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22 août 2020

Le message de Jean - une actualité brûlante

Le message de Jean - une actualité brûlante

Une concordance osée entre l'injonction du psaume 40 et Jn 13 mais plus globalement ma lecture actuelle de Jean (*) me conduit à cette conclusion un peu disruptive que je voudrais tester avec vous.

Extrait...
Rappelons le psaume 40 :
«Tu n'as pas pris plaisir au sacrifice ni à l'offrande: tu m'as ouvert les oreilles; tu n'as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j'ai dit: Je viens / [Me voici ] avec le livre-rouleau écrit pour moi. (...)
Moi, je suis pauvre et déshérité; mais le Seigneur pense à moi. Tu es mon secours et mon libérateur: mon Dieu, ne tarde pas! » Psaumes‬ ‭40:7-8, 18‬ ‭

On a déjà noté que, dans le récit de la Passion, les similitudes sont multiples au point que Dodd se demande si la tradition orale du récit de la Passion n'était pas si forte et antérieure à tout écrit évangélique, que les quatre recensions n'ont pu déroger à une lecture semblable[237]. Et cependant, le texte du lavement des pieds est unique. Il n'est raconté que par Jean et remplace, nous l'avons dit, le récit de l'institution de « l'eucharistie. Cette absence donne à penser. Deux hypothèses peuvent être avancées dans ce cadre.
Soit le lavement des pieds, en particulier dans sa deuxième partie est d'une certaine manière, une autre façon de dire ce à quoi nous invite Jésus : une véritable communion et réciprocité dans l'amour.
Soit il se surajoute au mémorial eucharistique, déjà présenté entre les lignes en Jn 6, 22-58 et qui, au temps de la rédaction finale du IV° Évangile, devait déjà être bien établie dans la communauté johannique[238]. Dans ce cas, la finalité est la même. Faire des rencontres eucharistiques, non pas un simple rituel, mais un « signe efficace », un sacrement de l'amour de Dieu et de l'amour des hommes au sein d'une communauté vivante.
Le texte donne cependant une direction particulière, en soulignant l'attention aux frères, aux plus petits et aux plus pauvres, aux esclaves à qui Jésus s'identifie ici.
On se souvient de la remarque de Paul (cf. notamment 1 Co 11, 33) qui déjà notait l'absence de communion véritable dans la jeune église, où les derniers arrivés, les esclaves, n'avaient pas le même traitement que les premiers, les hôtes du repas. En inversant les rôles, Jean nous conduit aux mêmes conclusions.
Cette tension reste un point sur lequel nous ne devrions pas cesser d'attacher de l'importance. Il est au cœur de ce à quoi nous appelle le message de l'eucharistie : une double tension vers Dieu et vers autrui… 
Jean nous conduit aux mêmes conclusions, mais donne une dimension différente. Le rite de l'eucharistie est presque depassé par une dynamique sacramentelle (cf. mon livre éponyme) qui n'est pas centré sur un mime du dernier repas, mais sur l'agenouillement kénotique, qui devient l'exhortation finale de Jean. Entre les lignes, on peut lire une injonction qui prend aujourd'hui une dimension plus urgente et fait écho avec ce que nous dit entre les lignes le pape François : Ne fermons pas la porte. Ne soyons pas "une église fermée" dans laquelle " les gens qui passent devant ne peuvent entrer" et d'où " le Seigneur qui est à l'intérieur, ne peut sortir" ou pire avec des Chrétiens qui ferment à clé et "restent devant la porte‎" et "ne laissent entrer personne"[239]
« allez à la périphérie », sous entendu (mais je force volontairement le trait) ne restez pas dans vos églises à mimer le dernier repas, mais agenouillez vous devant l'homme blessé (Jn 1), criez votre soif (Jn 4), agenouillez vous devant les souffrants (Jn 5), partagez et donnez (Jn 6), agenouillez vous devant les pêcheurs (Jn 8 et Jn 13), les étrangers (Mat 11), pleurez avec les souffrants (Jn 11). Vivez dans l'agapè.

Je rejoins là l'injonction récente de François Cassingena-Trévédy : « Ne faudrait-il pas envisager courageusement, pour l'avenir, et jusque dans nos communautés religieuses encore privilégiées, des messes plus espacées dans le temps, des messes qui viendraient consacrer, non pas un azyme insipide d'habitudes et de vies parallèles, mais le pain chaleureux, laborieux et complet de vies résolues à entrer pratiquement en communion profonde, à soutenir l'effort d'un pardon explicite et réciproque, et surtout ce partage fraternel de la Parole de Dieu » [240]


[237] cf. DODD, La tradition historique du IV° Évangile, Lectio Divina n° 128, Éditions du Cerf, 1987, trad° Maurice et Simone Montabrut, Éd. Originale : Historical Tradition in the Fourth Gospel, Cambridge Press, 1963, p. 38.
[238] On parle déjà de la fraction du pain en Act 20, 7. 
[239] Pape François, messe à Sainte Marthe du 17/10 (2013 ?), cité par Spadaro, p. 93 »
[240] François Cassingena-Trévédy De la fabrique du sacré à la révolution eucharistique - Quelques propos sur le retour à la messe. Publication sur FB du 23/5/20

(*) cf. « À genoux devant l'homme » dont je prépare une troisième édition (disponible déjà en version bêta sur le site de la Fnac)

14 août 2020

Dépouillement - ce pain nommé désir

Que cherchons nous ?
Vers quoi courrons nous ?
Y a-t-il un terme à notre faim ?

Notre monde s'est enroulé dans cyclone du même. Nous voulons le même. Nous cherchons le même. Nous courrons dans cette spirale mimétique qui touche jusqu'à nos églises, nos rites, nos façons de faire.

Mais Dieu n'est pas là...
Il est aux abonnés absents de cette quête. Il ne répond pas à ces désirs de mêmeté.

Où est-il ?
On croit le saisir et il nous échappe encore.
Il n'apporte pas « d'émotions volatiles, des consolations immédiates et des certitudes paresseuses »(1). Il ne guérit pas les foules à la volée, ne console pas les affligés sur demande. Il nous précède juste en Galilée, nous accompagne sur les chemins d'Emmaüs puis disparaît, échappe aux tentatives de réduction.
Il se donne en miette de peur de nous rassasier, d'éteindre notre faim et notre soif...

« Travaillez dans le calme » (1), labourez la terre, Dieu est un trésor caché au fond du champ. Il est là où on ne l'attend pas.

Aimez jusqu'au bout, jusqu'à plus soif, jusqu'à ce que cela pèse, car là est l'amour véritable, l'agape, dont l'Eros n'est que l'étincelle...

A la passion du même, aux trains nommés désirs, doivent se substituer la quête ultime, la traversée du désert, la conversion du cœur...

Marchez...
Allez au large...
Quitter le confort du même.
Laissez-vous dépouiller de vos certitudes.
Laissez le travailler en vous jusqu'aux jointures de l'âme.
Ne cédez pas sur le chemin.
Et si vous reculez, laissez-vous porter, embrasser, consoler, car il est chemin, miséricorde et vie.

(1) cf. François Cassingena-Trévédy, La voix contagieuse, 2017, ibid. p. 143

23 juillet 2020

Dépouillement 25 - homélie du 17ème dimanche

Où courons nous ?

Que nous dit Jésus sur le marchand de perles dans l’Evangile de Matthieu ?  « il va vendre tout ce qu'il possède et achète cette perle.»»
‭‭Matthieu‬ ‭13:46‬ 
« Tu t'agites pour beaucoup de choses, une chose est essentielle » glisse Jésus en écho à Marthe (Lc 10, 41). Il faudrait maintenant se taire et méditer sur ce qui est essentiel. Entendre le discours de Jésus au jeune homme riche : « une seule chose te manque : va vends tous tes biens et suis moi ».(Mc 10, Mat 19, Luc 18). Selon certaines interprétations Marc est probablement celui des trois évangélistes Synoptiques qui a le mieux compris cela au point qu'on l'associe à ce jeune homme qui s'enfuit tout nu au jardin de Gethsémani. Pourquoi Marc nous raconte t il cette scène non reprise par Matthieu et Luc ? Peut-être a-t-il compris le message ultime. Tout vendre, renoncer, se dépouiller, se mettre à nu... Jusqu'au déchirement du voile qui révèle l'amour.

La nudité à laquelle nous sommes appelés est celle qui nous oblige à sentir qu'il n'y a qu'une voie, qu'une sagesse, qu'un chemin, qu'un trésor, qu'un médiateur, Jésus Christ, celui qui s'est dépouillé de tout parce qu'en faisant cela il va jusqu'au bout de l'amour.

La route est longue et ardue... Au bout du chemin, quand on a fait, en nous, le tri final, il ne reste qu'une voie de sagesse, insiste à sa manière saint Jean de La Croix : suivre le Christ. Cette voie, est celle que décrit Salomon (1Rois 3), c'est celle qui peut faire de nous des « justes » comme le dit saint Paul en Romains 8.

Combien de fois nous arrêtons nous pour voir la frénésie de notre agir, de nos agitations ?
La porte est étroite et la question lancée par Matthieu sur le tri des anges doit nous interpeller. Sommes nous prêts comme les jeunes filles et leurs lampes ?
Prendre la voie du Christ est « impossible à l'homme mais possible en Dieu » glisse Mat. 19... le Christ lui-même a eu besoin d'être poussé par l'Esprit au désert pour prendre de la distance sur cette agitation intérieure qui nous éloigne du Chemin.

« Seul l'Esprit, parle à notre esprit dans le silence ». Sommes nous des « écoutants » ? Laissons nous place à l'Esprit pour agir ? Entrouvrons-nous la porte à ce « courant d'air (1) » qui pénètre au fond de notre cœur et nous fait découvrir la perle, le trésor, le royaume.

Entrons dans le silence et écoutons Dieu interpeler notre cœur. Où est ta priorité ?





« Il s'agit [alors] de transporter notre cœur dans la vie du ciel, en sorte qu'on puisse dire : « Notre patrie est dans les cieux » (Ph 3,20). Surtout c'est commencer à devenir semblable au Christ, « qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour nous » (2Co 8,9).(2)

Le grand enjeu devient, dans la dynamique de la troisième parabole d’entrer dans un véritable discernement, trier ce qui nous empêche d’aller dans ses pas, ce qui est « balayure » et nous laisser « saisir » par lui (cf, Ph 3)

(1) François Cassingena-Trévédy, pour toi quand tu pries, op.cit. 
(2) Saint Basile Grandes Règles monastiques, § 8 (trad. L. Lèbe osb, Éd. Maredsous, 1969, p. 71 rev.)

07 juillet 2020

Le cri du cœur...

Concevoir les homélies comme autant de « rencontre[s], de relation[s], d'entretien[s] familier[s]», nous rappelle François Cassingena-Trévédy (1), j'ajouterai d'interactions entre la Parole inaccessible et l'intériorité inatteignable de l'homme, tel est l'enjeu du ministre, à qui revient la charge, combien délicate de commenter le « dit » de Dieu...

Dans Autrement qu'être, Emmanuel Lévinas distingue fort bien le dire et le dit. Au dire inaccessible le dit reste réduction, déformation, oxymore.

Qui sommes-nous pour oser ajouter un iota à la Révélation ?

La Parole agit en nous par bien des manières et il serait prétentieux de la réduire à un commentaire. 

C'est toujours difficile d'écrire alors qu'il faudrait entrer dans le silence ou prononcer à peine quelques phrases pour réveiller chez l'autre quelque chose de plus grand. 

N'approche pas d'ici, « retire ses sandales »...(Ex 3) La Parole te dépasse, la Parole est plus grande que toi. Il faudrait rester à la « lisière du silence (1)», rester silencieux et pourtant on s'essaye, on ose, parce que la Parole manduquée appelle à être partagée. Elle bouillonne en toi et te dépasse. L'exercice partagé sur mon blog (2) en temps réel avec ses versions successives est osé. Il est un éternel appel à réaction, non pas parole assénée mais quête, recherche, dynamique et dépouillement...

Agenouillement aussi.
Agenouillement devant ce texte qui nous parle.
Agenouillement devant l'homme (3), cet auditeur anonyme que l'on ne saurait juger, tant il peut être lui-même traversé au plus intime de lui-même par le courant d'air, le bruit d'un fin silence (1 Rois 19)qui vient révéler en lui une présence secrète et aimante, douce et miséricordieuse, fragile et pourtant interpellante.

Retire tes sandales ô lecteur.
Derrière l'orgueil toujours trop présent du prêcheur se cache, ténu, le frisson intérieur qui l'a conduit à murmurer un chant, à esquisser un pas de danse avec ce Dieu qui vient nous visiter...

Si, depuis des années, je danse discrètement avec d’autres ou seul sur ce vecteur fragile, une valse légère nos contacts quotidien avec la Parole génère en nous des mouvements intérieurs qu'il est impossible de laisser sous le boisseau.

Pardon si l’on dérange, mais le dit ne cesse de frapper à la porte et nous appelle à crier : « Écoute ! Dieu te parle. Arrête de courir, entre au fond de toi (...)  déchire « ton vêtement de fête » (Ex 33). Dieu veut te parler dans le silence bruyant d'un livre inachevé, en dépit du rideau déchiré (4) qui a pourtant révélé sur la Croix le cri d'un où es-tu ? (Gn 3)

Dieu est là en toi, plus présent que tu ne l’espères, présence fugace, insaisissable. Il affleure le discours, se révèle en dépit de l’orateur n’est qu’un indigne passeur d’une Parole qui t’appelles à aimer.

Fais que tressaille son silence
Sous ton Esprit ;
Dieu, fais en nous ce que tu dis,
Et les aveugles de naissance
Verront enfin le jour promis
Depuis la mort de ta semence.(5)

(1) François Cassingena-Trévédy, La voix contagieuse, Editions Tallandier, 2017, p. 9sq.
(2) cf. http://chemin.blogspot.com
(3) voir mon livre éponyme téléchargeable sur Fnac.com
(4) idem.
(5) hymne de l’office des lectures


11 juin 2020

François Cassingena-Trévédy - réflexion sur l’Eucharistie

S'il y a un auteur qui a traversé ma vie et m'enchante et que je voudrais vous faire découvrir, c'est bien François Cassingena-Trévédy. Je l'ai découvert dans « pour toi quand tu pries » un livre que je considère comme une révélation de la spiritualité du XXIeme siècle et que j'ai savouré délicatement pendant plus de six mois. J'en ai déjà publié quelques verbatim sur mon blog il y a deux ou trois ans. Il m'a inspiré dans l'écriture de plusieurs billets sur ce que j'appelle maladroitement « l'amour en toi » - contemplation d'un Dieu caché au fond de nous et qui nous appelle à aimer.
Il reste parfois difficile à lire, tant ses propos sont denses (j'aimerais le traduire pour le rendre plus accessible à la « périphérie »).
Je lui dois aussi le titre de mon dernier recueil « Dieu depouillé » à la suite d'un article paru dans Etudes.
Il vient de faire paraître une série de méditations qui m'enchante, notamment celle-ci, bien en phase avec mon livre sur « la dynamique sacramentelle » - où je cherchais à développer l'idée portée par Theobald d'une dimension plus large et dynamique des Sacrements - loin du seul rite et ancré dans l'éthique d'une responsabilité. Sa clairvoyance et la pertinence de son analyse mérite le détour. Je vous laisse suivre le lien.

https://m.facebook.com/notes/fran%C3%A7ois-cassingena-tr%C3%A9vedy/de-la-fabrique-du-sacr%C3%A9-%C3%A0-la-r%C3%A9volution-eucharistique-quelques-propos-sur-le-ret/3198309117060239/

25 mai 2020

Esprit et eau - Cyrille de Jérusalem - Amour en toi 57

« L'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. C'est une eau toute nouvelle, vivante, et jaillissante, jaillissant pour ceux qui en sont dignes.



Pour quelle raison le don de l'Esprit est-il appelé une « eau » ?

C'est parce que l'eau est à la base de tout ; parce que l'eau produit la végétation et la vie ; parce que l'eau descend du ciel sous forme de pluie ; parce qu'en tombant sous une seule forme, elle opère de façon multiforme. ~ Elle est différente dans le palmier, différente dans la vigne, elle se fait toute à tous. Elle n'a qu'une seule manière d'être, et elle n'est pas différente d'elle-même. La pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là ,mais, en s'adaptant à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle produit en chacun ce qui lui convient.

L'Esprit Saint agit ainsi. Il a beau être un, simple et indivisible, il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté. De même que le bois sec, associé à l'eau, produit des bourgeons, de même l'âme qui vivait dans le péché, mais que la pénitence rend capable de recevoir le Saint-Esprit, apporte des fruits de justice. Bien que l'Esprit soit simple, c'est lui, sur l'ordre de Dieu et au nom du Christ, qui anime de nombreuses vertus.

Il emploie la langue de celui-ci au service de la sagesse ; il éclaire par la prophétie l'âme de celui-là ; il donne à un prêtre le pouvoir de chasser les démons ; à un autre encore celui d'interpréter les divines Écritures. Il fortifie la chasteté de l'un, il enseigne à un autre l'art de l'aumône, il enseigne à celui-ci le jeûne et l'ascèse, à un autre il enseigne à mépriser les intérêts du corps, il prépare un autre encore au martyre. Différent chez les différents hommes, il n'est pas différent de lui-même, ainsi qu'il est écrit: Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous. ~

Son entrée en nous se fait avec douceur, on l'accueille avec joie, son joug est facile à porter. Son arrivée est annoncée par des rayons de lumière et de science. Il vient avec la tendresse d'un défenseur véritable, car il vient pour sauver, guérir, enseigner, conseiller, fortifier, réconforter, éclairer l'esprit : chez celui qui le reçoit, tout d'abord ; et ensuite, par celui-ci, chez les autres.

Un homme qui se trouvait d'abord dans l'obscurité, en voyant soudain le soleil, a le regard éclairé et voit clairement ce qu'il ne voyait pas auparavant: ainsi celui qui a l'avantage de recevoir le Saint-Esprit a l'âme illuminée, et il voit de façon surhumaine ce qu'il ne connaissait pas. »

Sans autre commentaire que de noter une correspondance spirituelle entre mon homélie de dimanche et ce beau texte de Cyrille découvert ce matin dans l'office des lectures du 7eme lundi de Pâques.

Plus encore, il y a cette même trame que je vous invite à découvrir dans la balise « amour en toi ». Cette 57eme balise donne en effet un surcroît de sens au 56 premiers billets (2). L'Esprit qui habite en nous depuis le baptême fait renaître en nos cœurs une flamme secrète, une source profonde. Capax dei.Dieu n'attends qu'un cœur ouvert pour libérer de nos cœurs de pierre, la lumière et la gloire qui jaillit de sa charité en actes.

Au fonds de chacun d'entre nous repose la capacité d'aimer en actes et en vérité et l'Esprit de Pentecôte est le révélateur de cette aptitude secrète que nous ne cessons de mettre sous le boisseau.

(1) Saint Cyrille de Jérusalem, catéchèse sur l'Esprit Saint, source AELF
(2) je rêve depuis longtemps d'avoir le temps de mettre en livre cette trame discrète... née un jour de la lecture de « Pour toi quand tu pries » de François Cassingena-Trévédy - un livre qui, bien que dense et un peu ardu à la lecture reste pour moi le plus beau livre spirituel du XXIeme siècle naissant. Suis-je objectif ? Peut-être pas. Le fait qu'il soit écrit par un moine de Ligugé, cette abbaye où a pris corps, il y a 45 ans m'a vocation de baptisé puis de diacre trouble peut-être mon objectivité...toujours est-il que je manduque depuis cette idée de développer un livre qui fasse jaillir au sein du lecteur cette prise en compte que le but ultime de la danse trinitaire est de faire jaillir en l'homme cette source secrète déposée en lui par le baptême ou même cette semence du Verbe qu'il a reçu malgré lui. Capax dei...

21 avril 2020

Contempler la miséricorde divine

Dans son dernier article d'Études, intitulé Dépouillement, François Cassingena-Trévédy nous invite à trouver le chemin du dépouillement, à retrouver « Un Dieu qui ne nous exempte pas de l’aventure humaine avec ses inévitables affres, qui ne la domine pas du haut de sa toute-puissance, mais qui la partage, qui l’habite, qui cristallise, qui « précipite » au plus creux de la souffrance et de la compassion, celle-ci et celle-là se touchant dans le même Corps. Deus absconditus. Un Dieu caché. En ces jours, notre prière, [doit se faire sobre et descendre] (...), au lieu intérieur où le Père obscurément s’aperçoit, et nous découvrons que ce lieu est aussi le lieu commun d’une humanité dont Jésus reflète et rassemble le visage. Notre vœu le plus cher est alors qu’en sortant du confinement nous sortions aussi de la « religion » pour entrer dans la chair et dans l’esprit du christianisme, dans le mystère pascal qui seul est à la hauteur de l’homme »(1).

Quel est l’enjeu ?

Peut-être trouver ce qu’Urs von Balthasar appelle la triple kénose, cet effacement trinitaire qui part du Père qui s’efface devant le Fils et du Fils qui se dépouille jusqu’à la mort, laissant jaillir de son côté transpercé un fleuve de miséricorde - Esprit Saint confié au monde et glissé dans le silence de nos cœurs, danse sublime que les Pères de l’Église appellent circumincession et que j’ai osé appeler danse trinitaire.
Cette kénose est aussi la clé de la miséricorde divine que nous fêtons depuis dimanche. Un thème que notre pape à remis en avant dans son année de la miséricorde à la suite de sainte Faustine et de l’intuition de Jean Paul Il. Tout se tient. Le mouvement auquel nous invite François Cassingena-Trévédy n’est-il pas en quelque sorte cette kénose de l’Église que j’ai essayé de thématiser dans le tome 3 de ma trilogie « Humilité et miséricorde » que je viens de mettre en téléchargement libre depuis hier sur Kindle. Un travail qui reprend la thèse de Walter Kasper et les écrits du pape François et tente de pousser plus loin au service d’une église servante et à genoux, à la suite du Christ serviteur et miséricordieux.

Comme le suggère l’Évangile d’aujourd’hui : «Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».

(1) François Cassingena-Trévédy cf. le lien plus haut
(2) ma trilogie est accessible en téléchargement sous les liens du billet précédent ou sous ce lien, voir aussi « cette église que je cherche à aimer »


18 avril 2020

Homélie pour le dimanche de la miséricorde

Projet 2 - méditation 

J'ose reprendre ici et compléter tout en lui faisant hommage quelques idées de mon curé le père Vital dans son message dominical aux paroissiens de sainte Thérèse. Le mal, a sa manière, tente de fermer nos églises mais nous sommes invités à en ouvrir d'autres, des millions d'églises domestiques.

Saint Thomas a été invité à mettre sa main dans le côté ouvert et transpercé de celui qui est mort pour nous révéler l'amour. Nous sommes invités à notre tour à ouvrir notre cœur pour y laisser entrer Jésus.

Comme le rappelle Vital, à la consécration nous pouvons faire notre la prière de Thomas : «  Mon Seigneur et mon Dieu ».

Que nous soyons privé d'Eucharistie ne nous prive pas de sa présence. Nous avons reçu en nous le Christ. Il n'a pas disparu même si notre communion est ancienne. Il est là, flamme fragile, déposée en nos cœurs.
Soyons, comme le dit une très ancienne catéchèse les « porte-Christ » que nous devons être, réveillons en nous ce buisson ardent en disant à notre tour, au creux de notre prière intérieure : «  Mon Seigneur et mon Dieu ». Tu es là. Tu est « le chemin la vérité et la vie ». En ce dimanche de la miséricorde n'oublions pas d'ouvrir notre cœur à l'image de celui qui s'est laissé dépouiller (1) et transpercé. Il est vie...


« Puisses-tu avoir le visage dévoilé, grâce à une conscience pure, refléter la gloire du Seigneur, et marcher de gloire en gloire, dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(2)

(1) cf. https://www.revue-etudes.com/article/depouillement-francois-cassingena-trevedy-22587
(2) catéchèse de Jérusalem aux nouveaux baptisés

Nb : sur ce thème de la miséricorde voir aussi ma trilogie «  Humilité et miséricorde »

09 avril 2019

Prologue - Simone Weil

Comme le précise François Marxer, un texte a visiblement beaucoup  inspiré Simone Weil dans sa conversion :
« Amour m'a dit d'entrer, mon âme a reculé 
Pleine de poussière et péché.
Mais amour aux yeux vifs, en me voyant faiblir, 
De plus en plus, le seuil passé, 
Se rapprocha de moi et doucement s'enquit
Si quelque chose me manquait.

Un hôte, répondis-je, digne d'être ici.
Or, dit Amour, ce sera toi.
Moi, le sans-cœur, le très ingrat ? Oh mon aimé,
Je ne puis pas te regarder. 
Amour en souriant prit ma main il me dit :
Qui est donc fit les yeux sinon moi ?

Oui, mais j'ai souillé les miens, Seigneur.
Que ma honte s'en aille où elle a mérité.
Ne sais tu pas, dit Amour, qui a porté la faute ?
Lors, mon aimé, je veux servir.
Assieds toi, dit Amour, goûte ma nourriture.
Ainsi j'ai pris place et mangé. (1)

Ce poème mérite qu'on s'y arrête effectivement. Mais le plus surprenant nous dit F. Marxer c'est qu'il la conduit beaucoup plus loin, dans une juxtaposition créatrice et libérante entre joie et malheur, présence et silence jusqu'à cet étonnant Prologue que je vous invite à méditer :

« Il entra dans ma chambre et dit : « Misérable qui ne comprend rien, qui ne sait rien. Viens avec moi et je t'enseignerai des choses dont tu ne te doutes pas ». Je le suivis. Il m'emmena dans une église. Elle était neuve et laide. Il me conduisit en face de l'autel et me dit : « Agenouille-toi. » Je lui dis. « Je n'ai pas été baptisé. » Il dit : « Tombe à genoux devant ce lieu avec amour comme devant le lieu où existe la vérité. » J'obéis.
Il me fit sortir et monter jusqu'à une mansarde  d'où l'on voyait par la fenêtre ouverte toute la ville, quelques échafaudages de bois, le fleuve où l'on déchargeait des bateaux. Il me fit asseoir.
Nous étions seuls. Il parla. Parfois quelqu'un entrait, se mêlait à la conversation, puis partait. 
Ce n'était plus l'hiver. Ce n'était pas encore le printemps. Les branches des arbres étaient nues, sans bourgeons, dans un air froid et plein de soleil.
La lumière montait, resplendissait, diminuait, puis les étoiles et la lune entraient par la fenêtre. Puis de nouveau l'aurore montait.
Parfois il se taisait, tirait d'un placard un pain, et nous le partagions. Ce pain avait vraiment le goût du pain. Je n'ai jamais plus retrouvé ce goût. Il me versait ce verset du vin qui avait le goût du soleil et de la terre où était bâtie cette cité.
Parfois nous étendions sur le plancher de la mansarde, et la douceur du sommeil descendait sur moi. Puis je me réveillais et je buvais la lumière du soleil.
Il m'avait promis un enseignement, mais il ne m'enseigna rien. Nous causions de toutes sortes de choses, à bâtons rompus, comme font de vieux amis.
Un jour il me dit : « Maintenant va-t'en. » Je tombait à genoux, j'embrassai ces jambes, je le suppliai de ne pas me chasser. Mais il me jeta dans l'escalier. Je le descendis sans rien savoir, le cœur comme en morceaux. Je marchai dans les rues. Puis je m'aperçus que je ne savais pas du tout où se trouvait cette maison.
Je n'ai jamais essayé de la retrouver. Je comprenais qu'il était venu me chercher par erreur. Ma place n'était pas dans cette mansarde. Elle est n'importe où, dans un cachot de prison, dans un de ces salons bourgeois plein de bibelots et de peluches rouges, dans une salle d'attente de gare. N'importe où mais pas dans cette mansarde.
Je ne peux pas m'empêcher quelquefois, avec crainte et remords, de me répéter un peu de ce qu'il m'a dit. Comment savoir si je me rappelle exactement ? Il n'est pas là pour me le dire.
Je sais bien qu'il ne m'aime pas. Comment pourrait-il m'aimer ? Et pourtant au fond de moi quelque chose, un point de moi-même, ne peut pas s'empêcher de penser en tremblant de peur que peut-être, malgré tout il m'aime ».(2)

Qu'en est-il ? Une fable ? Une histoire intemporelle ? Ceux qui ont eu la joie de lire le livre longtemps cité ici de François Cassingena-Trévédy (Pour toi quand tu pries) auront-ils peut-être comme moi cette clé particulière d'interprétation qui voit dans « la mansarde » l'évocation de la chambre intérieure où Dieu se glisse et nous séduit avant de laisser en nous pleine liberté et responsabilité. Notre auteur ne pense pas différemment : «  Prologue est une fable, une fable mystique, authentiquement, qui fait parler, qui déverrouille et engendre notre parole à nous, lecteurs, car loin d'être un témoignage autobiographique de Simone - avez-vous remarqué le : « je ne suis pas baptisé… » au masculin, neutralisé en quelque sorte ? – Cette fable, en faisant jouer les facettes des symboles, me révèle, dans la condensation de cette trajectoire, les profondeurs et les abîmes, joie et malheur mêlés, de ma destinée, de tout destinée humaine ». (3)

(1) George Herbert, Love, traduction de J. Mambrino, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 194
(2) Simone Weil, Prologue, Œuvres p. 806-807, cité par Marxer, ibid. p. 200sq
(3) Marxer, ibid. p. 202

09 novembre 2018

Au fil de Jean 2, 21 - Le temple des pierres vivantes - Augustin d’Hippone


« Le Temple dont il parlait, c'était son corps » Jn 2, 21

La fête de la basilique du Latran nous interpelle. Car l'enjeu n'est pas de contempler des pierres, mais l'Église. Et qu'est-ce que l'Église si ce n'est d'abord le Christ et à sa suite les pierres vivantes que nous sommes ?
L’Église n’est pas résumée par sa hiérarchie. Elle a, dans son essence, une dimension polyèdrique, faite d’hommes et de femmes, joyeux et souffrants, serviteurs et pècheurs.
Comme le souligne Augustin toute œuvre humaine est fragile et nous ne cessons d'en voir les limites.
« Le vrai temple, le corps du Seigneur, est tombé aussi, mais il s'est relevé, et si bien relevé qu'il ne pourra jamais plus tomber…
Et nos corps à nous ? Ils sont membres du Christ. Écoutez saint Paul : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » (1 Co 6,15) Lorsqu'il dit : « Vos corps sont les membres du Christ », qu'est-ce à dire, sinon que nos corps, joints à notre tête qui est le Christ (Col 1,18), font ensemble un temple unique, le temple de Dieu ? Avec le corps du Christ, nos corps sont ce temple… Laissez-vous construire dans l'unité, pour ne pas tomber en ruine en restant séparés ». (1)
Quelle est cette unité si ce n'est de se tourner à nouveau vers la source ?
A nous d'écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, en éponge ou anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2).
À nous d'effectuer cette plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin. Et nos pierres mortes tressailliront dans l'intase (3) d'un Dieu dont nous sommes temple.
« Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux,
car cette eau vient du sanctuaire.
Les fruits seront une nourriture,
et les feuilles un remède. » Ez 47, 12
L’intase dont nous parle le cappadocien est cet inhabitation de Dieu en nous, ce courant d’air dont nous sommes la demeure fugace.
Laissons le entrer en nous, illuminer nos temples, comme les bougies de nos églises.



(1) Saint Augustin, Sermon Morin n°3, 4 ; PLS 2, 664 (trad. Solesmes, Lectionnaire, t. 3, p. 916 rev.)
(2) cf. François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, p. 188ss, mais aussi ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.
(3) Cf. Grégoire de Nysse ou la course infinie, op. cit.


11 octobre 2018

Une argile dans la main de Dieu

« Une argile dans la main de Dieu ». Cette expression d'Hans Urs von Balthasar (1) me laisse rêveur. Son propos vient d'une médiation de l'œuvre de la Parole en nous et de cette interaction salvatrice du Verbe qui nous empêche toujours de sombrer dans l'autosuffisance.
Elle est en nous et n'est pas nous. Plus intérieure que notre raison et nos émotions, plus essentielle et libre aussi. Elle réveille en nous le coeur, frappe à notre porte dans le silence, courant d'air disait François Cassingena-Trévédy. Nous ne pouvons l'enfermer dans nos concepts. Et en même temps elle nous modèle, nous malaxe à la mesure de notre manducation.

(1) in La prière contemplative, op. cit. p. 35

20 juin 2018

L'amour est en toi -10 - Saint Augustin

Pour que la semence prenne chair,  il nous faut fermer la porte à toutes les mauvaises herbes.  C'est l'enjeu compliqué de toutes vie intérieure. En écho au livre de François Cassingena Trévédy longuement commenté ici on peut entendre les propos d'Augustin :
«Jésus dit : « Quand tu pries, entre dans ta chambre ». Quelle est cette chambre sinon le cœur, comme l'indique le psaume où il est écrit : « Ce que vous dites dans votre cœur, regrettez-le dans votre chambre » (Ps 4,5 Vulg). Et, dit-il, « après avoir fermé la porte, prie ton Père dans le secret ». Il ne suffit pas d'entrer dans sa chambre, si la porte reste ouverte aux gens indiscrets : les futilités du dehors s'introduisent furtivement par cette porte et envahissent l'intérieur. Les faits passagers et tangibles pénètrent par la porte, dans nos pensées ; c'est-à-dire une foule de vains fantasmes entre par nos sens et troublent notre prière. Il faut donc fermer la porte, ce qui veut dire résister aux sens, afin qu'une prière toute spirituelle monte jusqu'au Père, jaillie du creux de notre cœur où nous prions le Père dans le secret. « Et votre Père, qui voit dans le secret, te le revaudra »… Le Seigneur n'a pas l'intention de nous recommander de prier mais de nous apprendre comment prier. De même plus haut il ne nous recommandait pas l'aumône, mais l'esprit dans lequel il faut faire l'aumône. Il exige la pureté du cœur que l'on peut obtenir seulement par une intention unique et simple, orientée sur la vie éternelle par un amour de la sagesse unique et pur. (1)

(1) Saint Augustin, Explication du Sermon sur la montagne, 3, 11 (trad. coll. Pères dans la foi, n°5, p. 94 rev.) Source Évangile au quotidien
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04 décembre 2017

Rite et intériorité

Deux très belles pages de Christoph Théobald (1) sur le risque très moderne d'une course vers le faire, d'un zapping continuel jusque dans nos temps spirituels et nos rites. Aller à la messe ne sert à rien si nous ne prenons pas le temps du « recueillement » véritable, de cette cueillette des biens reçus à relire dans nos vies. La rencontre de Dieu ne se programme pas. Elle n'est pas le fruit de pratiques et de zèle, elle est don gratuit, surprise, tressaillement (2).
Théobald rejoint ici la quête de François Cassingena-Trévédy déjà décrite dans ces pages. Face au mendiant d'amour toutes nos stratégies échouent. Seuls l'humilité souvent inaccessible et le décentrement laissent place à ce que Christoph Théobald appelle le « miracle », le moment fugace de la brise.

(1) Christoph Théobald , Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 398sq
(2) cf. sur ce point ma deuxième édition du Mendiant et la brise, où j'ai ajouté une petite méditation très personnelle sur le tressaillement...

26 octobre 2017

Intimité de Dieu - Tressaillement 5

« La foi proprement christique donne accès à l'intimité de Dieu (...) une expérience spirituelle voire mystique » (1)
C'est en effet au coeur de ce tourbillon de la foi que l'homme entre en dialogue avec l'inouï de Dieu. « Dieu ne nous veut pas seulement face à lui, comme dans le Coran (...) Il nous donne accès à Son Intimité, à Son intériorité abyssale, puisqu'il y est déjà »(2)

On entre en écho avec les propos de François Cassingena-Trévédy sur l'intériorité commenté plus haut. Mais Christoph Théobald évoque aussi ce qui est divin en nous. Une manière de nous faire entrer dans la danse...

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 156
(2) ibid.

24 septembre 2017

Me voici - Hinnêni

Il est sublime et à la fois peu étonnant que François Cassingena-Trévédy termine son livre par la rencontre mutuelle du "Je suis" divin et du "me voici" humain. Pas étonnant non plus qu'il évoque aussi la thèse de Lévinas sur le sujet dans Être et Infini.
Par rapport à mes propres recherches publiées dans J'ai soif, puis dans ma lecture de Gn (1) je rajouterais seulement, sur la pointe des pieds, le cri lancé par Dieu à l'homme dans Gn 3 qui fait écho au cri fréquent de l'homme à Dieu dans la souffrance : "où es-tu ?" Ce cri des recherches réciproques résume le drame des liens entre l'homme et Dieu, ils contribuent au chiasme dont l'unique centre résonne dans la nudité du "moi je suis" du Christ en croix.

Sans parler du parallèle entre ouk eimi / ego eimi en Jn 18 où Pierre nous conduit dans le "je ne suis pas" quand Jésus crie son "moi je suis".

Notre prière est acculée au décentrement final d'un je suis faible, d'une mise à nu où le "qui suis-je?" de Job n'est pas loin.

(1) Lire l'ancien testament, tome 1

23 septembre 2017

Le silence du fleuve

Après nous avoir vanté la bernique, l'éponge et l'anémone comme autant de symbolique d'orants, après nous avoir invité à être Ichtus (poisson/chrétiens) mettant Christus au centre (cf. AbCBA), voici que François Cassingena-Trévédy(1) nous exhorte à écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, éponge et anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2)

vitrail de la basilique d’Issoudun


(1) op. cit. p. 188ss
(2) cf. là encore ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.

22 septembre 2017

Approche neuronale de l'Écriture

Une autre belle métaphore de François Cassingena-Trévédy(1) nous parle des synapses dans la lecture biblique. De fait, la lente manducation des textes conduit sans arrêt à de nouveaux rapprochements tous porteur de sens.
Une lecture spirituelle de l'Écriiture est-elle différente d'une  plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin ?
Et ces croisements qui éclairent la Parole, ne peuvent ils pas être comparés à ces flash électriques des neurones de notre cerveau qui s'activent soudain devant la lumière de la vérité ?

(1) op. cit. p. 180

20 septembre 2017

La danse trinitaire - 7ss - François Cassingena-Trévédy

Je ne résiste pas à citer toute cette page de François Cassingena-Trévédy qui pourrait être un bon résumé de mon livre éponyme...
"Nous sommes assistés (...) Nous assistons à l'Échange, à ces Trois qui Se passent et Se disent en nous ? Certes nous sommes habités, mais nous sommes aussi emportés ; emportés dans la circulation, dans le dynamisme vertigineux de l'Échange. Car si nous tenons de Dieu "la vie, le mouvement et l'être " (Actes 17, 28), c'est que Dieu est en lui-même non seulement la Vie et l'Existant, mais le Mouvement. (...) une mobilité vertigineuse, celle de la vie même (...) excès d'infini. Ce Mouvement, c'est l'intimité trinitaire elle-même, l'Échange vertigineux et infini du Père, du Fils et de l'Esprit ; en un mot, c'est la Circumincession des Personnes (...) la Dynamis (...) auquel nous n'assistons pas seulement, mais nous sommes emportés dans une Danse, un Mouvement dont la vitesse vertigineuse se mesure, si l'on peut dire en années-lumières" (1)
Le moine de Ligugé continue plus loin en parlant de systole - phase ascendante de ce "grand Mouvement dans lequel nous sommes emportés", mais évoque aussi une phase descendante, une diastole où le Père nous donne, nous confie au Fils, qui nous donne à l'Esprit. On a là le mouvement intérieur propre à Jean qui va de Jn 1 à 6,44, 10,29 puis à 17,26 jusqu'à cette interprétation d'Irénée qui voit dans le geste du bon samaritain celui du Fils qui donne l'homme souffrant à l'Esprit (2)

(1) François Cassingena-Trévédy, op. cit. p. 142
(2) Irénée de Lyon, AH III, 17, 3 SC 211 p.337 Cité par François Cassingena-Trévédy op. cit. p. 146

18 septembre 2017

Le lieu-dit de Dieu

Voir l'homme comme le "lieu-dit de Dieu"(1), comme le lieu où s'échangent les kénoses intra-trinitaires. N'est-ce pas à la fois osé et lumineux de la part de François Cassigena-Trévédy d'affirmer cela.
Et pourtant j'y retrouve, dit autrement, tout ce que j'ai décrit, à la suite de Hans Urs von Balthasar et des pères de l'Église sur la circumincession et la danse trinitaire.

Le tressaillement de l'homme priant n'est-il pas la rencontre ultime de l'homme et de Dieu ? N'est-ce pas ce chant des anges que perçoit Élie sur la montagne quand il parvient à faire silence et entendre son murmure (1 Rois 19) ?
Dire que l'homme priant est le temple où Dieu vient danser, c'est percevoir l'enjeu même de l'incarnation, de cette source intérieure d'où tout peu jaillir.
En parlant de "danse" les propos de François Cassingena-Trévédy ne font que confirmer mon intuition largement étalée dans ce blog (2). Il va même un cran plus loin en lui donnant une dimension montante et descendante. La danse auquel Dieu nous invite est bien trinitaire (3)

(1) François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, op. Cit. p. 141
(2) cf. aussi mon livre éponyme repris dans "sur les pas de Jean"
(3) FCT ibid. p. 142ss

16 septembre 2017

AbCbA

Il y a souvent dans l'Écriture une structure littéraire que l'on appelle "forme concentrique" ou chiasme. Elle se constitue par la répétition d'une formule a et b en b' et a'.
Et au centre, se trouve la phrase C, sommet du discours.
En lisant les pages de François Cassingena-Trévédy (1) sur le père et la prière qui se concentre sur l'ABBA j'entre-aperçois au centre, la déchirure du Père. Souffrance intérieure, kénose du Père au sens souligné par Hans Urs von Balthasar qui voit dans le silence de Dieu la place du Fils. L'ABBA que nous prions est déchiré dans un chiasme tragique pour qu'apparaisse le Christ. AbCbA et tout est dit, si le vent de l'Esprit nous ouvre au mystère.
Prier le Père par le Fils, c'est vivre dans la danse trinitaire, jusqu'à pouvoir dire avec Paul, "ce nest plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". (Ga 2, 20)
(1) op. cit p. 132ss