14 août 2020

Dépouillement final - Jn 13 sq

Dépouillement final - Jn 13 sq
Déposer son vêtement pour le lavement des pieds c'est aussi, pour le Christ, commencer le dépouillement final.
On pourrait faire une lecture spirituelle qui voit le dénuement du Christ suivi de son action de verser l'eau dans le bassin puis de s'agenouiller devant l'homme comme une symbolique de la soumission finale et du sang versé.
C'est comme on le verra plus loin sous la plume de Xavier Léon-Dufour (1), comme un premier « mime symbolique » de la croix qui se déroule ici.
Il y a alors dans cet axe de lecture une dimension que Pierre ne comprend pas encore, faute d'en avoir la clé ultime. Le lavement des pieds, c'est déjà la Passion, le don final, le sang versé, c'est le jusqu'au bout de l'amour...
Le refus de Pierre prend alors une autre ampleur : au delà du refus de la kénose c'est le refus de la souffrance et de la mort qui est en jeu.

La deuxième piste à méditer est peut-être celle du signe, du sacrement et de la distance qui peut se créer entre le rite et l'agir.
Le rite du jeudi saint n'est rien s'il demeure un mime, un discours en geste au lieu d'être un amour en actes...
On dit que le lavement des pieds n'est pas un sacrement parce que la vie et la mission de l'Église doit être un éternel lavement des pieds... cela reste à prouver dans l'aujourd'hui de nos vies, de nos agir...
À méditer


(1) Xavier Léon-Dufour, Évangile selon saint Jean, tome 3, p. 26 & 60.

Signes et dépouillement - Correspondances Gn 41 - Luc 15



«Et Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph, et il le fit revêtir d'habits de fin lin et lui mit au cou un collier d'or.»
‭‭Genèse‬ ‭41:42‬ ‭

Au mitan du cycle de Joseph, alors que tout semble perdu pour lui, alors qu'il semble abandonné de Dieu et des hommes, voici qu'il retrouve l'espoir. Fort de sa capacité à interpréter les songes, un talent qui est la source de son malheur - voici qu'il trouve la grâce de Pharaon et ce dernier lui confie son royaume.

Même si le personnage de Joseph semble arrogant au départ, et qu'il nous semble mériter la jalousie de ses frères, il y a chez lui des traces de la figure du Christ. L'épisode de l'anneau nous interpelle, d'une certaine manière. On retrouvera en Luc 15, cette expression particulière qui redonne au Fils perdu l'anneau du pouvoir. Et c'est dans cette tension entre Joseph et le fils prodigue que l'on pourra contempler l'amour infini de Dieu.
Joseph est, à sa manière, le fils aimé du Père. Il était perdu pour Joseph, vendu comme le sera le Christ pour quelques pièces d'argent. Pourtant le Père n'oublie pas son fils et son amour demeure...
Joseph sera la victime, puis l'instrument du pardon. C'est une page importante de la pédagogie divine.

Dépouillement - ce pain nommé désir

Que cherchons nous ?
Vers quoi courrons nous ?
Y a-t-il un terme à notre faim ?

Notre monde s'est enroulé dans cyclone du même. Nous voulons le même. Nous cherchons le même. Nous courrons dans cette spirale mimétique qui touche jusqu'à nos églises, nos rites, nos façons de faire.

Mais Dieu n'est pas là...
Il est aux abonnés absents de cette quête. Il ne répond pas à ces désirs de mêmeté.

Où est-il ?
On croit le saisir et il nous échappe encore.
Il n'apporte pas « d'émotions volatiles, des consolations immédiates et des certitudes paresseuses »(1). Il ne guérit pas les foules à la volée, ne console pas les affligés sur demande. Il nous précède juste en Galilée, nous accompagne sur les chemins d'Emmaüs puis disparaît, échappe aux tentatives de réduction.
Il se donne en miette de peur de nous rassasier, d'éteindre notre faim et notre soif...

« Travaillez dans le calme » (1), labourez la terre, Dieu est un trésor caché au fond du champ. Il est là où on ne l'attend pas.

Aimez jusqu'au bout, jusqu'à plus soif, jusqu'à ce que cela pèse, car là est l'amour véritable, l'agape, dont l'Eros n'est que l'étincelle...

A la passion du même, aux trains nommés désirs, doivent se substituer la quête ultime, la traversée du désert, la conversion du cœur...

Marchez...
Allez au large...
Quitter le confort du même.
Laissez-vous dépouiller de vos certitudes.
Laissez le travailler en vous jusqu'aux jointures de l'âme.
Ne cédez pas sur le chemin.
Et si vous reculez, laissez-vous porter, embrasser, consoler, car il est chemin, miséricorde et vie.

(1) cf. François Cassingena-Trévédy, La voix contagieuse, 2017, ibid. p. 143

Baptême et dépouillement - Homélie pour le Baptême de K. - 16/8/20


Quel est l'enjeu du baptême de K ? 
Les textes que nous venons de découvrir aujourd'hui nous donnent une piste de lecture particulière.

Commençons d'abord par la deuxième lecture tirée d'une lettre de Saint Paul apôtre aux Romains (8, 28-32)
« Nous le savons,
Quand les hommes aiment Dieu,
Lui-même fait tout contribuer à leur bien,
Puisqu'ils sont appelés selon le dessein de son amour.
Ceux que, d'avance, il connaissait,
Il les a aussi destinés d'avance
A être configurés à l'image de son Fils »

Configuré à l'image du Christ...
Qu'est-ce que cela sous-entend ?
K. rêve d'être une princesse.
Elle va accéder par le baptême à une nouvelle dimension, celle de prophète de prêtre et de serviteur du Royaume, c'est à dire que tout ce qui en elle sera lumière et amour sera le double signe que Dieu est amour et que l'amour l'habite de l'intérieur.

Vous l'avez bien exprimé dans votre demande de baptême, cette joie particulière de K. est déjà lumière d'un amour qui vous dépasse.

Dans la première lecture Ezekiel exprime cela par l'image d'un fleuve. Du temple coule un fleuve immense. Pour nous chrétiens, c'est du cœur transpercé du Christ que jaillit ce fleuve.
En renonçant à tout ce qui conduit à la haine, en choisissant l'amour vous allez aider à faire de K. un ange de lumière, un signe qu'au delà de la mort, l'amour vaincra.
C'est votre tâche à tous, parrain et marraine, parents, mais vous aussi familles rassemblées ici, d'aider K. à rayonner de cet amour là, d'un amour immense qui va jusqu'au bout de la vie, au delà de la mort.
Et votre petit D. qui danse déjà avec les anges vous aidera à cela...
Bien sûr cette tâche est immense

Ce que nous allons célébrer aujourd'hui s'inscrit dans cette dynamique

Entrer dans le Jourdain à la suite du Christ c'est accepter de venir laver ce qui nous empêche d'aimer, c'est renoncer à tout ce qui fait obstacle à notre vocation originelle, c'est nous laisser modeler dans la forme originale et nue de l'homme créé par Dieu et pour Dieu.
C'est se dépouiller de tout ce qui conduit au mal pour choisir l'amour.

Dépouillement qui conduit à la vie, renoncement pour un plus grand bien.

La suite de la lettre de Paul prend tout son sens : Ceux qu'il avait destinés d'avance,
Il les a aussi appelés ;
Ceux qu'il a appelés,
Il en a fait des justes ;
Et ceux qu'il a rendus justes,
Il leur a donné sa gloire.
Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous,
Qui sera contre nous ?
Il n'a pas épargné son propre Fils,
Mais il l'a livré pour nous tous :
Comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ?





13 août 2020

Le vent du Verbe...

Quand vient le souffle,
n'oublie pas de contempler ce Verbe qui vient en toi.
Il fait frissonner les drisses de ton navire intérieur.
Il fait gonfler tes voiles .
Il t'emmène glisser sur l'océan de la vie.

Entre amers et rochers il te fait tracer sa route
Il te remet sur le bon cap...
Vers les horizons lointains il t'attire.
Te voilà agile face aux lames, brisant l'écume de la vie, porté au delà des tempêtes.

Mais ne perd pas ton cap.
Car déjà la force première se perd et t'échappe et le grand calme peut briser ton élan, les sargasses du monde arrêter ta course.

Il faut alors serrer tes voiles, virer de bord, parfois, chercher la brise fugace. Il faut surtout couper ces lianes qui ont repris le dessus, enserré la barre et détourné ta course.

Comment avancer quand la force du Verbe s'est perdu en toi ?
Prendre à nouveau les rames...
Ramer à contre courant.
Se dépouiller de ce qui alourdit la barque.
Écoper les eaux saumâtres qui encombrent ton esquif.
Guetter le vent.

Avance au large.
Lève les yeux.
Écoute.
Cherche au milieu des frémissements du monde, ce qui est bon, ce qui est vrai.

Ne te laisse pas détourner par les sirènes.
N'écoute pas leurs chants trompeurs.
Ne perds pas espoir.

Il te faut prendre les rames, malgré la chaleur, la solitude, le silence.
Ramer en dépit des mains calleuses, du dos meurtri.
Avancer...

Il est là.
Il t'attend.
Il suffit de tourner ton oreille vers le Verbe, guetter l'appel, surprendre sur l'onde son frémissement, pour qu'à nouveau ta barque s'agite et que le vent divin regagne ce qui était perdu.

Murmure.
Murmure léger.
Courant d'air.
Souffle fragile qui naît en toi.
Flamme de la lampe qui s'agite.
Feu qui s'éveille.

Il est là.
Bientôt le vent te fera bondir à nouveau.
Et sur les lames tourmentées tu avanceras.
Jusqu'à ce port ultime où le vent et les vagues, dansent à l'unisson.
Jusqu'au lieu où la brise devient souffle de Dieu.


12 août 2020

De dépouillement en dépouillement - à genoux devant l’homme

Il y a une danse presqu'éternelle entre l'homme et Dieu. Elle commence par le don et l'appel d'un « où es-tu ? » (Gn 3, 9) où Dieu cherche l'homme en dépit de sa faute. Y répond les pas de l'homme vers son Dieu qui l'appelle. On les entr'aperçoit dans le « quitter » et l'agenouillement qu'entreprend Abraham (cf. Gn 12 et Gn 18)
Dans ce mouvement, c'est à la fois Dieu qui se penche vers l'homme et demande son amour en dépit de ses fuites et du mal qui l'habite, mais aussi l'homme qui retire ses sandales (Ex 3) ou son vêtement (Ex 33) pour s'agenouiller devant son Dieu.
En premier, nous avons, comme le souligne sainte Catherine « cet amour incompréhensible qui t'a poussé à créer l'homme à ton image et ressemblance. ~ Quel motif avais-tu d'établir l'homme dans une telle dignité ? Certainement, c'est uniquement l'amour incompréhensible par lequel tu as considéré ta créature en toi-même et tu t'en es épris.(1) »
Mais l'amour infini de Dieu n'est pas resté sans réponse, sa pédagogie et son dépouillement (2) ne cesse de briser le cœur fier de l'homme.
La dynamique est bien double.
L'agenouillement de l'homme est plus habituel. On l'aperçoit dans chacune des théophanies. Celui de Dieu est plus discret dans l'Ancien Testament, on le sent pourtant entre les lignes. Il se révèle dans cette miséricorde qui affleure déjà chez les prophètes (3), devient plus visible dans cet agenouillement de l'ange devant la Vierge qui dans l'émerveillement d'un « fiat »(c'est en tout cas l'interprétation de Fra Angelica ou d'Arcabas - cf. Luc 1, 26-38) esquisse un mouvement vers le sol. Ce n'est que lorsque le voile de la kénose se déchire que Dieu pudique laisse apparaître enfin Jésus à genoux devant Pierre ou Judas.



On retient souvent l'agenouillement des Maries de Béthanie ou d'ailleurs... on ignore trop souvent que l'humilité de Dieu et son dépouillement est esquissé bien avant la Croix, dans cette alliance improbable et presqu'incompréhensible qu'il tente avec l'homme en dépit de tous ses reniements depuis David jusqu'à Pierre, depuis Abraham jusqu'à Judas...
Contempler l'agenouillement de Dieu, c'est prendre conscience de son amour infini. Le livre que je viens de mettre en ligne gratuitement n'est qu'une fenêtre sur un mystère qui nous dépasse, ce Dieu « à genoux devant l'homme » (4) qui nous demande de l'aimer comme il nous aime.
Il constitue l'essence de ma foi...

(1) sainte Catherine de Sienne, dialogue sur la providence, source office des lectures du 9/8.
(2) cf. Pédagogie divine in Dieu dépouillé
(3) cf. Osée 11sq. Voir aussi lire « lire l'ancien testament, tome 1 »
(4) voir le lien ou sur le site de la Fnac

11 août 2020

Le premier lavement des pieds - Gen 18, 4

Tradition culturelle d'hospitalité, le lavement des pieds proposé par Abraham, n'est pas à la hauteur du lavement des pieds proposé par Jésus en Jean 13.
Pourtant...
Pourtant il s'inscrit dans cette dynamique même de dépouillement en dépouillement, d'agenouillement en et agenouillement qui conduira Jésus à prendre la place, à la suite des femmes de Galilée à celle qui revient à l'esclave, pour nous montrer la voie de l'amour humble de Dieu.
C'est ce que nous avons peut-être à méditer dans le silence et dans l'attente d'Abram au chêne de Mambré.
Sur le sable fragile d'un homme et d'une femme stérile malgré leur union, Dieu veux construire un peuple, une descendance.
Leçon d'humilité s'il en est que cette stérilité de Sarah qui va jusqu'à rire du projet de Dieu et découvrir pourtant en sa chair que Dieu peut faire germer une graine sur un terrain aride.
Dieu a besoin de nous.
Si nous prêtons nos corps stériles et voués à la ruine à la construction d'un Corps, nous devenons participants, malgré notre indignité à l'édification du Temple.
Il ne s'agit pas d'une Babel éphémère si notre dépouillement reste entier. Il faut accepter de mourir à nos rêves humains pour que le grain prenne corps. C'est dans l'argile de nos échecs que le Seigneur dessine un chemin amoureux...
C'est dans le terreau de nos échecs que Dieu fait jaillir le grain du Verbe.
C'est sur le reniement d'Abram que jaillira la descendance.
C'est sur le reniement de Pierre que se construit l'Église.
Nous ne sommes que des pêcheurs pardonnés.
De nos échecs Dieu fera des victoires.
Sur l'argile du potier, Dieu modèle des amphores.
De la quête attentive de l'homme, de l'accueil humble d'autrui jaillit le signe ultime, l'agenouillement de Dieu devant l'homme qui crie que l'amour est possible.
Si tu veux...
Laisse Dieu agir.
Laisse le te dépouiller de tes désirs humains, de ta quête de pouvoir, pour qu'au fond d'un vase brisé, d'un rideau déchiré, d'un corps mutilé, d'un rêve cassé, d'un cœur transpercé, jaillisse une source nouvelle...

08 août 2020

Dépouillement et participation - Méditation sur les textes du 19ème…

Il y a dans ces textes une contemplation particulière de Dieu, comme une tension entre plusieurs facettes apparement contradictoires. Dans l'Evangile se révèle un Christ ayant apparemment toute puissance sur les éléments alors qu'1 Rois 19 fait apparaître la caresse discrète de Dieu, loin des éléments violents.

Et pourtant ces deux opposés se rejoignent. Dieu n'est pas dans la colère. Il nous apporte la paix.

Pour comprendre cela il faut probablement aller très loin en arrière dans ce qu'on appelle le cycle d'Élie, le voir égorger les prêtres de Baal en croyant faire la volonté de Dieu puis le suivre dans la fuite, le désespoir et la faim jusqu'à comprendre que la colère ne mène à rien, que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le « bruit d'un fin silence (1) », que Dieu est amour. Le chemin d'Élie va être celui des disciples. Il peut être notre chemin.
Loin de nos tentations de puissance la contemplation de la croix conduit au déchirement du voile...
Dieu apparaît vraiment dans la nudité d'un corps défiguré qui nous guérit de toute violence.

Paul, comme souvent, apporte une touche finale. Il souffre de voir ses frères juifs « qui ont l'adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; (...) les patriarches,
» ne pas comprendre ce que Jésus révèle par la Croix.

Dans cette croix offerte, dans cette « maison » fragile d'un Dieu dépouillé qui n'a plus d'endroit où reposer sa tête, se dévoile, derrière le déchirement du voile, l'invitation finale d'un Dieu qui nous invite à participer à notre manière à la vie divine, à la « danse amoureuse » de Dieu. Il s'agit bien, comme le souligne saint Jean de la Croix de devenir participants de cette unité fragile et amoureuse qui s'offre à nous.
La danse des personnes divines, circumincession des amours divins et trines, nous invitent à une symphonie qui dépassent l'illusion des tempêtes extérieures.
Dieu nous invitent à la danse. « Les âmes possèdent donc par participation les mêmes biens que lui par nature : d'où elles sont véritablement dieux par participation, égales à Dieu et ses compagnes. C'est ce que dit saint Pierre par ces paroles : Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. En effet, sa puissance divine nous a fait don de tout ce qu'il faut pour vivre en hommes religieux, grâce à la véritable connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et la force qui lui appartiennent. Ainsi, Dieu nous a fait don des grandes richesses promises et vous deviendrez participants de la nature divine. Ces paroles montrent que l'âme participe à la nature de Dieu, en accomplissant en lui et avec lui l'œuvre de la Très Sainte Trinité, de la manière dont nous avons parlé, à cause de l'union substantielle qu'il y a entre l'âme et Dieu. »(2)

(1) 1 Rois 19, la traduction est d'Emmanuel Lévinas. Voir sur ce thème mon essai éponyme.
(2) saint Jean de la Croix, cantique spirituel, source office des lectures du 7/8.

31 juillet 2020

Hommage à Joseph Moingt


Pour ne citer que deux ouvrages (et sans évoquer la puissance de réflexion de « l'esprit du christianisme », j'ai trouvé dans les trois tomes de « Dieu qui vient à l'homme » une réflexion riche sur un thème qui m'habitait depuis longtemps, mais qui cherchait des mots. Après avoir passé beaucoup de temps à lire la trilogie de Balthasar, Rahner, Congar et Lubac, j'ai découvert chez J. Moingt une façon bien particulière de rejoindre le monde, il s'agenouillait comme le Christ à genoux
devant Judas et Pierre.

Il n'arrachait pas l'ivraie (comme le rappelle le texte médité plus bas), mais contemplait le travail de Dieu, sa douce pédagogie et la triple kénose... Un dépouillement particulier que j'ai cherché de mon côté à contempler de bien des manières et qui m'a conduit, à sa suite, à oser écrire beaucoup plus maladroitement probablement sur ce thème (1).

Dans « l'Evangile sauvera l'Église » il y a aussi un retour aux sources de notre foi, une contemplation de l'essentiel qui dépasse nos querelles superficielles sur rite, cléricalisme et traditions pour reprendre l'élan originel, la Dynamis du Verbe. Cette liberté particulière de Moingt a construit ma vocation diaconale...

Voir aussi ce bel hommage de C. Theobald : https://www.jesuites.com/deces-du-p-joseph-moingt-sj/

Paru dans La Croix, extrait qui me touche le plus et que je « pratique » à sa suite depuis 20 ans : « Il avait mis en place « des groupes de laïcs fréquentant l’eucharistie mais ayant besoin de se retrouver pour des partages d’évangile ou des relectures de vie », annonçait une « Église en diaspora », fondée sur des chrétiens, certes bien moins nombreux, mais mieux formés et vivant une vie spirituelle et apostolique réelle.

Car, pour Joseph Moingt, ce n’est pas en se focalisant sur l’institution ecclésiale que l’on pourra mener une réforme radicale du catholicisme, mais en revenant à l’Évangile. « Il y a urgence à repenser toute la foi chrétienne pour dire ”Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme” dans le langage d’aujourd’hui et en continuité avec la Tradition », répétait-il en puisant dans son immense culture théologique et biblique pour confirmer que l’Église ne peut s’imaginer un avenir avec des réponses dogmatiques et qu’il faut qu’en son sein des théologiens « fassent du neuf sans être menacés d’excommunication ». En ce qui le concerne, sa plume n’a jamais été motivée par la peur d’une sanction ecclésiale, mais plutôt par le désir d’écrire en accord avec sa foi. Et puis, « à mon âge, on ne risque plus grand-chose ! ».(2)

(1) cf. notamment « À genoux devant l'homme » en téléchargement libre sur Kobo et Fnac.com qui s'inspire bcp de Dieu qui vient à l'homme
Voir aussi les 36 balises sur Moingt dans ce blog
(2) La Croix du 28/7

30 juillet 2020

Recevoir et donner - homélie du 18ème dimanche du Temps Ordinaire…


Projet 2 à discuter 

Pourquoi êtes-vous là aujourd'hui ?
La question mérite d'être posée alors que nos églises se vident...

Pourquoi sommes nous là ?
Sans vouloir répondre à votre place, je répondrai de mon côté  « parce que nous avons faim et soif d'amour.
C'est probablement ce qui mouvaient les foules au temps de Jésus.
Pourquoi sont-ils là ? Que cherchent-ils?
L'épisode raconté aujourd'hui se situe après la mort du Baptiste. On comprend que la foule est perdue, sans berger.
[Précisons peut-être qu’il y a deux récits de multiplication des pains chez les synoptiques. Celle des douze corbeilles (Mat 14) est celle qui évoque les 12 tribus d'Israël.]

Celle racontée aujourd'hui s'inscrit dans la quête juive et il faudrait idéalement contempler dans le silence ce peuple qui marche dans le désert pendant 40 ans, pour trouver la terre promise.

A cette soif, à cette soif d’amour Dieu répond t-il ?
La prophétie d'Isaie que nous trouvons dans la première lecture entame une réponse « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! » Isaïe 55,1
Quelle eau ?


A la soif de la Samaritaine Jésus promet l'eau vive
A la faim des hommes en marche, Jésus donne du pain...

Et nous que cherchons nous ?
De avons-nous faim ? de Dieu ?
A notre faim, Jésus se présente à vous sous la forme d'une hostie...
Cela ne comblera pas votre appétit humain
Cela nous conduit par contre, à la suite du peuple juif à marcher sur les pas de nos frères juifs dans la recherche de l'amour.

Il y a surtout un basculement dans l'évangile que je vous invite à méditer. Le Christ invite les disciples à être acteur : « Donnez leur à manger ». 
Le don de Dieu à besoin de nos mains [ comme le disait si bien Etty Hillesum dans ses lettres du camp nazi de Westerbroch]
Si nous n'avons pas la charité cela ne sert à rien.
Si nous ne venons pas ici sans nous tourner vers vos frères, sans nous soucier d'eux en profondeur, cela ne sert à rien....
Le pain que Dieu nous donne c'est son corps, démembré et partagé à l'infini. Manger son pain, c'est faire corps, c'est A LA FOIS recevoir et donner...
Le pain est Signe d'un don
Signe d'un amour donné
Signe d'un jusqu'au bout de l'amour
Signe de cette croix, de ce cœur transpercé qui fait jaillir l'amour de son cœur transpercé...

Si vous n'entrons pas dans cette dynamique du recevoir et du don le pain restera stérile
Si la graine semée en nous ne nous fait pas entrer dans le don et l'amour partagé, cela ne sert à rien.
Si nous repartons d'ici sans nous connaître, sans partager avec notre voisin, l'inconnu, l'étranger cela ne sert à rien
L'amour donné, partagé multiplié est le pain que Dieu nous donne, sans mesure, sans intérêt, sans retour
Il en reste 12 corbeilles signe de l'amour immense de Dieu...
La surabondance du don, soulignée par le chiffre de 12 (que ce soit les 12 tribus ou les 12 apôtres) nous conduit à une méditation : celle de l’abondance des dons de Dieu...
Nous sommes invités, comme l'évoqua si bien Bonaventure à être comme une amphore dans le fleuve : le don de Dieu, l'amour de Dieu est immense, si nous devenons ce que nous recevons le don de Dieu sera immense et débordant...


Laissons nous embraser par ce don qui vient à nous.
Si nous mangeons ce pain, si nous devenons corps, si l’amour nous habite alors « ni la mort ni la vie, (...) ni le présent ni l'avenir,(...) ni aucune autre créature, [aucun virus, aucun malrien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(Rom 8)
   

23 juillet 2020

Amour en toi - 79 - Dieu intérieur

Quel est l'enjeu du demeurer en moi ? Demeurer, c'est entrer dans les profondeurs, dans l'océan intérieur où Dieu se cache.

Au delà des vagues, des tempêtes, il y a un calme inattendu, un lieu de paix qui nous attend. Comme ce rayon inattendu qui illumine la mer démontée et fait apparaître l'essence du divin.


« Tu étais là et je ne le savais pas » (1).

Il faut le silence, un silence profond, pour que le Verbe résonne au fond de soi, au plus profond de soi. C'est là que Dieu se révèle.

« Deus interior intimo meo », Dieu plus intérieur que le plus intime de moi-même (1). C'est dans le silence qu'il me parle, me bouscule, jusqu'au jointures de l'âme. Écoutons-le !

(1) Saint Augustin, Les Confessions.
(2) ibid. III, VI, 11

Sur le même thème...

Dépouillement 25 - homélie du 17ème dimanche

Où courons nous ?

Que nous dit Jésus sur le marchand de perles dans l’Evangile de Matthieu ?  « il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle.»»
‭‭Matthieu‬ ‭13:46‬ 
« Tu t'agites pour beaucoup de choses, une chose est essentielle » glisse Jésus en écho à Marthe (Lc 10, 41). Il faudrait maintenant se taire et méditer sur ce qui est essentiel. Entendre le discours de Jésus au jeune homme riche : « une seule chose te manque : va vends tous tes biens et suis moi ».(Mc 10, Mat 19, Luc 18). Selon certaines interprétations Marc est probablement celui des trois évangélistes Synoptiques qui a le mieux compris cela au point qu'on l'associe à ce jeune homme qui s'enfuit tout nu au jardin de Gethsémani. Pourquoi Marc nous raconte t il cette scène non reprise par Matthieu et Luc ? Peut-être a-t-il compris le message ultime. Tout vendre, renoncer, se dépouiller, se mettre à nu... Jusqu'au déchirement du voile qui révèle l'amour.

La nudité à laquelle nous sommes appelés est celle qui nous oblige à sentir qu'il n'y a qu'une voie, qu'une sagesse, qu'un chemin, qu'un trésor, qu'un médiateur, Jésus Christ, celui qui s'est dépouillé de tout parce qu'en faisant cela il va jusqu'au bout de l'amour.

La route est longue et ardue... Au bout du chemin, quand on a fait, en nous, le tri final, il ne reste qu'une voie de sagesse, insiste à sa manière saint Jean de La Croix : suivre le Christ. Cette voie, est celle que décrit Salomon (1Rois 3), c'est celle qui peut faire de nous des « justes » comme le dit saint Paul en Romains 8.

Combien de fois nous arrêtons nous pour voir la frénésie de notre agir, de nos agitations ?
La porte est étroite et la question lancée par Matthieu sur le tri des anges doit nous interpeller. Sommes nous prêts comme les jeunes filles et leurs lampes ?
Prendre la voie du Christ est « impossible à l'homme mais possible en Dieu » glisse Mat. 19... le Christ lui-même a eu besoin d'être poussé par l'Esprit au désert pour prendre de la distance sur cette agitation intérieure qui nous éloigne du Chemin.

« Seul l'Esprit, parle à notre esprit dans le silence ». Sommes nous des « écoutants » ? Laissons nous place à l'Esprit pour agir ? Entrouvrons-nous la porte à ce « courant d'air (1) » qui pénètre au fond de notre cœur et nous fait découvrir la perle, le trésor, le royaume.

Entrons dans le silence et écoutons Dieu interpeler notre cœur. Où est ta priorité ?





« Il s'agit [alors] de transporter notre cœur dans la vie du ciel, en sorte qu'on puisse dire : « Notre patrie est dans les cieux » (Ph 3,20). Surtout c'est commencer à devenir semblable au Christ, « qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9).(2)

Le grand enjeu devient, dans la dynamique de la troisième parabole d’entrer dans un véritable discernement, trier ce qui nous empêche d’aller dans ses pas, ce qui est « balayure » et nous laisser « saisir » par lui (cf, Ph 3)

(1) François Cassingena-Trévédy, pour toi quand tu pries, op.cit. 
(2) Saint Basile Grandes Règles monastiques, § 8 (trad. L. Lèbe osb, Éd. Maredsous, 1969, p. 71 rev.)

22 juillet 2020

Dépouillement 27 - Détachement et nudité (18eme Dimanche - Année C revisité)

Quel est notre attachement aux biens de ce monde ?

L'insistance de la Parole est presque abusive. Elle est comme un cri de Dieu lancé dans le désert et qui retentit depuis le premier cri de Dieu au jardin.

Où es-tu ? Que cherches -tu ? Où es-ta priorité ?

On peut passer à côté, refuser de l'entendre.

Mais c'est se détourner de l'essentiel. Se détourner de la croix qui crie encore ce « Que cherches -tu ? »

Le matin de Pâques les disciples entendront encore ce qui cherchez-vous qui nous ramène à notre quête.

L'essentiel n'est pas dans l'avoir, la vanité ou la puissance. Il est dans le dépouillement, la nudité, le don...

L'inversion à laquelle nous conduit ce texte c'est le don....

Chez Marc, au jeune homme riche, Jésus redit, comme il le fait à sa manière viens et suis moi.
Donne...
Donne sans compter
Donne sans attendre de retour
Donne jusqu'au bout

Donne jusqu'au bout de ta vie
Car donner c'est aimer.

Le mariage, dis-je souvent à ce que je marie est signe de ce don.
Je me donne à toi..... et je ne le reprendrai pas.
Il est signe seulement de l'indicible don qui jaillit du cœur du Christ et continue de se donner à chaque eucharistie...

L'amour est don
L'amour est dépouillement
L'amour ne cherche pas son intérêt
L'amour prend patience
L'amour c'est donner sans retour

Dieu est amour.

Paul nous fait aller, comme souvent, un pas de plus...
« vous vous êtes revêtus de l'homme nouveau
qui, pour se conformer à l'image de son Créateur,
se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance"
.
Tout est rien, pourrait il dire comme l'a fait la grande Thérèse tout est rien, tout est vanité
« mais il y a le Christ :  il est tout, et en tous. »

Quand nous communions avec lui, il ne s'agit pas de recevoir, mais d'entrer dans la dynamique de Dieu, dans le don...

Porter le Christ c'est être nu, à genoux devant l'homme et donner le meilleur de soi-même. Le dépouillement du Christ qui enlève ses vêtements en Jn 13 pour s'agenouiller devant l'homme et laver les pieds devient le signe du don ultime, du dépouillement d'un Dieu nu, exposé sur la Croix. C'est là où Dieu se révèle, c'est là où Dieu apparaît derrière le déchirement du voile...

20 juillet 2020

La danse des brebis - dépouillement 24

« J'ai joué de la flûte » (Mat 11,17)
Quel écho cela a-t-il pris en nous ?

Tendre l'oreille.
Entendre la musique du Verbe.

« Aussitôt que la voix de ta salutation à atteint mon oreille, voici que l'enfant a tressailli en moi » (Luc 1,42)

Entendre et tressaillir.
Sentir le Verbe en soi...

Entendre la voix de Dieu, en reconnaître les notes.
Reconnaître la voix.
La laisser vibrer en nous.

«Le gardien lui ouvre la porte et les brebis écoutent sa voix. Il appelle ses brebis chacune par son nom et les mène dehors. Quand il les a toutes fait sortir, il marche devant elles et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix.» Jean‬ ‭10:3-4‬ ‭

Tressaillir aux échos de Dieu dans les profondeurs intérieures de notre être.
Secouez les résistances, les fausses notes, les contre-temps.
Se dépouiller des ornements (Ex33,5) qui freinent l'écho de Dieu...
Entrer en résonance avec le Verbe.
Entrer dans la danse.
Participer à la symphonie du Verbe.

Quitter nos enclos et nos terres...
Quitter nos enfermements et nos doutes...
Quitter son père et sa mère
Se lever...
Porter le fardeau léger
Prendre son bâton
Se laisser conduire au désert.
N'emporter ni bourse, ni rechange
Marcher dans les pas de Dieu.
Entrer dans sa danse.

Avancer, un pas après l'autre.
Trébucher et se relever.
Se laisser porter.
Découvrir ses chemins de miséricorde
Ne pas se laisser distraire par les bruits alentours.
Se concentrer sur la mélodie.
Danser avec son Dieu...
Se laisser emporter par la danse trinitaire
Quitter son vêtement de fête
Retirer ses sandales.
Aimer et se laisser aimer.
Jusqu’au bout
Mourir à soi même
Espérer contre toute espérance



(1) Variation et hommage au « maître de chant », in François Cassingena-Trévédy, la voix contagieuse, chap. VII, op. cit.

Kénose de l’Eglise - dépouillement 23

La sainteté de l’Église est plus que jamais en question.
Comment y rester fidèle après les révélations récentes ?
Pourquoi et comment évoquer encore le mot de sainteté ?
Quelles sont les pistes d’une réforme ?
Peut on parler d’une nécessaire kénose de l’Église au sens d’un dépouillement salutaire...
Comment interpréter l’incendie de nos cathédrales, la désertion des fidèles...
Autant de sujets brûlants qui nécessitent une prise de hauteur.
Le livre suivant, écrit à partir de 2010, dans la foulée de celui du Père Vidal « Cette église que je cherche à comprendre » ne perd pas sa pertinence.
Reprenant les analyses de J. Moltmann, de H de Lubac ou Y. Congar, il trace aussi un chemin très personnel en tension entre contemplation et révolte.
Il est maintenant disponible gratuitement sous ce lien chez Fnac.com et kobo au format ePub :


La liste des 13 ouvrages déjà mis en ligne gratuitement est disponible plus bas ou sous ce lien...


« De même donc que le Seigneur n'a rien fait, ni par lui-même ni par ses Apôtres, sans son Père, avec qui il ne fait qu'un, ainsi vous-mêmes ne faites rien sans l'évêque et les presbytres. N'essayez pas de donner une apparence de raison à vos activités privées, mais faites tout en commun : une seule prière, une seule supplication, un seul esprit, une seule espérance dans la charité, dans la joie irréprochable ; un seul Jésus Christ, qui est au-dessus de tout. Concourez tous à former comme un seul temple de Dieu, autour d'un seul autel, en l'unique Jésus Christ, qui est sorti du Père unique, qui était auprès du Père unique, et qui est retourné à lui ». (1)

(1) saint Ignace d’Antioche, lettre aux Magnésiens, source : office des lectures de la 16 semaine