10 février 2021

Homélie du 6eme dimanche année B

Où est la lèpre aujourd'hui ?
Une petite mise en contexte... avant de contempler l'Evangile.
On peut articuler trois réponses et de fait trois chemins.
Il y a la vraie lèpre qui se soigne, mais nécessite des moyens financiers importants. N'oubliez pas de contribuer à cela, dans la mesure de vos moyens.
Il y a ceux qu'on pourrait appeler les nouveaux lépreux, les migrants, devant lesquels on détourne souvent la tête parce qu'ils dérangent notre confort. Je vous invite à lire ou relire le chapitre 4 de Fratelli Tutti ou le dernier livre du pape, un temps pour changer, qui interpelle nos comportements sur ce point...notre facilité à tourner la tête. 
Il y a ensuite une lèpre plus insidieuse qui est ce mal qui nous ronge de l'intérieur. Comment l'appeler ? Paresse, peur, culpabilité, enfermement sur soi.
Nous sommes bien petits souvent face aux grands enjeux de notre société.
Il y a 15 jours, on me faisait remarquer à la sortie de la messe qu'il était bien difficile d'être chrétien en temps de Covid...
Les arguments sont réalistes, les Ehpad fermés, les maisons se renferment dans la peur. Il nous faut trouver de nouveaux moyens, reprendre la plume, écrire, poster, téléphoner ... soyons innovants !

Contemplons maintenant le Christ qui s'adresse au lépreux. « Il vint auprès de Jésus ;  il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit :  « Je le veux, sois purifié. »  À l'instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.

Peut-être pouvons-nous, à la suite de cet homme, en toute humilité dire maintenant « Si tu le veux, tu peux me purifier. »

Transforme nous de l'intérieur, Seigneur. Viens graver en nous tes dons : la foi, la charité et l'espérance.
Et surtout aide nous, comme le suggère Paul à n'être  « un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l'Église de Dieu. » (...) aide-nous à nous « adapter à tout le monde, sans chercher [notre] intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes.
Augustin parle d’un enfantement difficile. Écoutons sa sagesse pastorale dans son commentaire de la lettre aux Galates sur le chemin difficile de l’imitation à laquelle nous invite Paul : « J'ai été au milieu de vous plein de douceur comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons.

Le Christ est formé par la foi chez le croyant, chez l'homme intérieur, appelé à la liberté de la grâce. doux et humble de cœur et qui ne se vante pas des mérites de ses actions, car ils sont nuls. Cependant. la grâce fait commencer en lui un peu de mérite, afin que le Christ puisse l'appeler un « petit ». c'est-à-dire lui-même, lui qui a dit : Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. En effet. le Christ est formé en celui qui prend la forme du Christ ; or, on prend la forme du Christ lorsqu'on s'unit au Christ par l'amour spirituel.

C'est en l'imitant que l'on s'identifie au Christ, autant que la marche de chacun le lui permet. Car celui qui déclare demeurer dans le Christ, dit saint Jean. doit marcher lui-même dans la voie où il a marché.

(...) [afin que Dieu l’enfante] à nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. (...)  il les enfante à nouveau à cause des dangers de déviation dont il les voit agités. Le souci causé à leur sujet par de telles inquiétudes, souci à cause duquel il emploie la comparaison de l'enfantement, ce souci pourra durer jusqu'à ce qu'ils parviennent à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude, pour qu'ils ne soient plus ballottés à tout vent de doctrine.

Ce n'est donc pas en vue du début de leur foi, par lequel ils étaient déjà nés, mais en vue de leur force et de leur perfection qu'il a dit : Vous que j'enfante à nouveau jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. Il souligne cet enfantement avec d'autres mots dans un autre passage : Ma préoccupation quotidienne, c'est le souci de toutes les Églises. Qui est faible sans que je sois faible ? Qui est sur le point de tomber sans que je brûle ? »

Oui, nous sommes petits Seigneur dans notre aptitude à aimer. C’est là notre lèpre.

Seigneur vient creuser en nous une véritable charité. Elle ne vient pas de nous, mais de cette force intérieure que tu insuffle en nous. Dans les textes de la Genèse que nous avons j’espère longuement médité tout au long de cette semaine, l’Ecriture nous rappelle que tout es don. Viens révéler et réveiller en nous l’amour que tu as mis en nous.

Laisse nous entendre le cri que tu lances au désert : où es-tu ?





06 février 2021

Quelle place a encore le sacrement de réconciliation dans nos/vos églises ? - danse 34

 Quelle place a encore le sacrement de réconciliation dans nos/vos églises ? - danse 34

Outre le fait (1) qu’il est entaché chez nous d’un passé trop janséniste (2) qu’il est refusé aux divorcés remariés(*), je me demande quelle réalité ecclésiale il prend encore. Je lis en ce moment une thèse interpellante sur « La Réconciliation » (1) qui évoque p. 70 le chemin ecclésial possible autour de ce sacrement. Cela donne envie de pousser dans ce sens, pour vivre une dimension plus communautaire du pardon et ainsi faire corps. 

On ne peut pas dire que ce sacrement ait le vent en poupe. Pourtant il y a là une piste à creuser...

Comment en effet faire Corps si l’on ne redécouvre pas ensemble la miséricorde divine ? 

Quelle bilan avant nous tiré de l’année de la miséricorde ? Si l’on n’en fait pas une joie partagée(2), comme celle du Père du fils prodigue accueillant, courant même au devant de l’homme contrit et tuant le veau gras... quel message portons nous ?

Avons nous conscience que ce sacrement est un « cadeau (...) grâce qui jaillit du cœur ouvert du Christ (3) ». 

Isabelle va plus loin. Son livre consacré surtout au néophyte interpelle notre capacité à les intégrer dans une dynamique communautaire : ne pas les isoler dans une démarche de réconciliation mais en faire une fête où nous sommes tous en chemin (4). Une autre danse est possible à l’image de David rentrant nu à Jérusalem. Nudité bien symbolique à contempler ensemble, même si elle choquait sa belle... 


(1) Isabelle de la Garanderie, La Réconciliation, Chemin d’initiation et de croissance ecclésiales, CLD Editions, 2020

(2) ibid p.79sq

(3) pape François Angelus du 19/2/14, ibid p. 88

(4) cf. p. 94


(*) je viens de passer l’après-midi avec un groupe de divorcés remariés qui me confiait leur douleur de ne pas accéder à ce sacrement. Comment ne pas évoquer ici aussi mon profond désarroi sur cette position encore rigide de l’Église. Comment lire le chapitre 8 d’Amoris Laetitia et ne pas espérer que les choses avancent sur ce point aussi...

02 février 2021

Danse nuptiale - 33.2

Je poursuis ici l’analyse d’Ephesiens 5.

Ce qui me ramène encore à Gn 2 que l’on n’a pas fini d’explorer. Il faudrait presque écrire à deux voix sur ce texte tant nos travaux se parlent pour intégrer pleinement nos complémentarités de vue. La thèse de. Sylvaine m’a ouvert les yeux sur bien des points (conversion nécessaire du masculin vers cette « sensibilité différente » qu’évoque Caroll Gilligan ? 😉

J’ai complété mon texte d’hier, mais je reviens encore dessus.

D’abord sur Gn2 et cette danse qui est projet de Dieu pour l’homme, sur laquelle on passe trop vite. Il faudrait mettre ici ce que j’ai longuement développé dans Pédagogie divine (p. 70sq) et notamment la dimension large du mot basar (chair) que l’hébreu, plus vaste ds son acception, me pousse à traduire « faire une seule chair » par « symphonie ». Je  reviendrai dessus.

Un petit clin d’œil dans la thèse de S. Landrivon me ramène à Gn 3. Son interprétation de cette Ève qui écrase le serpent peut être méditée. Si le serpent est violence, toute puissance ou double jeu, oui, elle peut l’écraser de son pied. Sans réduire la faute à une condamnation de l’acte sexuel, ou comme le suggère Balmary à un non dialogue, on pourrait s’amuser à voir dans la non véritable condamnation de la femme (5) que le vrai coupable est l’homme, responsable soit d’une absence de réciprocité dans le lien, soit d’une toute puissance sur la femme. C’est en tout cas une chute fréquente à défaut d’être LA chute. 

La réciprocité passe, de fait, et bien au contraire par ce nécessaire double agenouillement du don et du recevoir (6), de la mort d’un désir solitaire pour entrer dans une communion véritable. Ce que j’ai décrit déjà ici comme la double « descente de tours » ou le double agenouillement kénotique, danse nuptiale ? L’Eros est antichambre de l’agapè.


L’enjeu n’est-il pas de sortir de l’animalité pour atteindre une symphonie où tous les instruments de nos différences et de nos ressemblances s’ordonnent dans une danse sublime et féconde.


On peut se demander à la suite de Barth (7) si la mauvaise interprétation d’Éphesiens 5 participe à cette exclusion de la dynamique particulière de Gn2 (et du Cantique des Cantiques) de la réflexion théologique sur les liens entre nuptialité, alliance et révélation.

En insistant sur le seul axe de la procréation on a réduit l’ouverture qu’apportait une vision symphonique du conjugal...


De même en lui donnant un sens eschatologique (8) la situation décrite en Gn 2 perd son sens immédiat. L’enjeu n’est ni disparu, ni à venir, mais demeure toujours une invitation à percevoir que l’homme et la femme sont appelés conjointement, par leurs agenouillements réciproques devant l’autre, à construire, pas à pas, un Corps, une symphonie qui peut être petite église et donc signe du Corps...


La grande difficulté de ce discours reste la question de la symétrie des mouvements. Il n’y a symphonie que s’il y a réciprocité et pourtant l’agapè peut être asymétrique. En soulignant une primauté du don et de l’absence de la peur de la mort, Marie-Etiennette Bély trace une ouverture intéressante dans cette contemplation(9). En réduisant l’animalité chez l’homme, en domptant le serpent et creusant en lui l’au-delà du désir érotique, a-t-elle une force particulière, contagieuse et constructive pour faire de la relation une ?


À suivre - la voix royale - Dane kénotique 34...


(5) Sylvaine Landrivon La femme remodelée, p. 372

(6) cf. aussi p. 388 les liens entre Saraï et Abram. 

(7) ibid. p. 344-5

(8) vision que je découvre chez Barth, ibid. p. 348 comme je crois chez X. Lacroix dans Le corps et l’Esprit.

(9) Landrivon, ibid. p.351

01 février 2021

Ephesiens 5 - une épine douloureuse ? Danse nuptiale 33

 

Ma grand-mère m’a dit, il y a bien des années, qu’une phrase d’Ephesiens 5 était le plus grand obstacle à sa foi. De quoi parlons-nous ? Voici l’extrait dans sa totalité : «Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte du Christ; ainsi les femmes à leur mari, comme au Seigneur; car l’homme est la tête de la femme, comme le Christ est la tête de l’Église, qui est son corps et dont il est le Sauveur; en tout cas, comme l’Église se soumet au Christ, qu’ainsi les femmes se soumettent en tout à leur mari. Maris, aimez votre femme comme le Christ a aimé l’Église: il s’est livré lui-même pour elle, afin de la consacrer en la purifiant par le bain d’eau et la Parole, pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et sans défaut. De même, les maris doivent aimer leur femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même.» Éphésiens 5:21-28 (traduction NBS)

Comment interpréter cet appel à la soumission des femmes devant leur mari ? 

Au bout de quelques centaines de pages d’Aimer pour la vie(1), je trace un chemin possible d’interprétation que j’aimerais confronter à votre sagacité. Sans vous redonner la totalité voici un (trop long) extrait retravaillé d’un texte complexe. 

Pour moi la difficulté vient du fait que l’auteur (puisqu’il semble admis que ce n’est pas Paul) est d’avoir mis les versets dans le mauvais sens... ou, pour nous, de ne pas comprendre que ce qui compte d’abord dans ce texte, c'est la notion de réciprocité (cf. v 27). « Soumettez-vous les uns aux autres » est la clé.

Encore faut-il prendre le temps de percevoir ce que soumettre veut dire de compromission, de dialogue, de pardon et de joies mêlés dans ce lent tissage que constitue une vie conjugale. Soumettre une requête n’est pas soumettre l’autre à sa volonté.

La communauté ou l’unité, que les époux peuvent constituer, se réalise dans la donation réciproque et mutuelle de leur vie.

Éphésiens va loin dans cette dynamique en évoquant « Le bain d'eau qu'une parole accompagne » (Ch. 5 v. 26) comme double expression de l'amour nuptial et de ce que le Christ prépare pour l'Épouse (l'Église) dans son union avec l'Époux. 

Si l’on y retrouve probablement une double allusion au baptême et à la réconciliation, il peut aussi et surtout y avoir un lien avec le lavement des pieds. Après ce bain d'eau, l’auteur présente l'Épouse et l'Église comme toute belle, sans tâche dans la métaphore d'une noce (cf. aussi le jeu des jarres à Cana en Jn 2). C'est cette Épouse que l'Époux (le Christ) va nourrir (cf. verset 29) et cette nourriture sera pour la tradition une allusion claire à l'Eucharistie. 

On peut partir alors dans l’idéalisme ou concevoir qu’il y a là une tension créatrice (2) voire même une dynamique sacramentelle (3). 

Évoquer le lavement des pieds n’est pas anodin, car il prépare l’union nuptiale à l’ultime agenouillement dont il n’est que le premier mime : la croix, le don total. De fait, chronologiquement la mort précède le baptême, le don de l’Époux est la primauté et le privilège du Fils. Il est la « tête », le premier que parce qu’il précède l’église dans l’amour et le don ! 

Dire que l’homme est la tête sous-entendrait il qu’il est le premier à devoir descendre de sa toute-puissance (ou de son animalité) pour réaliser qu’en mourant à son désir de puissance sur l’autre il s’inscrit dans la dynamique christique du renoncement, du don et d’un agapè au bout du bout d’un passage qui va de l’éros en philo puis en agapè dans la dynamique donnée par Jean 21 (par le biais non d’exclusion d’un stade à l’autre, mais de conjugaison : l’éros ne disparaît pas en agapè, il l’alimente et le fait grandir, comme le montrent à leurs manières JL Marion ou Benoît XVI).

Que vise vraiment l’auteur d’Éphésiens 5 ? Dans son amour "conjugal" pour l'Église, le Christ va prendre soin de celle-ci par sa mort puis, par son rappel, dans l'Eucharistie. Signe visible et invisible de son Amour. Présence sublime d'un Christ qui continue de recevoir et de donner, d'être présent dans nos cœurs, de diviniser ce que nous avions humanisé par notre démarche volontaire d'attention et de réconciliation. » (...) « La primauté du "je te reçois" sur le "je me donne à toi" est d'ailleurs intéressante à noter. Elle sous-entend en effet que le fait de recevoir ne se limite pas à la seule enveloppe corporelle de l'autre, mais bien l'état où l'on se met à genoux devant une "cathédrale", celle qui englobe à la fois l'être aimé et l'étincelle de Dieu qui l'habite (cf. 1 Co 3, 16-17). Recevoir devient alors autre chose et justifie cet agenouillement. En te recevant, je reçois et rends gloire à ce don que Dieu me fait. Je m'agenouille devant cette grâce sans laquelle je n'aurais pas pu avoir la joie de cette rencontre... » (...) « Nous sommes alors invités au bain purificateur, au lavement des pieds de Jean 13, que saint Paul étend à toute l'Église dans Éphésiens 5 (v. 25-27) en nous invitant à renouveler ainsi notre baptême par la prière pénitentielle : "Vous maris, aimez vos femmes, « comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir purifiée dans l'eau baptismale, avec la parole, pour la faire paraître, devant lui, cette Église, glorieuse, sans tache, sans ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée. ». Nous reconnaissons ainsi que nos jarres (cf. Cana en Jn2) sont vides et imparfaites.


C’est devant cet agenouillement que la première phrase d’Ephesiens 5 peut seule prendre sens. Puisque tu t’es fait don, je consens à mon tour à cet agenouillement et dans la réciprocité de nos agenouillements, dans une soumission qui contemple ton offrande et tes renoncements je peux avancer vers la symphonie de nos nudités, vers cet « une seule chair » qui nous fait parvenir au Royaume... au bout du chemin dans la relation qui se tisse entre nos personnes et nos différences (4)


Un petit clin d’œil nous ramène à Gn 3. La femme écrasera le serpent. Si le serpent est violence, toute puissance ou double jeu, oui, elle peut l’écraser de son pied. Sans réduire la faute à une condamnation de l’acte sexuel, on pourrait s’amuser à voir dans la non véritable condamnation de la femme (5) que le vrai coupable est l’homme, responsable soit d’une absence de réciprocité dans le lien, soit d’une toute puissance sur la femme. C’est en tout cas une chute fréquente à défaut d’être LA chute. 

La réciprocité passe de fait par ce double agenouillement du don et du recevoir (6), de la mort d’un désir solitaire pour entrer dans une communion véritable. L’Eros est antichambre de l’agapè.


L’enjeu n’est-il pas de sortir de l’animalité pour atteindre une symphonie où tous les instruments de nos différences et de nos ressemblances s’ordonnent dans une danse sublime et féconde.


On peut se demander à la suite de Barth (7) si la mauvaise interprétation d’Éphesiens 5 participe à cette exclusion de la dynamique particulière de Gn2 (et du Cantique des Cantiques) de la réflexion théologique sur les liens entre nuptialité, alliance et révélation.

En insistant sur le seul axe de la procréation on a réduit l’ouverture qu’apportait une vision symphonique du conjugal...


De même en lui donnant un sens eschatologique (8) la situation décrite en Gn 2 perd son sens immédiat. L’enjeu n’est ni disparu, ni à venir, mais demeure toujours une invitation à percevoir que l’homme et la femme sont appelés conjointement, par leurs agenouillements réciproques devant l’autre, à construire, pas à pas, un Corps, une symphonie qui peut être petite église et donc signe du Corps...


La grande difficulté de ce discours reste la question de la symétrie des mouvements. Il n’y a symphonie que s’il y a réciprocité et pourtant l’agapè peut être asymétrique. En soulignant une primauté du don et de l’absence de la peur de la mort, Marie-Etiennette Bély trace une ouverture intéressante dans cette contemplation(9). En réduisant l’animalité chez l’homme, en domptant le serpent et creusant en lui l’au-delà du désir érotique, a-t-elle une force particulière, contagieuse et constructive pour faire de la relation une ?


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) ces propos me sont inspirés par la lecture de la thèse de Sylvaine Landrivon, La femme modelée, Cerf 2016, p. 338

(3) cf. mon autre essai éponyme 

(4) analogia relationis et non analogia entis, comme le souligne à juste titre, Sylvaine Landrivon, op. cit. p. 332. Une relation qui peut aller jusqu’à ce qu’elle appelle bien justement une « dépendance essentielle »

(5) p. 372

(6) cf. aussi p. 388 les liens entre Saraï et Abram. 

(7) ibid. p. 344-5

(8) vision que je découvre chez Barth, ibid. p. 348 comme je crois chez X. Lacroix dans Le corps et l’Esprit.

(9) Landrivon, ibid. p.351

29 janvier 2021

Homélie du quatrième dimanche du temps ordinaire , année B

Projet d'homélie pour dimanche, version 8
Où sommes-nous ?
Au désert comme dans la première lecture ?
À Corinthe, dans une ville perdue ?
Où à Capharnaüm, ville des nations...
Les textes de ce dimanche interpellent notre discernement intérieur, ce qui se passe au fond de notre cœur, dans ces temps et dans ces lieux d’incertitudes, alors que nous hésitons, nous restons confinés, parfois incapables de bouger ou bloqués par nos peurs.
Je ne sais pas pourquoi mais je pense à la guérison du possédé pris de convulsions comme à celle d’un cocotier qu’il faut secouer pour qu’il libère ses fruits. 
Jésus parle avec autorité... pourquoi ? Peut-être pour secouer nos peurs et nos torpeurs... mais surtout parce qu’il s’adresse au Mal.

La semaine dernière nous célébrions le dimanche de la Parole. Depuis plusieurs textes sont venus nous interpeller (le semeur, la tempête apaisée,...). Aujourd'hui nous sommes appelés à creuser en notre cœur le travail et la place que cette Parole laisse en nous et peut-être à nous laisser nous aussi un peu secouer.

Sors de cet homme...
Jésus veut expulser avec autorité nos peurs, ce Mal qui nous empêche d’avancer.

Bien sûr nous sommes fragiles ! 
Mais laissons nous un peu déranger...
Prenons le temps de relire chaque lecture.
La première lecture, utilise des répétitions, ce qu'on appelle une forme concentrique. Entre chaque répétition il nous faut percevoir ce sur quoi pointe le texte... sur quoi insiste t-il ?

Prenons le temps de le voir ensemble.
Dans la première Moïse disait au peuple :
« Au milieu de vous, parmi vos frères,
le Seigneur votre Dieu
fera se lever un prophète comme moi.
L'expression « se lever un prophète » se répète.
Elle encadre ce qu'on appelle les murmures, typique de la traversée très symbolique du peuple au désert et donc par métaphore de nos propres pas : « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !"
Et le Seigneur me dit alors :
"Je ferai se lever au milieu de leurs frères
un prophète comme toi.
je mettrai dans sa bouche mes paroles,
et il leur dira tout ce que je lui prescrirai.
Si quelqu'un n'écoute pas les paroles
que ce prophète prononcera en mon nom,
moi-même je lui en demanderai compte.

De la même manière le psaume insiste...
Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,

Dans sa première lettre aux Corinthiens Paul souligne la différence entre le souci des affaires du Seigneur, et le souci des affaires de ce monde. Il parle de division... il se situe dans un temps et une histoire particulière, persuadé qu’il reste peu de temps, qu’il y a urgence...
Et conclut que ce qui est bien, c'est que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

Le souci des affaires de ce monde .... [ou] s'attacher à Dieu sans partage....

Il y a là ce à nouveau ce qu'on appelle une tension théologique ou un déchirement...
Les textes de ce dimanche sont bien délicats à interpréter... sauf à entendre derrière la trame des textes que nous avons peut-être pu manduquer cette semaine, à contempler cette terre que nous sommes et les graines de moutarde que Dieu sème à tout va...

L’Évangile souligne le contraste entre Celui qui enseigne en homme qui a autorité, et l' esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?  Es-tu venu pour nous perdre ?
L’autorité du Christ tranche ici avec la miséricorde qui caractérise Jésus, mais elle s’explique par la présence particulière d’un esprit du mal. Celui qui se rebute à la présence de l’Agneau. Es-tu venu nous 
perdre...? Est-ce le diviseur qu’évoque Paul ?
En quoi sommes-nous perdus ?

Nous nous perdons peut-être quand la voix du monde nous fait oublier l'essentiel, quand notre cœur se perd dans des méandres auto-centrés et oublie notre vocation de baptisés. Sommes-nous des âmes isolées ou une communauté joyeuse et aimante ?
A quoi sommes-nous appelés ? N'oubliez pas mon interpellation d'il y a 15 jours... notre vocation de baptisés se nourrit de l'interpellation intérieure... de notre capacité à faire silence.
Laissons la Parole venir nous secouer, nous travailler jusqu'aux jointures de l'âme. Plaire au monde ou à Dieu. Ce déchirement est salutaire. Il nous fait grandir...

Le Verbe semé en nous viendra t-il déranger nos habitudes ? Sommes-nous attentifs ou tellement distraits par les ronces de ce monde que les dons que Dieu nous fait restent des lettres mortes ?
Seigneur, viens nous visiter.
Toi seul peut nous délivrer du Mal.
C’est la guérison dont nous avons besoin. Fais sortir de nous ce mal...



24 janvier 2021

Autorité et danse - 32

 

Le mûrissement intérieur du Christ qui se prépare dans le silence d’une vie cachée est une belle méditation qui interpelle nos propres chemins de parole. Je m’interroge toujours sur cette notion d’autorité dont parle l’Evangile d’aujourd’hui.

1) L’autorité du Christ vient-elle de son originalité, de sa personnalité ou de Dieu ? Première question qu’il faut peut-être se poser en reprenant la question de Marc 11,28 puis Jn 14, 10  : « Ne crois-tu pas que, moi, je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que, moi, je vous dis, je ne les dis pas de ma propre initiative; c’est le Père qui, demeurant en moi, fait ses œuvres.» avant de faire, de notre côté, abus d’autorité ? 

C’est un sujet bien délicat qui rejoint le risque clérical. 

2) L’autorité s’explique t-elle dans l’Evangile d’aujourd’hui par la présence particulière et dérangeante du Mal ? Probablement aussi.

La liturgie de ce dimanche nous donne ici à manduquer de beaux textes, difficiles à commenter en tout cas. Nous avons besoin des autres pour temporiser et canaliser nos interprétations « abusives ». C’est au milieu de nos quêtes que se dresse, fragile, la Vérité.(1)

Hier, dans le diocèse de Chartres les diacres se réunissaient (cf. Photo) pour fêter la saint Gilduin, leur saint patron (2) qui a été jusqu’à Rome pour plaider son refus d’être nommé évêque et son souhait de rester diacre. Il est mort à son retour de Rome dans notre diocèse autour de l’an 1000. Un chemin intéressant pour nous diacres.

Notre vicaire général en commentant hier la place du diacre en liturgie a repris cette belle image du Père Faure sj sur le diaconat(3). Le diacre en proclamant la Parole, et parfois en la commentant (4) sur la pointe des pieds, atteint un sommet liturgique puis s’efface progressivement jusque dans le silence laissant au prêtre la présidence de la deuxième table.

Kénose, lavement des pieds, à l’image de Jésus en Jn 13... un mouvement où l’on renonce à toute autorité.

Tout au plus nous reste-t-il le droit de verser une goutte d’eau dans ce qui deviendra le précieux sang en prononçant comme dans un murmure fragile cette belle phrase « Comme cette eau se mêle au vin, puissions être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Puissions nous en effet avoir part au mystère immense qui se noue au creuset de la danse trinitaire...(5)

Le diacre, disait probablement avec humour un commentateur (6) peu être comparable à ces anges qui montent et descendent l’échelle de Jacob... Fonction d’intermédiation. Je le prends avec un sourire.

Intermédiaire, serviteur d’un mystère qui nous dépasse, le diacre est appelé à s’enfoncer dans le silence, s’agenouiller devant le mystère de la Présence comme il s’agenouille devant l’homme. 

Que dire de plus si ce n’est que c’est probablement le cœur du mouvement diaconal ?

Quelle est finalement sa fonction liturgique. Proclamer la Parole puis s’effacer devant le travail qui se joue dans les cœurs, contempler le mystère puis  soulever le calice en silence, en portant la souffrance des hommes et demander à Dieu de nous envoyer son amour et sa paix... 

Lui vient alors d’autres fonctions : porter aux autres ce trésor jusqu’aux périphéries les plus lointaines...


(1) Maison d’Evangile, un lieu de manducation à plusieurs cf. :

https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilduin_de_Dol

(3) pierre Faure, le rôle liturgique du diacre, cf. https://diaconat.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/5/2017/06/LMD-249-role-liturgique-du-diacre-P.-FAURE.pdf

(4) voir aussi http://chemin.blogspot.com 

(5) cf. mon livre éponyme repris également dans « A genoux devant l’homme »

(6) Aimé-Georges Martimort, l’Église en prière, tome 1

19 janvier 2021

Kénose comme accouchement de l’homme bon ? - 31

Si l’on suit la trame de l’invention de Dieu de Tomas Römer jusqu’au bout, on pourrait presque que déduire que le phénomène qui nous a fait passer des dieux multiples, violents et ténébreux au Dieu unique d’Israel est le lent mouvement teilhardien qui nous rapproche de la révélation finale, d’un Dieu qui s’efface et s’agenouille dans le silence, d’un Dieu à genoux devant l’homme à qui est confié la lourde tâche de conduire l’humanité vers la justice, la paix et la concorde.


Théorie du retrait ?

Appel du/vers le visage d’autrui ? 


Lent chemin que ces renonciations aux rites et aux pouvoirs pour trouver en l’homme capable de relation pacifiée ce qui n’était que conflits et discordes.


Sommes-nous capables de cela ? Ou faut-il comme le suggérait Georg Hamann considérer que l’histoire d’Israel est aussi notre histoire et que les balbutiements, les exils d’antan se rejouent à nouveau sans que nous soyons finalement capables de faire mieux ?


La lente manducation de l’histoire, les couches rédactionnelles de l’AT ne sont elles que le terreau d’une révélation plus disruptive qui trouve leur point culminant en Christ avant de retomber dans l’erreur ? 


Y a t’il progression et courbe d’apprentissage ?


Peut-on comme le suggérait Moltmann dire que deux millénaires de théologie n’ont pas servi à éviter la Shoah ? 


Leçon d’humilité et réalisme...

À suivre

18 janvier 2021

Danse du verbe - 30 bis

Je tente un pas de plus, sur la pointe des pieds tant le sujet est fragile.. Il y a dans la lettre aux Hébreux à partir du chapitre 9 un glissement sacrificiel dans lequel on peut tomber. C’est de considérer comme le feront les disciples d’Anselme que ce sacrifice satisfait à un Dieu exigeant et à une forme de réparation. Il faut lire la nuance qu’apporte René Girard pour comprendre que ce signe élevé n’est pas un prix à payer à Dieu, mais la mise en évidence de la violence humaine. 


Quelques indices sont d’ailleurs à relever comme le verset 3 d’Heb 9 : «  Derrière le second rideau, il y avait la tente appelée le Saint des saints (...) puis le verset 12 : 12 il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. » et surtout les 26 et suivants : «  le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. 27 Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, 28 ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ».


L’erreur est bien d’entrer dans un schéma sacrificiel qui voudrait perpétuer la mauvaise interprétation de l’appel au sacrifice d’Isaac et voir de toutes nos démarches sacrificielles une volonté de réduire la colère divine. Ce serait mal interpréter le monde, le mal et Dieu.


Non, la mémoire de la Passion n’est pas un sacrifice ancien et nos prêtres comme nos messes ne sont pas des exercices propriatoires. 


L’enjeu n’est pas d’apaiser le courroux divin mais de faire tomber la violence sacrificielle et de célébrer celui qui déchire le rideau du temple et montre combien l’amour est Dieu ou Dieu amour...


10. 19 Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : 20 nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa chair. 21 Et nous avons le prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. 22 Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. 23 Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. 24 Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir. 25 Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour du Seigneur.


12. 28 C’est pourquoi, nous qui recevons une royauté inébranlable, soyons reconnaissants et rendons ainsi notre culte à Dieu d’une manière qui lui est agréable, avec grand respect et crainte. 29 Car notre Dieu est un feu dévorant.


13.8 Que demeure l’amour fraternel !


Le basculement entre 12.29 et 13.8 est essentiel. Qu’est ce que ce feu dévorant ? Si ce n’est l’amour.


Qui a lu le livre de M. Pochon évoqué par Geneviève ? https://www.facebook.com/groups/reflexiongh/permalink/4628777297196718/

17 janvier 2021

Danse du verbe - 30


La lente manducation de la lettre aux Hébreux se poursuit, jour après jour... dévoilant progressivement la figure du prêtre selon l’ordre de Melchisedek. Mais est-ce un prêtre comme les autres ? Quelle est la nouvelle figure sacerdotale qui se dessine. Est-ce un prêtre selon l’ancien temps...?

Il nous faut manduquer doucement cette perception particulière de la lettre aux Hébreux en une lecture cursive pour en percevoir l’axe central qui se révèle doucement à nous.


«Pour nous, c’est bien un tel grand prêtre qui convenait: saint, innocent, sans souillure, séparé des pécheurs, et élevé plus haut que les cieux; il n’a pas besoin, comme les grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses propres péchés, et ensuite pour ceux du peuple – cela, il l’a fait UNE fois pour toutes, en s’offrant lui-même. La loi en effet institue grands prêtres des humains sujets à la faiblesse; mais la parole du serment postérieur à la loi institue le Fils qui a été porté pour toujours à son accomplissement.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭7:26-28‬ ‭


«Or voici le point capital de ce que nous disons: nous avons un tel grand prêtre, qui s’est assis à la droite du trône de la majesté dans les cieux; il est au service du sanctuaire et de la tente véritable, celle qui a été DRESSÉE par le Seigneur et non pas par un être humain.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭8:1-2‬


Le mot dressé, mérite à lui seul d’être manduqué.


Jean 3 l’évoque de manière fortuite en parlant de Nombres 21 :


«Le SEIGNEUR dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant et place-le sur une perche; quiconque a été mordu et le verra restera en vie. Moïse fit un serpent de bronze et le plaça sur la perche; si quelqu’un était mordu par un serpent et regardait le serpent de bronze, il restait en vie.»

‭‭Nombres‬ ‭21:8-9‬ ‭


L’élévation est signe... entrons dans la danse du Verbe :


«Il fit alors un rêve: un escalier était dressé sur la terre, et son sommet touchait au ciel; les messagers de Dieu y montaient et y descendaient.»

‭‭Genèse‬ ‭28:12‬ ‭


«Tu dresses devant moi une table, en face de mes adversaires; tu enduis ma tête d’huile, ma coupe déborde.»

‭‭Psaumes‬ ‭23:5‬ ‭


«Lorsque vous passerez le Jourdain, vous dresserez au mont Ebal ces pierres que je vous ordonne aujourd’hui de dresser, et tu les enduiras de chaux.»

‭‭Deutéronome‬ ‭27:4‬ ‭


«Ta tête se dresse comme le Carmel, et tes nattes sont comme la pourpre rouge; un roi est enchaîné dans leurs ondulations!»

‭‭Cantique des cantiques‬ ‭7:6‬ ‭


«tu t’es assise sur un lit d’apparat, devant lequel une table était dressée, et tu y avais placé mon encens et mon huile,»

‭‭Ezéchiel‬ ‭23:41‬ ‭


«il est au service du sanctuaire et de la tente véritable, celle qui a été dressée par le Seigneur et non pas par un être humain.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭8:2‬ ‭


«Celui qui est trop pauvre pour cette offrande choisit un bois qui résiste à la vermoulure; il cherche un artisan habile pour dresser une statue qui ne vacille pas.»

‭‭Esaïe‬ ‭40:20‬ 


«C’est sur une montagne haute et élevée que tu dresses ton lit; c’est aussi là que tu montes pour offrir des sacrifices.»

‭‭Esaïe‬ ‭57:7‬ ‭


«Il dresse une bannière pour les peuples lointains; il en siffle un des extrémités de la terre, et il arrive vite, avec rapidité.»

‭‭Esaïe‬ ‭5:26‬ ‭NBS‬‬


«Le messager du SEIGNEUR dresse son camp autour de ceux qui le craignent, et il les délivre.»

‭‭Psaumes‬ ‭34:8‬ ‭


Jean Chrysostome fait écho avec ce signe qu'il évoque dans une de ses homélies : " La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons, car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix scintille (Mt 27,45) ; le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il disparaît, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation (Col 2,14), elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas ». " (1)


Le signe élevé sur le monde depuis Nb 21 devient en Jean 3 l’unique sacrifice.


«Si vous ne croyez pas alors que je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous si je vous parle des choses célestes? Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l’homme soit élevé, pour que quiconque croit ait en lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.»

‭‭Selon Jean‬ ‭3:12-16‬ ‭


Contemplons Celui qui s'est anéanti pour notre salut.


«il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort – la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom,»

‭‭Aux Philippiens‬ ‭2:8-9‬ ‭


La Croix, l’abaissement, la kénose ouvre le chemin de notre relèvement. Il est le don unique, l’UNIQUE sacrifice qui n’appelle rien d’autre qu’un amour à transmettre.


«Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils UNIQUE, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.»

‭ Jean‬ ‭3:16‬ ‭


Et la danse du Verbe continue :


«Dieu dit: Prends ton fils, je te prie, ton fils UNIQUE, celui que tu aimes, Isaac; va-t’en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai.»

‭‭Genèse‬ ‭22:2‬ ‭


«Unique est ma colombe, ma parfaite; elle est l’unique de sa mère, resplendissante pour celle qui lui donna le jour. »

‭‭Cantique des cantiques‬ ‭6:9‬ ‭


(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur « Père, si c'est possible » (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 72)

16 janvier 2021

Solitudes et danses intérieures 29 bis

 Solitudes et danses intérieures - 29

Nous sommes tous plus ou moins marqués par la solitude, plus particulièrement en ce temps de confinement.

Que faire ?

Prier...

Crier !

Oui crier après Dieu, comme le font si bien les psaumes 

Cri, nécessaire et presque salvateur

Crier pour une rencontre.


Mais bien sûr trouver des moyens pour sortir de cet état...


Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Même si le « chemin du désert »(1) est lieu de conversion, l’homme est un être de relation et il est bon de contempler que dès l’origine, au « terreux » solitaire, Dieu a donné une partenaire(2) un lieu pour entrer en relation, en symphonie(3), plus loin que la danse des chairs, le mot hébreu basar n’a pas fini de dévoiler son amplitude symbolique(4). « Le mythe donne à penser » disait Ricoeur. Gn 2 dévoile l’importance d’entrer en lien, de trouver complémentarité et joies dans la rencontre du visage d’autrui. 


Alors que je méditais, solitaire, sur ce concept, je suis tombé sur ce bel interview de Sylvie Germain, la grande spécialiste de Lévinas qui nous parle de son nouveau roman. Un bel entretien que je vous laisse découvrir.


https://radionotredame.net/embed/306679/


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) à lire les belles pages sur ce point de Sylvaine Landrivon, in La femme modelée Cerf 2016, p. 297sq

(3) cf. Aimer pour la vie

(4) ibid.

Où est-il ? Danse 29


 Un frémissement d’ordre dans le chaos, une conjonction dans le désordre, une fleur dans le désert, un sourire dans un monde de brutes, l’amour au milieu de la haine, 

La mort d’un innocent qui détourne notre violence, une liberté dans une succession de déterminisme, une truite qui remonte le courant, une semence qui jaillit dans l’hiver, l’amour au milieu de la haine. 

Une disruption dans une suite logique, le silence intérieur dans un flot de d’insouciance. Un appel au delà de nos peurs, l’insaisissable au sein de nos raisonnements, l’épée tranchante à la jointure de l’âme, l’amour au delà de la haine.

Fécondité au delà de nos stérilités, fidélité au delà de nos abandons, pardon au delà de nos lâchetés, indissolubilités dans la frivolité. L’amour au delà de la haine.

Abaissement malgré nos ignorances, confiance au delà de nos doutes, sacrifice unique de celui qui aime ceux qui veulent le trahir.

Brise légère au delà du feu et du tonnerre. Chant des anges au milieu du silence, paix intérieure au milieu de nos inquiétudes, frémissement au sein des nuits obscures. Soignant au milieu des malades, Miséricorde malgré nos haines. Espérance au delà de la mort.

Dieu ne se démontre pas, il se révèle quand on ne l’attend pas. 

Et pourtant cherche, ne cesse pas de chercher jusqu’à ce que tu cries, comme Augustin : tu étais là et je ne le savais pas » ;-)

15 janvier 2021

Tu m’as appelé ? - danse 28


Tu m'as 
appelé ? Projet d'homélie n.3 du 1er dimanche ordinaire année B 

Belle histoire que je vous invite à relire que le début du livre de Samuel, fruit imprévu d’une femme stérile qu’elle confie au temple en action de grâce. 

Tu m’as appelé ? Le cri résonne dans le silence.

Sommes-nous appelés ? 

A quoi ?

Le risque est de considérer que cet appel ne nous concerne pas... De l’entendre résonner dans la nuit et de l’oublier.


La réponse nous interpelle aussi : me voici.. et nous  qu'aurions nous répondu? que répondons nous aujourd’hui à ces appels souvent cachés dans le murmure de la brise légère; sommes nous capables  de faire silence pour les entendre ?


Nous sommes tous appelés à participer au royaume. Chacun à sa manière. C’est notre vocation de baptisés...

L’actualité fait bcp de bruit sur ce motu proprio du pape  qui donne aux femmes le droit d’être appelées à deux nouvelles fonctions de lectorat et de l’acolytat. 

Qu’est ce que c’est ? (Je vous invite  à creuser ce sujet) 

C’est une avancée de l’Église vers une forme de complémentarité entre les hommes et les femmes, mais ne nous trompons pas. Si les femmes n’ont pas, encore ce qu’on pourrait appeler la première place, celle bien inconfortable d’être choisi pour présider l’eucharistie à l’autel, elles sont comme tous les hommes appelées à travailler au royaume et je dois le reconnaître elles font souvent plus et mieux ce que nous clercs pouvons faire. Car le royaume ne se construit pas à l’autel, mais dans l’agir, dans ces périphéries où nous sommes tous appelés.

L’essentiel n’est pas la figure extérieure, la fonction mais cette éternelle course de l’homme pour suivre Jésus jusque dans son amour le plus large.

Paul, pharisien réputé, avant sa conversion médite très bien sur cette illusion dans un texte  que je trouve central. Ecoutons le : 

«Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. En fait, je considère tout comme une perte (...) A cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des balayures, (...)  pour parvenir, si possible, à (...)  le saisir, pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. En ce qui me concerne, mes frères, je n’estime pas moi-même l’avoir déjà saisi; mais une seule chose compte: oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le butPhilippiens‬ ‭3:7-14‬ ‭


Le jour du jugement, ce n’est pas notre rang dans l’Église qui comptera mais notre exercice de la charité en actes.


Où demeures tu ? demande les deux apôtres à Jésus.

Viens et suis moi...

Ce n’est peut-être pas seulement dans nos églises de pierre ou dans nos institutions qu’habite le Christ...

Cherchons à le suivre jusque dans ses périphéries...

Saint Athanase, dans une belle méditation que nous offre l’office des lectures de vendredi évoque la possibilité d’« exécuter une seule mélodie : ainsi la Sagesse de Dieu, le Verbe, tenant l'univers comme une lyre, unit les êtres de l'air avec ceux de la terre, et les êtres du ciel avec ceux de l'air ; il combine l'ensemble avec les parties, (...) produit ainsi, dans la beauté et l'harmonie, un seul monde et un seul ordre du monde. (...) prenons l'image d'un chœur composé de nombreux chanteurs. Ce chœur comporte des exécutants variés : hommes, enfants, femmes, vieillards et jeunes gens ; sous la direction d'un seul chef, chacun chante selon sa nature et ses possibilités ». 


L’enjeu est de trouver chacun NOTRE place dans un polyèdre (le mot de François exprime un souci particulier d’unité entre tous et toutes, mais aussi aujourd’hui particulièrement d’unité de tous les chrétiens) il nous reste à construire cette unité au service de la construction du corps....


Tu m'as appelé, me voici! 

Laissons maintenant résonner en nous ces deux phrases. Trouvons le chemin que Dieu a préparé pour nous, pour répondre à son appel 


10 janvier 2021

Baptême du Christ - danse 27

 On parle souvent de triple épiphanie. Qu’est ce à dire ? 

Petite distraction ce soir à la messe dominicale. 

Le baptême du Christ serait le troisième double agenouillement que nous offre la liturgie de Noël et est en même temps une porte d’entrée à la vie du Christ. 

Je m’explique. 

Il y a eu l’agenouillement de Dieu qui nous confie son Fils auquel répond quelques bergers.

Il y a l’agenouillement des mages devant un Dieu qui se révèle par sa faiblesse.

Il y a l’agenouillement du Fils pour recevoir le baptême de Jean, alors même que Jean affirme n’être pas digne de s’agenouiller pour délier ses sandales.


Qu’attendons-nous pour tomber à genoux ? Dieu vient nous visiter. Il plonge symboliquement dans les eaux de la mort pour éveiller en nous le sens de sa mort sur une croix et ce premier agenouillement est chemin pour qu’à notre tour nous prenions le temps de renoncer à nos certitudes et contempler la faiblesse d’un Dieu qui se penche devant l’homme pour l’inviter à la danse...


C’est dans ce mouvement que réside l’amour...


Don de l’Esprit, de l’eau et du sang nous dit Jean, puisque tout est lié. Tout prend chair dans cette kénose trinitaire.


On n’épuise pas pourtant ces textes en 2 paragraphes.. Il y a quatre beaux sermons chez les Pères de l’Église révélés cette semaine par le livres des heures que je vous laisse découvrir. Si Gregoire de Naziance nous donne par exemple à contempler un dialogue entre Jean et Jésus Fauste de Riez donne de son côté une belle correspondance entre Cana et le baptême. Ces jarres d’eaux usées transformées en vin peuvent y être comparées à ce Jourdain purifié par la plongée symbolique de l’Agneau. Tout cela révèle et prépare au sommet de l’incarnation, le mystère de cet amour porté jusqu’au bout, martyr finalement commun de Jean et du Christ au service d’une seule révélation : l’amour infini du Père. L’agenouillement du Fils n’a d’autre sens. On est loin d’une tour de puissance et d’orgueil. La kénose est ici à son paroxysme. 


C’est peut-être ce que nous révèle 1 Jn 5 : « C’est lui, Jésus Christ,

qui est venu par l’eau et par le sang :

non pas seulement avec l’eau,

mais avec l’eau et avec le sang.

Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit,

car l’Esprit est la vérité.

En effet, ils sont trois qui rendent témoignage,

l’Esprit, l’eau et le sang,

et les trois n’en font qu’un. »


Le baptême du Christ est la première réponse à cette soif de l’AT et finalement à notre soif, culminant dans ce geyser d’eau et de sang que décrit Jean 19





PS : on trouvera sur ce thème d’autres commentaires sous ce lien. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/511470-commentaires-du-dimanche-10-janvier-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-10-janvier-2 


J’aime les découvrir le dimanche matin après une longue méditation personnelle ou partagée avec les amis de notre Maison d’Evangile dont je rappelle ici le lien. Un beau groupe qui compte maintenant une centaine de membres et surtout des interventions très respectueuses autour de la Parole cf. https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share


C’est en s’éclairant et manduquant ensemble ces textes que nous déchirons le voile 😉

07 janvier 2021

Danse avec tout homme - 26

« Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » La méditation liturgique de la première lettre de Jean nous ramène à l’essentiel, à ces béatitudes qui contemple en chaque homme, cette capacité théophorique, d’être porteur de Dieu. 


Μακάριοι ο πτωχο τ πνεύματι - bienheureux les pauvres en Esprit. La distinction de Mt 5,3 interpelle.


Ce n’est pas rien de contempler dans la kénose du Fils l’appel continu de Dieu à révéler ce qu’il a mis en nous.

L’agenouillement du Fils qui veut demeurer chez Zachée, crie son « j’ai soif » à la Samaritaine ou se laisse toucher en Marc 7 par cette femme étrangère qui lui réclame des miettes est contemplation, d’une certaine manière de ce Dieu en « manque » de l’homme déjà mentionné par Arnold en « danse n. 9 et n.10 », non qu’il soit dépourvu d’infinité, mais parce que l’amour même est « extase »(Fratelli Tutti, ch. 3), tout tourné vers autrui, vers le « visage » d’autrui au sens Lévinassien.


La contemplation de cet foi des petits enfants, de cette amour sans faille, de cette confiance aveugle est toujours pour l’homme lieu de danse et s’inscrit bien dans la symphonie kénotique de l’homme et de Dieu.


C’est à l’Arche que l’on découvre que la foi des touts petits est lumière qui fait éclater nos incertitudes et nos de-espérance. C’est dans le chant et la prière de mes quatre petits enfants que je vibre le plus avec l’amour reçu et partagé. Dieu donne nous l’amour des « simples », ceux qui ne s’encombrent pas des rites et des dogmes, mais demeurent en toi comme tu demeurent en eux. 





On est bien là au cœur de cet agenouillement qui fait le centre de ma trilogie trop souvent citée.

01 janvier 2021

Épiphanie - pistes pour une homélie

Version 6

Que nous apportent la lecture de ces textes ? 

Peut-être une lueur... faible en ces temps de confinement... un frémissement (cf. Isaïe 55), un tressaillement (Luc 1)...

Une lumière au bout du tunnel... Sommes-nous encore en attente de la lumière ? Ou comme les lecteurs d’Isaïe en exil de nous mêmes ?

Nous cherchons, en ces temps difficiles, la lumière comme ces mages qui cherchaient dans le ciel un signe...

Cette lumière est là en nous,  c’est l’espérance qui nous habite, malgré ces temps difficiles.

C’est croire d’abord que Dieu vient nous visiter - qu’il peut faire naître une joie toute intérieure, celle qui nous vient de la contemplation de cet enfant qui nous sauve.

Paul parle ce mystère comme quelque chose d’immense. « Toutes les nations sont invitées au même héritage » nous dit Eph 3

Les mages accourt des 4 coins de l’univers

La bonne nouvelle de Matthieu c’est également l’ouverture aux nations

Ces semences de ce Verbe dont parle Jean dans son prologue, sont pour Matthieu le don de Dieu aux nations. 


L’autre clé est enfin le mystère même de cette crèche que nous contemplons depuis quelques jours...

Grand est notre Dieu quand il se fait petit ? 

Ce qui nous est révélé c’est l’humilité de Dieu.

Humilité - car il est bien petit et pauvre ce Sauveur loin de la puissance et de la violence. Sa royauté n’est pas celle d’Hérode. Il ne naît pas Jérusalem mais à Bethleem.

C’est là le mystère, la Révélation.

Dieu, par sa faiblesse guérit le cœur de celui qui accepte de se dépouiller...

Notre cœur doit se dépouiller et s’élargir.

La crèche est le résumé du mystère de la vie de Jésus - petit il va révéler l’amour qui fait échec aux puissants...


Il nous reste à contempler la grâce que Dieu nous fait et y répondre par nos dons. Dieu vient nous habiter. Quelle va être notre réponse intérieure ?

Peut-être contempler l’infini de Dieu au delà de nos finitudes ?

La contemplation des textes proposés ici ouvre et dilate notre coeur à l’infini de Dieu.  A voir en soi et en autrui ce qu’on appelle les semences du Verbe.

Tout homme de bonne volonté peut trouver le vrai Dieu. 

Comprendre que ce que nous révèle la crèche n’est pas un Dieu de pouvoir, le Dieu de nos projections humaines. Mais un Dieu amour,  un Dieu qui se fait tout petit... pour nous visiter...

Il y a là une tension...

Ouvrons nos cœurs à cette lumière qui vient jusque dans nos ténèbres et dans nos confinements pour nous conduire aux dons.

Les mages viennent les mains pleines. 

Et nous, qu’avons nous a offrir ? 

De l’or... ? nos richesses matérielles à partager ?

Ou la myrrhe, le parfum ultime, notre prière  et l’encens qui élève nos âmes au mystère ?

Contempler les dons des mages c’est aussi voir ce que l’on a reçu et qu’on est prêt à donner. Recevoir et donner...

N’est-ce pas le mystère de notre vie. S’inscrire dans ce don de Dieu nous dépasse.  Noël est-il pour nous le premier pas vers un don sans mesure... ? 

En nous présentant tout à l’heure à l’autel sommes-nous habités vraiment de cette espérance, de cette ouverture du cœur et de cette humilité qui nous fait dire, viens Seigneur révèle en nous et à travers nous ta lumière. Si c’est le cas ce que nous recevrons deviendra en nous lumière joyeuse, frémissante et radieuse. Dieu vient il est lumière...

 




29 décembre 2020

Danse tragique - billet n. 24

Que pouvons-nous dire aujourd’hui, jour de la fête des saints innocents - dans un contexte actuel qui n’est pas beaucoup plus joyeux...?

Le massacre rapporté par le seul Matthieu nous ramène à cette contemplation d’un « Dieu nu » (1) devant la violence et la souffrance des hommes, d’un « Dieu à genoux devant l’homme » (2) y compris Judas.. d’un « Dieu dépouillé » (3) et fragile.

On peut relire Jérémie 31 qui évoque à la fois dans un même paragraphe « la jeune fille se réjouira dans la danse, » et «  Rachel qui pleure ses fils; (...) refuse de se laisser consoler au sujet de ses fils, car ils ne sont plus. » avant de glisser « Ainsi parle le SEIGNEUR: Cesse de sangloter, sèche tes larmes; car il y aura une récompense pour tes actions – déclaration du SEIGNEUR: ils reviendront du pays de l’ennemi.» Jérémie‬ ‭31:13-16‬ ‭

La logique de rétribution de Jérémie a ses limites et il nous faut écouter probablement la fin du livre de Job... Qui est tu pour comprendre ? Mais cela ne sèche pas les larmes de ceux qui sont affligés par le malheur. 

La petite espérance de Péguy est bien petite...

Le cri est nécessaire et ce n’est pas pour rien qu’il résonne dans un grand nombre de psaumes... Où es-tu mon Dieu ? (4)

Dans mon mémoire de licence, « quelle pastorale pour les souffrants ? » (5) je cherche à tracer, non des voix de réponse, mais des chemins d’accompagnement...‬‬


pour ces personnes, nombreuses, en manque d’espérance.

Plusieurs auteurs ont tracé des pistes sur ce chemin. Dans l’essai précité je joins la traduction inédite et fort interessante d’un texte de Karl Rahner. 

On peut citer une fois encore François Varillon avec son « beauté du monde, souffrance des hommes ».

On peut évoquer Hans Jonas, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié...(6) Elie Wiesel et bien d’autres...

On peut aussi rester dans le silence. Mais ce dernier est-il une fuite ? 

Comme celle de la Sainte Famille au désert ? Une fuite pour un plus grand bien ? 

Est-ce que Matthieu introduit ce récit en contemplation des massacres de 70 ?

La seule réponse possible est probablement dans la Croix, dans ce Dieu dépouillé et déchiré. Mais qui peut l’entendre ?


Si j’ai choisi ce thème de mémoire, c’est en entendant un jeune en préparation de son mariage me dire : «  quand je regarde le ciel, je me demande ce qu’il va encore m’envoyer comme malheur ». 

Nous sommes bien démunis...

On peut probablement se glisser intérieurement la question : suis-je complice de ce mal... ? Sans tomber, dans la culpabilité, car c’est le risque bien soulevé par Lytta Basset (7) 

Saint Thomas distingue le mal de faute du mal de peine... mais ne donne pas de solution.

On peut surtout, comme le fait Etty Hillesum se relever et dire « Dieu a besoin de nos mains »(8)

L’année dernière j’étais au chevet d’un ami prêtre - 93 ans, d’une vie donnée et malgré cela une grande souffrance physique et d’une certaine manière forcément spirituelle. Que faire à part un verre d’eau, une main posée sur un cœur meurtri... ?

N’oublions pas que l’Église est là. Elle l’est à Calculta (cf. La Croix d’aujourd’hui) en Grèce comme à Calais. Visages rayonnants d’une Église au service des souffrants...

Sur ce sujet impossible du mal de peine, je me trouve bien petit et suis toujours preneur d’avis...


(1) cf. ma recension du livre d’Arnold

 (2 à 5) cf. mes travaux de recherches éponymes téléchargeables sur Kobo, cf Http://chemin.blogspot.com 

(6) voir aussi dans mon mémoire un bel extrait sur ce thème d’une conférence donnée à Paris

(7) cf. notamment Je ne juge personne 

(8) lettre à Westerbroch in Une vie bouleversée

26 décembre 2020

Une danse instable et fragile - 23

« Ne crains pas...(Gn 15)

Mes yeux ont vu ton salut..

Ton âme sera traversée par un glaive... (Luc 2) »

Trois phrases tirées de la liturgie de la fête de la sainte  famille.  Et une apparente contradiction...

La suite du Christ est à la fois un lieu de paix intérieure et de souffrance extérieure. Lieu de combat au sens donné par Ignace dans ses deux étendards ?


La danse à laquelle j’ai trop fait allusion dans les pages précédentes n’est pas une danse de salon. Suivre le Christ n’est pas de tout repos, car le combat est là, à la fois intérieur et extérieur.


Intérieur car nous sommes toujours traversés par nos contradictions, notre incapacité à répondre à l’appel de « l’où es-tu » de Gn 3, faisant le mal que nous ne voulons pas faire (Rom 7) et incapable d’être amour comme Il est amour (1 Jn 2).


Le martyre d’Etienne (Actes 6&7) qui suit la nativité nous rappelle bien vite que le mal est aussi extérieur.


Et pourtant...

Et pourtant la petite espérance nous fait rêver d’un monde meilleur. 

La sainte famille n’est pas seulement le cocon douillet d’un couple béni par Dieu. Marcher à sa suite est pour nous toujours le lieu d’un combat intérieur et extérieur qui conduit à la victoire du Christ sur la mort.

C’est le terme final, ce royaume à venir, qui donne l’espérance du « ne crains pas... » et de ce « bouclier » (Gn 15) de la foi...(Heb 11).

La danse de Dieu est un dépouillement, une fuite, un combat, une foi (cf. Heb 11), un agir, une victoire.


C’est grâce à la foi que nous pouvons avancer..


Laissons nous conduire par Celui qui vient nous visiter, ouvre le chemin. Si sa mère sera transpercée d’un glaive elle sera la première sur la route à mériter le rang d’apôtre. De sa douleur jaillira une descendance. 

Et la mémoire du glaive qu’elle partage avec des générations de souffrants sera signe et chemin.





« Maintenant je peux m’en aller car mes yeux ont vu le salut... » 

Le salut est au bout d’un long chemin...

Dieu avec nous... Il nous porte...

Viens nous visiter... 



25 décembre 2020

De la paille à la poutre ? - danse 22


Il est né sur la paille et mort sur une poutre...

Si l’histoire de la crèche est contestée, la puissance de la lecture spirituelle de la naissance, racontée par Luc ne déroge pas avec l’ensemble du message de l’évangéliste.




Premier et ultime clin d’œil d’une vie pour dénoncer l’erreur d’une loi hypocrite ou le jugement hâtif du frère du fils prodigue ? (Luc 15).

Il y a un lien à contempler entre cette paille qui accueille le tout petit et ce bois qui supporte le crucifié. Ce lien c’est la chair nue, exposée de celui qui refuse tout égard, toute première place, pour se dénuder dans le service de ses frères (Jn 13) et le don inouï d’une vie offerte. 

Quel chemin entre le Dieu rêvé des premières théophanies de l’Exode (cf. Ex 19) et celui de la crèche. Alors qu’on y voyait trompettes et métaux précieux et qu’on rêvait d’un Dieu du tonnerre voici un Dieu nu exposé et rejeté... fui et trahi... fragile et crucifié...

Depuis le premier jour jusqu’au dernier...il est un Dieu qui se fait petit... pour dénoncer nos rêves de grandeur.

Tout ça pour quoi ?

Pour nous conduire au delà de la paille du voisin, la poutre de notre oeil ?  Si nous cherchons un Dieu puissant nous faisons fausse route. La puissance de Dieu se révèle dans la faiblesse... (cf. 2 Co 12).

Quel est le sens de cette nuit ?

Pourquoi pouvons nous danser de joie ? 


La naissance de Dieu homme est nouvelle naissance...

Il vient habiter l’homme et transformer son cœur...

Ne sommes-nous pas parfois l’aubergiste qui rejette la jeune fille enceinte, le pharisien devant la femme adultère (Jn 8.) celui qui cherche la paille et oublie la poutre...(cf. Lc 6, Mt 5), repousse l’étranger ou le lépreux de notre entourage.

A chaque fois que notre cœur se durcit nous oublions que le chemin n’est pas écrit à coup de burin dans le marbre d’une loi immuable, mais avec le cœur et au cœur de l’homme grâce à une paille sur le sable par un Dieu à genoux devant l’homme, qui ne veut que l’amour...

Que celui qui n’a pas péché jette la première pierre...(Jn 8.) 


C’est ce peut-être ce Dieu là ce que nous contemplons cette nuit. 

Dieu fragile...

La crèche n’est que la clé de sol d’une symphonie trinitaire. 

- Celle d’un Dieu qui renonce à toute manifestation de puissance pour nous dévoiler l’amour...

- Celle d’un Fils qui consent à tout pour tracer un autre chemin que la loi hautaine et méprisante des hypocrites.

- Celle d’un Esprit qui se fait fragile pour tracer en nos cœurs un chemin d’humanité.

Prenons conscience de nos poutres érigées à tort, de nos condamnations trop rapides pour percevoir que l’amour est miséricorde et pardon...

Vous voulez comme David des signes et des rois, des maisons et des institutions ?

Il ne vous sera donné que le signe de Jonas. Un prophète qui se fait petit...

Un petit d’homme couché sur un lit de paille et mort sur une poutre, pour que nos violences soient réduites à néant, nos jugements hâtifs et hypocrites balayés comme les feuilles au vent, nos quêtes de puissance réduites à un chemin d’humilité.

Le Dieu de la crèche et de la Croix est un Dieu à genoux...

Et la danse des trois personnes n’a qu’une direction, celle de nous inviter à la miséricorde et l’humilité...

Il est le chemin, la vérité et la vie...

Le Verbe s’est fait chair fragile parmi nous pour retourner nos cœurs de pierre en coeur de chair.

Le verbe est là - aujourd’hui - présence discrète, démunie, qui invite à l’amour.

Joie des cœurs simples. Danse des anges

Noël

24 décembre 2020

Les noces éternelles ? - danse 21


Il y avait la rencontre à Mambré, la femme stérile qui sourit à l’annonce de sa fécondité...puis toutes ces histoires de puits et de rencontres, d’eau et de noces...

Puis tout s’est transformé en désert 

Les ossements sont desséchés 

La voix du dernier serviteur au Temple s’est tu...

Fin d’un cycle

Hiver..


Nous sommes au samedi saint de Noël, l’heure où la nuit devient épaisse, les étoiles s’éteignent.


La danse de Dieu n’est pas une valse viennoise, elle va de renoncements en renoncements, de fuite en agenouillements...


Comme le suggérait Joseph Moingt à propos du samedi saint, c’est l’heure où il faut écouter les pleurs du monde, visiter les solitudes, être attentifs à la terre qui crie son désespoir...


Dieu viens visiter nos silences...


Et si toutes ces épousailles ne tendaient qu’à une rencontre sublime et discrète, au creux du silence et de nos nuits....


Nouvelles noces, qui chez Luc résonnent avec celles de Cana chez Jean....

A la fiancée qui attend son époux sur une terre désertée Dieu vient comblée la soif...


Demain s’approche la nouvelle alliance...

Nouvelles noces qui se préparent, celle de Dieu en l’homme, celle d’une femme qui ouvre son cœur et prépare son corps à la douleur d’un enfantement difficile, aux noces éternelles et tragiques de l’humain et du divin.


Ici nul artifice, pas d’autres trompettes que celles des anges aux bergers. C’est auprès des rejetés, des bannis que Dieu se met à nu. C’est dans une mangeoire pour animaux impurs, qu’il est déposé le tout petit. Et sa nudité est déjà le signe d’un autre repas, d’une autre nudité, celle d’un corps offert aux coups et aux rejets...


C’est auprès des exclus, des sans abris et des migrants qu’il reviendrait celui que nous espérons dans nos maisons douillettes. 


« Allons-nous tromper nos inquiétudes secrètes et insulter à la gravité du drame contemporain avec ce Noël que nous avons rendu si petit en le farcissant de nos bavardages et de nos mangeailles, au lieu qu’il faudrait nous taire, sortir à la bonne étoile (...) qu’avons nous fait de cette joie pour tout le peuple ? » (1)


Dieu parmi nous, avec nous...?

Que soit béni le tout petit...


Il n’est petit et nu que s’il nous fait retrouver la nudité première. Tombons-nous nos habits de fêtes (Ex 33, 3) pour nous soucier que cette joie soit bien pour tous ? 


Question que je me pose à moi-même car elle ne peut être posée à autrui que dans le silence du cœur. 


Nous sommes pris dans le tourbillon de nos cultures. La danse de Dieu est ailleurs, dans une frugalité et une modération qu’il ne faut pas occulter...


(1) François Cassingena-Trévedy La voix contagieuse, p. 23

23 décembre 2020

Tressaillement et danse - 20

 



« L'enfant a tressailli... »

Que dire quand on est homme et que jamais l'enfant n’a en nous manifesté sa présence ? Peut-on en être jaloux ? 😉 

Il y a pourtant des tressaillements intérieurs, des caresses de Dieu qui nous réveillent et nous font pressentir cela...

Signes discrets d’un Dieu qui vient se révéler à nous dans le silence ?

Signes plus tangibles quand la Parole fait vibrer en nous le mystère....

On devrait peut-être même aller plus loin et glisser sur la pointe des pieds que lorsqu'il nous a été donné de communier au corps et au sang du Christ, nous devenons à notre tour capables de ces « tressaillements » de Dieu en nous. 

Capax dei !

Est-ce ce que suggère François Varillon quand il dit que Dieu vient diviniser ce que nous avons humanisé ? (1)

J’ai du mal avec le mot diviniser, qui nous vient d’Irenée, mais c’est peut-être là qu’il prend chair, dans ce tressaillement intérieur dû à l’inhabitation fugace du Verbe en l’homme...

Alors nous pouvons faire nôtre le magnificat. Car nous entrons à notre tour dans cette danse trinitaire à laquelle le "fiat" marial nous a invités. 


« Heureuse celle qui a cru... » On entend déjà résonner à nos oreilles le chant des béatitudes et notre cœur devrait lui aussi bondir d'allégresse, car, en ce jour de la visitation, l'Église rentre dans la fête et la danse du peuple de Dieu. Après des siècles d’attente, après le désert, l'exil et la peine, la bonne nouvelle d'un Dieu parmi nous devrait nous envahir. Dieu a entendu son peuple et lui a donné un sauveur...

« L'enfant a tressailli... » 

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ».... (Luc 1, 47)


Ce chant m’habite, habite aussi mes joies, même les plus intérieures. Il prend sa source dans les chants de l’AT et devient signe de nos espérances... il relève les humbles...


Que Dieu tressaille en nous à l’aube du mystère...


(1) cf. Joie de croire, joie de vivre

PS : extrait complété de mon « Chemins de miséricorde »

Voir aussi « la danse intérieure »

La visitation - peinture de ma soeur, L. Franc (c)