29 décembre 2020

Danse tragique - billet n. 24

Que pouvons-nous dire aujourd’hui, jour de la fête des saints innocents - dans un contexte actuel qui n’est pas beaucoup plus joyeux...?

Le massacre rapporté par le seul Matthieu nous ramène à cette contemplation d’un « Dieu nu » (1) devant la violence et la souffrance des hommes, d’un « Dieu à genoux devant l’homme » (2) y compris Judas.. d’un « Dieu dépouillé » (3) et fragile.

On peut relire Jérémie 31 qui évoque à la fois dans un même paragraphe « la jeune fille se réjouira dans la danse, » et «  Rachel qui pleure ses fils; (...) refuse de se laisser consoler au sujet de ses fils, car ils ne sont plus. » avant de glisser « Ainsi parle le SEIGNEUR: Cesse de sangloter, sèche tes larmes; car il y aura une récompense pour tes actions – déclaration du SEIGNEUR: ils reviendront du pays de l’ennemi.» Jérémie‬ ‭31:13-16‬ ‭

La logique de rétribution de Jérémie a ses limites et il nous faut écouter probablement la fin du livre de Job... Qui est tu pour comprendre ? Mais cela ne sèche pas les larmes de ceux qui sont affligés par le malheur. 

La petite espérance de Péguy est bien petite...

Le cri est nécessaire et ce n’est pas pour rien qu’il résonne dans un grand nombre de psaumes... Où es-tu mon Dieu ? (4)

Dans mon mémoire de licence, « quelle pastorale pour les souffrants ? » (5) je cherche à tracer, non des voix de réponse, mais des chemins d’accompagnement...‬‬


pour ces personnes, nombreuses, en manque d’espérance.

Plusieurs auteurs ont tracé des pistes sur ce chemin. Dans l’essai précité je joins la traduction inédite et fort interessante d’un texte de Karl Rahner. 

On peut citer une fois encore François Varillon avec son « beauté du monde, souffrance des hommes ».

On peut évoquer Hans Jonas, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié...(6) Elie Wiesel et bien d’autres...

On peut aussi rester dans le silence. Mais ce dernier est-il une fuite ? 

Comme celle de la Sainte Famille au désert ? Une fuite pour un plus grand bien ? 

Est-ce que Matthieu introduit ce récit en contemplation des massacres de 70 ?

La seule réponse possible est probablement dans la Croix, dans ce Dieu dépouillé et déchiré. Mais qui peut l’entendre ?


Si j’ai choisi ce thème de mémoire, c’est en entendant un jeune en préparation de son mariage me dire : «  quand je regarde le ciel, je me demande ce qu’il va encore m’envoyer comme malheur ». 

Nous sommes bien démunis...

On peut probablement se glisser intérieurement la question : suis-je complice de ce mal... ? Sans tomber, dans la culpabilité, car c’est le risque bien soulevé par Lytta Basset (7) 

Saint Thomas distingue le mal de faute du mal de peine... mais ne donne pas de solution.

On peut surtout, comme le fait Etty Hillesum se relever et dire « Dieu a besoin de nos mains »(8)

L’année dernière j’étais au chevet d’un ami prêtre - 93 ans, d’une vie donnée et malgré cela une grande souffrance physique et d’une certaine manière forcément spirituelle. Que faire à part un verre d’eau, une main posée sur un cœur meurtri... ?

N’oublions pas que l’Église est là. Elle l’est à Calculta (cf. La Croix d’aujourd’hui) en Grèce comme à Calais. Visages rayonnants d’une Église au service des souffrants...

Sur ce sujet impossible du mal de peine, je me trouve bien petit et suis toujours preneur d’avis...


(1) cf. ma recension du livre d’Arnold

 (2 à 5) cf. mes travaux de recherches éponymes téléchargeables sur Kobo, cf Http://chemin.blogspot.com 

(6) voir aussi dans mon mémoire un bel extrait sur ce thème d’une conférence donnée à Paris

(7) cf. notamment Je ne juge personne 

(8) lettre à Westerbroch in Une vie bouleversée

26 décembre 2020

Une danse instable et fragile - 23

« Ne crains pas...(Gn 15)

Mes yeux ont vu ton salut..

Ton âme sera traversée par un glaive... (Luc 2) »

Trois phrases tirées de la liturgie de la fête de la sainte  famille.  Et une apparente contradiction...

La suite du Christ est à la fois un lieu de paix intérieure et de souffrance extérieure. Lieu de combat au sens donné par Ignace dans ses deux étendards ?


La danse à laquelle j’ai trop fait allusion dans les pages précédentes n’est pas une danse de salon. Suivre le Christ n’est pas de tout repos, car le combat est là, à la fois intérieur et extérieur.


Intérieur car nous sommes toujours traversés par nos contradictions, notre incapacité à répondre à l’appel de « l’où es-tu » de Gn 3, faisant le mal que nous ne voulons pas faire (Rom 7) et incapable d’être amour comme Il est amour (1 Jn 2).


Le martyre d’Etienne (Actes 6&7) qui suit la nativité nous rappelle bien vite que le mal est aussi extérieur.


Et pourtant...

Et pourtant la petite espérance nous fait rêver d’un monde meilleur. 

La sainte famille n’est pas seulement le cocon douillet d’un couple béni par Dieu. Marcher à sa suite est pour nous toujours le lieu d’un combat intérieur et extérieur qui conduit à la victoire du Christ sur la mort.

C’est le terme final, ce royaume à venir, qui donne l’espérance du « ne crains pas... » et de ce « bouclier » (Gn 15) de la foi...(Heb 11).

La danse de Dieu est un dépouillement, une fuite, un combat, une foi (cf. Heb 11), un agir, une victoire.


C’est grâce à la foi que nous pouvons avancer..


Laissons nous conduire par Celui qui vient nous visiter, ouvre le chemin. Si sa mère sera transpercée d’un glaive elle sera la première sur la route à mériter le rang d’apôtre. De sa douleur jaillira une descendance. 

Et la mémoire du glaive qu’elle partage avec des générations de souffrants sera signe et chemin.





« Maintenant je peux m’en aller car mes yeux ont vu le salut... » 

Le salut est au bout d’un long chemin...

Dieu avec nous... Il nous porte...

Viens nous visiter... 



25 décembre 2020

De la paille à la poutre ? - danse 22


Il est né sur la paille et mort sur une poutre...

Si l’histoire de la crèche est contestée, la puissance de la lecture spirituelle de la naissance, racontée par Luc ne déroge pas avec l’ensemble du message de l’évangéliste.




Premier et ultime clin d’œil d’une vie pour dénoncer l’erreur d’une loi hypocrite ou le jugement hâtif du frère du fils prodigue ? (Luc 15).

Il y a un lien à contempler entre cette paille qui accueille le tout petit et ce bois qui supporte le crucifié. Ce lien c’est la chair nue, exposée de celui qui refuse tout égard, toute première place, pour se dénuder dans le service de ses frères (Jn 13) et le don inouï d’une vie offerte. 

Quel chemin entre le Dieu rêvé des premières théophanies de l’Exode (cf. Ex 19) et celui de la crèche. Alors qu’on y voyait trompettes et métaux précieux et qu’on rêvait d’un Dieu du tonnerre voici un Dieu nu exposé et rejeté... fui et trahi... fragile et crucifié...

Depuis le premier jour jusqu’au dernier...il est un Dieu qui se fait petit... pour dénoncer nos rêves de grandeur.

Tout ça pour quoi ?

Pour nous conduire au delà de la paille du voisin, la poutre de notre oeil ?  Si nous cherchons un Dieu puissant nous faisons fausse route. La puissance de Dieu se révèle dans la faiblesse... (cf. 2 Co 12).

Quel est le sens de cette nuit ?

Pourquoi pouvons nous danser de joie ? 


La naissance de Dieu homme est nouvelle naissance...

Il vient habiter l’homme et transformer son cœur...

Ne sommes-nous pas parfois l’aubergiste qui rejette la jeune fille enceinte, le pharisien devant la femme adultère (Jn 8.) celui qui cherche la paille et oublie la poutre...(cf. Lc 6, Mt 5), repousse l’étranger ou le lépreux de notre entourage.

A chaque fois que notre cœur se durcit nous oublions que le chemin n’est pas écrit à coup de burin dans le marbre d’une loi immuable, mais avec le cœur et au cœur de l’homme grâce à une paille sur le sable par un Dieu à genoux devant l’homme, qui ne veut que l’amour...

Que celui qui n’a pas péché jette la première pierre...(Jn 8.) 


C’est ce peut-être ce Dieu là ce que nous contemplons cette nuit. 

Dieu fragile...

La crèche n’est que la clé de sol d’une symphonie trinitaire. 

- Celle d’un Dieu qui renonce à toute manifestation de puissance pour nous dévoiler l’amour...

- Celle d’un Fils qui consent à tout pour tracer un autre chemin que la loi hautaine et méprisante des hypocrites.

- Celle d’un Esprit qui se fait fragile pour tracer en nos cœurs un chemin d’humanité.

Prenons conscience de nos poutres érigées à tort, de nos condamnations trop rapides pour percevoir que l’amour est miséricorde et pardon...

Vous voulez comme David des signes et des rois, des maisons et des institutions ?

Il ne vous sera donné que le signe de Jonas. Un prophète qui se fait petit...

Un petit d’homme couché sur un lit de paille et mort sur une poutre, pour que nos violences soient réduites à néant, nos jugements hâtifs et hypocrites balayés comme les feuilles au vent, nos quêtes de puissance réduites à un chemin d’humilité.

Le Dieu de la crèche et de la Croix est un Dieu à genoux...

Et la danse des trois personnes n’a qu’une direction, celle de nous inviter à la miséricorde et l’humilité...

Il est le chemin, la vérité et la vie...

Le Verbe s’est fait chair fragile parmi nous pour retourner nos cœurs de pierre en coeur de chair.

Le verbe est là - aujourd’hui - présence discrète, démunie, qui invite à l’amour.

Joie des cœurs simples. Danse des anges

Noël

24 décembre 2020

Les noces éternelles ? - danse 21


Il y avait la rencontre à Mambré, la femme stérile qui sourit à l’annonce de sa fécondité...puis toutes ces histoires de puits et de rencontres, d’eau et de noces...

Puis tout s’est transformé en désert 

Les ossements sont desséchés 

La voix du dernier serviteur au Temple s’est tu...

Fin d’un cycle

Hiver..


Nous sommes au samedi saint de Noël, l’heure où la nuit devient épaisse, les étoiles s’éteignent.


La danse de Dieu n’est pas une valse viennoise, elle va de renoncements en renoncements, de fuite en agenouillements...


Comme le suggérait Joseph Moingt à propos du samedi saint, c’est l’heure où il faut écouter les pleurs du monde, visiter les solitudes, être attentifs à la terre qui crie son désespoir...


Dieu viens visiter nos silences...


Et si toutes ces épousailles ne tendaient qu’à une rencontre sublime et discrète, au creux du silence et de nos nuits....


Nouvelles noces, qui chez Luc résonnent avec celles de Cana chez Jean....

A la fiancée qui attend son époux sur une terre désertée Dieu vient comblée la soif...


Demain s’approche la nouvelle alliance...

Nouvelles noces qui se préparent, celle de Dieu en l’homme, celle d’une femme qui ouvre son cœur et prépare son corps à la douleur d’un enfantement difficile, aux noces éternelles et tragiques de l’humain et du divin.


Ici nul artifice, pas d’autres trompettes que celles des anges aux bergers. C’est auprès des rejetés, des bannis que Dieu se met à nu. C’est dans une mangeoire pour animaux impurs, qu’il est déposé le tout petit. Et sa nudité est déjà le signe d’un autre repas, d’une autre nudité, celle d’un corps offert aux coups et aux rejets...


C’est auprès des exclus, des sans abris et des migrants qu’il reviendrait celui que nous espérons dans nos maisons douillettes. 


« Allons-nous tromper nos inquiétudes secrètes et insulter à la gravité du drame contemporain avec ce Noël que nous avons rendu si petit en le farcissant de nos bavardages et de nos mangeailles, au lieu qu’il faudrait nous taire, sortir à la bonne étoile (...) qu’avons nous fait de cette joie pour tout le peuple ? » (1)


Dieu parmi nous, avec nous...?

Que soit béni le tout petit...


Il n’est petit et nu que s’il nous fait retrouver la nudité première. Tombons-nous nos habits de fêtes (Ex 33, 3) pour nous soucier que cette joie soit bien pour tous ? 


Question que je me pose à moi-même car elle ne peut être posée à autrui que dans le silence du cœur. 


Nous sommes pris dans le tourbillon de nos cultures. La danse de Dieu est ailleurs, dans une frugalité et une modération qu’il ne faut pas occulter...


(1) François Cassingena-Trévedy La voix contagieuse, p. 23

23 décembre 2020

Tressaillement et danse - 20

 



« L'enfant a tressailli... »

Que dire quand on est homme et que jamais l'enfant n’a en nous manifesté sa présence ? Peut-on en être jaloux ? 😉 

Il y a pourtant des tressaillements intérieurs, des caresses de Dieu qui nous réveillent et nous font pressentir cela...

Signes discrets d’un Dieu qui vient se révéler à nous dans le silence ?

Signes plus tangibles quand la Parole fait vibrer en nous le mystère....

On devrait peut-être même aller plus loin et glisser sur la pointe des pieds que lorsqu'il nous a été donné de communier au corps et au sang du Christ, nous devenons à notre tour capables de ces « tressaillements » de Dieu en nous. 

Capax dei !

Est-ce ce que suggère François Varillon quand il dit que Dieu vient diviniser ce que nous avons humanisé ? (1)

J’ai du mal avec le mot diviniser, qui nous vient d’Irenée, mais c’est peut-être là qu’il prend chair, dans ce tressaillement intérieur dû à l’inhabitation fugace du Verbe en l’homme...

Alors nous pouvons faire nôtre le magnificat. Car nous entrons à notre tour dans cette danse trinitaire à laquelle le "fiat" marial nous a invités. 


« Heureuse celle qui a cru... » On entend déjà résonner à nos oreilles le chant des béatitudes et notre cœur devrait lui aussi bondir d'allégresse, car, en ce jour de la visitation, l'Église rentre dans la fête et la danse du peuple de Dieu. Après des siècles d’attente, après le désert, l'exil et la peine, la bonne nouvelle d'un Dieu parmi nous devrait nous envahir. Dieu a entendu son peuple et lui a donné un sauveur...

« L'enfant a tressailli... » 

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ».... (Luc 1, 47)


Ce chant m’habite, habite aussi mes joies, même les plus intérieures. Il prend sa source dans les chants de l’AT et devient signe de nos espérances... il relève les humbles...


Que Dieu tressaille en nous à l’aube du mystère...


(1) cf. Joie de croire, joie de vivre

PS : extrait complété de mon « Chemins de miséricorde »

Voir aussi « la danse intérieure »

La visitation - peinture de ma soeur, L. Franc (c)

19 décembre 2020

De l’agenouillement au relèvement ? - danse 19

Il y a une ligne ténue à ne pas franchir entre agenouillement et sacrifice, humilité et soumission et il ne faut pas tomber dans cet excès fréquent qui fait que tout s’effondre dans l’asservissement. il ne faudrait pas interpréter mon billet 18 dans le mauvais sens. 

La clé est complexe à comprendre. C’est peut-être dans une dynamique conjugale qu’elle s’éclaire le mieux. L’échange sacramentel se dit dans un seul sens, je te reçois et je me donne à toi. 


L’interprétation d’Ephesiens 5 cristallise cette difficulté. Loin d’une soumission délétère de la femme à l’homme c’est dans la compréhension de la réciprocité essentielle qui fait que l’homme est invité au don total de sa vie, comme le Christ, que la logique de l’auteur de l’épître peut être acceptable.



Mais on néglige trop souvent cette réciprocité et l’on sombre alors dans l’asservissement.


Il faut concevoir les choses comme deux tours moyenâgeuses. Deux tours où le dialogue ne se fait pas parce que nos carapaces humaines sont coriaces. On peut s’envoyer des flèches ou des fleurs du haut de la tour, on n’atteindra pas l’autre. L'enjeu est dans cette "descente de tour", où l’on atteint le même niveau de vérité que celui évoqué dans Gn 2,25. 

Etre nu devant l'autre et ne pas en avoir honte. 

S'exposer dans la nudité de celui qui ose s’agenouiller, perdre sa superbe, demander pardon, entrer dans le déssaisissement pour que le dialogue et la réciprocité se fasse. 

Le dépouillement du Christ que nous contemplons à la crèche, ce qu’on appelle kénose, n’est finalement que le premier pas de danse. C’est quand la magie de la réciprocité se fait que la danse devient joie, symphonie, partage, une seule chair, un seul corps.... avec un grand C au bout du voyage. Mais je résume trop ici ce que je développe en plusieurs centaines de page ici... 

https://kobo.com/fr-FR/ebook/aimer-pour-la-vie

Peut-être est-ce Philippiens 2 auquel on doit revenir pour saisir que l’agenouillement est la clé du « c’est pourquoi Dieu lui a donné le nom de Dieu sauve ».

Ce n’est qu’à ce prix que le lavement des pieds du Christ, en Jn 13, est le premier geste ecclésial et sublime du Christ car il devient, loin de tout « cléricalisme », la clé centrale d’interprétation de Jean 15, 15 : je ne fais pas de vous des serviteurs mais des amis... :


« 12 Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. »

D’agenouillements en agenouillements - danse 18

« Le Seigneur est avec toi... »

C’est le point commun entre la première lecture et l’Evangile de ce dimanche... cela peut être aussi le point de départ d’une méditation.

Laissons nous assez de place dans nos vies pour le Seigneur ?

Dans le livre de Samuel, nous voyons David désireux de construire une maison pour lui. Mais Nathan l’en dissuade. Pourquoi ? 

Il y a de nombreuses manières de faire une place à Dieu dans nos vies. On peut le vénérer dans une église, dire qu’il est là dans le tabernacle et parfois l’oublier en sortant. Après David, Salomon construira un temple, mais oubliera son Dieu et construira d’autres lieux de culte aux petits dieux de ses épouses.

Nous allons aussi faire de belles crèches, cacher le petit Jésus puis essayer de retrouver sa cachette le jour de Noël... mais l’Avent n’est peut-être pas là 😉

L’avent consiste à creuser en nos cœurs la place auquel le Seigneur a droit... Quelle place exactement ?

Suivre Marie, dans son humanité ? Elle est la première en chemin... Elle s’est préparée et devient signe pour nous... 

Si l’ange vient la visiter, c’est probablement parce qu’elle a creusé en son cœur ce qui lui permettra d’accueillir la venue de Dieu....

Comme Zachée à qui Jesus dit « descend, je veux demeurer chez toi » ouvrons, nous aussi, nos cœurs à ce Dieu qui vient nous visiter. Faisons un temple de nos corps, une crèche toute intérieure...

Creusons en nous cette vallée intérieure où Dieu peut venir. Entrons dans le silence, fuyons un instant la course fébrile des Noels païens pour nous rendre disponible à la venue de Dieu...

Comme l’ange d’Arcabas qui s’agenouille devant Marie, contemplons  cette préparation toute particulière d’une femme choisie par Dieu pour recevoir Dieu en son corps. Sa crainte, sa réponse est chemin pour nous.

À notre tour, préparons-nous à devenir temple. Disons à la suite de Marie, « comment cela peut-il se faire que tu daignes me visiter », « mais dit seulement une parole » et j’ouvrirai ma porte, à nouveau, à ta présence.

Jésus Christ est le mystère gardé depuis l’origine nous dit Paul... le mot mystère en grec est plus vaste que le petit Jésus caché pour Noël... 

Prenons le temps d’ouvrir nos cœurs à cette descente toute particulière de Jésus en nous, pour répondre à la suite de Marie, « Fiat »... qu’il soit fait en moi comme le demande ton Verbe, un temple digne ta présence. 

Si l’ange d’Arcabas se met à genoux, ce n’est pas pour rien. Jésus à sa suite, se mettra à genoux devant l’homme le soir de sa Passion, comme l’ont fait les Marie de l’Evangile(1). S’il se met à genoux, c’est peut-être en réponse à tous les agenouillements intérieurs des femmes et des hommes de l’Ancien et du Nouveau testament. La théophanie de Luc ne déroge pas, en effet, aux schémas littéraires de toutes les théophanies de l’Ancien Testament. Elle prépare la venue en nous d’un Dieu à genoux. 

C’est pour moi une danse inachevée entre l’homme et Dieu, une danse humble et fragile... une réciprocité dans l’agenouillement. 

Viens Seigneur, je t’attends... à genoux. Non dans un agenouillement servil, mais parce que le premier, tu te fais petit pour nous visiter.

(1) raccourci criticable  inspiré par Berulle qui voit une seule femme dans les trois femmes au pied de Jésus 

PS : J’ose soumettre ici à votre sagacité le texte de mon homélie de dimanche, issue de nos discussions toujours fructueuses en « Maison d’Evangile » cf. https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/

Comme toujours, un accouchement difficile.

PS2 : le titre de danse 18, fait allusion à de nombreux billets publiés ici, mais aussi, plus qu’ailleurs, à mes deux essais déjà évoqués « La danse trinitaire » et « à genoux devant l’homme » disponibles gratuitement sur Kobo/Fnac cf. Ci dessous 

17 décembre 2020

Une nouvelle symphonie ? Danse 17

Je termine ma lecture commentée de « Dieu est nu » en étant quelque peu bouleversé par cette exhortation vers ce que j’appellerais volontiers une révolution humble (kénotique). Qu’est-ce à dire ? Il nous faut trouver de nouveaux moyens de faire Église dit en substance Arnold alors que nos institutions s’enferment dans des impasses... 

Mais quelles sont ces impasses qui expliquent qu’elles ne portent plus les fruits attendus et n’ont pas, en tout cas en Europe, la dynamique de l’universel ? 

Triomphalisme, enfermement, hyper-ritualisme, aveuglement, cléricalisme, inégalités, entre-soi, moralisme, distance ? 

Faut il quitter nos églises pour aller sur de nouveaux terrains périphériques, y compris numériques ? François est-il le seul, au sein de notre hiérarchie, à entendre l’enjeu de cette révolution ?

« Comment faire une pause dans le tourbillon égolâtre et marcher l’un vers l’autre, partager secret, louange et service au lieu du mortel égoportrait ? Il faut croire en une visitation numérique possible qui subvertisse l’individualisme...» nous dit Arnold (P. 255(1)

Qu’est-ce à dire ? Nos institutions ont-elles tué à ce point le dialogue véritable qu’il faille repenser le vivre ensemble autrement ?

« Nous ne sommes plus appelés à jouer un rôle de soliste ou d’élite, mais de partenaires sur pied d’égalité, en y incluant, bien sûr, la légitime et nécessaire divergence de la communauté bigarrée du réél.  (...) troquer l’imposition unilatérale pour l’osmose et la commensalité qui recréent symphoniquement le monde, comme dans la rencontre entre Marie et Elisabeth... (257). 

J’ai moi même creusé longuement ce sujet dans mon essai « pastorale du seuil ». Arnold va plus loin...

Aller vers l’étranger ? Jusqu’au bout du renoncement à l’entre-soi comme ces nouveaux missionnaires qui partent à la périphérie du monde, jusqu’au camp de migrants, pour y trouver le visage du Christ...(cf. l’interpellation de Moria sur KTO lundi (2).

Tous frères ? Sommes nous capables de l’affirmer, de le vivre ? Comment vivons-nous le « Fratelli Tutti » ?

L’unique étranger c’est Dieu (...) celui qui se met dans l’ombre pour que nous puissions « devenir ensemble ». (P. 257)

« Jésus s’identifie à l’étranger (...) pour que nous soyons tous citoyens du même monde trinitaire (258) ». Claire allusion à Mat. 25...


Encore faut-il renoncer au confort du discours, du penser, pour avancer dans l’agir...


J’ajoute sur la pointe des pieds, m’en sentant peu digne : Viens un temps où l’Epoux parti, ils jeûneront et quittant le confort des bastions établis, oseront aller vers les périphéries...


Le plus dur est peut-être le premier pas...je discutais hier avec mon frère qui parle d’une explosion de bénévoles dans son association... au service des plus démunis. La crise va-t-elle réveiller le monde endormi et aider chacun à trouver l’appel de l’Infini vers l’étranger....


(1) Simon Pierre Arnold, Dieu est nu, op. cit.

(2) https://youtu.be/nU2vdbHN-cI

05 décembre 2020

Homélie du 6/12 - 2eme dimanche de l’avent - année B

 Quel est finalement ce qui fait le lien entre les textes de ce dimanche ? 


Il y a en fait deux sortes de montagnes, celles où l’on monte pour proclamer la Parole et les montagnes intérieures que l’homme s’érige loin de Dieu. Ne nous trompons pas de montée. L’évangile nous donne la clé de lecture en évoquant l’abaissement du prophète. Ce qui rend d’ailleurs difficile la place de celui qui doit monter au pupitre pour parler de la Parole divine....


Le risque est en effet d’oublier l’essentiel qui est le chemin même de l’avent. Dieu se révèle surtout dans la descente et nous rejoint dans l’humilité. C’est quand on perçoit cela que l’humilité du serviteur devient l’essentiel. Mais n’allons pas trop vite.


Isaïe ouvre une piste en évoquant la nécessité d’une conversion intérieure.


« Préparer / aplatissez les chemins du Seigneur ».


Qu’est ce à dire ?

Comment rendre plat ce qui est accidenté en nous.

J’entendais récemment un prêtre comparer les besoins dit essentiels que le gouvernement nous autorise à satisfaire avec ce qui semble in essentiel - la place de Dieu dans nos cœurs.


En ce temps de préparation de Noël attention au superflu... le plus grand risque est là.

Ne faisons pas une montagne du superflu.


Laissons-nous interpeller au contraire par cette demande particulière de la Parole, ce qu’elle creuse en nous.


Dans l’évangile de jeudi en Matthieu 7. On entendait déjà que « celui qui entend ma parole et la mets en actes... en pratique... bâtit sur le roc ».


Qu’est ce qui creuse en nous des sillons, « jusqu’au jointures » de l’âme (Heb 4, 12), change nos montagnes intérieures en vallées profondes si ce n’est cette Parole qui nous habite, nous pétrit de l’intérieur....


Le risque le plus fréquent est de détourner la Parole de Dieu à notre profit, de l’utiliser. C’est ce que fait le serpent au désert.


Non, aplanir nos montagnes, c’est se laisser travailler, déranger de l’intérieur par la Parole, jusqu’à l’humilité et la charité véritable.


Au point que tout d’un coup, comme Jean le Baptiste, malgré tout nos désirs de puissance, nos belles paroles, nous nous sentions petit, feuille balayée par le vent devant celui qui vient et dont nous ne sommes pas digne de dénouer les sandales. 


L’enjeu est dans cette humilité qui ouvre en nous un sillon pour que la Parole nous conduise à l’agir.


Nous ne sommes pas dignes...


Sans nous laisser pour autant envahir par la culpabilité... laissons la parole nous travailler de l’intérieur. 


« Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée !

Alors se révélera la gloire du Seigneur. »


Si l’on médite bien Isaïe on perçoit que c’est en creusant en nous un chemin qui s’ouvre à la Parole et à la charité que la gloire c’est-à-dire l’amour de Dieu se révèle 


En s’effaçant Jean laisse passer la lumière...


Paul ajoute dans son épître une petite phrase qui nous donne courage même si la route est longue 


« Dieu prend patience envers vous,

car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. »


Et pour cela, il vient nous re-visiter...

Il a aussi besoin de nos mains...


Laissons le nous envahir plutôt que d’être envahi par l’inutile. Préparons notre crèche intérieure.


Il vient.


Tout à l’heure il va nous visiter. En nous avançant vers l’autel faisons notre la Parole du Baptiste.


« je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. »


Je ne suis pas digne Seigneur mais dit seulement une Parole et je serai guéri...


17 novembre 2020

Incarnation et danse trinitaire - 10

L'évangile d'aujourd'hui (Zachée, Luc 19, 1-10) est aussi une belle image de l'incarnation. Comme le soulignent les Pères de l'Églis, le fait de descendre à Jéricho, qui se situe au-dessous du niveau de la mer et géographiquement très en dessous de Jérusalem, évoque un mouvement de Dieu vers l'homme, à l'inverse de la montée à Jérusalem. Non seulement Jésus descend à Jéricho, mais il invite Zachée à descendre lui aussi de son arbre (sa tour) pour se rendre chez « lui, au cœur de lui-même, dans sa maison et en vérité avec lui-même, dans le don de ses biens…

L'incarnation prend ici son sens plein, sa dynamique, à l'instar de cet « où es-tu ? » de Gn 3 où ce « J'ai soif » à lire entre les lignes en Jean 4 (la Samaritaine) où Jésus se met en attitude de demande.

Son « donne-moi à boire » résonne chez Jean, comme chez Luc dans un « j'ai soif de votre humanité» et rejoindra, ainsi le cri du Christ en croix, prononcé avant que ne jaillisse (encore chez Jean) de son sein le fleuve d'eau et de sang, comme un geyser d'amour qui inonde le monde.

Le verbe s'est fait chair, il désire d'un grand désir habiter parmi nous.

L'incarnation se conjugue en plusieurs couleurs dans le NT avec toujours cette dimension de descente et d'humilité si bien décrite par Paul en Ph. 2.

«Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus: bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers » Philippiens‬ ‭2:5-10‬ ‭

Cette descente de Dieu vers l'homme que l'on appelle kénose est aussi illustrée physiquement par l'agenouillement du Christ devant ses apôtres (Jean 13) tout en s'inscrivant en réponse à une série d'agenouillements que l'on peut contempler depuis Exode 3 - Retires tes sandales, jusqu'à la femme adultère au pied de Jésus, un Christ qui demande à boire ou s'abaisse en Jn 8 pour écrire sur le sol, mais aussi en pas de danse avec tous nos agenouillements jusqu'à celui de Marie de Bethanie à genoux aux pieds de Jésus en Jn 12, où celui sublime, d'Etty Hillesum.(1)

C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.

C'est pour moi au cœur de ce que j'appelle la danse trinitaire, une danse qui part de Dieu le Père et remonte à lui... une danse où Dieu nous invite.

Simon Pierre Arnold le dit aussi magnifiquement à sa manière : « l'abaissement trinitaire du Père dans le Fils et du Fils dans le monde par l'Esprit : tel est le sens absolu éternellement inachevé de l'Incarnation »(2). Et son commentaire d'un Dieu en manque de l'homme résonne avec cette dynamique trinitaire qui nous invite à sa danse (3).


Commentaire 2 :

« Notre Seigneur s'est hâté de lui faire quitter ce figuier desséché, son ancienne manière d'être, afin qu'il ne reste pas sourd. Pendant que flambait en lui l'amour de notre Seigneur, il a consumé en lui l'homme ancien pour façonner en lui un homme nouveau. » (4)

(1) Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerborck, Paris, Seuil 1995. Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock Seuil 1995.
(2) Dieu est nu - Hymne à la divine fragilité, op. cit. dans mon billet 9
(3) cf. aussi mes nombreuses balises « agenouillement » et « danse trinitaire » in http://chemin.blogspot.com

Pour aller plus loin, mes références préférées sur ce thème :
- Varillon François, L'humilité de Dieu, Centurion, Paris, octobre 1991
- Moingt, Joseph, L'homme qui venait de Dieu, Paris, Cerf, Cogitatio Fidei, 1993-2002 (et autres recueils)
- Urs von Balthasar, Hans Dramatique Divine, Namur, Éditions Culture et Vérité, série «Ouvertures »
- Brown, David, La tradition kénotique dans la théologie britannique, Paris, Mame Desclée, 2010
- Durand, Emmanuel, La Périchorèse des personnes divines. 4) saint Ephrem, Commentaire de l'Évangile concordant, 15, 20-21 ; SC 121 (trad. Louis Leloir; Éd. du Cerf 1966; p. 277-278), source : l'Évangile au Quotidien

Dieu est nu - Hymne à la divine fragilité - danse trinitaire 9

Le livre de Simon Pierre Arnold (1) au delà du concept de « Dieu nu » qui rejoint des thèmes qui me sont chers (2) a cette phrase qui m'interpelle : « j'ai pris conscience que le tohu-bohu constituait bien le premier pas de la création » (p. 6), que l'auteur complète en p. 21 : « l'ordre n'est pas la raison d'être de l'univers, mais bien une condition toujours partielle et incomplète pour qu'affleure la surprise et l'inattendu au cœur de ce magma chaotique. L'à-peu près est l'Âme de la création en éternel devenir ». 




Pourquoi cette interprétation est-elle pour moi lumineuse ?

Parce qu'elle laisse à la fois une place à Dieu et à l'homme, à la liberté et la révélation.

Elle donne aussi une esquisse fragile de réponse à la question sans réponse du mal. En créant le tohu-bohu, Dieu n'exclut pas qu'il puisse conduire au chaos et donc au mal. Il ne le désire pas, envoie un « souffle fragile » (4) qui cherche à ordonner le chaos, mais laisse aussi peut-être cette possibilité comme prix à payer de la liberté, comme condition d'une existence qui échappe à une création trop figée et trop pure qui serait dictature du bien sans vis à vis.
Créer l'imparfait c'est ouvrir au bien, au don, y compris au Fils, et in fine à l'amour en retour...

L'auteur poursuit ainsi « L'incarnation est, dans son fondement une option délibérée pour l'échec et le nom pouvoir. La kénose [humilité et dépouillement de Dieu au sens donné par Ph. 2] est une décision, et non une erreur stratégique. Elle est le point de départ de toute véritable nouveauté (p. 28).

On rejoint là la question du Donateur qui s'efface (3), d'un Dieu qui nous aime au point de laisser au sein du tohu-bohu une lueur fragile, un signe élevé, un Dieu dépouillé (2).

Personnellement je vibre avec cette analyse trinitaire qui rejoint ce que je décris de mon côté comme une danse trinitaire (2) de Dieu vers l'homme, agenouillement successif du Père puis du Fils...

Mais plus encore, cette insistance sur la kénose est aussi pour moi le chemin qui devrait être notre chemin, le chemin de l'Église. Il l'exprime assez bien à sa manière (cf. p. 39 sq).

Son « Dieu en manque » [de l'homme] que je découvre à l'instant page 66 et qui résonne avec mon Dieu « à genoux devant l'homme » est si loin du Dieu impassible que nous a servi la théologie, que j'en frémis de joie...

Quelques pépites de plus de peur des les oublier : « L'incarnation est un processus collectif et cosmique universel, avec ses progrès et ses reculs, comme tout engendrement. C'est cette divine incertitude qui dit le mieux la kénose de Dieu » ibid p. 71

On rejoint cette notion de fragilité amoureuse de Dieu dont les entrailles se retournent en Osée 11 🙂

On vibre aussi sur une notion de dynamique loin de toutes traditions figées. Le souffle agit encore sur le monde (pas étonnant qu'il cite Teilhard)

On entend aussi le mot engendrement déjà cité souvent ici

(1) Dieu est nu. Hymne à la divine fragilité, Simon Pierre Arnold, Lessius 2019
(2) cf. notamment mes « Dieu dépouillé », « le rideau déchiré » et la « danse trinitaire ».
(3) allusion à la fois aux travaux d'Hans Jonas, de M. Mauss et Jean Luc Marion
(4) S.P. Arnold a cette belle image de la Ruah comme matrice maternelle de Dieu p. 57.



Quelques pépites de plus de peur des les oublier : 

Dieu en manque de l’homme p. 66
« L’incarnation est un processus collectif et cosmique universel, avec ses progrès et ses reculs, comme tout engendrement. C’est cette divine incertitude qui dit le mieux la kénose de Dieu » ibid p. 71

On rejoint cette notion de fragilité amoureuse de Dieu dont les entrailles se retournent en Osée 11 🙂

On vibre aussi sur une notion de dynamique loin de toutes traditions figées. Le souffle agit encore sur le monde (pas étonnant qu’il cite Teilhard) 

On entend aussi le mot engendrement déjà cité dans mon dernier billet...

« Avant de proposer une quelconque Bonne Nouvelle nous devons nous guérir de la maladie et du goût du pouvoir. Sans ce dépouillement kénotique de nos ambitions cléricales notre mission aujourd’hui est nulle et non avenue, du moins du point de vue du Dieu nu, le seul dans lequel je crois... » p. 190

Le temps de la danse est venu (...) comme une perpétuelle improvisation communautaire de la joie  (...) libre de toute culpabilité ». P. 195

« Le temps est venu de la simple Présence (...) l’enracinement solidaire et discret de l’Église au creux de la douleur quotidienne du monde » p. 204 

On rejoint pour moi ce que j’évoquais sur J.B. Metz, une mémoire qui actualise la Présence, souffre avec les souffrants dans l’espérance d’une joie encore inaccessible... c’est en tout cas ce que je ressens en soulevant le calice en communion avec tous les souffrants qui me sont confiés... geste pour moi diaconal par essence... 

Non qu’il soit réservé mais en profonde communion avec les soignants, qui participe à leur manière à la liturgie de cette Présence fugace.




Écriture et infini - 6.4

Un bel entretien du rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin dans le Panorama de novembre 2020 donne à penser. On aimerait pouvoir tout citer. Je vous livre quelques pépites dans les limites du droit de citation :
  • « Dans le Talmud, on ne cherche pas à mieux comprendre le texte où à mieux comprendre Dieu. Ce serait une façon de s'approprier Dieu et de tenter d'enfermer l'infini. Non, il s'agit d'interpréter le texte pour que sa parole soit comprise de manière plurielle ».
  • « Dieu se fait « livre », s'incarne dans le livre, mais il doit être libéré pour ne pas devenir une idole (...) rendre au texte un sens infini... (...) rendre à Dieu son statut d'infini (...) s'abstraire de l'immédiateté de la pulsion de compréhension (...) nous délivrer d'automatismes...
  • Un rabbin c'est un allumeur de feu intérieur (...) mettre en mouvement (...) se rencontrer.
On retrouve ici des interpellations proches d'Emmanuel Lévinas qu'il cite d'ailleurs plusieurs fois.

Je résonne personnellement avec cette ouverture dans l'infini des interprétations qui ouvre à l'infini des visages y compris dans les interprétations du divin qui ne fige pas Dieu dans une définition mais ouvre à la fois à un appel et à un peut-être.

J'adhère aussi à cette notion d'allumeur de feu qui me fait penser à cette belle idée de « pastorale d'engendrement » prônée par Philippe Bacq et C. Theobald. Ne figeons pas le texte dans une vision étriquée, laissons le ouvrir en nous des infinis.

Lire l’Écriture - 6 ter

Que la Bible soit un doux mélange entre paroles humaines et Parole de Dieu n'enlève en rien l'intérêt de se plonger dans l'océan des livres qui la composent, de suivre ses méandres et ses balbutiements, l'invention de Dieu (1) comme le sous entend Thomas Römer.
C'est justement dans ces balbutiements et ses fausses pistes, au travers des fausses idées de Dieu qu'elle véhicule qu'apparaît entre les lignes la Sagesse qui est à l'œuvre. Mon ami Christophe Gripon (2) y voit une touche très féminine de Dieu. Il s'agit en effet d'une longue gestation que cette « pédagogie divine » (3) qui trace au sein des mythes et des méditations ce qui va faire éclore la Révélation. Paul Ricoeur écrivait je crois dans « Le conflit des interprétations » cette métaphore vive(4) sublime : « Le mythe donne à penser ».

Cette phrase est tout un programme.

Le buisson ardent est une préfiguration du Christ nous glissait Benoît XVI dans son Jésus de Nazareth.

Le rocher que brise Moïse est le Christ nous dit un père de l'Église.

L'eau qui jaillit du cœur du Christ a pris sa source dans le Temple d'Ezechiel et nos ossements desséchés s'altère de cette eau et ce vin à jamais versé.

Alors plongeons nous ensemble dans l'Ecriture, n'hésitons pas à partager nos découvertes dans une lecture commune.

Je vous invite à tenter cette expérience singulière dans un forum dédié qui ne fait pas concurrence à celui-ci mais veut en faire un lieu réservé à la manducation.

Ses règles sont strictes. Rester concentré sur la lectio divina. Ne partir que de l'Ecriture, ne commenter qu'elle dans le respect et la contemplation...

https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share

(1) Thomas Römer, l'invention de Dieu, Points, Seuil, Paris, 2014
(2) cf. notamment L'Eros un chemin vers Christ Sophia et Les portes du Ciel
(3) voir mon livre éponyme
(4) voir aussi son livre éponyme

09 novembre 2020

Quelle est la place du diacre ?



Quelle est la place du diacre dans ce tohu-bohu médiatique qui semble diviser notre Église entre les partisans farouches d'une Église visible et ceux qui invitent à la prudence et ceux qui insistent enfin sur le service des plus pauvres ? Faut-il opposer les trois ou trouver une manière d'être ferment de pacification et d'unité ? Comment faire découvrir les bienfaits d'une certaine frugalité eucharistique à laquelle nous invite un François Cassingena-Trévedy (1) ou à de nouvelles cathédrales ? (2)
Peut-on promouvoir d'autres formes de partage ? (3)
Quelle place prendre entre un cléricalisme revendiqué et le cri des laïcs in-entendus ?
Quelle place a le diacre entre le pouvoir et la faiblesse, la quête de puissance et la nudité du Christ en croix ?
Il y a probablement beaucoup de souffrances et de frustrations rentrées. Peut-on avoir une parole libre et respectueuse de nos différences ?
Le diacre est il un pont entre deux mondes ou un « chandelier inutile » (sic) de nos eucharisties ?
Il existe des lieux de contemplation à construire.
 
(1) une conférence de François Cassingena-Trévedy à méditer https://www.facebook.com/groups/reflexiongh/permalink/4457707744303675/

(2) cf. le dernier billet de Veronique Margron https://www.facebook.com/100000201806678/posts/4198758096807542/


(3 et 5) En lien avec un commentaire de François Cassingena-Trévedy, dans la conférence évoquée il y a quelques jours déjà je vous invite à visiter ce lien, cette petite église domestique virtuelle.
On ne prend pas la Parole, on la contemple, on la médite, on la manduquer, on la partage.











08 novembre 2020

Écriture - 6 bis - Comment s’est écrite la Bible ?


Les avancées de l'archéologie récente apporte un regard nouveau et révélateur sur ce qu'on appelle Parole de Dieu, réfutant systématiquement l'apparente chronologie biblique qu'ils considèrent comme artificielle et loin de ce qui est historique et compatible avec les traces et autres signes du passé.
Cette nécessaire distance avec le texte peut-il nous aider à prendre de la distance sur l'apparente violence divine dans l'ancien Testament ?
J'évoquais récemment ma lecture commencée de Thomas Römer. Je vous livre cet extrait qui me semble intéressant à la suite de mes billets récents.

« Les milieux d'exilés issus de l'élite judéenne jouèrent un rôle important dans la production d'un certain nombre de rouleaux qui sont à l'origine du Pentateuque et des écrits prophétiques. La destruction de Jérusalem et de son Temple par les Babyloniens, en 587 avant l'ère chrétienne, avait provoqué chez ces intellectuels une crise idéologique. Les piliers identitaire d'un peuple du Proche-Orient ancien, c'est-à-dire le roi, le temple du dieu national et le pays, s'étaient écroulés. Il fallait donc trouver de nouveaux fondements pour dire l'identité d'un peuple privé de ses institutions traditionnelles, et c'est ainsi que ce mirent en place différentes réponses à la crise : une de ses réponses est « l'histoire deutéronomiste » qui comprend les livres allant du Deutéronome jusqu'au deuxième livre des Rois.
Le but de cette histoire est de démontrer que la destruction de Jérusalem et la déportation d'une partie de la population ne sont pas dû à la faiblesse du dieu d'Israël face aux divinités babylonienne ; au contraire, c'est lui [Dieu] qui se sert les babyloniens pour sanctionner son peuple et ses rois de ne pas avoir respecté les stipulation de son « alliance », consigné dans le Deutéronome.
Le milieu des prêtres rédige, de son côté, une histoire des origines (appelée souvent « écrit sacerdotal ») qui se trouve surtout dans les livres de la Genèse, de l'Exode et du Lévitique et qui insiste sur le fait que tous les rituels et institutions ont été révélés avant l'entrée du pays et avant la royauté – celle-ci n'est donc pas indispensable. Pour les auteurs sacerdotaux, toutes les coutumes par lesquelles va se définir le judaïsme à l'époque perse et hellénistique (circoncision, Pâque, rituels et les lois alimentaires) sont données par Moïse dans le désert, en l'absence d'un pouvoir politique. Ces deux ensembles littéraires préparent en quelque sorte le chemin vers le monothéisme, car ils affirment de manière différente d'unicité du dieu d'Israël. »(1)

Je ne suis qu'au début de la lecture mais cette introduction de Römer confirme déjà ce que je commentais il y a quelque temps comme une nécessaire prise de distance entre ce que l'on pouvait considérer comme une révélation chronologique et de seule facture divine et cette double construction complexe du texte biblique entre parole divine et projet humain qui révèle à la fois une lecture spirituelle de l'histoire et un texte engagé et dirigé à des fins parfois religieux ou politiques. Cela renforce l'idée d'une nécessaire interprétation comme pour tous « Livres » et prétendue Parole de Dieu. L'historico-critique n'a pas fini son œuvre.

Quel est l'origine du nom de Dieu ?
Dans un long premier chapitre de son livre, Thomas Römer nous conduit à explorer la difficile quête de l'origine du nom de Dieu, imprononçable pour nos frères juifs. Au delà de mon intérêt personnel pour ce refus de nommer ce que l'on ne peut définir sans réduire, je note l'intérêt porté :
- à la notion d'Être, tirée d'une quête arabe pré-musulmane ancienne,
- de son long développement sur la révélation à Moïse (2) en Ex 3, 14 et le « je serai qui je serai » (cf. p. 47)
- À cette conclusion qui est ouverture : « Yhwh serait donc celui qui souffle, qui amène le vent, un dieu de l'orage qui peut aussi inclure les appels guerriers, et une telle caractérisation s'applique assez bien (...) aux fonctions primitives de Yhwh »(3)
Je suppose qu'il va aller plus loin sur ce thème de l'invention de Dieu qui devient alors celui qui justifie la violence, loin de fait de la révélation christique...

(1) Thomas Römer, l'invention de Dieu, Points, Seuil, Paris, 2014, p. 33
(2) figure biblique qu'il souligne, citant l'égyptologue Jan Assmann quelle n'a « aucune trace historique » cf. p. 72
(3) ibid. p. 50, cf. aussi p. 67 et 70

28 octobre 2020

Homélie pour la Toussaint - v4

Homélie pour la Toussaint 


Projet 4

Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où viennent-ils ? »


Qui sont les saints d'aujourd'hui ?

L'Évangile répond à sa manière à la question posée dans l'Apocalypse, mais avant de contempler les béatitudes je vous propose de méditer sur la réponse donnée par Jean : 

 Ce sont ceux qui « viennent de la grande épreuve ;

« ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l'Agneau. »

La sainteté la plus visible est celle des souffrants qui résistent au désespoir et ont mis en Christ leur force. Non parce qu'ils sont resté forts - qui peut l'être quand la souffrance nous assaille ? - maïs parce qu'ils sont restés debout, droits, en dépit de ce qui les a terrassé.

Alors me vient à l'esprit de nombreux visages, innombrables de personnes qui autour de moi sont rayonnants en dépit de la souffrance, cette hancippée qui garde en elle la joie de Dieu alors que son corps n'est que douleur, cette mère de famille qui se lève toute les nuits depuis 30 ans pour son enfant malade...


Pourquoi Seigneur ?

La question mérite d'être posée même si elle n'a pour seule réponse que ce signe élevé sur le bois de La Croix...


« L'homme au cœur pur, aux mains innocentes,

qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction,

et de Dieu son Sauveur, la justice.

Voici le peuple de ceux qui le cherchent ! » nous dit le psaume.


Le pape François les appellent à juste titre les saints de la porte d’à côté. 


« Heureux les pauvres de cœur,

car le royaume des Cieux est à eux.

    Heureux ceux qui pleurent,

car ils seront consolés.

    Heureux les doux,

car ils recevront la terre en héritage. »


Chacune des béatitudes est une réponse et l'on se sent bien petits pour ajouter quoi que ce soit au texte.


Pourquoi cette souffrance ?

Jean ne répond pas...?

Mais il trace un chemin d'espérance « nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté.

Nous le savons : quand cela sera manifesté,

nous lui serons semblables

car nous le verrons tel qu'il est. »


Notre chemin et notre espérance n'est pas dans la recherche de la souffrance mais dans cette traversée subie de ce qui viens à nous, sans que nous l'ayons demandé...

Alors nous verrons Dieu comme Moïse au bout de sa longue marche au désert (cf. Ex 34) et notre visage sera illuminé.


Heureux les cœurs purs,

car ils verront Dieu.

    Heureux les artisans de paix,

car ils seront appelés fils de Dieu.

    Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,

car le royaume des Cieux est à eux.


J’aime contempler cette belle peinture de Fra Angelico qui montre les anges en train de danser au Paradis. Illusion ou espérance ? Les béatitudes nous introduisent au renversement de toute tentation de pouvoir, de valoir ou de savoir. Le royaume est pour les petits...


Et notre chemin est d’avancer sur cette route et passer par la porte étroite de ceux qui répondent par leur vie à l’appel discret et insistant de l’où-es-tu ? de Dieu.


La fête de là Toussaint, comme le glisse une amie est notre fête, celles de tous ceux qui désirent marcher à la suite de Celui qui a tracé le Chemin et qui nous conduira vers cette danse des bienheureux qui est notre espérance.




Version pour la messe des jeunes :
Questions à affiner...

Aimez vous vos parents ?
Aimez vous vos frères et sœurs autant que votre maman ?
Aimez vous vos copains de classe de la même manière ?
Même celui qui vous embête ?
La sainteté est la fête de ceux qui ont aimé jusqu’à leurs ennemis 
Voulez vous avancer dans cette direction ?
Qui va vous aider à cela ? 

 

19 septembre 2020

L’infini de Dieu - Homélie du 25eme dimanche année A

L'infini de Dieu - Homélie du 25eme dimanche année A
Qui sommes-nous pour juger les choix de Dieu ?
La méditation des textes de ce dimanche nous conduit vers quatre grandes réflexions : immensité, miséricorde, humilité et vigne
Immensité ou infini, c'est d'abord ce à quoi nous conduit Isaïe 55 : « Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins ». Je le disais en introduction les voies de Dieu sont insondables et son amour dépasse nos limites humaines.
Par la parobole d'aujaudhui, Jésus nous dévoile une partie du mystère et nous ne pouvons que contempler cet amour infini. C'est aussi la contemplation du salaire donné : une pièce d'argent... c'est le salaire officiel au temps de Jésus pourtant, vous l'avez compris dans la Parabole ce salaire n'est qu'une figure de l'infini de Dieu, c'est l'accès au Royaume. Cet accès il est offert à tous... c'est peut-être cela l'infini de Dieu, l'infini de l'amour de Dieu

Le deuxième mot clé c'est la miséricorde : celle de Dieu est aussi infinie. Elle s'exerce pour les premiers comme pour les derniers. Elle vise les fidèles mais court également vers les brebis perdues. Dieu ne veux pas la mort du pècheur mais qu'il vive....nous disait déjà Ezéchiel.
Dans un beau texte, un des plus anciens de la Bible le livre d'Osée le prophète nous parle d'un retournement intérieur de Dieu. «Comment te délaisserais-je, Mon coeur se retourne en moi, et toutes ensemble, mes compassions s'émeuvent.»Osée‬ ‭11:8‬‭ [à développer...] C'est cette miséricorde là qui se révèle dans la parabole d'aujourd'hui. Prenons le temps de la contempler à la lumière de nos failles les plus intérieures...
Cela nous conduit au troisième mot clé : l'humilité... où sommes-nous dans l'ordre de départ... pas forcément dans les premiers ou alors en apparence... l'évangile nous interpelle à la fois dans nos jugements sur autrui (// à faire avec le frère ainé du fils prodigue en Luc 15) comme dans une contemplation plus intérieure sur notre participation réelle au travail de la vigne....
mercredi soir j'arrivais épuisé du travail de la journée et je n'ai pas su sauter de joie quand l'un d'entre-vous m'a appelé pour ajouter une nouvelle réunion à mon week-end déjà blindé. Pardon Seigneur...
La vigne a besoin de nous. Le salaire est le même pour tous... il n'y a pas d'ascenseur pour le Royaume si ce n'est les bras du Seigneur miséricordieux nous dit la petite Thérese Retroussons les manches dès aujourd'hui... pas à la dernière heure...
« Si, en vivant en ce monde, j'arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c'est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. »Ph. 1....
Ce texte est à lire jusqu'au ch.3... une course sans fin...

Vient alors la contemplation du quatrième mot de ces textes la vigne... quelle belle image que nous allons méditer encore pendant deux autres dimanche. La vigne est par excellence l'invitation de Dieu à danser avec lui. Cela demande de nous nourrir aux deux tables de la parole et du pain, mais également de comprendre que rien ne porte du fruit si elle ne nous vient de la sève divine. Nous sommes des sarments inutiles si nous oublions cela...
Donne nous Seigneur la force de travailler à ta vigne...

18 septembre 2020

Homélie de Mariage - 19/9/20 et baptême de S.


Le début des textes que vous avez sélectionnés met la barre haute et je dois dire que je suis impressionné par cette sélection. « Vous avez été choisis par Dieu » dit saint Paul. C'est à la fois étrange d'entendre cela deux mille ans plus tard et pourtant, dans ce chemin que vous avez parcouru tous les deux, depuis votre rencontre jusqu'à cette maison, cette petite Salomé qui fait votre bonheur, il y a bien quelque chose d'unique qui s'est tissé entre vous deux. 

Je me souviens de notre première rencontre de ce que vous avez pu dire de l'autre, du pourquoi de ce mariage que vous avez tenu à célébrer malgré les contraintes extérieures. Continuez à avancer... vous êtes sur la bonne voie....et méditez à nouveau ces textes que vous avez choisi...

« Revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d'humilité, de douceur et de patience.

Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. «  dit encore la première lecture. C'est un sacré chemin...

« Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. »

Cette phrase de Paul interpelle. M'interpelle... nous l'avons vu ensemble, dans le texte dit du Fils prodigue le pardon n'est pas simple... il est presque impossible à l'homme...

Et pourtant, si vous êtes là aujourd'hui dans cette église, c'est peut-être parce que vous sentez que seul Dieu vous donnera cette force...

Aimer jusqu'au bout est impossible à l'homme. Il est possible avec Dieu, en Dieu ?

Qu'est ce que cela veut dire ?

Peut-être que les jours où ce sera plus dur entre vous ( et il y en aura, j'ai 34 ans au compteur, je sais de quoi je parle), une seule chose permet d'avancer : croire que l'amour est plus fort. Croire que l'amour que vous avez construit est fondé sur celui qui aime jusqu'au bout, jusqu'à la mort...

Peut-être reviendrez vous un jour ici, ou en passant de temps en temps à Nonancourt vous souviendrez vous de cela… L'amour qui va jusqu'au bout est au cœur de votre oui… Si vous choisissez tout à l'heure de prononcer ce oui pour la vie, c'est pour proclamer au monde que c'est de cet amour là que vous voulez vivre… Et si vous le vivez chaque jour, si votre oui se conjugue tous les matins dans des gestes d'attention de tendresse et de patience alors vous deviendrez ce que dit l'évangile : vous serez le sel de la terre....


Alors comme le dit le psaume « l'amour du Seigneur,

sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours,

et sa justice pour les enfants de leurs enfants,

pour ceux qui gardent son alliance » sera votre chemin... Aujourd'hui n'est que le premier jour d'un long chemin. Au bout du voyage est la joie véritable, celle que vous entrevoyez déjà dans vos étreintes et la symphonie qui se tisse en vous, est un aperçu de cette tendresse qui vous habitera jusqu'au bout si vous poursuivez dans la direction prise aujourd'hui 

Amen

 ——

vous venez de prononcer des phrases qui vous unissent par les liens indissolubles du mariage… Il n'est pas anodin que pour le baptême de S. vous choisissiez un texte qui évoque le fait de faire un seul corps. Je serais bref, mais je veux souligner cela : faire un seul corps, ce n'est pas fusionner en une bouillie où chacun disparaît mais au contraire se trouver multiplié par l'amour qui vous réunit. Vous vous rappelez peut-être l'image des sept réservoirs que nous avons évoqué ensemble. Tout part de l'idée que la force de votre amour sera rayonnement pour le monde... lumière... amour qui se diffuse et devient fécond. 1 plus 1 égal trois... Salomé... mais plus encore entrer dans la dynamique de l'amour c'est former une communauté...

Par le baptême de S. vous participez à cette dilatation du cœur... cela implique des renoncements. Vous alllez l'exprimer tout à l'heure... choisir d'aimer c'est renoncer..., vous allez devoir conduire S. sur ce chemin... lui apprendre la tendresse, la patience, ce qui est justement renoncement... 

mais c'est l'enjeu même du Bapteme comme celui du mariage : être plongé dans la mort de tout ce qui nous entrave pour découvrir la force de l'amour qui vient de Dieu. Sur ce chemin le Christ est signe : il est le chemin la. Vérité et la vie... qu'est ce à dire ? Vous vous êtes engagés à aider S. à comprendre cela. Il vous faudra retrouver en vous, avec l'aide des parait et marraine choisi, ce qui est essentiel, pourquoi le Christ est chemin... pourquoi son amour est au cœur, est le centre... en marchant dans et pour l'amour vous serez le sel et la lumière pour S.