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31 juillet 2022

Les dons de Dieu 2.77

 

Ne passons nous pas à côté de l’essentiel ? 

Cet essentiel qu’évoque François dans son homélie du 28/7 : « L’enthousiasme des apôtres » qui découvre leur Galilée. C’est peut-être ce à quoi nous conduit la méditation des textes de dimanche passé. Contempler, comme le suggérait Bonaventure que nous sommes au milieu d’un torrent avec une petite amphore dans les mains, incapables de recueillir le fleuve immense des dons de Dieu.


C’est au delà de cette contemplation que quelque chose peut jaillir. Cet appel à l’essentiel qui résonne depuis l’où es tu originel de Gn 3.


Où es-tu ?

Que vas-tu faire de ces dons ? 


Comme souvent, c’est dans les commentaires de Marie-Noēlle Thabut que je trouve refuge. Sa lente manducation de l’Ecriture fait écho avec ma quête. Je vous joins quelques beaux extraits de peur de vous noyer dans le fleuve… : 


Quand nous lisons le livre de l’Ecclésiaste, nous courons toujours le risque de nous tromper de registre, dit-elle, car, quelles que soient les apparences, Qohéleth n’est pas un philosophe, mais un prédicateur : « Vanité des vanités, tout est vanité » : ces premiers mots du livre de l’Ecclésiaste en résume le mieux l’essentiel. 


« Le mot « vanité », n’a pas de connotation morale ; une traduction plus littérale serait « Buée de buées » : quelque chose d’évanescent ; qui peut se vanter de retenir une buée entre ses doigts ? Une autre expression, à peu près synonyme, que l’auteur affectionne est « poursuite de vent ». Traduisez : tout sur terre, tout ce à quoi nous dédions nos pensées, nos rêves, nos forces, nos activités, notre temps, tout n’est qu’éphémère, provisoire, passager. Tout ? Oui, tout… ou presque. Tout, sauf une seule chose au monde. Laquelle ? L’auteur laisse planer le suspense très longtemps. A la fin de son livre, seulement à la fin, il (...) dévoile enfin son secret, on comprend alors qu’il ne nous a pas délivré une méditation philosophique désabusée, mais en réalité une prédication musclée dite à mots couverts.

(...) A travers le pessimisme apparent de Qohéleth, apparaissent des rais de lumière : la foi en Dieu est sous-jacente, l’horizon n’est pas bouché. Et la seule vraie valeur au monde, celle qui ne décevra pas, c’est la foi, justement, ou la Sagesse, qui est abandon dans les mains de Dieu : « Les justes, les sages et leurs travaux sont dans les mains de Dieu. » (Qo 9,1). « Dieu donne à l’homme qui lui plaît sagesse, science et joie. » (Qo 2,26). Et, bien sûr, la morale de l’histoire, c’est qu’il faut pratiquer les commandements de Dieu, c’est le seul chemin du bonheur : « Celui qui observe le commandement ne connaîtra rien de mauvais. » (Qo 8,5).


« Pour finir, le fin mot de la sagesse, la vraie, celle que Dieu seul peut donner, c’est l’humilité : celle qui consiste à vivre tout simplement notre vie, telle qu’elle est, toute petite en définitive, comme un cadeau de Dieu : « Tout homme qui mange et boit et goûte au bonheur en tout son travail, c’est là un don de Dieu. » (Qo 3,13) (...) 


« La vraie sagesse, c’est d’être à notre place, toute petite devant Dieu ; face à lui, nous, nous ne sommes rien… rien qu’un peu de poussière dans sa main. Et c’est quand l’homme se reconnaît pour ce qu’il est, qu’il peut être heureux, qu’il peut être rassasié de l’amour de Dieu chaque matin, qu’il peut passer sa vie dans la joie et les chants. « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. » Car, dans la Bible, la conscience de la petitesse de l’homme n’est jamais humiliante puisqu’on est dans la main de Dieu : c’est une petitesse confiante, filiale. Tellement filiale et sûre de l’amour du Père qu’on peut lui demander en toute confiance : « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu » (v. 17). (...) 


« La dernière phrase du psaume est superbe « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains » : elle dit bien l’oeuvre commune de Dieu et de l’homme : l’homme agit véritablement, il oeuvre dans la création, et c’est Dieu qui donne à l’oeuvre humaine sa solidité, son efficacité.


« [Dans l’Evangile], on retrouve ici un enseignement habituel de Jésus sur l’unique trésor que nous devons rechercher, celui qui est dans les cieux. Car « En vue de Dieu » pourrait aussi être traduit « vers Dieu » ou « selon les vues de Dieu » ou même « au bénéfice du Royaume de Dieu ». Cela suppose au moins deux choses : premièrement, ne jamais oublier que les richesses viennent de lui ; deuxièmement, se rappeler en toutes circonstances que les richesses continuent à appartenir à Dieu et qu’il nous en confie la gestion pour que nous les fassions fructifier au profit de tous ses enfants.


« Nous avons donc ici de la part de Jésus non pas une leçon de philosophie sur les richesses de ce monde, mais une prédication sur l’urgence de mettre toutes nos richesses de toute sorte au service du royaume de Dieu.


« Oui, la vie est courte, comme le pensaient les contemporains d’Isaïe, mais justement, dépêchons-nous de la mettre à profit ! Si la nouvelle de l’évangile est bonne, alors il y a urgence. Voilà qui explique pourquoi Jésus a répondu un peu vivement au quémandeur d’héritage avec lequel a commencé notre lecture de ce dimanche. Cet homme-là se trompait vraiment de priorité.


« Une question pour finir : Tout compte fait, l’héritage qui devrait nous paraître le plus précieux, ne serait-ce pas la foi reçue de nos pères ? » (1)


Notre course est fragile, si nous passons à côté de l’essentiel. C’est peut-être le fil qui nous relie à notre méditation de la semaine dernière, cet essentiel qu’avait trouvé Marie de Béthanie. (Cf. mes billets 2.71 et 2.75) et qui est chemin vers cette Galilée évoquée par notre pape à la suite de celle qu’on appellera Madeleine… (2)


Cette semaine nous avons fêté les trois amis de Jésus. Une amitié d’agapè précise Jean 11 qui la rend précieuse à nos yeux. 


Alors entrons dans ce silence propice à l’écoute de ce fleuve immense de la Parole, à genoux avec notre petite amphore… (3)


(1) Extrait du commentaire de Marie-Noēlle Thabut https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/528669-commentaires-du-dimanche-31-juillet-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-31-juillet-2

(2) cf. S. Landrivon, les leçons de Béthanie, cerf 2022

(3) voir mes développements dans « L’amphore et le fleuve »