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21 décembre 2021

Stérilité et agenouillement - 2-20

Quel avenir pour notre Église ?

Le tressaillement de Jean au sein de l’ancienne femme stérile nous ramène bien loin et nous projette bien haut. Quelle va être notre fécondité ? Sommes nous encore dans l’espérance ?

« Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. »

Si l’on oublie les premiers mythes d’Ecriture tardive et nous concentrons sur celui que l’on considère comme le premier « croyant », il nous faut peut-être contempler, comme le fait Heb 11, les gestes d’Abram et de Sara, voir le père des nations  à genoux à Mambré devant cette triple danse de feu (cf. billet 2.17.6 ), partir de l’origine pour retrouver LA direction.

À l’origine tout commence par un acte de charité.

Tradition culturelle d'hospitalité, le lavement des pieds proposé par Abraham, n'est certes pas à la hauteur du lavement des pieds proposé par Jésus en Jean 13. 

Et pourtant... 

Il devient lieu intérieur de conversion.

Il s'inscrit dans cette dynamique même de dépouillement en dépouillement, d'agenouillement en et agenouillement qui conduira Jésus à prendre la place, à la suite des femmes de Galilée, de celle qui revient à l'esclave, pour nous montrer la voie de l'amour humble de Dieu. 

C'est ce que nous avons peut-être à méditer dans le silence et dans l'attente d'Abram au chêne de Mambré. 

Sur le sable fragile d'un homme et d'une femme, stériles malgré leur union, Dieu veux construire un peuple, une descendance. 

Que dire, de la même façon, de cette leçon d'humilité, s'il en est, que cette stérilité de Sarah qui va jusqu'à rire du projet de Dieu et découvrir pourtant en sa chair que Dieu peut faire germer une graine sur un terrain aride. 

Dieu a besoin de nous ! De nos mains…

Si nous prêtons nos corps stériles et voués à la ruine, nos églises désertées, à la construction d'un Corps, nous devenons participants, malgré notre indignité à l'édification du Temple. 

Il ne s'agit pas cette fois d'une Babel éphémère si notre dépouillement reste entier. Il faut accepter de mourir à nos rêves humains de puissance, à nos prosélytismes moralisateurs, pour que le grain prenne enfin  corps. C'est dans l'argile de nos échecs que le Seigneur dessine un chemin amoureux... 



C'est dans le terreau de nos erreurs que Dieu fait jaillir le grain du Verbe. 

C'est sur le reniement d'Abram que jaillira la descendance. 

C'est sur le reniement de Pierre que se construit l'Église. 

Nous ne sommes que des pécheurs pardonnés. 

De nos échecs Dieu fera des victoires. 

Du cri des victimes jaillira-t-il enfin l’espérance…?

Du jamais plus, combien de fois répété, peut germer un nouvel élan.

Sur la boue des « terreux », sur l'argile du potier, Dieu modèle des amphores. 

De la quête attentive de l'homme, de l'accueil humble d'autrui, jaillit le signe ultime, l'agenouillement de Dieu devant l'homme qui crie que l'amour est possible. 

Si tu veux... 

Laissons Dieu agir. 

Laissons-nous nous dépouiller de nos désirs humains, de nos quêtes de pouvoir, pour qu'au fond d'un vase brisé, d'un rideau déchiré, d'un corps mutilé, d'un rêve cassé, d'un cœur transpercé, jaillisse une source nouvelle...

Laissons le nous laver les pieds, s’agenouiller devant l’homme, percevoir que ce Dieu à genoux est sommet, don, unique geste, mime fécond, car il nous conduit à terre et veut de nos cœurs stériles, de nos églises malades, faire germer la semence.

11 avril 2021

Frémissements intérieurs - danse du Verbe 49.3

Apparitions fragiles du ressuscité, progression notée dans le nombre des témoins, comme si Dieu n’osait pas s’affirmer dans sa gloire de transfiguré...

La brise légère des théophanies se poursuit de peur de forcer notre liberté toujours première.

Au cœur des visitations de la Parole en l’homme, de frémissements en tressaillements*, se creuse au sein de l’être une place sublime et fragile, celle du Corps qui sème en nos cœurs ces déchirements nécessaires où Dieu peut se glisser pour féconder nos terres encore vierges.

C’est quand nous acceptons d’être vulnérables, quand nous reconnaissons nos fragilités que Dieu se glisse, courant d’air (1) fragile pénétrant silencieusement au cœur de notre intérieur délaissé.

Ruminations, manducations...

Buissons stériles qui d’un seul coup deviendront ardents quand le feu envahira sans détruire. 

Joies d’abord fugaces de ces rencontres, où la distance est de mise (« ne me touche pas ») pour préparer la véritable communion du Verbe avec l’âme impatiente...

Les pas de Dieu sont toujours fragiles, comme les traits tracés sur le sable en Jn 8, loins du doigt de Dieu de l’AT qui gravait les tables de Pierre. Quel est l’enjeu ?

Comme une vague douce vient fissurer la roche de nos falaises hautaines, Dieu cherche la faille.

« Tu étais là et je ne le savais pas. » découvre Augustin...au bout du voyage (2).


Le corps se fait Corps quand nous percevons, essentiellement, la symphonie à laquelle Dieu nous convie.


De même, la Parole qui n’est pas échangée se meurt. 

Partagée elle devient vie, prend chair, s’enrichît, s’éclaire et éclate en Exultet pascals...

Nous ne pouvons l’enfermer dans nos exégèses, la faire entrer dans nos « cases » sans risquer d’en abîmer la profondeur et pourtant il nous semble essentiel d’en faire résonner les accents et les facettes multiples.

Henri de Lubac, dans son exégèse médiévale, comme Hans Urs von Balthasar dans sa trilogie avaient raison d’insister sur la polyphonie et la symphonie des Écritures. Le plus grand crime est pour moi de croire qu’il n’existe qu’une version littérale quand le Verbe reste Dire... loin du Dit, réduit et réducteur (3) Lévinas soulignait aussi cela, jusqu’à oser dire que la vérité serait accessible quand les chrétiens arrêteraient de monopoliser le feu (4). Une affirmation qui ne cesse d’interpeller.

Le Verbe n’appartient à personne, se joue de nos cadres, souffle où il veut... les semences du Verbe et de l’Esprit sont comme les graines livrées à la brise légère du Printemps... Don du grand Donateur qui s’efface dans le silence mais continue de semer discrètement sans atteindre notre liberté...

Il est chemin, vérité et vie quand le monde ne cesse d’en découvrir l’immensité.

Dans « L’Amphore et le fleuve »(5)  je prolongeait Ez 46 et Bonaventure pour décrire l’homme debout cherchant à recueillir dans ses mains fragiles le don immense jailli d’un cœur ouvert et jaillissant d’eau vive et de sang versé, mélange sublime de vie et d’amour, d’Esprit et de feu versé comme la lave infinie d’un volcan éternel...


« Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. 

Ce que je te commande aujourd’hui, c’est d’aimer le Seigneur ton Dieu, de marcher dans ses chemins, de garder ses commandements, ses décrets et ses ordonnances. Alors, tu vivras et te multiplieras ; le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. » Dt 30, 14-16


Venez le repas est servi... la table est prête...(6)


(1) expression que j’emprunte à François Cassingena-Trévedy dans son excellent livre de « Pour toi quand tu pries »

(2) confessions, ch. VIII

(3) Emmanuel Lévinas, autrement qu’être ou au delà de l’essence

(4) Éthique et infini

(5) cf. Kobo / Fnac

(6) j’en profite pour rappeler l’expérience fragile sur FB de cette Maison d’Evangile - La Parole partagée que j’anime depuis quelques mois et qui compte maintenant près de deux cent participants : https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/


*sur les tressaillements voir mon billet n.20 et ma longue web série sur mon blog


Rappel : mes billets forment un tout en construction encore fragile - éternel quête ou danse à laquelle je vous invite, conscient d’être loin de « l’avoir saisi » (Ph 3)





23 décembre 2020

Tressaillement et danse - 20

 



« L'enfant a tressailli... »

Que dire quand on est homme et que jamais l'enfant n’a en nous manifesté sa présence ? Peut-on en être jaloux ? 😉 

Il y a pourtant des tressaillements intérieurs, des caresses de Dieu qui nous réveillent et nous font pressentir cela...

Signes discrets d’un Dieu qui vient se révéler à nous dans le silence ?

Signes plus tangibles quand la Parole fait vibrer en nous le mystère....

On devrait peut-être même aller plus loin et glisser sur la pointe des pieds que lorsqu'il nous a été donné de communier au corps et au sang du Christ, nous devenons à notre tour capables de ces « tressaillements » de Dieu en nous. 

Capax dei !

Est-ce ce que suggère François Varillon quand il dit que Dieu vient diviniser ce que nous avons humanisé ? (1)

J’ai du mal avec le mot diviniser, qui nous vient d’Irenée, mais c’est peut-être là qu’il prend chair, dans ce tressaillement intérieur dû à l’inhabitation fugace du Verbe en l’homme...

Alors nous pouvons faire nôtre le magnificat. Car nous entrons à notre tour dans cette danse trinitaire à laquelle le "fiat" marial nous a invités. 


« Heureuse celle qui a cru... » On entend déjà résonner à nos oreilles le chant des béatitudes et notre cœur devrait lui aussi bondir d'allégresse, car, en ce jour de la visitation, l'Église rentre dans la fête et la danse du peuple de Dieu. Après des siècles d’attente, après le désert, l'exil et la peine, la bonne nouvelle d'un Dieu parmi nous devrait nous envahir. Dieu a entendu son peuple et lui a donné un sauveur...

« L'enfant a tressailli... » 

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ».... (Luc 1, 47)


Ce chant m’habite, habite aussi mes joies, même les plus intérieures. Il prend sa source dans les chants de l’AT et devient signe de nos espérances... il relève les humbles...


Que Dieu tressaille en nous à l’aube du mystère...


(1) cf. Joie de croire, joie de vivre

PS : extrait complété de mon « Chemins de miséricorde »

Voir aussi « la danse intérieure »

La visitation - peinture de ma soeur, L. Franc (c)

20 juillet 2020

La danse des brebis - dépouillement 24

« J'ai joué de la flûte » (Mat 11,17)
Quel écho cela a-t-il pris en nous ?

Tendre l'oreille.
Entendre la musique du Verbe.

« Aussitôt que la voix de ta salutation à atteint mon oreille, voici que l'enfant a tressailli en moi » (Luc 1,42)

Entendre et tressaillir.
Sentir le Verbe en soi...

Entendre la voix de Dieu, en reconnaître les notes.
Reconnaître la voix.
La laisser vibrer en nous.

«Le gardien lui ouvre la porte et les brebis écoutent sa voix. Il appelle ses brebis chacune par son nom et les mène dehors. Quand il les a toutes fait sortir, il marche devant elles et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix.» Jean‬ ‭10:3-4‬ ‭

Tressaillir aux échos de Dieu dans les profondeurs intérieures de notre être.
Secouez les résistances, les fausses notes, les contre-temps.
Se dépouiller des ornements (Ex33,5) qui freinent l'écho de Dieu...
Entrer en résonance avec le Verbe.
Entrer dans la danse.
Participer à la symphonie du Verbe.

Quitter nos enclos et nos terres...
Quitter nos enfermements et nos doutes...
Quitter son père et sa mère
Se lever...
Porter le fardeau léger
Prendre son bâton
Se laisser conduire au désert.
N'emporter ni bourse, ni rechange
Marcher dans les pas de Dieu.
Entrer dans sa danse.

Avancer, un pas après l'autre.
Trébucher et se relever.
Se laisser porter.
Découvrir ses chemins de miséricorde
Ne pas se laisser distraire par les bruits alentours.
Se concentrer sur la mélodie.
Danser avec son Dieu...
Se laisser emporter par la danse trinitaire
Quitter son vêtement de fête
Retirer ses sandales.
Aimer et se laisser aimer.
Jusqu’au bout
Mourir à soi même
Espérer contre toute espérance



(1) Variation et hommage au « maître de chant », in François Cassingena-Trévédy, la voix contagieuse, chap. VII, op. cit.

14 août 2019

Homélie de l'Assomption - 15 août - version 8

Homélie du 15 août 2019 - notes finales d’une homélie prononcée à Droisy 

Frères 
Êtes-vous dans la joie ? 
Cette joie profonde de la Résurrection et de l’Assomption, fondée sur l’Espérance que porte la fête d’aujourd’hui ?  

Il y a dans les textes d'aujourd'hui une triple dimension :
  • Une dimension historique par la manière dont les textes retracent les dons de Dieu depuis l'origine comme le fait superbement le magnificat, complétée par la tradition de l’Église jusqu’au texte de Pie 12 sur l’Assomption en 1950 (1)
  • Une espérance que l'on appelle eschatologique (propre à la fin des temps) avec l'annonce de la victoire de Marie et surtout de son Fils sur le monde
  • Enfin une dimension spirituelle, d'une certaine manière mystique et eucharistique en ce qu'elle touche l'aujourd'hui de nos vies et c'est là dessus que je voudrais insister, car c'est à la fois l'essentiel et souvent ce qui est oublié dans cette fête de l'Assomption
Il y a en effet, trois sous-points à cette troisième dimension si vous le voulez bien :
  • Marie est chemin pour nous. Elle est l'image même du chrétien "accompli" en ce qu'elle se dessaisit et se détache de toute logique humaine pour accueillir en son sein le Sauveur.. Par son fiat, elle est le chemin qu'il nous reste sans cesse à imiter. « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1)
  • Marie est celle qui, en union et à l'image de son Fils, porte le plus nos souffrances humaines. Dans sa présence jusqu'à la croix (stabat mater) se dévoile le cœur de ce qui est pour nous la voix royale. Elle est la première en chemin… C’est probablement pour cela que nous l’appelons souvent notre dame des douleurs... 
  • C'est entre ces deux tensions ; le détachement de soi et sa capacité à traverser la souffrance que que se révèle quelque chose de fragile en nous. Et c'est peut-être la clé ou la porte qu'il nous faut chercher dans cesse.
Prenons le temps de refaire doucement ce chemin. Il est en effet enchâssé dans les deux autres : au point focal entre dessaisissement et souffrance avec ou pour le monde. Nous ne pouvons accéder à Dieu que si nous quittons ce qui nous retient sur nous-mêmes. Et cela demande un grand pas en avant...

Marie est restée dans la nuit. Luc le dit avec ses mots à lui. Elle n’aura droit qu’au silence et parfois au mépris - rappelons nous ce « qui est ma mère » (Marc 3, 33 / Mat 12, 48 / Lc 8, 21) qui sonne comme un rejet de Jésus. Pourtant elle a cru au-delà de tout désespoir. Elle est, en cela, lumière dans notre nuit.  Et quand tout le monde a fui, elle est là debout...




Quel enseignement pour nous ?
La venue de Dieu en nous est comme un accouchement. Et c'est là où le monde féminin nous précède, c'est là où Marie est la première en chemin, la nouvelle Ève.
Qu'est-ce qu'un accouchement ? Je me sens petit pour parler de cela… Juste après la naissance de mon troisième petit-enfant. Petit et humble devant cette merveille de l'accouchement. 

Que dire sinon entrer dans le silence ?
Je vous invite à méditer cela d'ici dimanche. Il  y a là une clé que Marie nous révèle à sa manière par sa vie  ; En acceptant d'être visitée par Dieu, en Le portant en elle, en courant au service de sa cousine, en acceptant que son Fils soit détaché, oserait-je dire arraché de ses entrailles, qu'il quitte son giron familial, en se tenant debout et traversant la souffrance, elle nous enseigne la clé de toute vie chrétienne véritable. Plus loin qu’une fidélité de façade elle se fait instrument de Dieu. 
Prenons le temps d’accueillir cela en nous. Dieu vient nous visiter à sa manière, dans le silence particulier qui est propre à sa communication aimante. Il viendra tout à l'heure dans l'Eucharistie. Faisons à notre tour une juste place à sa venue. Devenons, comme elle, des porte-Christ.
Il est venu, il est mort et Dieu l'a ressuscité... 
Il revient en nous si nous le laissons vraiment tressaillir en nous, c'est-à-dire si nous lui laissons vraiment la juste place...
Il reviendra nous visiter.. 

L'Assomption de Marie, que nous fêtons aujourd'hui, s'inscrit dans cette espérance.
Alors accueillons le, par notre fiat... au-delà de nos peurs... au delà de nos souffrances
Qu'il me soit fait selon ta Parole !

(1) cf. la constitution apostolique sur l’Assomption de 1950
(*) Si j'ose partager avec vous ces balbutiements c'est dans l'espoir, parfois vérifié, que vos remarques m'aident à améliorer ce texte... alors n'hésitez pas à m'écrire.

11 avril 2019

Au fil de Jean 8,51-59 - Le sacrifice - Tressaillement d’Abraham

En ce temps-là, Jésus disait aux Juifs : « Amen, amen, je vous le dis : si quelqu'un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. »
Les Juifs lui dirent : « Maintenant nous savons bien que tu as un démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et toi, tu dis : "Si quelqu'un garde ma parole, il ne connaîtra jamais la mort."
Es-tu donc plus grand que notre père Abraham ? Il est mort, et les prophètes aussi sont morts. Pour qui te prends-tu ? »
Jésus répondit : « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien ; c'est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites : "Il est notre Dieu",
alors que vous ne le connaissez pas. Moi, je le connais et, si je dis que je ne le connais pas, je serai comme vous, un menteur. Mais je le connais, et sa parole, je la garde. Abraham votre père a exulté, sachant qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu, et il s'est réjoui. » Les Juifs lui dirent alors : « Toi qui n'as pas encore cinquante ans, tu as vu Abraham ! » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : avant qu'Abraham fût, moi, JE SUIS. »
Alors ils ramassèrent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus, en se cachant, sortit du Temple. » (1)

Il existe un lien mystique entre Jésus et Abraham et ce lien réside dans la contemplation de ce récit énigmatique du sacrifice. C'est en méditant la foi du patriarche qui avance, aveugle, vers un Dieu qui semble lui demander l'impossible et l'improbable que se révèle le sens même de la Croix. 
L'erreur serait de croire en un Dieu sadique qui exige le sacrifice des premiers nés (tentation des religions pré-judaïque). Le récit du sacrifice d'Abraham, à la lumière de celui du Christ est une conversion du regard. Dieu ne demande pas l'impossible. Écoutons sur ce point Origène (v. 185-253), prêtre et théologien : « Abraham a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon jour. Et il l'a vu »
« Abraham prit le bois de l'holocauste et le chargea sur son fils Isaac ; lui-même prit en mains le feu et le couteau, et ils s'en allèrent tous deux ensemble. Isaac dit à son père : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? À quoi Abraham répondit : L'agneau pour l'holocauste, Dieu y pourvoira, mon fils » (Gn 22,6-8). Cette réponse d'Abraham, à la fois exacte et prudente, me frappe. Je ne sais pas ce qu'il voyait en esprit, car il ne s'agit pas du présent mais de l'avenir quand il dit : « Dieu y pourvoira ». À son fils qui l'interroge sur le présent, il parle de l'avenir. C'est que le Seigneur lui-même devait pourvoir à l'agneau dans la personne du Christ...
« Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. » Rapprochons de cela les paroles de l'apôtre Paul où il est dit de Dieu qu'il « n'a pas épargné son propre Fils, mais qu'il l'a livré pour nous tous » (Rm 8,32). Voyez avec quelle magnifique générosité Dieu rivalise avec les hommes : Abraham a offert un fils mortel qui en fait ne devait pas mourir, tandis que Dieu a livré à la mort pour les hommes un Fils immortel...
« Et, se retournant, Abraham leva les yeux, et voici qu'un bélier était retenu par les cornes dans un buisson. » Le Christ est le Verbe de Dieu, mais « le Verbe s'est fait chair » (Jn 1,14)... Le Christ souffre, mais c'est dans sa chair ; il subit la mort, mais c'est sa chair qui la subit, dont le bélier est ici le symbole. Comme le disait Jean : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde » (Jn 1,29). Le Verbe au contraire est demeuré dans l'incorruptibilité ; c'est lui le Christ selon l'esprit, celui dont Isaac est l'image. Voilà pourquoi il est à la fois victime et grand prêtre. Car, selon l'esprit, il offre la victime à son Père, et selon la chair, lui-même est offert sur l'autel de la croix. (2)

Ne croyons pas ceux qui exige un sacrifice impossible. « «Tu n’as pas pris plaisir au sacrifice ni à l’offrande: tu m’as ouvert les oreilles; tu n’as demandé ni holocauste ni sacrifice pour le péché. Alors j’ai dit: Je viens avec le livre-rouleau écrit pour moi. Je désire faire ta volonté, mon Dieu, et ta loi est au fond de mes entrailles (Psaumes‬ ‭40:7-9‬) », c'est en méditant le psaume 39 (40) que s'éclaire à la fois la folie salvatrice du Fils et l'amour souvent incompris du Père. (3)





(1) Traduction Liturgique de la Bible, AELF, Paris
(2) Origène, Homélies sur la Genèse, VIII, 6, 8, 9 : PG 12, 206-209 (trad. Orval)
(3) cf. sur ce point Paul Beauchamp, d'une Montagne à l'autre et mon commentaire in « J'ai soif » repris dans Dieu n'est pas violent.

12 janvier 2019

Au fil de Jean 3,22-30, tressaillement et décentrement - Cana et Nicodème

*En ce temps-là, Jésus se rendit en Judée, ainsi que ses disciples ; il y séjourna avec eux, et il baptisait.
Jean, quant à lui, baptisait à Aïnone, près de Salim, où l'eau était abondante. On venait là pour se faire baptiser.
En effet, Jean n'avait pas encore été mis en prison.
Or, il y eut une discussion entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification.
Ils allèrent trouver Jean et lui dirent : « Rabbi, celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, celui à qui tu as rendu témoignage, le voilà qui baptise, et tous vont à lui ! »
Jean répondit : « Un homme ne peut rien s'attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel.
Vous-mêmes pouvez témoigner que j'ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui.
Celui à qui l'épouse appartient, c'est l'époux ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il entend la voix de l'époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite.
Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue*. Jean 3,22-30 (1)

Ce petit épisode où l'on voit Jésus baptiser en « concurrence » avec Jean est très particulier. Pour l'exégète John Meyer il traduit et prépare à la coexistence de deux écoles différentes, celle des disciples de Jean qui perdurera encore après la mort du Christ. Et c'est justement au sein de cette école que l'évangéliste Jean va tenter deux déplacements et une tentative de réconciliation. Augustin nous y conforte en apportant deux exhortations : « le tressaillement » et le « décentrement » deux concepts déjà largement commentés dans nos pages.
*Écoutez, enfants de la lumière, vous qui avez été adoptés en vue du Royaume de Dieu ; écoutez, frères très chers ; écoutez et tressaillez de joie dans le Seigneur, vous les justes, puisqu' « à vos cœurs droits, la louange va bien » (Ps 33,1). Écoutez ce que vous savez déjà, méditez ce que vous avez entendu, aimez ce que vous croyez, proclamez ce que vous aimez ! ...
Le Christ est né, Dieu par son Père, homme par sa mère ; il est né de l'immortalité de son Père et de la virginité de sa mère. De son Père, sans le concours d'une mère ; de sa mère, sans celui d'un père. De son Père, sans le temps ; de sa mère, sans la semence. De son Père, il est principe de vie ; de sa mère, la fin de la mort. De son Père, il est né pour régler l'ordre des jours ; de sa mère, pour consacrer ce jour-ci.
Devant lui il a envoyé Jean Baptiste, qu'il a fait naître lorsque les jours se mettent à décroître, et lui-même est né lorsque les jours commencent à rallonger, préfigurant ainsi les paroles de ce même Jean : « Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ». En effet, la vie humaine doit s'affaiblir en elle-même et s'augmenter en Jésus Christ, « afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2Co 5,15). Et afin que chacun de nous puisse répéter ces paroles de l'apôtre Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).(2)

Cette première place du Christ ne nie pas notre existence, elle constitue le lieu de notre déplacement. Diminuer pour qu'en nous (en Christo) nous devenions passeur de Dieu, Christophore, porte-Christ.

La phrase de Galates citée par Augustin résume tout.

Quelles sont les conditions de cette transformation en nous ? 
Elle se lit entre les lignes dans un autre passage des mêmes chapitres de Jean et rejoins notre commentaire de 1 Jn 4. 
« Le troisième jour, il y eut des noces. Que sont ces noces, sinon les vœux et les joies de l'humanité sauvée, célébrées le troisième jour, dans le mystère de ce chiffre qui désigne soit la confession de la Trinité, soit la foi en la résurrection.

Car, dans un autre passage de l'Évangile, c'est avec la musique et les danses et la robe des noces que l'on accueille le retour du fils cadet, c'est-à-dire la conversion du peuple païen.

Aussi, tel un époux sortant de la chambre nuptiale, le Verbe descend jusqu'à la terre, jusqu'à l'Église qui doit rassembler les nations ; en assumant l'incarnation, il va s'unir à celle qu'il a gratifiée d'un contrat de mariage et d'une dot. Un contrat, quand Dieu s'est uni à l'homme ; une dot, quand il a été immolé pour le salut de l'homme. Le contrat, c'est la rédemption présente ; par la dot, nous entendons la vie éternelle. ~ Aussi était-ce des miracles pour ceux qui voyaient, des mystères pour ceux qui comprenaient. C'est pourquoi, si nous regardons bien, on découvre d'une certaine manière, dans les eaux elles-mêmes, une ressemblance avec le baptême et la nouvelle naissance. En effet, lorsqu'une chose se transforme intérieurement en une autre, lorsque la créature inférieure, par un changement invisible, se transmue en une nature meilleure, le mystère de la seconde naissance s'accomplit. Les eaux, tout à coup, sont changées, elles qui plus tard doivent changer les hommes. ~

Par l'action du Christ en Galilée, voici du vin. C'est-à-dire que la loi touche à sa fin et la grâce lui succède : le reflet est écarté, la vérité est rendue présente ; les réalités charnelles conduisent aux spirituelles, l'observance ancienne se transforme en la Nouvelle alliance. Comme dit l'Apôtre : Ce qui est ancien a passé, voici que du nouveau est advenu. De même que l'eau contenue dans les cuves ne perd rien de ce qu'elle était, mais reçoit alors une existence qu'elle ne possédait pas auparavant, ainsi la loi ne disparaît pas, mais se perfectionne par l'avènement du Christ. ~

Le vin venant à manquer, un autre vin est procuré ; le vin de l'Ancienne alliance était bon, mais celui de la Nouvelle est meilleur. L'Ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre. La Nouvelle alliance, celle qui nous concerne, restitue le goût de la vie en donnant la grâce.

Le bon vin, c'est-à-dire le bon commandement, est celui de la loi, lorsque tu entends : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais le vin de l'Évangile est meilleur et plus fort, lorsque tu entends : Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » (3)

De Cana à Nicodème, Jean nous mène un pas plus loin

(1) Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
(2) Saint Augustin, Sermon 194, onzième sermon sur la Nativité du Seigneur (trad. coll. Icthus, t.8, p. 98 rev.), source Evangile au quotidien 
(3) Fauste de Riez, Sermon sur l'eucharistie, source AELF


09 janvier 2019

Au fil de la première lettre de saint Jean 4, 11-18 et de Marc 6, 45-52- De bruissements en tressaillements

"Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l'a jamais vu.
Mais si nous nous aimons les uns les autres,
Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection.
Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui
et lui en nous :
il nous a donné part à son Esprit.
Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous,
et nous y avons cru.
Dieu est amour :
qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui."

Il n'y a jamais pour nous de manifestation irréfutable de la présence de Dieu autre que celle de la nature ou que ce que Dieu consent à nous révéler.

Il y a par contre des bruissements et des tressaillements intérieurs. Car loin des trompettes et des cors du Sinaï, Dieu a choisi le silence du Crucifié pour clôturer sous forme d'apothéose sa pleine révélation aux hommes, ne la rappelant que par des traces et des soupirs. 

Et pourtant il serait faut de dire qu'il s'est tu. Le langage de Dieu est dans la voix d'un fin silence, dans le souffle ténu de l'Esprit, dans le bruissement des feuilles de la Bible et le tressaillement de nos coeurs.

Il vient nous visiter. Il demeure en nous. Saurons-nous l'entendre, sentir ses mots enfouis au plus profond de nos coeurs ou dans le cri de nos frères.

Comme Jésus après la multiplication des pains, repartons au désert et écoutons sa voix. Alors la tempête de nos vies laissera place au silence. 

« Confiance ! c'est moi ; n'ayez pas peur ! »
Il monta ensuite avec eux dans la barque
et le vent tomba ;
et en eux-mêmes
ils étaient au comble de la stupeur,
car ils n'avaient rien compris au sujet des pains :
leur cœur était endurci." (Marc 6, 50-52)


27 décembre 2018

Du tressaillement à l’agenouillement 12 - Taizé

La Croix nous donne de biens bons articles en ce moment. Après son numéro collector sur la dalle de La Défense, saluons le numéro de ce week-end qui contient entre autres excellents articles une belle image rapportée par Arnaud Montoux sur le vitrail du frère Eric de Saussure à Taizé : « Dans l'épaisseur du verre coloré, frère Éric nous laisse apercevoir l'invisible rencontre des enfants que portent les entrailles de Marie et d'Élisabeth. Jean s'est agenouillé à l'approche de l'Agneau de Dieu. (...) Il y a dans l'homme, dans tout homme, la joie d'une attente en laquelle mûrissent tant d'avenirs. La présence de ces enfants, qui nous semblent encore lointains et irréels tant qu'ils n'ont pas été caressés par nos regards, rappelle que les apparences sont souvent trompeuses.
À Taizé, frère Éric a bien souvent constaté que l'homme est bien plus transformé par ses attentes invisibles qu'il ne le croit. Dieu est réellement présent dans le cœur de celui qui cherche, même s'il n'a pas le sentiment d'être habité. Cette présence discrète est une lueur dont nos perceptions parfois étroites ne doivent priver personne. » (1)
En ajoutant au tressaillement de l'enfant ce geste si symbolique de l'agenouillement(2), le frère Eric nous invite à faire de même. Dieu frappe à notre porte. Il vient. 
(1) Arnaud Montoux, la joie cachée du Magnificat, La Croix du 23/12/18.
(2) Dans Humilité et miséricorde, je montre la surprenante succession des agenouillements de l'AT, dans les Théophanies, jusqu'à celle de Jean 17. Ajouter celle de Jean in utero avant celle du Jourdain n'est qu'une suite bien logique de cette contemplation.

Magnificat, par Éric de Saussure, 1963, vitrail de l'église de la Réconciliation à Taizé

21 décembre 2018

Au fil de Luc 1, 44 - Tressaillement - 11

"L'enfant a tressailli d'allégresse en moi" (luc 1, 44).

Il nous faut contempler ce cri et le laisser résonner en nous, à la fois, parce qu'il réveille l'enfant en nous et parce qu'il s'agit du bien le plus précieux : Dieu vient nous visiter.



(1) cf. Mon roman sur le sujet



20 décembre 2018

Amour est en toi - 26 - Manducation et tressaillement

Il y a dans ce texte d'aujourd'hui (Luc 1) une manducation à faire pour qu'à la suite de la Vierge nous puissions à notre tour dire "je suis la servante du Seigneur". Aujourd'hui, en communiant au corps et au sang du Christ nous recevons aussi le Christ en nous. Et cette inhabitation de Dieu peut provoquer tressaillement et joie.

Dieu vient habiter en nous. Portons, à la suite de la Vierge ce corps livré, communions à ses souffrances et à ses joies de mère, prions pour que ce que nous avons reçu donne aussi du fruit.

De même qu’elle porte le Seigneur, devenons de vrais porte-Christ (1).

Le monde a besoin de sentir ce que nous ressentons. Trouvons les mots pour transpirer de cette joie d'un Dieu qui vient en l'homme.

(1) expression des premiers siècles de l’Église

30 novembre 2018

Tressaillement 9 - Hans Urs von Balthasar

Dans la série de mes réflexions sur le tressaillement, une petite résonance avec Hans Urs von Balthasar : « celui qui n'éprouverait pas jusqu'au racines de son être le frisson devant l'être de Dieu (...) ne serait pas préparé à la contemplation de Jésus-Christ (...) Que l'être absolu de Dieu ait résolu de se présenter dans une existence humaine (...) voilà ce qui doit surprendre sans cesse et toujours plus profondément celui qui contemple l'existence de Jésus, comme quelque chose d'impossible, d'absolument stupéfiant. Devant cette existence, il ne peut que perdre contenance, sentir le sol se dérober sous ses pieds, il doit au moins tomber dans cette « extase » d'incompréhension dans laquelle les contemporains de Jésus furent jetés »(1)

Balthasar invite pour cela à une initiation à ce mystère par l'Ancien Testament. On retrouve probablement à sa suite ce que j'ai tenté de contempler dans « retire tes sandales »...

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 140

31 mai 2018

L'amour est en Toi - 3

« Pousse des cris de joie, fille de Sion !
Éclate en ovations, Israël !
Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie,fille de Jérusalem !
Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi,
il a écarté tes ennemis.
Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi.
Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem :
« Ne crains pas, Sion !
Ne laisse pas tes mains défaillir !
Le Seigneur ton Dieu est en toi,
c’est lui, le héros qui apporte le salut.
Il aura en toi sa joie et son allégresse,
il te renouvellera par son amour ;
il exultera pour toi et se réjouira,
comme aux jours de fête. » (1)

"Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.
Exultant de joie,
vous puiserez les eaux aux sources du salut.
Ce jour-là, vous direz :
« Rendez grâce au Seigneur,
proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »
Redites-le : « Sublime est son nom ! »
Jouez pour le Seigneur,
il montre sa magnificence,
et toute la terre le sait.
Jubilez, criez de joie,
habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi,
le Saint d’Israël !"

"En ces jours-là,Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie,l’enfant tressaillit en elle.
Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes,et le fruit de tes entrailles est béni.
D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles,
l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.

Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !
Il s’est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Sa miséricorde s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras,
il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »
Marie resta avec Élisabeth environ trois mois,
puis elle s’en retourna chez elle. (3)

Sans autre commentaire que celui du tressaillement,  déjà largement évoqué dans ces pages et dans le Mendiant et la Brise (4)

(1) So 3, 14-18
(2) Isaïe 12, 2, 3, 4abcd, 4e-5, 6
(3) Lc 1, 39-56, Source AELF
(4) voir mon livre éponyme

L'amour est en Toi - 2

"L’âme glorifie le Seigneur quand elle consacre toutes ses puissances intérieures à louer et à servir Dieu ; quand, (...) elle ne perd jamais de vue sa puissance et sa majesté.L’esprit exulte en Dieu son Sauveur, quand il met toute sa joie à se souvenir de son Créateur dont il espère le salut éternel.
Ces mots, [conviennent] tout spécialement [à la] bienheureuse Mère de Dieu qui, comblée d’un privilège unique, brûlait d’un amour tout spirituel pour celui qu’elle avait eu la joie de concevoir en sa chair. Elle avait bien sujet, et plus que tous les saints, d’exulter de joie en Jésus – c’est-à-dire en son Sauveur – car celui qu’elle reconnaissait pour l’auteur éternel de notre salut, elle savait qu’il allait, dans le temps, prendre naissance de sa propre chair, et si véritablement qu’en une seule et même personne serait réellement présent son fils et son Dieu.
Car le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint est son nom  ! Pas une allusion à ses mérites à elle. Toute sa grandeur, elle la rapporte au don de Dieu qui, subsistant par essence dans toute sa puissance et sa grandeur, ne manque pas de communiquer grandeur et courage à ses fidèles, si faibles et petits qu’ils soient en eux-mêmes.Et c’est bien à propos qu’elle ajoute : Saint est son nom, pour exhorter ses auditeurs et tous ceux auxquels parviendraient ses paroles, pour les presser de recourir à l’invocation confiante de son nom. Car c’est de cette manière qu’ils peuvent avoir part à l’éternelle sainteté et au salut véritable, selon le texte prophétique : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. C’est le nom dont elle vient de dire : Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
(...) On peut en attendre que les âmes des fidèles, en faisant si souvent mémoire de l’incarnation du Seigneur, s’enflamment d’une plus vive ferveur, et que le rappel si fréquent des exemples de sa sainte Mère les affermisse dans la vertu. Et c’est bien le moment, à vêpres, de revenir à ce chant, car notre âme, fatiguée de la journée et sollicitée en sens divers par les pensées du jour, a besoin, quand approche l’heure du repos, de se rassembler pour retrouver l’unité de son attention.(1)
C'est en contemplation de celle qui a porté l'amour que l'on peut murmurer : "Bienheureuse es-tu, Marie,d'avoir été pauvre devant Dieu ;l’amour s’est emparé de toi et tu as chanté :Mon âme exalte le Seigneur." (2)

(1) Saint Bède le Vénérable,  Homélie sur le Magnificat
(2) Oraison de l'office des lectures du 31 mai.

15 janvier 2018

Faire de notre vie une danse spirituelle

Je retombe sur un beau texte, qui résume bien l'enjeu de toute prière: "nous faisons de toute notre vie une fête, persuadés que Dieu est présent partout (...) notre prière est une conversation avec Dieu. Même si c'est en silence que nous nous adressons à lui, ou en remuant à peine les lèvres, intérieurement nous prions. (...) nous demeurons, même quand la prière vocale est finie, tendus, dans le tremblement [tressaillement] de notre âme, vers l'univers spirituel (...) seul dans le réduit de son âme, s'il médite, il invoque le Père avec des gémissements ineffables et celui-ci est proche de lui(1).

(1) Clément d'Alexandrie, cité par Claude Ollivier Le Pélerin, 4/4/1982

06 janvier 2018

Fragilité et tressaillement -Jean louis Chrétien

Excellent article d'Elodie Maurot dans La Croix de jeudi qui nous invite à goûter le dernier livre de Jean Louis Chrétien, La fragilité aux Éditions de Minuit.
On y découvre que le concept de fragilité est méconnu alors qu'il est plus positif que celui de faiblesse.
Aurais-je dû appeler mon livre éponyme «Un Dieu fragile » au lieu d'un « Dieu de faiblesse » ?
Écoutons Elodie Maurot sur ce thème : « saint Ambroise, [souligne] que « le Seigneur et créateur a assumé la fragilité de notre corps ». « Dans cette lumière neuve, la fragilité, sans être abolie, ce qu'elle ne sera qu'à la résurrection, peut être, non seulement fortifiée, mais véritablement transfigurée », analyse Jean-Louis Chrétien.
Chez Augustin, la fragilité ouvre au dynamisme : « Ayez à l'esprit, mes frères, la fragilité humaine : courez tant que vous vivez, afin de vivre ; courez tant que vous vivez, afin de ne pas mourir vraiment », écrit l'évêque d'Hippone.
Tout l'intérêt de l'ouvrage de Jean-Louis Chrétien est de montrer la richesse de ce thème intemporel, (...) . La fragilité apparaît même plus intéressante que l'idée de faiblesse, terme « négatif »,désignant « un manque, une absence, une privation » (de force). La fragilité a, elle, un « caractère positif ». Porteuse d'une ligne de faille ou de rupture, elle constitue potentiellement une ouverture. » (1)
Chemin d'espérance ? Elle rejoint en tout cas ce que je viens de publier sur le tressaillement dans « Le mendiant et la brise »
(1) La Croix du jeudi 4 janvier 2018 p.14

21 décembre 2017

Danse et tressaillement

"Remarquez les nuances et l'exactitude de chaque mot. Élisabeth fut la première à entendre la parole, mais Jean fut le premier à ressentir la grâce: la mère a entendu selon l'ordre naturel des choses, l'enfant a tressailli en raison du mystère; elle a constaté l'arrivée de Marie, lui, celle du Seigneur; la femme, l'arrivée de la femme, l'enfant, celle de l'enfant; les deux femmes échangent des paroles de grâce, les deux enfants agissent au-dedans d'elles et commencent à réaliser le mystère de la piété en y faisant progresser leurs mères; enfin, par un double miracle, les deux mères prophétisent sous l'inspiration de leur enfant.Jean a tressailli, la mère a été comblée. La mère n'a pas été comblée avant son fils, mais, comme le fils était comblé de l'Esprit Saint, il en a aussi comblé sa mère. Jean a exulté, et l'esprit de Marie a exulté, lui aussi. L'exultation de Jean comble Élisabeth; cependant, pour Marie, on ne nous dit pas que son esprit exulte parce qu'il est comblé, car celui qu'on ne peut comprendre agissait en sa mère d'une manière qu'on ne peut comprendre. Élisabeth est comblée après avoir conçu, Marie, avant d'avoir conçu. Heureuse, lui dit Élisabeth, toi qui as cru."

Il y a comme une danse à contempler entre ces tressaillement et grâce réciproques.


(1) Saint Ambroise,  commentaire sur l'évangile de Luc

04 décembre 2017

Rite et intériorité

Deux très belles pages de Christoph Théobald (1) sur le risque très moderne d'une course vers le faire, d'un zapping continuel jusque dans nos temps spirituels et nos rites. Aller à la messe ne sert à rien si nous ne prenons pas le temps du « recueillement » véritable, de cette cueillette des biens reçus à relire dans nos vies. La rencontre de Dieu ne se programme pas. Elle n'est pas le fruit de pratiques et de zèle, elle est don gratuit, surprise, tressaillement (2).
Théobald rejoint ici la quête de François Cassingena-Trévédy déjà décrite dans ces pages. Face au mendiant d'amour toutes nos stratégies échouent. Seuls l'humilité souvent inaccessible et le décentrement laissent place à ce que Christoph Théobald appelle le « miracle », le moment fugace de la brise.

(1) Christoph Théobald , Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 398sq
(2) cf. sur ce point ma deuxième édition du Mendiant et la brise, où j'ai ajouté une petite méditation très personnelle sur le tressaillement...

21 novembre 2017

Le tressaillement de Zachée

« Je suis un pécheur sur lequel Jésus a posé son regard » Cette phrase de notre pape reprise deux fois par le P. Spadaro dans « Cette Église que j'espère »(1) est particulièrement adaptée en ce jour où l'Evangile nous conduit vers Zachée.

« Jésus leva les yeux et lui dit :
« Zachée, descends vite :
aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »(Luc 19,5).

Contempler le Christ descendu à Jéricho jusqu'à Zachée, c'est voir le Christ agenouillé devant l'homme pour demander de demeurer en lui. Un acte qui préfigure le mystère de l'eucharistie et nous fait tressaillir comme a dû le faire le petit homme devant la phrase du Fils de Dieu.

Un monde à l'envers. Il cherche à monter et Jésus descend...

Seigneur, je ne suis pas digne, mais dit seulement une parole et je serais guéri...

(1) Op. cit. p. 47 et 62

26 octobre 2017

Intimité de Dieu - Tressaillement 5

« La foi proprement christique donne accès à l'intimité de Dieu (...) une expérience spirituelle voire mystique » (1)
C'est en effet au coeur de ce tourbillon de la foi que l'homme entre en dialogue avec l'inouï de Dieu. « Dieu ne nous veut pas seulement face à lui, comme dans le Coran (...) Il nous donne accès à Son Intimité, à Son intériorité abyssale, puisqu'il y est déjà »(2)

On entre en écho avec les propos de François Cassingena-Trévédy sur l'intériorité commenté plus haut. Mais Christoph Théobald évoque aussi ce qui est divin en nous. Une manière de nous faire entrer dans la danse...

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 156
(2) ibid.