le soleil qui de lui-même et par son éclat se, montre à lui, mais quand il a perçu cette splendeur, il poursuit la lumière. Voilà ce que veut dire cette expression : « Comme je suis connu » ; non pas que nous connaîtrons Dieu comme il nous connaît, mais de même qu'aujourd'hui il vient vers nous, ainsi alors nous irons vers lui, et nous connaîtrons bien des mystères aujourd'hui cachés, et nous jouirons de cette science et de ce commerce bienheureux. Si, en effet, Paul qui savait tant de choses n'était qu'un enfant, réfléchissez à ce que sera cette science nouvelle, si l'ancienne n'était qu'un miroir et une énigme, pensez à ce que sera Dieu vu face à face. Pour vous faire sentir cette différence, et faire entrer dans votre âme un rayon obscur de cette connaissance, rappelez-vous les prescriptions de l'ancienne loi, maintenant que la grâce a brillé. Avant la grâce, elles paraissaient grandes et merveilleuses ; écoutez pourtant ce que Paul en dit après la grâce : « Ce qui a brillé en cette partie n'a pas été glorifié à cause d'une gloire supérieure ». (2Co 3,10)

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Pour rendre ma pensée plus claire, appliquons notre discours à une de ces prescriptions qu'on accomplissait alors sous la forme mystique, et vous verrez quelle est la différence. Prenons la Pâque, si vous- voulez, et l'ancienne et la nouvelle, et vous reconnaîtrez l'excellence de celle-ci. Les Juifs célébraient l'ancienne, mais ils la célébraient comme. s'ils la voyaient à travers un miroir et une énigme. Ces mystères cachés ne se présentaient pas même à leur pensée, et ils ne savaient point quelles étaient ces choses qu'ils annonçaient, mais ils ne voyaient qu'un agneau immolé, et le sang d'une bête, et les portes qui en étaient arrosées. Mais que le Fils de Dieu incarné dût être immolé et délivrer la terre, et donner son sang à goûter aux Grecs et aux barbares, ouvrir le ciel à tous, et offrir au genre humain les biens d'en haut, qu'il dût porter cette chair sanglante au-delà des cieux et des armées des anges, des archanges et des autres puissances, et la placer sur un trône divin à la droite du Père, brillant d'une gloire ineffable: voilà ce que ne savaient point les Juifs, ni aucun autre parmi les hommes, et ce qu’ils ne pouvaient point soupçonner. Mais que disent les impies, qui osent tout? que cette parole : « Maintenant je connais en partie », s'applique à la Providence, car saint Paul avait la cou naissance parfaite de Dieu. Et comment se fait-il qu'il se donne le nom d'enfant? Comment voit-il à travers un miroir, comment à travers le voile d'une énigme, s'il possède la science parfaite? Pourquoi est-ce qu'il attribue cette science au Saint-Esprit, à l'exclusion de toute autre puissance créée, disant : « Qui est-ce qui connaît les pensées de l'homme, sinon l'esprit qui est en lui ? Ainsi personne ne connaît ce qui se rapporte à Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu ». (1Co 2,11). Et d'un autre côté, le Christ déclare que cette science est à lui tout seul, car il parle ainsi « Personne n'a vu le Père », si ce n'est celui qui « vient du Père ; celui-là a vu le Père » (Jn 6,46) : nous apprenant que cette vue seule est la connaissance claire et parfaite. Comment celui qui connaît la substance d'un être peut-il en ignorer l'économie? La connaissance de la substance est plus difficile que l'autre. —Ainsi, suivant l'apôtre, nous ignorons Dieu? — Loin de là ; nous savons qu'il est, mais quelle est sa substance, nous l'ignorons. Et ce qui prouve que cette parole : « Maintenant je connais en partie », ne s'applique point à la Providence, c'est la suite, car saint Paul ajoute : « Alors je connaîtrai comme je suis connu ». Or ce n'est point la Providence, c'est Dieu qui connaît. Cette opinion n'est donc pas simplement inique, elle l'est deux, et trois et mille fois. C'est par conséquent une vanité absurde, non-seulement de se glorifier de savoir ce que savent seuls le Saint-Esprit et le Fils unique de Dieu, mais encore de prétendre arriver par le raisonnement à cette connaissance parfaite, quand saint Paul n'a pu en saisir qu'une partie, et encore par une révélation d'en haut; car je défie que l'on me montre un seul passage de l'Ecriture qui raisonne de ces choses. Mais laissons de côté la folie des impies, et voyons ce que l'apôtre dit encore de la charité. Il ne s'en est pas tenu là, il ajoute : « Maintenant restent la foi, l'espérance, la charité, mais, la charité l'emporte sur les deux autres vertus ».

3403 3. Car la foi et l'espérance cessent, quand sont arrivés les biens dans lesquels on a cru et qu'on a espérés. C'est ce que veut dire saint Paul par ces paroles: « L'espérance qu'on voit n'est point l'espérance ; pourquoi en effet espérer ce que déjà l'on voit». (Rm 8,24) Et en un autre endroit : « La foi est la substance des choses que l'on espère et la preuve des choses qui n'apparaissent point ». (He 11,1) C'est pourquoi la foi et l'espérance cesseront, quand ces biens nous seront apparus; mais la charité s'en accroîtras et deviendra plus forte. Autre éloge de la charité : elle ne se contente point des biens qu'elle a ; elle s'efforce toujours d'en trouver de nouveaux.

Faites-y attention : il a dit que la charité est le plus grand des dons, et la voie la meilleure pour les obtenir; il a dit que sans elle, ces dons ne nous servent pas beaucoup; il l'a décrite par des traits nombreux, il veut de nouveau l'exalter d'autre façon et montrer qu'elle est grande en ce qu'elle est stable. C'est pourquoi il a dit : « Ce qui nous resté, c'est la foi, l'espérance, la charité, ces trois vertus, mais la charité l'emporte sur les autres ». Comment donc l'emporte-t-elle?, en ce que les autres passent. Si donc telle est la force de la charité, il ajoute à bon droit : « Poursuivez la charité ». En effet il faut la poursuivre et s'empresser vivement vers elle, car elle est prompte à s'envoler, et grands sont les (530) obstacles qui nous arrêtent dans notre course vers elle. Il faut donc déployer une grande énergie pour la saisir; c'est ce que le bienheureux Paul voulait montrer, car il n'a pas dit: Suivez la charité, mais « poursuivez la charité », nous excitant ainsi et nous enflammant du désir de l'atteindre. Dieu, dès le commencement du monde, a employé des moyens innombrables pour la faire pénétrer dans nos âmes : car il a donné à tous les hommes un seul père, Adam. Pourquoi ne naissons-nous pas tous de la terre? Pourquoi ne naissons-nous pas déjà formés et développés, comme Adam? C'est afin que donnant le jour à nos enfants et les élevant, et que nés nous-mêmes d'autres, nous nous aimions les uns les autres. C'est pourquoi il n'a pas formé la femme de la terre. Comme il ne suffisait pas pour nous inculquer le respect qui mène à la concorde, d'être de la même substance, et qu'il- fallait encore avoir un auteur unique de notre race, il a voulu qu'il en fût ainsi. Séparés aujourd'hui par l'espace seul, nous nous considérons comme étrangers les uns aux autres; cela serait arrivé bien plus encore, si notre naissance avait eu deux principes. C'est pourquoi il n'a fait en quelque sorte du genre humain qu'un seul corps, qui n'a qu'une tête. Et, comme au commencement il paraissait y en avoir deux, voyez, comme il les a rassemblées et unies en une seule par le mariage. « A cause de cela » dit-il, « l'homme abandonnera son père et sa mère, et il s'attachera a sa femme et ils seront deux en une même chair ». (Gn 2,24)

Il n'a point dit: la femme, mais« l'homme», parce que c'est en lui que la concupiscence est la plus grande. Et Dieu l'a voulu ainsi afin de fléchir la supériorité de l'homme. par la tyrannie de cet amour, et de le soumettre à la faiblesse de la femme. Comme il fallait établir le mariage, il a donné à l'homme une femme sortie de lui ; car Dieu a tout fait en vue de la charité. Si en effet, les choses étant ainsi, le démon a pu les égarer et semer entre eux l'envie et la discorde, que n'aurait-il pu, s'ils n'avaient pas été sortis d'une même souche? Il a voulu ensuite que la soumission fût d'un côté, et le commandement de l'autre, car l'égalité des honneurs a coutume d'engendrer les disputes; il n'a donc pas établi un gouvernement populaire, mais la royauté, et dans chaque maison vous pouvez observer le même ordre que dans une armée. Le mari a le rang d'un roi, et la femme d'un gouverneur ou d'un général d'armée; les fils ont le troisième rang, le quatrième est aux domestiques; ils commandent à ceux qui sont au-dessous d'eux, et un seul est souvent mis à la tête de tous les autres, et envers eux a le rang d'un maître, mais, en tout le reste; il est domestique. Après cela il y a encore des différences dans le commandement, suivant qu'il s'exerce sur les femmes ou sur les enfants, et envers les enfants, d'autres différences suivant l'âge et le sexe ; car la femme n'a point le même empire sur tous ses enfants. Et partout Dieu a créé de nombreux commandements, afin que la concorde et le bon ordre subsistassent toujours. C'est pourquoi, avant que le genre humain se fut multiplié, quand ils n'étaient encore que deux, il a donné à l'un le commandement, et imposé à l'autre l'obéissance. Pour que l'homme ne méprisât point la femme plus faible que fui, et que celle-ci ne s'éloignât pas de lui, voyez comment il l'a Honorée et unie à lui, même avant sa création; car il dit « Faisons-lui une compagne » (Gn 2,18), montrant ainsi qu'elle a été créée pour être utile à l'homme, et lui conciliant l'affection de l'homme, par cette raison qu'elle lui est utile; car nous aimons d'une affection plus vive ce qui a été fait à cause de nous. D'un autre côté, pour que la femme ne s'enorgueillît d'être pour lui une compagne nécessaire, et ne brisât ce lien, il l'a tirée d'une côte de l'homme, montrant qu'elle n'est qu'une partie de tout le corps. Pour que l'homme aussi ne S'enorgueillît point, Dieu n'a point permis qu'elle fût à lui tout seul, comme elle fut d'abord; il a fait le contraire, en lui faisant procréer des enfants; ainsi s'il a donné la supériorité à l'homme, il ne lui a point donné tous les avantages.

3404 4. Avez-vous vu que de liens d'amour Dieu a faits pour nous? Mais tous ces gages de concorde reposent sur la nature, et sur ce que nous sommes de la même substance; (en effet, tout être animé aime ce qui est semblable à lui;) et sur ce que la femme est née de l'homme, et les enfants de tous les deux. De là naissent mille affections diverses: il y a l'affection pour un père, pour un aïeul, pour une mère, pour une nourrice; il y a l'affection pour un fils, un petit-fils, un arrière petit-fils, pour une fille et pour une nièce; nous aimons celui-ci comme notre frère, celui-là comme (531) notre oncle ; celle-ci comme une soeur, celle-là comme une cousine. Et qu'est-il besoin d'énumérer tous les degrés de parenté? Dieu a encore imaginé une autre source d'affection: en défendant les mariages entre proches, il nous conduit vers les étrangers, et attire ceux-ci vers nous. Comme ils ne peuvent nous être unis par les liens de la nature, il les unit à nous par le mariage, alliant des maisons entières par une seule fiancée, et mêlant les familles aux familles : « N'épouse point », dit-il, « ta soeur, ni la soeur de ton père, ni une autre jeune fille qui ait avec toi une pareille parenté » (Lv 18,8-10) ; et il énumère tous les degrés de parenté qui empêchent le mariage. Il suffit, pour être attiré vers quelqu'un, d'être né du même sang, et d'être uni par les différents liens de parenté. Pourquoi resserrer en des bornes étroites les vastes désirs de la charité ? Pourquoi trouver dans la parenté seule une cause d'amitié, quand on peut faire naître une occasion nouvelle d'amitié en épousant une femme étrangère, et en gagnant par elle une série de parents, une mère, un père, des frères et leurs parents ? Voyez-vous de combien de manières Dieu nous a unis les uns aux autres ? Cependant il ne s'en est pas tenu là ; il a voulu encore que nous eussions besoin les uns des autres, pour nous unir de cette façon, car la nécessité crée des affections. Aussi n'a-t-il pas voulu qu'il y eût en tous les pays toutes les productions, pour nous forcer ainsi à nous mêler les uns aux autres.

Après avoir voulu que nous eussions besoin les uns des autres, il a rendu les communications faciles; en effet, s'il n'en était pas ainsi, de, nouvelles difficultés et de nouveaux obstacles naîtraient de là. Si, quand on 'a besoin d'un médecin, d'un forgeron ou d'un autre artisan, il fallait le chercher au loin, on périrait à coup sûr. C'est pourquoi Dieu a fait les villes, et les a unies les unes aux autres. Pour nous permettre de visiter facilement ceux. qui sont loin de nous, il a étendu la mer entre les peuples, et leur a donné la vitesse des vents, et a rendu ainsi les voyages faciles. Au commencement même, il a réuni tous les hommes en un seul lieu, et ne les a dispersés que quand ceux qui furent combles (le cette faveur s'entendirent pour le mal; mais de tous côtés il nous a unis, et par la nature, et par la parenté, et par la langue, et par la communauté de séjour. Et de même qu'il ne voulait point nous chasser du paradis, (car, s'il l'avait voulu, il n'y aurait point du tout placé l'homme après sa création, mais ce fut l'homme qui, par sa désobéissance, fut cause de cet exil) ; de même ne voulait-il pas qu'il y eût diversité de langues; il n'y en avait point au commencement, et aujourd'hui, par toute la terre, toutes les lèvres prononceraient les mêmes paroles. C'est pourquoi aussi, quand il fallut détruire la terre, il ne nous fit point d'une matière nouvelle, et il ne rejeta point le juste, et il envoya au milieu des flots le bienheureux Noé, pour être comme l'étincelle qui devait ranimer le genre humain. Au commencement, il n'avait établi qu'une seule domination, celle du mari sur la femme; mais quand le genre humain fut tombé en toute espèce de désordres, il établit encore d'autres dominations, celle des rois et des magistrats, et cela par charité.

Comme la malice dissout et détruit notre race; il a établi, comme des médecins au milieu des villes, polar prononcer des jugements et pour bannir cette malice qui est le fléau de la charité, et pour ne former de la cité entière qu'un seul corps. Pour établir cette concorde, non-seulement dans les villes, mais dans chaque maison, après avoir revêtu le mari du commandement et lui avoir donné le premier rang, après avoir armé la femme de la concupiscence, et placé entre eux la procréation des enfants comme un don, il imagine encore d'autres moyens de consolider entre eux l'affection. Il ne donna point tout à l'homme, ni tout à la femme ; il partagea les dons entre eux, assignant à la femme la maison, et à l'homme la place publique; il imposa à l'homme la charge de nourrir la maison, car c'est lui qui cultive la terre, et à la femme la charge de la vêtir, car tisser et tenir la quenouille appartient à la femme. C'est Dieu même qui a donné à la femme le talent de filer. Malheur à la cupidité qui veut supprimer cette distinction ! Car la mollesse de beaucoup d'hommes les a conduits à filer, et leur a mis clans les mains la navette, la chaîne et la trame. Mais là même apparaît la sagesse avec laquelle Dieu a dispensé ses dons ; car nous avons besoin de la femme pour des ouvrages tout à fait nécessaires, et nous avons besoin de plus petits que nous pour les choses mêmes d'où dépend la vie; et l'on aurait beau posséder toutes les (532) richesses, on ne pourrait se soustraire à cette nécessité qui nous fait dépendre de ceux qui sont au-dessous de nous. En effet, ce ne sont pas seulement les pauvres qui ont besoin des riches, ce sont encore les riches qui ont besoin des pauvres, et plus même que ceux-ci n'ont besoin d'eux.

3405 5. Pour rendre cette vérité plus claire, imaginons, si vous voulez, deux villes, l'une de riches, et l'autre de pauvres, et dans la ville des riches il n'y aurait point de pauvres, et dans la ville des pauvres il n'y aurait point de riches, car nous y faisons un triage parfait; voyons maintenant quelle est celle qui pourra se suffire. Si nous trouvons que c'est la ville des pauvres, il sera prouvé que les riches ont plutôt besoin d'eux. Dans la ville des riches, il n'y aura point d'artisans, ni architecte, ni forgeron, ni cordonnier, ni boulanger, ni laboureur, ni chaudronnier, ni cordier, ni quelqu'artisan que ce soit. Qui donc des riches voudra travailler à ces métiers, puisque les artisans mêmes, devenus riches, ne veulent plus supporter ces durs travaux? Comment donc cette ville pourra-t-elle subsister? On me dira que les riches achèteront tout des pauvres à prix d'argent. Ainsi déjà ils ne pourront se suffire à eux-mêmes, s'ils ont besoin des pauvres. Et qui donc construira les maisons ? Les achètera-t-on aussi ? Mais cela ne se peut. Il faudra donc appeler des artisans, et enfreindre la loi que nous avons établie au commencement, alors que nous avons fourni la ville d'habitants : vous vous souvenez, en effet, que nous avons dit qu'elle ne renfermerait point de pauvres. Et voici que la nécessité même, contre notre gré, y appellera et y introduira les pauvres. D'où il appert qu'une ville sans pauvres ne peut subsister; et que si une cité demeure en effet sans en recevoir, ce ne sera bientôt plus une cité, car elle périra. Ainsi aucune ville ne pourra se suffire, si elle n'a appelé dans son sein des pauvres pour la conserver.

Voyons d'un autre côté la ville des pauvres, et si pareillement elle se consumera dans le besoin par l'absence des- riches. Et d'abord établissons et définissons clairement les richesses. Quelles sont les richesses? l'or, l'argent, les pierres précieuses, les vêtements de soie, de pourpre et d'or. Maintenant que nous savons quelles sont les richesses, bannissons-les de la ville des pauvres, si nous voulons établir une vraie cité des pauvres; que l'or ni les vêtements que j'ai nommés n'apparaissent aux habitants, même en songe; ajoutez, si vous voulez, l'argent et les ustensiles d'argent. Eh bien ! dites-moi si à cause de cela la ville sera dans le besoin. Nullement: s'il faut bâtir, on n'a besoin ni d'or, ni d'argent, ni de perles, mais du travail des mains, et non pas de mains quelconques, mais de mains calleuses et de doigts endurcis, de bras forts, de poutres, de pierres ; s'il faut tisser des vêtements, on n'a point besoin d'or ni d'argent, mais de mains, de l'industrie et du travail des femmes. S'il faut cultiver et piocher la terre, a-t-on besoin de riches ou de pauvres? Evidemment de pauvres. Et s'il faut travailler le fer ou quelqu'autre métal, c'est alors surtout que nous aurons besoin du peuple. Quand donc aurons-nous besoin des riches, sinon quand il faudra détruire cette ville? Car, lorsque les riches une fois entrés, le désir de l'or et des perles se sera emparé de ces sages (car j'appelle sages ceux qui ne cherchent point le superflu), quand ils se seront adonnés à l'oisiveté et à la volupté, tout sera perdu. Mais si les richesses, direz-vous, ne sont pas utiles, pourquoi Dieu nous les a-t-il données? Et où prenez-vous que c'est Dieu qui nous a donné les richesses? L'Ecriture dit : « L'argent est à moi, et l'or est à moi » (
Ag 2,8), et je les donnerai à qui je voudrai.

Si je voulais me rendre coupable d'inconvenance, je rirais ici à gorge déployée, pour me moquer de ceux qui parlent ainsi, car ils sont semblables à de petits enfants qui, admis à la table d'un roi, avaleraient, en même temps que les mets royaux, tout ce qui leur tomberait sous la main. C'est ainsi qu'ils mêlent leur pensée à celles des saintes Ecritures. Ces paroles : «L'argent est à moi et l'or est à moi », ont été dites, je le sais, par le prophète, mais celles-ci : Je le donnerai à qui je voudrai, ne se trouvent point chez lui, elles y ont été introduites par ces gens misérables. Voici pourquoi le prophète Aggée parle ainsi. Comme il avait promis souvent aux Juifs, après le retour de Babylone, de leur montrer un temple aussi beau que l'ancien, quelques-uns n'ajoutaient pas foi à ses paroles, et ils pensaient que c'était une chose presque impossible que le temple, après avoir été réduit en cendres et en poudre, apparût dans son ancienne splendeur, et lui, pour dissiper leur incrédulité, parle au (533) nom de Dieu, et c'est comme s'il disait : Que craignez-vous? Pourquoi n'avez-vous pas foi? « L'argent est à moi et l'or est à moi », et je n'ai point besoin, pour construire mon temple, de l'argent emprunté avec usure. Et il ajoute : « La gloire de cette maison sera au-dessus de la gloire de la première ». (Ag 2,10) N'allez donc pas mêler des toiles d'araignées à un vêtement royal. Car si l'on surprenait quelqu'un occupé à mêler à la pourpre un tissu grossier, on le punirait du dernier châtiment ; et, à plus forte raison, quand il s'agit du spirituel, car ce n'est point là une faute légère. Et que dire des additions et des soustractions? Le changement d'un point et une leçon différente, donnent souvent lieu à des sens absurdes.

3406 6. D'où viennent donc les riches? Direz-vous. C'est qu'il est dit en effet: « Les richesses et la pauvreté viennent du Seigneur ». (Qo 2,14) Nous demanderons à ceux qui nous adressent cette objection : est-ce que, toute richesse et toute pauvreté viennent du Seigneur? Qui pourrait le prétendre? Nous voyons que c'est par les rapines, les tombeaux ouverts, et les duperies et les autres méfaits de ce genre qu'on se procure souvent les richesses, et que ceux qui les possèdent ne méritent pas même de vivre. Répondez-moi; direz-vous que ces richesses viennent de Dieu ? Loin de là; mais d'où viennent-elles? Du péché. Car la courtisane qui livre au déshonneur sa personne, s'enrichit; et le bel adolescent qui vend sa beauté, possède de l'or au prix de la honte ; et celui qui ouvre les tombeaux et les pille, amasse des richesses iniques, et de même le voleur qui perce les murs. Est-ce donc du Seigneur que viennent toutes les richesses? Mais, direz-vous, que répondrons-nous à cette parole de l'Ecriture?Apprenez d'abord que la pauvreté même ne vient pas de Dieu, et ensuite nous y viendrons. En effet, quand le jeune homme prodigue dépense sa fortune avec les courtisanes, les magiciens, ou se ruine par d'autres passions, et qu'il devient pauvre, n'est-il pas clair que ce n'est pas Dieu qui l'a rendu ainsi, mais sa propre prodigalité ? D'un autre côté, si l'on tombe dans la pauvreté par paresse ou par folie, ou parce qu'on s'est laissé aller à des entreprises dangereuses et iniques, n'est-il pas manifeste que, dans aucun de ces cas, ce n'est point Dieu qui vous a jeté dans la pauvreté. L'Ecriture ment donc? Loin de là, mais c'est folie de ne pas examiner ses paroles avec tout le soin qu'elles méritent. Car si nous confessons que l'Ecriture ne peut mentir, et si nous avons prouvé que toutes les richesses ne viennent pas de Dieu, la difficulté vient de la faiblesse d'esprit de ceux qui lisent sans réflexion. Et il faudrait les renvoyer, après avoir ainsi justifié l'Ecriture de leurs accusations, et les punir de la négligence avec laquelle ils lisent les Ecritures. Mais je leur pardonne, et pour ne pas les laisser plus longtemps dans le trouble, je veux leur indiquer la solution, en rappelant d'abord quel est l'auteur de ces paroles, en quel temps et à qui il les a dites.

Dieu, en effet, ne parle pas semblablement à tous; de même que nous ne parlons point de la même façon aux enfants et aux hommes. Quand donc ces paroles ont été prononcées, et par qui, et à qui? Par Salomon, dans l'Ancien Testament, et elles furent adressées aux Juifs qui ne connaissaient que les choses sensibles, et qui estimaient par là la puissance de Dieu. Ce sont ceux qui disaient : « Pourra-t-il nous donner du pain ? » (Ps 78,20) et : « Quel prodige nous montres-tu? (Mt 12,38) Nos « pères ont mangé la manne dans te désert. « (Jn 6,31) Ceux dont le ventre est le Dieu». (Ph 13,19) Comme c'est ainsi qu'ils concevaient Dieu, il leur dit : Dieu peut aussi faire des riches et des pauvres; non pas qu'il le fasse toujours, mais il le peut, quand il lui plaît; ainsi a-t-il dit « Celui qui menace la mer, et la dessèche, et change en déserts tous les fleuves » (Na 1,4), quoiqu'il ne l'ait jamais fait. Comment donc le prophète entend-il cette parole? Il ne veut pas dire que Dieu le fasse toujours, mais qu'il peut le faire. Quelles sont donc la pauvreté et les richesses qu'il donne? Souvenez-vous du patriarche, et vous saunez les richesses que Dieu donne. C'est Dieu lui-même qui a donné ses richesses à Abraham, et plus tard à Job, qui dit : « Si nous avons reçu les biens du Seigneur, pourquoi ne supporterions-nous pas les maux qu'il nous envoie? » (Jb 2,10) C'est là aussi la source des richesses de Jacob. La pauvreté qui vient de Dieu est aussi louable; c'est celle qu'il enseigne aux riches, disant : Si tu veux être parfait, vends ce que tu possèdes, donne tout aux pauvres, et viens, (534) suis-moi (Mt 19,21), et la recommandant en un autre endroit à ses disciples, et disant « Refusez-vous à posséder de l'or, de l'argent ou deux tuniques ». (Lc 9,3) Ne dites donc pas que c'est Dieu qui donne toutes les richesses, car nous avons montré que c'est par le meurtre, les rapines et mille autres méfaits qu'on les amasse.

Mais ramenons le discours à notre première question : si les richesses ne sont utiles à rien, pourquoi sont-elles créées? Que répondrons-nous? Que les richesses ainsi amassées ne sont pas utiles, et que celles qui viennent de Dieu sont très-utiles. C'est ce que vous pouvez apprendre par les actions mêmes des riches. Car Abraham. possédait ses richesses pour les étrangers et tous les nécessiteux. Quand arrivèrent chez lui trois hommes, ainsi qu'il croyait, il tua un veau et pétrit trois mesures de farine; toujours assis à sa porte à l'heure de midi; voyez sa libéralité toujours empressée à dépenser ses biens pour tous; voyez-le payant de sa personne, ainsi que de ses richesses, et encore dans une vieillesse avancée. Il était le port des étrangers et de ceux qui étaient dans la nécessité, ne possédant rien qui lui fût propre, pas même son fils, car il le sacrifiait sur l'ordre de Dieu, et avec son fils il se donnait lui-même, et toute sa maison, quand il fut si prompt à délivrer son neveu. Et il ne le faisait point par amour du gain, mais par humanité. Quand ceux qu'il avait délivrés le mirent en possession des dépouilles, il refusa tout, jusqu'au fil d'une robe, et jusqu'au cordon d'une sandale.

3407 7. Tel était aussi le bienheureux Job, car il disait : « Ma porte était ouverte à tout venant. J'étais l'oeil des aveugles et le pied des boiteux ; j'étais le père des infirmes, aucun étranger ne demeurait à ma porte » (Jb 31,33Jb 29,15 Jb 29,16) ; les infirmes, quand ils s'adressaient à moi dans le besoin, n'étaient point trompés dans leur espoir, et je n'ai point permis qu'un pauvre sortit de ma maison l'estomac vide. Je ne puis tout énumérer, mais il faisait plus encore, distribuant son argent à tous les nécessiteux. Voulez-vous voir maintenant les riches que Dieu n'a point faits, et savoir comment ils ont usé de leurs richesses? Voyez celui de Lazare, qui ne lui donnait pas même les miettes de sa table; voyez Achab qui a enlevé au pauvre sa vigne ; voyez Giézi et tous ceux qui furent comme lui. Ceux qui possèdent les richesses à juste titre, parce qu'ils les ont reçues de, Dieu, les dépensent conformément à ses préceptes; ceux qui ont offensé Dieu en les acquérant, l'offensent encore en les dépensant; en les prodiguant à des courtisanes et à des parasites, en les cachant et en les enfouissant, et en n'en donnant rien aux pauvres. Et pourquoi, direz-vous, Dieu permet-il que de tels hommes soient riches? Parce qu'il est patient, parce qu'il veut nous amener à la pénitence, parce qu'il a préparé la géhenne, et fixé le jour où il jugera lé monde. S'il frappait tout de suite les riches, Zachée n'aurait pas eu le temps de se repentir, de rendre. le quadruple de ce qu'il avait ravi, d'ajouter même la moitié de ses biens. Matthieu n'aurait pas eu le temps de se convertir et de devenir apôtre,, s'il avait été enlevé avant l'heure favorable, et ainsi de beaucoup d'autres. C'est pourquoi Dieu attend, les appelant tous à la pénitence, s'ils s'y refusent, s'ils persistent dans leurs péchés, ils entendront Paul leur dire : « Qu'à cause de leur dureté et de leur coeur impénitent, ils amassent contré eux de la colère, au jour de là colère, de la révélation et du jugement équitable de Dieu ». (Rm 2,5). Evitons cette, colère, enrichissons-nous des richesses célestes, et poursuivons la pauvreté louable. C'est ainsi que nous atteindrons les biens célestes; puissions-nous les obtenir tous, par la faveur et la bienveillance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, appartiennent la gloire, la puissance, l'honneur, aujourd'hui et toujours, et jusqu'à la fin des siècles. Ainsi soit-il.


En cette fête de saint Jean Chrysostome une lecture stimulante par le P. de Forges

Écoutez 2019 - 05 - 09 DeForges Les richesses sont-elles dangereuses pour le salut ? de Podcast du College des Bernardins dans Podcasts. https://podcasts.apple.com/fr/podcast/podcast-du-college-des-bernardins/id1077794976?i=1000448706009

11 septembre 2019

Amour en toi - 43 - Saint Bernard de Clairvaux

Parmi les chemins spirituels, la voie la plus sûre est celle de la contemplation qui nous détache d'un enfermement sur nous mêmes et nous décentré vers le Christ. Alors nous passons au cœur, au Temple où seule la volonté de Dieu devient première.

Écoutons sur ce point saint Bernard de Clairvaux : « Fixons-nous solidement au rempart ; appuyons-nous de toutes nos forces sur le roc inébranlable qu'est le Christ, selon cette parole de l'Écriture : Il m'a fait reprendre pied sur le roc, il a raffermi mes pas. Ainsi établis et réconfortés, mettons-nous à contempler : nous verrons ce qu'il nous dit et ce que nous répondrons à qui nous fait reproche.

Le premier degré de la contemplation en effet, mes bien-aimés, c'est que sans cesse nous considérions ce que veut le Seigneur, ce qui lui plaît, ce qui lui est agréable. En beaucoup de choses nous l'offensons tous, notre manque de simplicité heurte la droiture de sa volonté, et cela nous empêche de nous unir, de nous attacher à lui. Humilions-nous donc sous la main puissante du Dieu très-haut et hâtons-nous d'exposer toute notre misère devant les yeux de sa miséricorde en disant : Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri, sauve-moi et je serai sauvé, et encore : Prends pitié de moi, Seigneur, guéris mon âme, car j'ai péché contre toi.

Lorsque l'œil du cœur est purifié par ce genre de pensées, nous ne vivons plus le cœur plein d'amertume mais dans les délices qui se trouvent en l'Esprit de Dieu. Déjà nous ne considérons plus quelle est la volonté de Dieu sur nous, mais quelle est cette volonté en elle-même. Car c'est dans sa volonté qu'est la vie, et absolument rien n'est plus utile et plus avantageux que de s'accorder à sa volonté. Et c'est pourquoi l'empressement que nous mettons à vouloir conserver notre vie, mettons-le aussi, dans la mesure du possible, à ne point dévier du chemin qui y mène.

Ensuite, lorsque nous aurons progressé quelque peu dans l'ascèse spirituelle en suivant comme guide l'Esprit Saint qui scrute les profondeurs mêmes de Dieu, représentons-nous combien le Seigneur est tendresse, combien il est bon en lui-même. Demandons avec le prophète de voir la volonté du Seigneur, demandons-lui de nous faire visiter non plus notre cœur mais son temple. Et avec lui nous dirons encore : Mon âme en moi s'est troublée, c'est pourquoi je me souviendrai de toi.

Ces deux choses résument le contenu de toute la vie spirituelle : au spectacle de nous-mêmes, nous sommes troublés et contrits pour notre salut, tandis que, dans la contemplation de Dieu, nous respirons et la joie du Saint-Esprit nous procure la consolation. D'une part, crainte et humilité ; d'autre part, espérance et charité. »

(1) Saint Bernard de Clairvaux, Sermon, source office des lectures du 11/9

Au fil de Luc 6, 12 - Silence et prière - Mère Térésa

« Jésus s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu » Lc 6, 12

« Les contemplatifs et les ascètes de tous les temps, de toutes les religions, ont toujours recherché Dieu dans le silence, la solitude des déserts, des forêts, des montagnes. Jésus lui-même a vécu quarante jours en parfaite solitude, passant de longues heures, cœur à cœur avec le Père, dans le silence de la nuit.
Nous-mêmes sommes appelés à nous retirer par intermittences dans un plus profond silence, dans l'isolement avec Dieu. Être seul avec lui, non pas avec nos livres, nos pensées, nos souvenirs, mais dans un parfait dénuement ; demeurer en sa présence ; silencieux, vide, immobile, dans l'attente.
Nous ne pouvons pas trouver Dieu dans le bruit, l'agitation. Vois la nature : les arbres, les fleurs, l'herbe des champs croissent en silence ; les étoiles, la lune, le soleil se meuvent en silence. L'essentiel n'est pas ce que nous pouvons dire, mais ce que Dieu nous dit, et ce qu'il dit à d'autres à travers nous. Dans le silence, il nous écoute ; dans le silence, il parle à nos âmes. Dans le silence, il nous est donné le privilège d'entendre sa voix :
Silence de nos yeux.
Silence de nos oreilles.
Silence de notre bouche.
Silence de notre esprit.
Dans le silence du cœur,
Dieu parlera »



Sainte Teresa de Calcutta (1910-1997)
fondatrice des Sœurs Missionnaires de la Charité
No Greater Love (Il n'y a pas de plus grand amour, trad. J.F. Colosimo ; Lattès 1997, p. 24) , source : l'Évangile au Quotidien

09 septembre 2019

Au fil de Luc 14 - où est ton trésor ? - Jean Cassien

Un corrigé à mon homélie d'hier ?

Offrir à Dieu notre vrai trésor
Plusieurs, qui pour suivre le Christ avaient méprisé des fortunes considérables, sommes énormes d'or et d'argent et domaines magnifiques, par la suite se sont laissés émouvoir pour un grattoir, pour un poinçon, pour une aiguille, pour un roseau à écrire. (...) Après avoir distribué toutes leurs richesses pour l'amour du Christ, ils retiennent leur ancienne passion et la mettent à des futilités, prompts à la colère pour les défendre. N'ayant pas la charité dont parle saint Paul, leur vie est frappée de stérilité. Le bienheureux apôtre prévoyait ce malheur : « Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres et livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien », disait-il (1Co 13,3). Preuve évidente que l'on ne touche pas tout d'un coup à la perfection par le seul renoncement à toute richesse et le mépris des honneurs, si l'on n'y joint pas cette charité dont l'apôtre décrit les divers aspects.
Or elle n'est que dans la pureté du cœur. Car rejeter l'envie, l'enflure, la colère et la frivolité, ne pas chercher son propre intérêt, ne pas prendre plaisir à l'injustice, ne pas tenir compte du mal, et le reste (1Co 13,4-5) : qu'est-ce d'autre que d'offrir continuellement à Dieu un cœur parfait et très pur, et le garder indemne de tout mouvement de passion ? La pureté de cœur sera donc le terme unique de nos actions et de nos désirs.

Saint Jean Cassien (v. 360-435) fondateur de monastère à Marseille, Conférences, I, 6-7, (trad. SC 42, p. 83-85), source : l'Évangile au Quotidien