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07 février 2020

Créé pour aimer - Claudel et Lubac - 53

« C'est la fin qui est première et qui convoque et recrute les moyens » (1) disait Paul Claudel, renforçant cette thèse que je travaille de pédagogie divine. Dieu nous introduit progressivement à sa gloire, tissant en nous le désir de le suivre.

Pour paraphraser Henri de Lubac, c'est Dieu « qui suscite la nature avant de la mettre en demeure de l'accueillir »(2), de le désirer et de l'aimer en allant jusqu'à cette ressemblance qu’il vise en façonnant à l’image de ce qu’il espère de nous : le sacrement de l’amour qui le résume..

Pour traduire ce que Rahner appelle l'auto-communication, Dieu se fait proche , petit, faible pour que « connaissance et liberté » (...) soit aussi lieu « de proximité et d'immédiateté » (3).

Peut-être touche t-on à ce que j'appelle la danse trinitaire(4), par essence humble (kénotique) ? Au sommet de sa lente pédagogie, Dieu s’est fait homme pour nous conduire à l’amour.

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ » (2Th 3. 5)


(1) Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth, DDB, Paris 1940 p. 35
(2) Henri de Lubac, Le mystère du surnaturel, Aubier, Paris, 1965, p.128
(3) Karl Rahner. Traité fondamental de la foi p. 154, cité par Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 124
(4) cf, Sur les pas de Jean (reprise de À genoux devant l’homme).

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

12 juillet 2014

L'annonce faite à Marie de Paul Claudel - Bouffes du Nord

Une belle surprise au Bouffes du Nord cette semaine.
L'interprétation de l'Annonce faite à Marie de Claudel allie respect du texte et mise en valeur musicale avec une mise en scène de qualité à la fois respectueuse de l'oeuvre et frappante par son actualisation. Les chants, magnifiquement interprétés, nous font percevoir ce que la lecture laisse de côté, la vision presque "symphonique" au sens large du terme de ce chef d'oeuvre, probablement le plus poignant de Claudel.
Le personnage de Violaine, aux multiples facettes est superbement interprété.
A voir sans hésiter.
http://www.bouffesdunord.com/fr/saison/518905a4eeed2/lannonce-faite-a-marie

16 juin 2007

Pauvre parmi les pauvres

Je crois en cette kénose du bon pasteur, qui dessine au plus profond de l’humanité (j’ai appris récemment que Jéricho était une des rares villes du monde en dessous du niveau de la mer), pour « habiter chez Zachée et guérir l’aveugle ». N’est-on pas au cœur de la pastorale du Christ qui a bien compris ce que semble découvrir Claudel : « Il n’y a pas d’amis surs pour un pauvre s’il ne trouve plus pauvre que lui » (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, cela rejoint les deux romans de Dostoïevski qui voit dans l’Idiot une image de "l’homme le plus beau" et qui dans Crime et Châtiment, montre qu’il faut des années « avant que fonde la carapace » de Raskolnikov face à Sonia jusqu’à ce qu’une question l’obsède : « Pourquoi tous aiment-ils Sonia ? » (...) « la glace fond alors enfin dans son cœur : « il pleura et étreignit les genoux de Sonia » (2)

Pour Hans Urs von Balthasar c’est une allégorie lointaine permettant d’atteindre l’indicible. On pourrait ajouter que la déréliction du Christ, par sa nudité, sa pauvreté en face du pécheur, n’a d’autre but que de faire fondre la glace qui enserre le cœur de l’homme.

(1) Paul Claudel, in Notre Dame auxiliatrice, Poèsie I, Gallimard 1950, p. 269 cité par Hans Urs von Balthasar p. 285
(2) ibid. p. 285-6