06 janvier 2019

Au fil de Matthieu 2, 1-12 – Adoration des mages

« 1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, voici que des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, 2 disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile à l'orient et nous sommes venus l'adorer. » 3 Ce que le roi Hérode ayant appris, il fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.
4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et il s'enquit auprès d'eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent :
5 « À Bethléem de Judée, car ainsi a-t-il été écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira un chef qui paîtra Israël, mon peuple. »
7 Alors Hérode, ayant fait venir secrètement les mages, s'enquit avec soin auprès d'eux du temps où l'étoile était apparue. 8 Et il les envoya à Bethléem en disant:«Allez, informez-vous exactement au sujet de l'enfant, et lorsque vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi j'aille l'adorer. » 9 Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue à l'orient allait devant eux, jusqu'à ce que, venant au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10 À la vue de l'étoile, ils eurent une très grande joie. 11 Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent; puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Et ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.»

La citation du verset 5 établit un  nouveau pont avec une prophétie de l'Ancien Testament, soulignant, à dessein, un lien, une filiation spirituelle là où la généalogie n'apportait qu'une descendance.
À cela s'ajoute l'étoile qui confère à la venue de Jésus une origine supra-terrestre. Les « luminaires » se courbent devant la venue du Sauveur. Contemplation théologique de l'incarnation, à laquelle nous pouvons, là encore, choisir d'adhérer. Même si aujourd'hui, nous savons bien plus que Matthieu sur le fonctionnement des astres, ce qui compte n'est-il pas ici de contempler que la venue de Dieu sur terre est en soi un miracle. « Qu'est-ce que l'homme pour que tu en aies souci ? » demande le psaume.
Notons qu'à la différence de l'introduction de Matthieu, qui met en scène la puissance des mages et leur vénération, Luc (2, 5-11) insiste de son côté sur la simplicité et la pauvreté. L'apparition aux bergers, souvent considérés comme des sous-hommes à l'époque juive parce qu'en contact avec des animaux, donc susceptibles d'être impurs, est chez lui dans le plan de Dieu. C'est aux petits qu'il se dévoile. Luc s'adresse-t-il aux humbles quand Matthieu s'adresse aux puissants ? S'agit-il de deux perspectives, de deux théologies ? Pas forcément ! Mais ces différences donnent deux accents à un même mystère, celui de la venue de Dieu chez l'homme.
De plus, l'allusion aux mages, chez Matthieu, ouvre des perspectives que Luc n'a pas développées. Ce ne sont pas les Juifs qui accueillent Jésus, mais bien une multitude de peuples, venus des quatre coins de l'horizon. Un trait particulier, là encore de la lecture de Matthieu.

La venue du Christ ne s'est pas faite en un jour, mais est le fruit d'un long processus qui vient de l'origine et se dévoile progressivement, selon le plan de Dieu, jusqu'à la « prise de chair » du Verbe.
Si, comme le dit saint Augustin, c'est par « le cœur seul qu'on voit le Verbe » il nous faut aussi passer par la chair. C'est pourquoi l'évêque d'Hippone ajoute « tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C'est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe (1) »
Que faut-il guérir en nous? Rien d'autre que nos aveuglements, ce qui obscurcit notre cœur de la contemplation du mystère. Dieu a tout donné, jusqu'à remettre dans le sein d'une Vierge, le fruit d'un long travail de révélation. Il nous faut contempler, au-delà de l'attitude de la Vierge, l'abandon du père, sa kénose, comme le soulignera Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie.

Naissance, mort et résurrection :

«Ce qui était depuis le commencement..., ce que nous avons contemplé..., nous vous l'annonçons » (1 Jn 1,1-3)
La liturgie de l'octave de Noël en faisant contempler en parallèle les textes de 1 Jean 1, et le récit du tombeau vide, nous renvoie à la fois aux premiers temps de Noël et de Pâques. La mise en parallèle est saisissante. Nous sommes à l'aube, dans les deux cas, d'un nouveau jaillissement de la vie. Le premier est le prologue du second, il s'éclaire d'ailleurs du second. Car c'est bien à la lumière de la résurrection que les évangélistes nous le font percevoir.

Ce que les mages viennent adorer est déjà le Christ en Croix et la myrrhe et l'encens sont autant pour sa sépulture que pour sa venue, quand l'or souligne le royaume à venir.

Le massacre des innocents est le prélude de la mort de l'agneau.

Le tombeau vide sera de même ce temps où l'on erre sans savoir, entre souffrance et interrogation. Seuls ceux qui sont portés par la foi et l'intelligence de la foi peuvent passer au-delà de cette impression d'abandon du monde par Dieu. De même que pendant les temps de la Nativité, le monde semblait livré à lui- même, au matin de Pâques, les apôtres étaient dans le doute, jusqu'à ce que pointe une étoile, qu'une lumière apparaisse dans la nuit. Alors ils courent, n'osant espérer la lumière. Écoutons Jean Scot Erigène:«Pierre et Jean courent tous deux au tombeau. Le tombeau du Christ c'est l'Écriture sainte, dans laquelle les mystères les plus obscurs de sa divinité et de son humanité sont défendus, si j'ose dire, par une muraille de rocher. Mais Jean court plus vite que Pierre, car la puissance de la contemplation totalement purifiée pénètre les secrets des œuvres divines d'un regard plus perçant et plus vif que la puissance de l'action, qui a encore besoin d'être purifiée. Pierre entre cependant le premier dans le tombeau ; Jean le suit. Tous deux courent, et tous deux entrent. Ici Pierre est l'image de la foi, et Jean représente l'intelligence... La foi doit donc entrer la première dans le tombeau, image de l'Écriture sainte, et l'intelligence entrer à sa suite... Pierre, qui représente aussi la pratique des vertus, voit par la puissance de la foi et de l'action le Fils de Dieu enfermé d'une manière inexprimable et merveilleuse dans les limites de la chair. Jean, lui, qui représente la plus haute contemplation de la vérité, admire le Verbe de Dieu, parfait en lui-même et infini dans son origine, c'est-à-dire dans son Père. Pierre, conduit par la révélation divine, regarde en même temps les choses éternelles et les choses de ce monde, unies dans le Christ. Jean contemple et annonce l'éternité du Verbe pour le faire connaître aux âmes croyantes Je dis donc que Jean est un aigle spirituel au vol rapide, qui voit Dieu ; je l'appelle théologien. Il domine toute la création visible et invisible, il va au-delà de toutes les facultés de l'intellect, et il entre divinisé en Dieu qui lui donne en partage sa propre vie divine (2)»

Matthieu 2, 13-15 – La fuite en Égypte

13 Après leur départ, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse; car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 14 Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte. 15 Et il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce qu'avait dit le Seigneur par le prophète : J'ai rappelé mon fils d'Égypte.
Commentaire :
Encore un songe avec une petite structure concentrique (ou chiasme) que nous pouvons lire comme suit :

A Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, fuis en Égypte 

B et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse;
car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » 

A ´ Et lui se leva, prit l'enfant et sa mère de nuit et se retira en Égypte.

Pourquoi cette fuite, que nous dit-elle de l'enfance de Jésus ?
Finalement peu de chose si ce n'est le centre du chiasme :
Hérode va chercher à le faire périr, ce qui n'est pas sans lien avec le drame de la Croix. Dès le départ, la tension monte : le Fils de l'homme entre dans le monde avec contre lui une force qui le conduira à la mort. Peut-on y voir un dessein de Matthieu : nous faire entrer, dès le départ, dans une tension qui va jusqu'à la mort ?

Matthieu 2, 16-23 – Le massacre des innocents

16 Alors Hérode, voyant que les mages s'étaient joués de lui, entra dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, depuis l'âge de deux ans et au-dessous, d'après le temps qu'il connaissait exactement par les mages. 17 Alors fut accompli l'oracle du prophète Jérémie disant : « 18 Une voix a été entendue en Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleure ses enfants; et elle n'a pas voulu être consolée, parce qu'ils ne sont plus. » 19 Hérode étant mort, voici qu'un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Égypte, 20 et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui envolaient à la vie de l'enfant sont morts. » 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël. 22 Mais, apprenant qu'Archélaüs régnait en Judée à la place d'Hérode, son père, il eut peur d'y aller, et, ayant été averti en songe, il gagna la région de la Galilée 23 et vint habiter dans une ville nommée Nazareth, afin que s'accomplît ce qu'avaient dit les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
Commentaire :
On retrouve une structure concentrique presque identique qui clôture le chapitre et a pour centre :
A « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et va dans la terre d'Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts. » 
A' 21 Et lui, s'étant levé, prit l'enfant et sa mère, et il vint dans la terre d'Israël.

Oublions le récit et faisons ce que l'on peut appeler une lecture allégorique de ces deux chiasmes. Matthieu nous met devant un drame et nous ouvre à l'espérance. À ceux qui, comme ses condisciples, craignaient la persécution et le martyr, Matthieu trace un chemin d'espérance : En Christ, la mort n'est que temporaire, car ceux qui nous persécutent mourront, alors que nous chrétiens vivrons de la résurrection. Selon ce prisme de lecture, souligné par les deux chiasmes, une autre vision du récit se révèle, celle d'une pédagogie qui nous fait apercevoir ce que saint Ignace appellera le combat des deux étendards. Il y a l'étendard d'« Hérode » qui cherche à mettre à mort et celui de Dieu qui conduit à la vie.


 (1 ) Saint Augustin, commentaire de la première lettre de saint Jean

(2) Jean Scot Érigène (?-v. 870), bénédictin irlandais, Homélie sur le prologue de l'évangile de Jean, §2 (trad. Jean expliqué, DDB 1985, p. 27 rev.), source Evangileauquotidien.org

Ce texte est un extrait de Chemins croisés, ma contemplation sur l'Évangile de Matthieu 

05 janvier 2019

Au fil de Jean 1,43-51 - Nathanaēl sous le figuier

« En ce temps-là, Jésus décida de partir pour la Galilée. Il trouve Philippe, et lui dit : « Suis-moi. »
Philippe était de Bethsaïde, le village d'André et de Pierre.
Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l'avons trouvé : c'est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. »
Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et vois. »
Lorsque Jésus voit Nathanaël venir à lui, il déclare à son sujet : « Voici vraiment un Israélite : il n'y a pas de ruse en lui. »
Nathanaël lui demande : « D'où me connais-tu ? » Jésus lui répond : « Avant que Philippe t'appelle, quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu. »
Nathanaël lui dit : « Rabbi, c'est toi le Fils de Dieu ! C'est toi le roi d'Israël ! »
Jésus reprend : « Je te dis que je t'ai vu sous le figuier, et c'est pour cela que tu crois ! Tu verras des choses plus grandes encore. »
Et il ajoute : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'homme. » (1)
Il nous faut peut-être entendre d'abord le « suis-moi » adressé à Philippe pour entrer dans la contemplation du texte. Car il conditionne la réception de la suite de l'Évangile. Sommes-nous prêts ?
A cette question qui rejoins l'où es-tu ? de Dieu au jardin (Gn 2), suis la démarche intérieure de tout homme. Écoutons celle de saint Nersès Snorhali au XIIeme siècle :
« Vous verrez les cieux ouverts, avec les anges de Dieu qui montent et descendent »
Jacob, le fils cadet d'Isaac et de Rebecca, tu l'as appelé ton bien-aimé, Seigneur ; tu as changé son nom en celui d'Israël (Gn 32,29). Tu lui as révélé l'avenir, en lui montrant l'échelle dressée de la terre au ciel : à son sommet se tenait Dieu, les yeux fixés sur le monde, et sur l'échelle montaient et descendaient les anges... C'était le symbole du grand mystère, comme l'ont dit les hommes que l'Esprit éclairait...
Et moi, pour le bien, je suis aussi le cadet. Pour le mal, assurément je suis un homme mûr, comme l'aîné Ésaü... : j'ai vendu mon trésor pour assouvir ma convoitise (Gn 25,33) et j'ai effacé mon nom du Livre de Vie où sont inscrits dans les cieux les premiers des bénis (Ps 68,29).
Je te supplie, ô toi, Lumière d'en haut, Prince des chœurs de feu. Que pour moi aussi soient ouvertes les portes du ciel, comme elles l'ont été autrefois pour Israël. Mon âme déchue, de grâce, fais-la monter par l'échelle de lumière, signe mystérieux donné aux hommes de leur retour de la terre vers le ciel. Par la ruse du Malin, j'ai perdu l'onction parfumée de ton Esprit ; daigne de nouveau oindre ma tête par ta droite protectrice. Je ne te résiste pas, ô puissant, dans un corps à corps comme Jacob (Gn 32,25), car je ne suis que faiblesse.(2)
Sous le regard que pose Jésus à Nathanaēl, rien ne résiste devant celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Le figuier est l'arbre du jugement. Personne ne résiste au regard de Jésus. Pourtant sa miséricorde infinie est plus grande que nos faiblesses.
Suis-je à la hauteur? Non. Mais Jésus sauve et c'est sur le Fils de l'homme, au dessus de lui (c'est à dire par sa Croix) que nous pouvons dire « Me-voici ».
Le grec « epi » (sur, au dessus) rejoins et ouvre à la contemplation de la Croix...


1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Nersès Snorhali, Jésus, Fils unique du Père, 85-95 ; SC 203 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 1, p. 114)

04 janvier 2019

Au fil de Jean 1,35-42 - l’agneau de Dieu

« En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. »

Hier nous méditions sur le nom de Jésus, Dieu sauve. La tradition nous révèle bien d'autres noms, comme le souligne Grégoire de Naziance : « Jésus est Fils de l'homme, à cause d'Adam et à cause de la Vierge, dont il descend... Il est Christ, l'Oint, le Messie, à cause de sa divinité ; cette divinité est l'onction de son humanité..., présence totale de Celui qui le consacre ainsi... Il est la Voie, parce qu'il nous conduit lui-même. Il est la Porte, parce qu'il nous introduit au Royaume. Il est le Berger, parce qu'il guide son troupeau vers le pâturage et lui fait boire une eau rafraîchissante ; il lui montre la route à suivre et le défend contre les bêtes sauvages ; il ramène la brebis errante, retrouve la brebis perdue, panse la brebis blessée, garde les brebis qui sont en bonne santé et, grâce aux paroles que lui inspire son savoir de pasteur, il les rassemble dans le bercail d'en haut. » (1)

Et pourtant le titre le plus marquant est celui souligné par Jean Baptiste, car il résume et introduit à la Croix : « Il est aussi la Brebis, parce qu'il est victime. Il est l'Agneau, parce qu'il est sans défaut. ». Contempler l'agneau c'est laisser fondre en nous toute tentation de pouvoir, d'avoir et de valoir. C'est laisser résonner en nous la kénose (cf. Ph. 2) et l'abandon du Christ, entendre à nouveau le psaume 39 (40) : « tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici je veux faire ta volonté”

C'est pourquoi  « Il est Grand prêtre, parce qu'il offre le sacrifice. Il est Prêtre selon Melchisédech, parce qu'il est sans mère dans le ciel, sans père ici-bas, sans généalogie là-haut car, dit l'Ecriture, « qui racontera sa génération ? » Il est aussi Melchisédech, parce qu'il est Roi de Salem, Roi de la paix, Roi de la justice... Voilà les noms du Fils, Jésus Christ, « hier, aujourd'hui, toujours le même », corporellement et spirituellement, « et il le sera à jamais ». Amen.
(Références bibliques : Mt 24,27 ; Mt 1,16 ; Jn 14,6 ; Jn 10,9 ; Jn 11 ; Ps 22 ; Is 53,7 ; Jn 1,29 ; He 6,20 ; He 6,20 ; He 7,3 ; Is 53,8 ; He 7,2 ; He 13,8) (2)


(1) Saint Grégoire de Nazianze, Discours théologique 4 (trad. coll. Les Pères dans la foi, Migne 1995, p. 125 rev.), source Evangelizo 
(2) ibid.


03 janvier 2019

Au fil de Jean 1 - Avant moi il était

Cette première place est pour moi un mantra. En mettant Dieu à la première place, c’est une conversion du coeur qui s’etablit et mon être devient réception et temple de ce don inouï de Dieu.
C’est ce que je tente d’approfondir dans mon livre “L’amphore et le fleuve

Au fil de Marc 12, 31 - Dieu d’abord

« Songez toujours qu'il faut absolument aimer Dieu et le prochain : Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton Esprit, et ton prochain comme toi-même.

Il faut toujours y penser, le méditer, le retenir, l'accomplir. L'amour de Dieu est premier dans l'ordre des préceptes ; l'amour du prochain est premier dans l'ordre de la pratique. Car celui qui t'a prescrit cet amour en deux préceptes ne t'a pas recommandé le prochain d'abord, et Dieu ensuite ; mais Dieu d'abord, et le prochain ensuite.

Quant à toi, parce que tu ne vois pas encore Dieu, c'est en aimant le prochain que tu mérites de voir Dieu ; en aimant le prochain, tu purifies ton regard pour voir Dieu. C'est ce que saint Jean dit de façon évidente : Si tu n'aimes pas ton frère, que tu vois, comment pourrais-tu aimer Dieu, que tu ne vois pas ?

Voici que l'on te dit : Aime Dieu. Si tu me dis : Montre-moi celui que je dois aimer, que répondrai-je, sinon ce que dit saint Jean : Dieu, personne ne l'a jamais vu ? Mais ne t'imagine pas que tu es absolument exclu de la vie de Dieu ! Saint Jean nous dit : Dieu est amour, et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu. Aime donc le prochain, regarde en toi d'où te vient cet amour du prochain ; là tu verras Dieu, dans la mesure où cela te sera possible.

Mets-toi donc à aimer le prochain. Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne méprise pas ton semblable. ~

En agissant ainsi, qu'obtiendras-tu ? Alors ta lumière jaillira comme l'aurore. La lumière, c'est ton Dieu. C'est une aurore, parce que son avènement se produira pour toi après la nuit de ce monde. Car cette lumière-là ne se lève pas, ne se couche pas : elle demeure toujours.

En aimant le prochain, en prenant soin de ton prochain, tu es en route. Où cela, si ce n'est vers le Seigneur Dieu, vers celui que tu dois aimer de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit ? Car nous ne sommes pas arrivés jusqu'au Seigneur, mais nous avons le prochain avec nous. Porte donc celui avec qui tu marches, pour parvenir à celui avec qui tu désires demeurer.= (1)

(1) Saint Augustin, homélie sur l'Évangile de Jean, source AELF 

02 janvier 2019

Au fil de Jean 1 - Jean Baptiste au désert

« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert »
« Je ne suis pas digne de délier ses sandales » (Jn 1)
Nos paroles humaines restent creuses si elles ne sont pas portées et habitées par le Verbe qui les précèdent et les prolongent.
Sommes-nous des cymbales qui résonnent ?

Peut être faut il retrouver le chemin du désert pour comprendre que nous ne sommes que les « mains de Dieu »(1), petits (2) instruments fragiles de la grâce.

La figure de Jean Baptiste est une figure diaconale.



(1) relire Etty Hillesum
(2) cf. Thérèse de Lisieux

Philologie et contemplation

Il y a risque à passer trop de temps dans des considérations historico-critiques sur la Bible. C'est celui d'oublier ce que le contact de la Parole réalise en nous. Elle est un feu qui brûle et ravive en nous l'essentiel.
"De grands théologiens et maîtres spirituels comme Origène ont pu garder le regard de l'orant animé par l'amour et connaissant les dimensions divines de la Parole, à travers toutes les considérations philologiques. Ils ont même pu pratiquer l'anatomie de la Parole précisément par amour respectueux et brûlant pour le Logos devenu homme et Parole écrite" (1)

L'enjeu précise Hans Urs von Balthasar est de ne pas perdre l'orientation vers la prière, une certaine docilité qui nous expose à la radicalité et la lumière jaillissant de la rencontre.

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 199ss

30 décembre 2018

Sainte Famille - Corrigé - Paul VI


En guise de corrigé à mes essais d’homélie, deux leçons apportées par l’office des lectures (source AELF) :

  1. Une contemplation d’Eph 5 25-26 sur l’agenouillement réciproque des époux 
« Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain de l’eau baptismale, accompagné d’une parole »

  1. L'exemple de Nazareth
Nazareth est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus : l’école de l’Évangile. Ici, on apprend à regarder, à écouter, à méditer et à pénétrer la signification, si profonde et si mystérieuse, de cette très simple, très humble et très belle manifestation du Fils de Dieu. Peut-être apprend-on même insensiblement à imiter. Ici, on apprend la méthode qui nous permettra de comprendre qui est le Christ. Ici, on découvre le besoin d’observer le cadre de son séjour parmi nous : les lieux, les temps, les coutumes, le langage, les pratiques religieuses, tout ce dont s’est servi Jésus pour se révéler au monde. Ici, tout parle, tout a un sens. Ici, à cette école, on comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle, si l’on veut suivre l’enseignement de l’Évangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines !

Mais nous ne faisons que passer. Il nous faut laisser ce désir de poursuivre ici l’éducation, jamais achevée, à l’intelligence de l’Évangile. Nous ne partirons pas cependant sans avoir recueilli à la hâte, et comme à la dérobée, quelques brèves leçons de Nazareth.

Une leçon de silence d’abord. Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hyper sensibilisée. Ô silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret.

Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu’est la famille, sa communion d’amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable ; apprenons de Nazareth comment la formation qu’on y reçoit est douce et irremplaçable ; apprenons quel est son rôle primordial sur le plan social.

Une leçon de travail. Nazareth, maison du fils du charpentier, c’est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain ; ici, rétablir la conscience de la noblesse du travail ; ici, rappeler que le travail ne peut pas avoir une fin en lui-même, mais que sa liberté et sa noblesse lui viennent, en plus de sa valeur économique, des valeurs qui le finalisent ; comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin, le prophète de toutes leurs justes causes, le Christ notre Seigneur.


(1) Paul VI, Homélie à Nazareth du 5/1/64

Au fil de Luc 2 - Sainte famille, homélie, version n.10

Où est le centre de nos vies ? Nos proches sont-ils l’essentiel ? Où est notre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les 8 Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir s’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.
Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.
En ce jour de la Sainte Famille vous pouviez vous attendre à une homélie sur les relations intra-familiales. Marie nous conduit plus loin, sur la source même de l’amour sans qui rien n’est possible.



2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur, refondre et recentrer notre vie. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté, y compris dans l’aujourd’hui de nos vies.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

29 décembre 2018

Au fil de Luc 2 - Homélie sur la sainte famille

Homélie sur la sainte famille
Où est votre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les ! Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir c’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.

Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.

2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

Base pour une homélie à Vert en Drouais le 30/12/18





27 décembre 2018

Du tressaillement à l’agenouillement 12 - Taizé

La Croix nous donne de biens bons articles en ce moment. Après son numéro collector sur la dalle de La Défense, saluons le numéro de ce week-end qui contient entre autres excellents articles une belle image rapportée par Arnaud Montoux sur le vitrail du frère Eric de Saussure à Taizé : « Dans l'épaisseur du verre coloré, frère Éric nous laisse apercevoir l'invisible rencontre des enfants que portent les entrailles de Marie et d'Élisabeth. Jean s'est agenouillé à l'approche de l'Agneau de Dieu. (...) Il y a dans l'homme, dans tout homme, la joie d'une attente en laquelle mûrissent tant d'avenirs. La présence de ces enfants, qui nous semblent encore lointains et irréels tant qu'ils n'ont pas été caressés par nos regards, rappelle que les apparences sont souvent trompeuses.
À Taizé, frère Éric a bien souvent constaté que l'homme est bien plus transformé par ses attentes invisibles qu'il ne le croit. Dieu est réellement présent dans le cœur de celui qui cherche, même s'il n'a pas le sentiment d'être habité. Cette présence discrète est une lueur dont nos perceptions parfois étroites ne doivent priver personne. » (1)
En ajoutant au tressaillement de l'enfant ce geste si symbolique de l'agenouillement(2), le frère Eric nous invite à faire de même. Dieu frappe à notre porte. Il vient. 
(1) Arnaud Montoux, la joie cachée du Magnificat, La Croix du 23/12/18.
(2) Dans Humilité et miséricorde, je montre la surprenante succession des agenouillements de l'AT, dans les Théophanies, jusqu'à celle de Jean 17. Ajouter celle de Jean in utero avant celle du Jourdain n'est qu'une suite bien logique de cette contemplation.

Magnificat, par Éric de Saussure, 1963, vitrail de l'église de la Réconciliation à Taizé

Au fil de Jean 1 - le Verbe 2

« La Vie elle-même s’est manifestée dans la chair : elle a été placée, en effet, en état de manifestation pour qu’une réalité visible seulement par le cœur pût être aussi visible aux yeux, afin de guérir les cœurs. C’est par le cœur seul qu’on voit le Verbe, tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C’est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s’est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe ».(1) 

L’amour vient nous visiter ainsi de l’intérieur et c’est dans la faiblesse et la dépendance de l’Enfant que se dévoile en nous ce qui n’est pas digne d’être enfant, ce qui n’est pas empli de confiance et d’amour. 

(2)



(1) saint Augustin, commentaire sur la première lettre de Jean, source AELF 
(2) Gerrard von Honthorst, Nativité, musée des Offices, Florence

25 décembre 2018

Au fil de Jean 1 - Le verbe s’est fait chair

Qu'est-ce que le Verbe ?
Le logos grec n'est qu'une partie de la réponse. Est-ce la Sagesse de Dieu ? Non, pas uniquement. Est-il amour et créateur, désir et action, danse et silence, cercle et triangle, inaccessible et proximité ?
Le mot théologique le plus interpelant est tension.
Car c'est au sein de cette tension entre les opposés égrenés plus haut que se révèle le Dieu chrétien.
Ce que nous dévoile Noël c'est l'amour de Dieu en actes.
Il faut entendre Dieu à la fois comme créateur et amour pour saisir qu'il est infini, mais aussi retenue, silence et humilité (1).

Le grec des premiers versets de Jean 1 reprend et conjugue le mot « pros ». Le Verbe, ce désir de Dieu en actes, ce « dire » qui devient « dit » (2) sans se perdre est tension, tourné vers, pro-jection, pro-position, pro-action de Dieu vers l'homme (3).

Dans ce Pros se souligne à la fois l'amour in-transitif et ex-tourné de Dieu. Les pères de l'Église parlent de circumincession c'est-à-dire de danse(4) entre les personnes divines. En se tournant vers, elles ne cessent de se pro-jeter au devant de l'autre et en cela d'être amour.

Que nous dit Noël ?
Alors que Dieu pourrait être pouvoir et gloire, il se fait faiblesse et humilité. « Il n'a pas retenu le rang qui l'égalait à Dieu, mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2).

Dans sa faiblesse l'enfant Jésus conjugue grandeur et humilité, pureté et simplicité. Le Verbe qui se fait chair danse pour l'homme sa plus belle création. Il se dévoile amour.

Dans son dépouillement (kénose) (1) le dire devient dit (2) sans perdre son intention. Il est agenouillement(3).



Et notre chemin ?
Il est aussi agenouillement. Non pas avilissement ou négation de nous mêmes mais décentrement et don, imitation et humilité, miséricorde et simplicité.

Le petit homme nous ramène à l’enfant et l’enfant est vérité et amour.

(1) cf. mon livre Kénose, humilité et miséricorde
(2) cf. Emmanuel Lévinas, Autrement qu'être 
(3) cf. À genoux devant l'homme
(4) cf. La danse trinitaire in L’amphore et le fleuve

21 décembre 2018

Une Parole qui dérange

"En face de la Parole de Dieu, le chrétien se trouve profondément déchiré" (1). Une contradiction [s'installe] entre son "exigence" et sa propre vie. (...) "elle exige l'amour de Dieu et du prochain" et donc une cohérence. Le risque est de l'ignorer, de laisser de côté toute contemplation, de peur qu’elle mette à jour notre démission.

A méditer...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7

Au fil de Luc 1, 44 - Tressaillement - 11

"L'enfant a tressailli d'allégresse en moi" (luc 1, 44).

Il nous faut contempler ce cri et le laisser résonner en nous, à la fois, parce qu'il réveille l'enfant en nous et parce qu'il s'agit du bien le plus précieux : Dieu vient nous visiter.



(1) cf. Mon roman sur le sujet