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11 avril 2021

Frémissements intérieurs - danse du Verbe 49.3

Apparitions fragiles du ressuscité, progression notée dans le nombre des témoins, comme si Dieu n’osait pas s’affirmer dans sa gloire de transfiguré...

La brise légère des théophanies se poursuit de peur de forcer notre liberté toujours première.

Au cœur des visitations de la Parole en l’homme, de frémissements en tressaillements*, se creuse au sein de l’être une place sublime et fragile, celle du Corps qui sème en nos cœurs ces déchirements nécessaires où Dieu peut se glisser pour féconder nos terres encore vierges.

C’est quand nous acceptons d’être vulnérables, quand nous reconnaissons nos fragilités que Dieu se glisse, courant d’air (1) fragile pénétrant silencieusement au cœur de notre intérieur délaissé.

Ruminations, manducations...

Buissons stériles qui d’un seul coup deviendront ardents quand le feu envahira sans détruire. 

Joies d’abord fugaces de ces rencontres, où la distance est de mise (« ne me touche pas ») pour préparer la véritable communion du Verbe avec l’âme impatiente...

Les pas de Dieu sont toujours fragiles, comme les traits tracés sur le sable en Jn 8, loins du doigt de Dieu de l’AT qui gravait les tables de Pierre. Quel est l’enjeu ?

Comme une vague douce vient fissurer la roche de nos falaises hautaines, Dieu cherche la faille.

« Tu étais là et je ne le savais pas. » découvre Augustin...au bout du voyage (2).


Le corps se fait Corps quand nous percevons, essentiellement, la symphonie à laquelle Dieu nous convie.


De même, la Parole qui n’est pas échangée se meurt. 

Partagée elle devient vie, prend chair, s’enrichît, s’éclaire et éclate en Exultet pascals...

Nous ne pouvons l’enfermer dans nos exégèses, la faire entrer dans nos « cases » sans risquer d’en abîmer la profondeur et pourtant il nous semble essentiel d’en faire résonner les accents et les facettes multiples.

Henri de Lubac, dans son exégèse médiévale, comme Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie avaient raison d’insister sur la polyphonie et la symphonie des Écritures. Le plus grand crime est pour moi de croire qu’il n’existe qu’une version littérale quand le Verbe reste Dire... loin du Dit, réduit et réducteur (3) Lévinas soulignait aussi cela, jusqu’à oser dire que la vérité serait accessible quand les chrétiens arrêteraient de monopoliser le feu (4). Une affirmation qui ne cesse d’interpeller.

Le Verbe n’appartient à personne, se joue de nos cadres, souffle où il veut... les semences du Verbe et de l’Esprit sont comme les graines livrées à la brise légère du Printemps... Don du grand Donateur qui s’efface dans le silence mais continue de semer discrètement sans atteindre notre liberté...

Il est chemin, vérité et vie quand le monde ne cesse d’en découvrir l’immensité.

Dans « L’Amphore et le fleuve »(5)  je prolongeait Ez 46 et Bonaventure pour décrire l’homme debout cherchant à recueillir dans ses mains fragiles le don immense jailli d’un cœur ouvert et jaillissant d’eau vive et de sang versé, mélange sublime de vie et d’amour, d’Esprit et de feu versé comme la lave infinie d’un volcan éternel...


« Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. 

Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. » Dt 30, 14-16


Venez le repas est servi... la table est prête...(6)


(1) expression que j’emprunte à François Cassingena-Trévedy dans son excellent livre de « Pour toi quand tu pries »

(2) confessions, ch. VIII

(3) Emmanuel Lévinas, autrement qu’être ou au delà de l’essence

(4) Éthique et infini

(5) cf. Kobo / Fnac

(6) j’en profite pour rappeler l’expérience fragile sur FB de cette Maison d’Evangile - La Parole partagée que j’anime depuis quelques mois et qui compte maintenant près de deux cent participants : https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/


*sur les tressaillements voir mon billet n.20 et ma longue web série sur mon blog


Rappel : mes billets forment un tout en construction encore fragile - éternel quête ou danse à laquelle je vous invite, conscient d’être loin de « l’avoir saisi » (Ph 3)





28 février 2021

La Transfiguration - de la kénose à la Gloire. Danse 37.1


S’Il y a un schéma littéraire très particulier dans le Premier Testament qu’il est beau de contempler à travers l’Ecriture, c’est bien celui des théophanies où Dieu se révèle aux hommes dans sa pédagogie particulière(1). Comme en Gn 22 ou dans les grandes théophanies du Sinaï, Il y a, à chaque foi, un messager (malak) qui prépare l’irruption, insupportable à l’homme, du divin, puis la manifestation d’une gloire extraordinaire, suivi d’une conversion et d’un agenouillement. 

Pour Abraham et Isaac la conversion apparaît au bout d’une longue marche (voir mes commentaires de septembre). 

Mais plus globalement ce schéma trace chez nous aujourd’hui un chemin d’espérance dans ces temps sombre, et mérite d’être poursuivi. 

Il est repris d’une certaine manière dans plusieurs textes des synoptiques en particulier chez Matthieu et Luc, soit dans l’Annonciation, ou le baptême du Christ, mais surtout dans la transfiguration que nous célébrons aujourd’hui en écho justement avec Gn 22. 

Que peut-on dire en élargissant la perspective ?

Peut-être avancer sur la pointe des pieds que de la souffrance toujours subie et jamais voulue par Dieu peut jaillir une flamme fragile, un jet de lumière, un tressaillement d’espérance.

Ne sombrons pas dans le désespoir. Crions à la suite d’Augustin (cf. Confessions ch.VIII) : Il est là, alors qu’on le croit absent, ce Dieu d’amour.


Sa danse passe par l’effacement et la croix, mais déjà le relèvement se distingue au bout du tunnel.

Comme Moïse nimbé d’une lumière insurmontable au retour du Sinaï en Exode 34, répond et répare la chute du veau d’or, le Christ est notre lumière, joie cachée mais rayonnante d’une croix sombre qui devient glorieuse par la résurrection.

La transfiguration est le premier déchirement discret du voile dont nous parle les synoptiques.

Saint Léon le grand a une belle analyse que je découvre cette nuit :  « Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.


Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi.


Mais il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.


Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement : Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Et l'Apôtre saint Paul atteste lui aussi : J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous. (...) 

En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. (...) 

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole ? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer ; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.


Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement ; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères, est montré comme manifeste et évident par la splendeur de sa gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet : Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements. ~


Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.


Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le !(2)

L’office des lectures nous le  rappelle : « Sur le visage du Christ;rayonne la gloire de Dieu.

(...) 

Personne n'a jamais vu Dieu.

Le Fils unique qui est dans le sein du Père

nous l'a fait connaître.

 

Oraison

Tu nous as dit, Seigneur, d'écouter ton Fils bien-aimé ; fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin : et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire.(3)


Suite à venir, mais sans vous laisser planter la tente, comme Pierre, je voulais déjà vous partager ce rayon de soleil... 


(1) cf. Théophanies, mon livre éponyme, repris et très largement amplifié in « Dieu dépouillé » en téléchargement libre sur Kobo

(2) saint Léon le Grand, sermon pour le 2eme dimanche de Carême, source office des lectures, AELF

(3) office des lectures, ibid.


08 novembre 2020

Écriture - 6 bis - Comment s’est écrite la Bible ?


Les avancées de l'archéologie récente apporte un regard nouveau et révélateur sur ce qu'on appelle Parole de Dieu, réfutant systématiquement l'apparente chronologie biblique qu'ils considèrent comme artificielle et loin de ce qui est historique et compatible avec les traces et autres signes du passé.
Cette nécessaire distance avec le texte peut-il nous aider à prendre de la distance sur l'apparente violence divine dans l'ancien Testament ?
J'évoquais récemment ma lecture commencée de Thomas Römer. Je vous livre cet extrait qui me semble intéressant à la suite de mes billets récents.

« Les milieux d'exilés issus de l'élite judéenne jouèrent un rôle important dans la production d'un certain nombre de rouleaux qui sont à l'origine du Pentateuque et des écrits prophétiques. La destruction de Jérusalem et de son Temple par les Babyloniens, en 587 avant l'ère chrétienne, avait provoqué chez ces intellectuels une crise idéologique. Les piliers identitaire d'un peuple du Proche-Orient ancien, c'est-à-dire le roi, le temple du dieu national et le pays, s'étaient écroulés. Il fallait donc trouver de nouveaux fondements pour dire l'identité d'un peuple privé de ses institutions traditionnelles, et c'est ainsi que ce mirent en place différentes réponses à la crise : une de ses réponses est « l'histoire deutéronomiste » qui comprend les livres allant du Deutéronome jusqu'au deuxième livre des Rois.
Le but de cette histoire est de démontrer que la destruction de Jérusalem et la déportation d'une partie de la population ne sont pas dû à la faiblesse du dieu d'Israël face aux divinités babylonienne ; au contraire, c'est lui [Dieu] qui se sert les babyloniens pour sanctionner son peuple et ses rois de ne pas avoir respecté les stipulation de son « alliance », consigné dans le Deutéronome.
Le milieu des prêtres rédige, de son côté, une histoire des origines (appelée souvent « écrit sacerdotal ») qui se trouve surtout dans les livres de la Genèse, de l'Exode et du Lévitique et qui insiste sur le fait que tous les rituels et institutions ont été révélés avant l'entrée du pays et avant la royauté – celle-ci n'est donc pas indispensable. Pour les auteurs sacerdotaux, toutes les coutumes par lesquelles va se définir le judaïsme à l'époque perse et hellénistique (circoncision, Pâque, rituels et les lois alimentaires) sont données par Moïse dans le désert, en l'absence d'un pouvoir politique. Ces deux ensembles littéraires préparent en quelque sorte le chemin vers le monothéisme, car ils affirment de manière différente d'unicité du dieu d'Israël. »(1)

Je ne suis qu'au début de la lecture mais cette introduction de Römer confirme déjà ce que je commentais il y a quelque temps comme une nécessaire prise de distance entre ce que l'on pouvait considérer comme une révélation chronologique et de seule facture divine et cette double construction complexe du texte biblique entre parole divine et projet humain qui révèle à la fois une lecture spirituelle de l'histoire et un texte engagé et dirigé à des fins parfois religieux ou politiques. Cela renforce l'idée d'une nécessaire interprétation comme pour tous « Livres » et prétendue Parole de Dieu. L'historico-critique n'a pas fini son œuvre.

Quel est l'origine du nom de Dieu ?
Dans un long premier chapitre de son livre, Thomas Römer nous conduit à explorer la difficile quête de l'origine du nom de Dieu, imprononçable pour nos frères juifs. Au delà de mon intérêt personnel pour ce refus de nommer ce que l'on ne peut définir sans réduire, je note l'intérêt porté :
- à la notion d'Être, tirée d'une quête arabe pré-musulmane ancienne,
- de son long développement sur la révélation à Moïse (2) en Ex 3, 14 et le « je serai qui je serai » (cf. p. 47)
- À cette conclusion qui est ouverture : « Yhwh serait donc celui qui souffle, qui amène le vent, un dieu de l'orage qui peut aussi inclure les appels guerriers, et une telle caractérisation s'applique assez bien (...) aux fonctions primitives de Yhwh »(3)
Je suppose qu'il va aller plus loin sur ce thème de l'invention de Dieu qui devient alors celui qui justifie la violence, loin de fait de la révélation christique...

(1) Thomas Römer, l'invention de Dieu, Points, Seuil, Paris, 2014, p. 33
(2) figure biblique qu'il souligne, citant l'égyptologue Jan Assmann quelle n'a « aucune trace historique » cf. p. 72
(3) ibid. p. 50, cf. aussi p. 67 et 70

22 mars 2020

Pédagogie divine - 22

Il y a dans les théophanies anciennes de l'ancien testament des interrogations qui demeurent. Au delà des scènes abruptes et effrayantes parfois, il faut, nous voir avec Gerhard von Rad des couches « profondes (...) dans lesquelles transparaît (...) une promesse » (1) 
Pourquoi ?
Il faut probablement comprendre les interrogations des hommes et les faire nôtres, surtout en ces temps de ténèbres.
Le silence de Dieu, son apparent retrait thématisé par la philosophie juive après Auschwitz (H. Jonas) nous interpelle aujourd'hui.
Dieu semble « néglige[r] silencieusement la question angoissée et dubitative d'Abraham au sujet de la réalisation de la promesse »(1) et les théophanies à Isaac (Gn 26, 23) « semblent pâles et copiées sur d'autres »(2).

Ce n'est qu'au bout du voyage dans la théophanie pathétique et finale de la Croix que seule prend sens le chemin et la pédagogie divine.

C'est ce que nous essayons de thématiser dans ce nouvel essai (614 pages) maintenant disponible en version bêta sur le lien suivant ou en pdf à tout ceux qui sont intéressés par ce projet conclusif s'il en est de mes lectures pastorales.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 170
(2) p. 171

22 janvier 2019

Tension johannique - Hans Urs von Balthasar

Je poursuis ma lecture interrompue de La prière contemplative et tombe sur une longue relecture par Hans Urs von Balthasar des épisodes de révélations successives chez Jean. Au travers des rencontres de Jean-Baptiste, Nicodème, la Samaritaine et les autres personnages de l'Evangile, se succèdent, pour le théologien, toute une série de dévoilement qui forment autant de theophanies d'un Dieu qui se dévoile et se révèle comme la Vérité et la Vie. Cette succession prend sens et donne une étonnante clé de lecture de l'évangile, cohérente avec celle que j'ai entreprise dans « A genoux devant l'homme » mais éclairante à bien des aspects.
Quel est l'enjeu pour Balthasar et donc pour nous ? Toute rencontre est contemplatio et oratio. C'est pour moi aussi un agenouillement croisé entre l'homme et Dieu. Dieu trouve en l'homme une terre féconde dans lequel les semences du verbe peuvent germer. L'homme est invité à découvrir et contempler ce Dieu qui vient à nous et se révèle en nous tirant plus haut. 
Comme le disait un commentaire, la « hauteur, la profondeur, la largeur du mystère » évoqué par Paul est révélé en Christ et culmine en Croix.

A découvrir in La prière contemplative, ibid p. 224sq


20 janvier 2008

Le bruit d'un fin silence


A l'occasion du troisième anniversaire de ce blogue, je vous signale la publication d'un 8ème livre fruit de mes premiers travaux en exégèse. Cet essai constitue une "deuxième contemplation" du mystère de la révélation de Dieu. Après Retire tes sandales !, et porté par les nombreux encouragements de mes premiers lecteurs, il m'a semblé intéressant de méditer sur les différentes théophanies de Dieu dans l'Ancien Testament. Cette première version s'attache à relier ces rencontres entre l'homme et Dieu, ce qu'elles trahissent de l'invisible et en quoi elles préparent celle du Christ en croix.
La publication chez Lulu publishing permet une grande souplesse dans l'édition. C'est donc un premier essai qui se nourrira de vos remarques et réactions.
Je vous propose donc de découvrir "Le bruit d'un fin silence" et reste dans l'attente de vos remarques constructives.