29 septembre 2017

Ichtus -> Christus

Ce n'est pas un anagramme,  mais un déplacement du centre. Le chrétien qui met le Christ au centre, doit déplacer son "I" de la première place à celle du serviteur.

27 septembre 2017

La crédibilité du message - urgences pastorales 2

Ce qui frappe dans le discours de Christoph Théobald dès les premières pages c'est son insistance sur la crédibilité du message(1). C'est là où il donne du poids à la démarche parfois critiquée de notre pape. Un discours pastoral n'a de sens que s'il est crédible, tout entier fondé sur la cohérence entre les mots et les actes. Et dans ce discours se sent déjà la profonde immersion du christianisme en Jésus Christ, qui lui seul réconcilie l'aimer en actes et en vérité.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 12ss

24 septembre 2017

Me voici - Hinnêni

Il est sublime et à la fois peu étonnant que François Cassingena-Trévédy termine son livre par la rencontre mutuelle du "Je suis" divin et du "me voici" humain. Pas étonnant non plus qu'il évoque aussi la thèse de Lévinas sur le sujet dans Être et Infini.
Par rapport à mes propres recherches publiées dans J'ai soif, puis dans ma lecture de Gn (1) je rajouterais seulement, sur la pointe des pieds, le cri lancé par Dieu à l'homme dans Gn 3 qui fait écho au cri fréquent de l'homme à Dieu dans la souffrance : "où es-tu ?" Ce cri des recherches réciproques résume le drame des liens entre l'homme et Dieu, ils contribuent au chiasme dont l'unique centre résonne dans la nudité du "moi je suis" du Christ en croix.

Sans parler du parallèle entre ouk eimi / ego eimi en Jn 18 où Pierre nous conduit dans le "je ne suis pas" quand Jésus crie son "moi je suis".

Notre prière est acculée au décentrement final d'un je suis faible, d'une mise à nu où le "qui suis-je?" de Job n'est pas loin.

(1) Lire l'ancien testament, tome 1

23 septembre 2017

Le silence du fleuve

Après nous avoir vanté la bernique, l'éponge et l'anémone comme autant de symbolique d'orants, après nous avoir invité à être Ichtus (poisson/chrétiens) mettant Christus au centre (cf. AbCBA), voici que François Cassingena-Trévédy(1) nous exhorte à écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, éponge et anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2)

vitrail de la basilique d’Issoudun


(1) op. cit. p. 188ss
(2) cf. là encore ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.

22 septembre 2017

Approche neuronale de l'Écriture

Une autre belle métaphore de François Cassingena-Trévédy(1) nous parle des synapses dans la lecture biblique. De fait, la lente manducation des textes conduit sans arrêt à de nouveaux rapprochements tous porteur de sens.
Une lecture spirituelle de l'Écriiture est-elle différente d'une  plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin ?
Et ces croisements qui éclairent la Parole, ne peuvent ils pas être comparés à ces flash électriques des neurones de notre cerveau qui s'activent soudain devant la lumière de la vérité ?

(1) op. cit. p. 180

21 septembre 2017

Urgences pastorales de Christoph Théobald

Saluons ici la belle recension d'Élodie Maurot dans la Croix d'aujourd'hui qui m'invite à courir acheter le nouveau livre de Théobald(1).
J'y trouve déjà les thèmes que je ne cesse de travailler dans mes livres (la "pastorale du seuil", la "dynamique sacramentelle" ou "quel espérance pour l'homme souffrant ?").
On y verra aussi peut être des réponses aux questions soulevées par la lecture du dernier livre d'Alphonse Borras (cf. plus haut) ou les thèmes développés par Joseph Moingt dans L'Evangile sauvera l'Église.
Gageons que le défenseur de la pastorale d'engendrement va nous conduire un pas plus loin. À bientôt sur ce blog pour en commenter les meilleures pages.

(1) Urgences pastorales de Christoph Theobald, Bayard, 540 p., 19,90 €

20 septembre 2017

La danse trinitaire - 7ss - François Cassingena-Trévédy

Je ne résiste pas à citer toute cette page de François Cassingena-Trévédy qui pourrait être un bon résumé de mon livre éponyme...
"Nous sommes assistés (...) Nous assistons à l'Échange, à ces Trois qui Se passent et Se disent en nous ? Certes nous sommes habités, mais nous sommes aussi emportés ; emportés dans la circulation, dans le dynamisme vertigineux de l'Échange. Car si nous tenons de Dieu "la vie, le mouvement et l'être " (Actes 17, 28), c'est que Dieu est en lui-même non seulement la Vie et l'Existant, mais le Mouvement. (...) une mobilité vertigineuse, celle de la vie même (...) excès d'infini. Ce Mouvement, c'est l'intimité trinitaire elle-même, l'Échange vertigineux et infini du Père, du Fils et de l'Esprit ; en un mot, c'est la Circumincession des Personnes (...) la Dynamis (...) auquel nous n'assistons pas seulement, mais nous sommes emportés dans une Danse, un Mouvement dont la vitesse vertigineuse se mesure, si l'on peut dire en années-lumières" (1)
Le moine de Ligugé continue plus loin en parlant de systole - phase ascendante de ce "grand Mouvement dans lequel nous sommes emportés", mais évoque aussi une phase descendante, une diastole où le Père nous donne, nous confie au Fils, qui nous donne à l'Esprit. On a là le mouvement intérieur propre à Jean qui va de Jn 1 à 6,44, 10,29 puis à 17,26 jusqu'à cette interprétation d'Irénée qui voit dans le geste du bon samaritain celui du Fils qui donne l'homme souffrant à l'Esprit (2)

(1) François Cassingena-Trévédy, op. cit. p. 142
(2) Irénée de Lyon, AH III, 17, 3 SC 211 p.337 Cité par François Cassingena-Trévédy op. cit. p. 146

19 septembre 2017

Visible et invisible

Si l'on suit la logique des posts précédents,  Dieu n'est visible que dans le beau, le bien et le vrai. S'il se révèle dans la beauté de ses oeuvres, il n'est pas dans le tumulte du monde,  se cache loin des libres excès de la création et ne se dévoile qu'au coeur de l'homme dans l'invisible murmure du bien et du vrai, dans le silence intérieur de celui qui écoute sa voix fragile loin des furies de l'avoir,  du pouvoir et du valoir.  
Je te conduirais au désert,  là ou rien de tout cela n'a de sens, quand dans la brûlure d'un buisson ardent, tu perçois la chaleur intérieure et respectueuse de l'amour.  Dieu n'est pas dans la violence du monde, il se révèle au coeur du souffrant et du faible,  dans la nudité de celui qui a creusé en lui un temple pour son Dieu.  Abba viens ! 
Sur le bois de la croix se déchire le voile.
Dans le tressaillement du coeur Dieu est là. 

18 septembre 2017

Le lieu-dit de Dieu

Voir l'homme comme le "lieu-dit de Dieu"(1), comme le lieu où s'échangent les kénoses intra-trinitaires. N'est-ce pas à la fois osé et lumineux de la part de François Cassigena-Trévédy d'affirmer cela.
Et pourtant j'y retrouve, dit autrement, tout ce que j'ai décrit, à la suite de Hans Urs von Balthasar et des pères de l'Église sur la circumincession et la danse trinitaire.

Le tressaillement de l'homme priant n'est-il pas la rencontre ultime de l'homme et de Dieu ? N'est-ce pas ce chant des anges que perçoit Élie sur la montagne quand il parvient à faire silence et entendre son murmure (1 Rois 19) ?
Dire que l'homme priant est le temple où Dieu vient danser, c'est percevoir l'enjeu même de l'incarnation, de cette source intérieure d'où tout peu jaillir.
En parlant de "danse" les propos de François Cassingena-Trévédy ne font que confirmer mon intuition largement étalée dans ce blog (2). Il va même un cran plus loin en lui donnant une dimension montante et descendante. La danse auquel Dieu nous invite est bien trinitaire (3)

(1) François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, op. Cit. p. 141
(2) cf. aussi mon livre éponyme repris dans "sur les pas de Jean"
(3) FCT ibid. p. 142ss

17 septembre 2017

Le père en pleurs ? Luc 15

Il y a un détail que Luc omet de dire au chapitre 15, par pudeur : ce sont les pleurs du Père quand le fils s'en va (ou est-ce Jésus lui même qui nous laisse lire entre les lignes ?)
Il n'est pas d'usage de voir ou de montrer un père en larmes.
Excès de sensiblerie de penser aux pleurs du Père ?
Non, je ne crois pas.

Car si la parabole décrit bien un Père qui court vers son fils, elle traduit à sa manière l'au-delà de l'intensité de son amour tout en restant dans la discrétion.

Pouvons nous contempler les pleurs de notre Père à chaque fois que nos pas s'éloignent du chemin qu'il a discrètement tracé devant nous, par l'intermédiaire de cet Esprit semé en nous ?

Et si nous contemplions l'amour infini de Dieu comme un fleuve de larmes?  Ces larmes versées devant l'humanité qui oublie l'amour du Père...
Nous serions alors, comme cet homme debout dans le fleuve. Petit et submergé...

16 septembre 2017

AbCbA

Il y a souvent dans l'Écriture une structure littéraire que l'on appelle "forme concentrique" ou chiasme. Elle se constitue par la répétition d'une formule a et b en b' et a'.
Et au centre, se trouve la phrase C, sommet du discours.
En lisant les pages de François Cassingena-Trévédy (1) sur le père et la prière qui se concentre sur l'ABBA j'entre-aperçois au centre, la déchirure du Père. Souffrance intérieure, kénose du Père au sens souligné par Hans Urs von Balthasar qui voit dans le silence de Dieu la place du Fils. L'ABBA que nous prions est déchiré dans un chiasme tragique pour qu'apparaisse le Christ. AbCbA et tout est dit, si le vent de l'Esprit nous ouvre au mystère.
Prier le Père par le Fils, c'est vivre dans la danse trinitaire, jusqu'à pouvoir dire avec Paul, "ce nest plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". (Ga 2, 20)
(1) op. cit p. 132ss

15 septembre 2017

A l'ombre de la croix - Notre dame des douleurs

Notre dame des douleurs nous rappelle que la Croix n'est glorieuse que parce qu'elle est d'abord lieu de souffrance. Ignorer que la souffrance habite le monde et que le Fils de l'homme s'est vidé de toute divinité pour souffrir à nos côtés,  c'est faire de l'Evangile une illusion. La douleur d'une mère, comme la douleur du Fils nous interpelle. Le signe élevé sur le monde est signe de compassion et de conversion.

14 septembre 2017

Croix glorieuse, croix lumineuse

La coruscation évoquée hier en la fête de saint Jean Chrysostome fait écho avec la croix glorieuse qu'il évoque dans une de ses homélies : " La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons, car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix scintille (Mt 27,45) ; le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il disparaît, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation (Col 2,14), elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas ». " (1)
En ce jour de la Croix glorieuse, alors que l'Église nous donne à contempler la kénose (Ph. 2,7) et le signe élevé sur le monde (Nb 21 et Jn 3) regardons celui qui s'est anéanti pour notre salut.
(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur « Père, si c'est possible » (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 72)

13 septembre 2017

Coruscation

Au terme du trajet, quand on a franchi toutes les portes du château intérieur (1) il est là. Il nous saisit (Ph. 3, 12). Le "je suis" résonne comme en écho dans le Temple et la lumière surabonde. Les pères de l'Église appellent cela la coruscation, ce rayonnement particulier de la Transfiguration(2) qui envahit de lumière notre être en quête de l'au-delà du silence.
Alors le chemin qui a conduit Moïse d' Exode 3 à Exode 34 prend fin et notre visage peut rayonner de sa grâce (3)

(1) sainte Thérèse d'Avila, Le château intérieur, premières demeures, chap. 1, cité par François Cassingena-Trévédy, op. Cit. p. 112
(2) François Cassingena-Trévédy ibid. p. 118
(3) cf. Le chemin du désert et Dieu n'est pas violent, une lecture d'Exode.

12 septembre 2017

Dialogismois vs Dia-Logos

Étonnante énumération faite par François Cassigena-Trévédy (1) de l'utilisation par Luc du mot dialogismois que l'on traduit successivement par "pensées mauvaises, troubles, doutes", sortis du coeur de l'homme et troublant sa relation à la pure transcendance ad-intra du Logos : dia-logos.
C'est tout le combat intérieur de la prière qui est en jeu.

Toutes ces pensées, doit-on les refouler, comme il le suggère, ou les mettre en lumière, les exposer à la lumineuse clarté du ressuscité qui seul peut nous permettre d'en déjouer les ruses ?

C'est le travail intérieur du "courant d'air", de la "brise", du "vent de l'Esprit".

Tâche impossible à l'homme seul, mais possible auprès de Dieu

(1) François Cassigena-Trévédy ibid. p. 104ss

10 septembre 2017

Comme cette eau se mêle au vin

"Comme cette eau se mêle au vin", puissions-nous, par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. Puisons donc aux puits où Dieu nous attends, allons remplir nos jarres (cf. Jn 3) de l'effort de nos vies, et laisser Dieu "diviniser ce que nous avons humanisé" (1).
Du geste du serviteur qui mêle l'eau de l'humanité au vin (qui nous attend comme le fleuve jaillissant du coeur du Christ) jusqu'à la présentation finale du corps et du sang, par le diacre, s'est ouvert la porte de Dieu au monde et l'eau vive du Mendiant d'amour jailli à nouveau de son sein transpercé,  pour rejoindre dans une danse éternelle,  l'humanité souffrante. Alors,  en ayant creusé en nous le désir de recevoir son Corps, nous ouvrons en nos corps, la porte au vent de l'Esprit,  jusqu'à ce que ce grand courant d'air balaye en nous toutes peurs et toutes adhérences au monde, et nous emporte enfin dans sa danse,

(1) François Varillon,  Joie de vivre,  joie de croire.

09 septembre 2017

Fuites et croix 2 - Hans Urs von Balthasar

Pour percevoir l'enjeu des propos  précités du Père Georges Njila Jibikilayi, il faut méditer sur la citation qu'il donne de Hans Urs von Balthasar et y percevoir toute la profondeur :"À la croisée de cette fuite vers le haut et de la fuite en avant se dresse la Croix de Jésus-Christ. Et ce n'est qu'en ce point que le hic et nunc du présent, autrement dépourvu de sens, reçoit son approbation, et par Dieu précisément (...) le christianisme constitue donc l'unique conception positive du monde. Toutes les autres commencent par critiquer ce qui existe, elles ont ainsi pour forme la négation de la négation, et portent donc en elle le poison du non et finalement du péché. Mais aimer un monde que Dieu lui-même a aimé jusqu'à en mourir, est-ce que cela ne devrait pas valoir la peine ? (1)
L'enjeu est ici l'incarnation mais plus encore. Hans Urs von Balthasar affirme même qu'à la différence de toutes les religions le christianisme apporte sur la souffrance et la mort un autre regard : "la souffrance et la mort sont la preuve suprême que Dieu est amour"(2).

On conçoit qu'à partir d'ici puisse se dérouler une théologie de la croix qui dans toutes sa dimension anthropologique peut prendre sens. C'est là où Najila nous conduit... Une théologie qui s'orient sur la vie, sur l'homme souffrant, jusqu'à cette kénose du père devant la croix.

Najila nous mène aussi vers une contemplation de la double kénose (3), celle où le Christ et l'Esprit "danse" pour inviter l'homme à la danse.

(1) Hans Urs von Balthasar, A propos de mon œuvre, p. 100-101.
(2) Hans Urs von Balthasar Épilogue p. 25-26.
(3) Georges Njila Jibikilayi, ibid.

08 septembre 2017

Ouvre ta porte

Ouvre ta porte au Mendiant d'amour, car sinon il n'osera pas entrer. Ouvre ta porte, parce qu'il respecte trop ta liberté. Si tu lui ouvres, par contre, Ils entrerons tous les Trois, car à leur danse, ils veulent te convier. Ouvre ta porte et ferme la aux monde, à l'Adversaire qui veut emplir ta chambre de futilités et de distractions. Ouvre ta porte et écoute la musique qui t'invite à danser.
(1) d'après François Cassigena-Trévédy, citant Ambroise, ibid. p. 100ss

Le Mendiant et le Courant d'air - François Cassigena-Trévédy

Belle image trinitaire que nous donne encore François Cassigena-Trévédy (1) que ce Mendiant, "Un de la Trinité qui se fit chair pour que l'homme entendit Dieu pour frapper à la porte", Mendiant qui en l'entrebaillant laisse entrer un Courant d'air, "vent qui remplit toute la maison". Ne fermons pas la porte à Dieu qui frappe.

(1) François Cassigena-Trévédy, pour toi, quand tu pries, op. Cit. p. 98
(2) cf. dans la même ligne ma "danse trinitaire" in A genoux devant l'homme et mon roman : le mendiant et la brise, dont le titre est directement inspiré de cette citation

Agonisez pour entrer - Luc 13, 24

Surprenante version littérale du commandement de Jésus en Luc 13 notée par notre moine de Ligugé(1) Agônizezthe eiseltheîn en grec, ce qu'il traduit par "agonisez pour entrer" par la porte étroite. On lit, au travers les lignes, une invitation à la kénose, c'est à dire au don total de sa personne pour que le coeur enfin creusé du désir de Dieu, nous puissions passer le seuil de ce qui nous retient au monde. Une "agonie comme un commencement" ajoute-t-il. Une fois passé la porte, une fois que l'on a quitté l'antichambre où nous plaisons à rester, "Dieu fait tout et tout vient de lui" (1)
Comme cette eau se mêle au vin, puissions-nous,  par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. 
Puisons donc pour remplir nos jarres (Cf. Plus loin)
À méditer

(1) François Cassingena - Trévédy,  ibid.

07 septembre 2017

Double fuite et médiation de la Croix

Si je comprends bien l'analyse que fait Georges Njila Jibikilay (1) de la place des autres religions dans la théologique de Hans Urs von Balthasar, à la tentation bouddhiste ou musulmane de fuir du réel vers le haut (nirvâna ou transcendance) ou vers le futur (un monde messianique meilleur), les traditions religieuses africaines apportent une plus grande attention au réel, au présent et à la souffrance où le Christ en Croix à sa place. Il n'est pas fuite mais chemin. Il y a là pour lui un point de convergence avec les notions d'entités intermédiaires entre Dieu et l'homme, typiques de la culture locale : Les ancêtres africains ne sont pas loin de ce que nous adorons comme l'unique médiateur.
Il fonde ici un lieu de dialogue intéressant. À méditer.

(1) Georges Njila Jibikilayi, op. Cit p. 286ss

06 septembre 2017

Dynamique sacramentelle et pneumatologie dialogale

Je me plonge avec plaisir dans l'œuvre phare du P. Georges Njila Jibikilayi (1) et m'arrête sur son analyse de la dynamique de l'esprit dans le "modèle témoignage" qu'il emprunte à Balthasar.

Il cite D. Mollat à propos des premiers chrétiens comme "cette communauté contagieuse parce qu'animée de la vie divine" en écho avec la "contagion du témoignage-langage" chez Hans Urs von Balthasar(2).

J'y vois un écho de ce que j'appelle de mon côté la dynamique sacramentelle. Mais l'intérêt de ses propos et de souligner justement ce qui est en jeu dans une dynamique de dialogue, à partir de ces fameux "spermata pneumatika" (p. 256) propre à toute culture et ici la culture africaine. L'incarnation en jeu ici est celle qui voit en tout homme la dynamique de vie et d'amour inscrite au coeur même de l'humanité que notre témoignage contagieux vient éclairer et stimuler, non comme des modèles mais dans la dynamique même d'un partage où tout homme est digne de révéler Dieu. L'enjeu n'est pas dans une évangélisation par le haut, mais bien dans une dynamique inductive qui ne nie pas la culture mais trouve en chacun l'œuvre de l'Esprit. C'est probablement là qu'il veut nous conduire en soulignant la faiblesse pneumatologique de l'approche théologique africaine et l'axe qu'il cherche à réveiller :
"L'inculturation n'est nullement une oeuvre d'autosatisfaction. Il ne serait pas utile d'amener l'évangile dans une culture sans aider celle-ci à s'épanouir" (3)
Il y a là pour moi une véritable pastorale d'engendrement au sens donné par Bacq/Theobald.

(1) Georges Njila Jibikilayi, La triple exégèse de la révélation chez Hans Urs von Balthasar, principe fondamentaux de la théologie du témoignage et implications théologiques sur le discours christologique africain, L'Harmattan, 2012, p.279
(2) Hans Urs von Balthasar, l'heure de l'Église, p. 24-25
(3) Georges Njila, ibid.

05 septembre 2017

De tressaillement en tressaillement -3 Diadoque de Photicé

Nous devons à Diadoque de Photicé, évêque du 5ème siècle,  ce beau texte sur le don particulier fait à l'homme lors de son baptême (voir tag). Il nous alerte néanmoins sur ces failles qui cachent la lumière intérieure : "Des profondeurs mêmes de notre cœur nous sentons comme sourdre le désir divin, quand nous nous souvenons ardemment de Dieu. Mais alors les esprits mauvais sautent dans les sens corporels et s'y cachent, profitant du relâchement de la chair... Ainsi donc, notre entendement, selon le divin apôtre Paul, se réjouit toujours de la loi de l'Esprit (Rm 7,22). Mais les sens de la chair veulent se laisser emporter sur la pente des plaisirs... « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas reçue » (Jn 1,5)... : le Verbe de Dieu, la vraie lumière, a jugé bon de se manifester à la création dans sa propre chair, en allumant en nous la lumière de sa connaissance divine dans son incommensurable amour de l'homme. L'esprit du monde n'a pas reçu le dessein de Dieu, c'est-à-dire ne l'a pas connu... ; pourtant le merveilleux théologien, l'évangéliste Jean ajoute : « Il était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant dans le monde... Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu. Il est venu dans ce qui était à lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (v.10-12)... Ce n'est pas de Satan que l'évangéliste dit qu'il n'a pas reçu la vraie lumière, car dès le commencement il lui est étranger puisqu'elle ne brille pas en lui. Mais il stigmatise justement par cette parole les hommes qui entendent les puissances et les merveilles de Dieu mais qui, à cause de leur cœur enténébré, ne veulent pas s'approcher de la lumière de sa connaissance." (1)

(1) Diadoque de Photicé, Cent chapitres sur la connaissance, 78-80, dans La Philocalie (trad. Bellefontaine 1987, t. 8, p. 159 rev.) 

03 septembre 2017

De tressaillement en tressaillement - 2, de Jérémie à Augustin


Il y a un rapport au corps dans l'Écriture que nous n'avons jamais fini de découvrir. Les textes de ce dimanche parlent de brûlure intérieure, de soif, tous les signes qui préparent une terre desséchée au ruissellement de l'eau vive. Laissons nous embraser avant qu'il nous conduise dans les verts pâturages d'Eden :
"Seigneur, tu m'as séduit, et j'ai été séduit (...)
Mais [ta Parole] était comme un feu brûlant dans mon cœur,
elle était enfermée dans mes os.
Je m'épuisais à la maîtriser,
sans y réussir. (
Jr 20, 7-9)

"Mon âme a soif de toi,
Seigneur, mon Dieu !
(cf. Ps 62, 2b)
Dieu, tu es mon Dieu,
     je te cherche dès l'aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t'ai contemplé au sanctuaire,
j'ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Mon âme s'attache à toi,
ta main droite me soutient."(P
s 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9)
    "Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu,
à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –,
en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu :
c'est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte.
    Ne prenez pas pour modèle le monde présent,
mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser
pour discerner quelle est la volonté de Dieu :
ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire,
ce qui est parfait." 
(Rm 12, 1-2)

 On peut alors entendre d'une manière nouvelle ce que le Christ nous demande, jusque dans notre coeur, au plus profond de notre corps, devenir des icônes vivantes du Christ crucifié, porter sa Croix comme l'étendard fragile d'un coeur qui tressaille pour son Dieu: 
« Si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même " :    "En ce temps-là,
    Jésus commença à montrer à ses disciples
qu'il lui fallait partir pour Jérusalem,
souffrir beaucoup de la part des anciens,
des grands prêtres et des scribes,
être tué, et le troisième jour ressusciter.
    Pierre, le prenant à part,
se mit à lui faire de vifs reproches :
« Dieu t'en garde, Seigneur !
cela ne t'arrivera pas. »
    Mais lui, se retournant, dit à Pierre :
« Passe derrière moi, Satan !
Tu es pour moi une occasion de chute :
tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes. »

    Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu'un veut marcher à ma suite,
qu'il renonce à lui-même,
qu'il prenne sa croix
et qu'il me suive.
    Car celui qui veut sauver sa vie
la perdra,
mais qui perd sa vie à cause de moi
la gardera.
    Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il
à gagner le monde entier,
si c'est au prix de sa vie ?
Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?
    Car le Fils de l'homme va venir avec ses anges
dans la gloire de son Père ;
alors il rendra à chacun selon sa conduite. »


Saint Augustin le souligne : "Quelles rigueurs les hommes n'ont-ils pas endurées, quelles conditions de vie indignes et intolérables n'ont-ils pas supportées pour arriver à posséder l'objet de leur amour ! ... Pourquoi s'étonner que celui qui aime le Christ et veut le suivre renonce à soi-même pour l'aimer ? Car, si l'homme se perd en s'aimant soi-même, il doit sans aucun doute se trouver en se renonçant... 
Qui refuserait de suivre le Christ jusqu'au séjour du bonheur parfait, de la paix suprême et de la tranquillité éternelle ? Il est bon de le suivre jusque-là ; encore faut-il connaître la voie pour y parvenir... Le chemin te semble couvert d'aspérités, il te rebute, tu ne veux pas suivre le Christ. Marche à sa suite ! Le chemin que les hommes se sont tracé est raboteux, mais il a été aplani quand le Christ l'a foulé en retournant au ciel. Qui donc refuserait d'avancer vers la gloire ?

Tout le monde aime à s'élever en gloire, mais l'humilité est la marche à gravir pour y arriver. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi ? Tu veux donc tomber au lieu de monter ? Commence par cette marche : déjà elle te fait monter. Les deux disciples qui disaient : « Seigneur, accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ton Royaume », ne prêtaient aucune attention à ce degré d'humilité. Ils visaient le sommet et ne voyaient pas la marche. Mais le Seigneur leur a montré la marche. Eh bien, qu'a-t-il répondu ? « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire (Mc 10,37-38) ? Vous qui désirez parvenir au faîte des honneurs, pouvez-vous boire le calice de l'humilité ? » Voilà pourquoi il ne s'est pas borné à dire d'une manière générale : « Qu'il renonce à lui-même et qu'il me suive », mais il a ajouté : « Qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ».
(1) Source: Textes liturgiques © AELF.
(2) Saint Augustin, Sermon 96 ; PL 38, 584-586 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 132)


02 septembre 2017

Ferme ta porte

A la suite du post précédent, il faut entendre le "ferme ta porte" qui résonne comme une exhortation à atteindre le vrai silence où la musique de Dieu vient prendre enfin le dessus sur nos murmures intérieurs.
"Il faut avoir fermé la porte pour que l'orbe du regard divin embrasse notre coeur, pour que là, dans le rigoureux Ad intra, s'esquissent les premiers pas d'une danse sans témoins" (1)

Clin d'œil à nouveau que cette évocation de la danse. Comme ce bruit d'un fin silence qui n'est autre que le chant des anges qui nous invitent à une ronde.

(1) François Cassingena-Tréverdy, op. Cit. p. 78

La porte et le vase

Fermer la porte aux bruits du monde, pour ne plus l'entrebailler que pour guetter la venue du Très-haut, creuser le vase intérieur de notre coeur, pour recevoir le vin spirituel qui n'est autre que le fleuve de la grâce (Ez 47). (1)
Courir ensuite, l'amphore à la main, pour recueillir le précieux don.
Danser en suite, au clair de lune, dans la joie des noces éternelles.

(1) D'après François Cassingena-Tréverdy, ibid. p. 84ss

01 septembre 2017

Ascèse et danse

Ascèse et non mortification morbide, c'est faire de la place intérieure, "non pas rajouter des "pratiques" comme autant de meubles qui finiront par nous encombrer, qu'à faire le vide, à faire de la place, à simplifier, à alléger, à retirer tables et chaises pour que la danse puisse se déployer à son aise" (1)
Mes lecteurs habitués souriront à l'évocation de la danse, tant elle est fréquente sous ma plume. Je suis heureux de trouver l'expression chez notre moine de Ligugé. La danse est ecclésiale...

(1) François Cassingena-Treverdy, ibid. p. 72