27 juin 2020

Dépouillement 13 - prendre sa croix - 13eme dimanche

Projet 3

Les textes de ce treizième dimanche de l’année A nous demande un pas de plus, mais quel pas !
Je regardais cette semaine, faute d'y avoir assisté à l'ordination diaconale d'une dizaine de jésuites à saint Ignace.



Dans le rituel d'ordination des diacres en vue du sacerdoce, on leur demande de s'engager au célibat en avançant d'un pas...
C'est pour eux une vie nouvelle, une belle façon de prendre sa croix, non pas un effort contre nature, mais peut-être une mort à sa nature pour entrer dans une dynamique différente.
A la lumière de cet « impossible à l'homme » de Mathieu 19, que soulignait Pierre Grelot (cf. mon billet précédent) l'enjeu est d'avancer vers cette « vie nouvelle » qu'évoque Paul dans Romains 6... un vrai dépouillement...
Il faut méditer sans cesse ce « non pas ma volonté mais la tienne » de Jésus à Gethsemani pour comprendre qu'à l'impossible humain, nul n'est tenu, mais que nous sommes appelés à nous en remettre à Dieu pour avancer, prendre sa croix et continuer la course au sens donné par Paul en Philippiens 3.
Je suis diacre, non en vue du sacerdoce mais ce qu'on appelle permanent. Je ne suis pas engagé au célibat mais « dans mon état » c'est à dire que si ma tendre épouse me « quittait » je devrais rester alors dans le célibat. J'ai donc fait à ma manière un petit peu ce pas, inouï de m'engager à une vie de dépouillement. Je me sens bien petit...
Ma vie maintenant est d'accueillir - le mot reviens souvent dans l'Evangile d'aujourd'hui...donner un verre d'eau, accueillir le prochain, le migrant, l'étranger. Je trébuche à chaque pas, je recule bien souvent au lieu d'avancer. C'est déjà un chemin impossible à l'homme. Seigneur donne moi la force d'avancer, de prendre, soulever cette croix, à ta suite, de me dépouiller de cette paresse constante, de tout ce qui m'empêche d'aimer.

Revenons à Grelot :  « En  face  de  ce  mystère  du  mal  qui  pèse  sur  notre  liberté  et auquel  nous  participons  à  notre  tour,  deux  attitudes  complémentaires  sont  en  même  temps  nécessaires.  D’une  part,  il  y  a place  pour  la  conversion  (...) d’autre  part,  cette  conversion même  est  affaire  de  grâce.  C’est  pourquoi (...)  l’auteur du  Ps 51  implore  de  Dieu  une purification  intérieure  (51,  3-4.  9), un changement de son cœur,  un don de l’Esprit divin  (51,  12-13), qui  seuls  lui  assureront  la  joie  du  salut  (51,  14-17).  Il  ne  s’agit pas   seulement   d’un   pardon   accordé   au   pécheur   repentant (cf.  Ps  32,  1-5  ;  130),  mais  d’une  recréation  de  son  être  qui  le rendra  capable  de  fidélité  (Ps  51,  12).  La  grâce  ainsi  demandée anticipe  sur  les  dons  rattachés  ailleurs  à  l’économie  eschatologique. » 

Au bout du chemin il y a l’inaccessible... mais sur la route, se trouve les dons de Dieu, la foi, la charité et l’espérance. L’espérance est si petite disait Péguy. On peut le comprendre à la lumière de nos limites humaines. Elle est là pourtant et la première lecture nous laisse, à ce titre, quelque chose à espérer.

(1) P. Grelot, ibid. p.29

26 juin 2020

Pierre Grelot - Pédagogie divine et salut - 28

Dans l'axe de mes propres essais sur la pédagogie divine il faut peut-être rappeler cette admirable analyse de Pierre Grelot que j'ose citer assez largement en invitation à lire plus l'ouvrage. « Dans le chapitre 3 de la Genèse (...), nous avons [un] péché-type, le péché par excellence, dont l'évocation révèle le mieux la nature même du péché : rendus par Dieu capables de libre choix, les protoplastes ([premiers humains]) tentent de se rendre maîtres du Bien et du Mal (c'est le sens de l'arbre symbolique de la Connaissance), afin de « devenir comme des dieux » en usurpant un privilège divin et en violant le précepte fondamental qui leur a été donné.
D'autre part, la place du récit montre que, pour son auteur, le péché a fait son entrée dans l'histoire par suite d'une décision libre de l'homme, et cela dès l'origine. C'est pour cette raison que [selon ce texte] la destinée de toutes les générations humaines porte les marques de la « colère » de Dieu : les conséquences normales du péché — souffrance et mort — pèsent sur la race entière ; nous en faisons nous-mêmes la tragique expérience. L'histoire sainte montrera Dieu aux prises avec cette humanité pécheresse, qu'il devra châtier trop souvent, mais qu'il a l'intention de sauver finalement du péché et de ses conséquences. Sur tous ces points, les religions anciennes n'ont rien d'analogue à nous offrir. (...) Des recueils prophétiques, (...) derrière l'histoire de la période royale, qui aboutit au désastre national de 586 et à l'exil, se découvre en effet l'expérience spirituelle des péchés d'Israël. Péchés individuels, dont la prédication prophétique nous donne une peinture dénuée d'artifice ; péché des rois, qui ont pour conséquence d'entraîner la nation entière dans les voies du mal ; péchés collectifs du peuple de l'alliance, qui viole le serment ancestral en se rebellant contre la Loi de Dieu. D'une littérature considérable aux formes très variées, nous devons faire ressortir ici les traits caractéristiques qui mettent en évidence la conception biblique du péché. En fait, il n'y a pas d'innovation doctrinale essentielle : les auteurs sacrés ne font qu'accentuer les traits spécifiques déjà décelés dans les textes de l'âge précédent, les dégageant mieux encore du vieux fond oriental dont j'ai marqué les survivances. Sur un point cependant leur message apporte un développement considérable, en annonçant le triomphe eschatologique de Dieu sur le péché humain. (...) Un grand nombre de discours prophétiques a pour thème la dénonciation des péchés d'Israël. La référence explicite à la Loi y est rare (cf. Os 8, 12), contrairement aux discours sacerdotaux du Deutéronome qui ont pour objet essentiel d'exhorter le peuple à pratiquer la Torah. Mais l'énumération des fautes d'Israël, accomplies en violation de la volonté de Dieu, suppose connue cette Loi dont les principaux commandements sont tour à tour évoqués. D'un prophète à l'autre, il y a bien des nuances. Ézéchiel, marqué par le milieu sacerdotal auquel il appartient, paraît mettre sur le même plan les fautes contre la morale sociale (comme l'injustice et le meurtre), les manquements aux préceptes religieux fondamentaux (comme l'idolâtrie ou l'inobservation du sabbat), les violations du droit positif (...) La hiérarchie des valeurs apparaît mal dans cette morale qui véhicule encore des éléments archaïques. Mais généralement, l'accent est mis sur les exigences religieuses et morales les plus hautes, soit celles du Décalogue (par ex. Os 4, 2), soit celles qui ont pour but d'instaurer dans la société une justice et une solidarité effectives (Is 1, 16-17 ; Am 5, 7-12 ; Jr 9, 1-8 ; Is 58, 6-7 ז) et de plier les individus aux vertus les plus nécessaires : fidélité, miséricorde, etc... En prolongement des textes juridiques anciens s'affirme ainsi chez les prophètes un affinement de la conscience, une vue plus lucide de ce que Dieu attend des hommes, une compréhension plus exacte de ce qui est « matière grave ».
Sans mettre pour autant dans l'ombre l'urgence des préceptes cultuels, cet approfondissement de la théologie morale s'attaque directement au ritualisme superficiel qui, en milieu cananéen
ou mésopotamien, constituait l'essentiel des exigences divines (par exemple Is 1, 11-17 ; Am 5, 21-24 ; Is 58, 1-8).
Parallèlement à cette réflexion sur la Loi, les prophètes insistent sur la responsabilité des pécheurs. C'est pour cela que, d'une part, ils annoncent le châtiment des hommes coupables
et finalement d'Israël entier, tandis que, d'autre part, ils appellent à la conversion intérieure, au retournement du cœur : « Lavez-vous, purifiez-vous... (c'est-à-dire : ) cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien» (Is 1, 16-17). Il s'agit de conversion morale, parce que les péchés commis sont d'ordre moral. Mais plus profondément encore, il s'agit de conversion religieuse, parce que les fautes morales elles-mêmes sont des infidélités à Dieu et des rébellions contre lui. A l'arrière-plan de cette intelligence du péché se trouve évidemment le thème de l'alliance. Pécher, c'est pour Israël manquer à la foi jurée, quelle que soit la nature du péché commis. A plus forte raison si le péché en cause est l'idolâtrie, cette tentation permanente du peuple de Dieu vivant au contact des païens. Sous ce rapport l'assimilation métaphorique de l'alliance à certaines relations humaines, comme les rapports entre père et enfants, entre époux et épouse, permet de mettre mieux en évidence la nature profonde et la malice du péché : rébellion d'enfants ingrats qui se révoltent contre leur Père (Os 11, 1-6 ; Is 1, 2-4) ; trahison d'une épouse infidèle qui a méprisé l'amour de son époux (Os 2 ; Jr 2, 20-25 ; 3, 20 ; Ez 16, 15-34). En tant qu'infidélité au Dieu unique, le péché — surtout celui d'idolâtrie — est une prostitution : l'image parle d'elle-même. Plus clairement encore que dans les anciens textes, le péché apparaît ainsi comme se situant au plan spirituel : il introduit le drame dans les rapports entre Dieu et les hommes.

Le récit du péché des origines ne joue aucun rôle dans la prédication prophétique, ce qui ne manque pas d'étonner quelque peu. C'est que l'attention des prophètes se porte moins sur l'origine du péché dans l'histoire que sur sa réalité actuelle.
Or de ce point de vue, ils approfondissent l'ancienne doctrine qui voyait déjà dans le péché plus qu'un acte passager des hommes : un mystère de mal présent au fond de leur cœur.
Le monde que les prophètes ont sous les yeux leur présente l'image d'une corruption universelle : « Il n'y a ni sincérité, ni amour, ni connaissance de Dieu dans le pays » (Os 4, 2). « Parcourez les rues de Jérusalem... Si vous découvrez un homme, un seul, qui observe le droit et recherche la vérité, alors je pardonnerai à cette ville » (Jr 5, 1 ; cf. 9, 1 8 ־ ; Is 59, 1-8). La vieille histoire de Sodome, cette cité perverse où il n'y avait pas dix justes (Gn 18, 22-33), se renouvelle donc pour le peuple de Dieu lui-même. Dieu l'avait choisi pour en faire son peuple de choix, un peuple saint (Ex 19, 6 ; Dt 7, 6). Mais la présence active du mystère du mal a été la plus forte. Malgré tous les dons de Dieu (l'alliance, la Loi, la terre promise, etc.), Israël s'est livré volontairement à ce mal. Il n'est que têtes dures et cœurs endurcis (Ez 2, 7). Il ne veut pas écouter Yahveh qui parle par ses prophètes. Cet endurcissement dans le péché est assurément l'élément le plus tragique du drame. Même les appels à la conversion n'y pourront rien : « Un Éthiopien peut-il changer de peau, une panthère de pelage? Et vous, pouvez-vous bien agir, vous qui êtes accoutumés au mal? » (Jr 13, 23). La doctrine prophétique confine ici au paradoxe. D'une part, elle atteste la responsabilité des pécheurs, que Dieu appelle à la conversion volontaire. Mais d'autre part, elle en vient à tenir la conversion
pour impossible, car la dureté des cœurs humains est inguérissable par les seules forces humaines. Comment donc le drame ouvert ici-bas par la présence du péché pourrait-il se dénouer? Humainement parlant, il ne le peut pas. Il y faudra un miracle de la grâce. (...)
C'est ici que l'eschatologie prophétique trouve son sens. On a souvent tendance à n'en retenir que les promesses de bonheur humain faites au peuple de Dieu pour les « derniers temps »,comme si le mythe du Paradis retrouvé en constituait l'essentiel.
En réalité, cet aspect de l'eschatologie ne s'entend bien que dans un cadre plus vaste : le drame du péché humain. De même que les évocations bibliques de l'histoire sainte insistent sur les
aspects tragiques de la condition humaine en y montrant les conséquences du péché, de même les évocations de l'eschaton (dénouement de l'histoire sainte) décrivent une transformation de la condition humaine, en conséquence du triomphe de Dieu sur le péché. Mais ce triomphe est évidemment la condition de tout le reste.
Il ne s'agit pas, notons-le, d'un triomphe moral de l'homme laissé à lui-même sur les penchants mauvais de sa nature. C'est Dieu, disent les prophètes, qui donnera à l'homme comme une
grâce ce que l'homme n'avait pu réaliser par ses seules forces. Cette grâce de rédemption est présentée, suivant les cas, de façons diverses. Quelques textes émergent parmi lesquels il faut
citer Os 2, 16-22 ; Jr 31, 31-34 et Ez 36, 25-28. Dans les trois cas, le contexte est celui d'une alliance nouvelle, instaurant entre Dieu et les hommes un rapport religieux que l'alliance
sinaïtique avait été impuissante à établir de façon stable. Dans cette alliance, en effet, la Loi divine restait extérieure à l'homme inscrite seulement sur des tables de pierre ; c'est pourquoi l'homme l'a violée et rendue caduque, manifestant en clair la corruption profonde de son être (cf. Os 2, 1-10 ; Jr 31, 32 ; Ez 36, 16). Mais dans l'alliance nouvelle, Dieu va donner aux hommes la justice, l'amour, la fidélité qu'il exige d'eux (Os 2, 21-22) ; il va inscrire la Loi dans les cœurs (Jr 31, 33) ; il va purifier les cœurs, y mettre son Esprit, faire qu'on observe ses préceptes (Ez 36, 25-27) : alors « ils seront son peuple et lui sera leur Dieu » (Jr 31, 33 ; Ez 36, 28). Cela suppose un pardon des péchés commis (Jr 31,34) et une conversion effective des pécheurs (Os 2, 9b).
Mais cela implique surtout une transformation profonde de l'être, que Dieu seul peut opérer.
Cette théologie anticipée de la rédemption projette donc sur le mystère du péché humain une lumière qui en révèle les dimensions véritables. En toute vérité, il serait impossible à l'homme d'échapper à l'emprise du mal : son cœur même en est prisonnier. Mais il n'est pas impossible à Dieu de l'en délivrer gratuitement, par pure miséricorde. Et c'est en cela que consistera justement le don eschatologique du salut. Alors, libéré de ses chaînes spirituelles, l'homme pourra bénéficier du bonheur que Dieu lui réserve depuis l'origine. Un texte précise à quelles
conditions ce salut pourra être accordé. Dans les chants du Serviteur de Yahveh, le mystérieux personnage qui est présenté comme l'artisan du salut et le médiateur de la nouvelle alliance
(Is 42, 6-7) doit subir, quoique innocent, les conséquences du péché humain. Participant à la condition humaine jusqu'à la souffrance et la mort, il accomplira par là l'expiation qui purifiera les hommes de leurs fautes (Is 53, 10-11). En lui, le seul Juste,
la condition humaine prendra donc un nouveau sens : marquée jusque-là par les stigmates du péché, elle deviendra le moyen de la rédemption. La théologie du salut et celle du péché sont
ici corrélatives ; c'est pourquoi leur approfondissement va de pair. » (1)

Ce qui est finalement passionnant dans cette approche de Grelot c'est finalement ce paradoxe propre à Matthieu 19. Nous voyons à la fois l'impossibilité que nous avons de sortir de notre tendance au mal et ce rendu possible, par la médiation du Christ. L'Ancien Testament révèle cette pédagogie divine particulière qui déchire le voile et transparaît en Christ.

«Jésus les regarda et leur dit: «C'est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu
‭‭Matthieu‬ ‭19:26‬ ‭

A méditer.

(1) Pierre Grelot, De la mort à la vie éternelle, chapitre 1, Cerf 1971

24 juin 2020

La course infinie 2 - Grégoire de Nysse


La course infinie 2 - Grégoire de Nysse

L'auteur de la vie de Moïse a toujours une belle façon de contempler les écritures. Je ne résiste pas au bonheur de vous partager cette série de contemplations offertes à la méditation dans l'office des lectures de cette semaine. On y découvre d'abord cette belle méditation du chemin de Paul et de son « imitez moi » de Philippiens.

« Saint Paul, avec plus de précision que personne, a compris qui est le Christ et a montré, à partir de ce que celui-ci a fait, comment doivent être ceux qui portent son nom. Il l'a imité si clairement qu'il a montré en sa personne quelle est la condition de son Seigneur. Par cette imitation très exacte, il a confondu l'image de son âme avec son prototype au point que ce n'était plus Paul qui semblait vivre et parler, mais le Christ lui-même. Comme il le dit, en prenant admirablement conscience de ses propres avantages : Puisque vous désirez avoir la preuve que le Christ parle en moi. ~ Et encore : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi.

Il nous a donc révélé ce que signifie le nom du Christ, lorsqu'il nous dit, que le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; en outre, il l'a appelé paix et lumière inaccessible où Dieu habite, sanctification et rédemption, grand prêtre, agneau pascal, pardon pour les âmes, lumière éclatante de la gloire, expression parfaite de la substance, créateur des mondes, nourriture et boisson spirituelle, rocher et eau, fondement de la foi, pierre angulaire, image de Dieu invisible, grand Dieu, tête du corps qui est l'Église, premier-né avant toute créature, premier-né d'entre les morts, premier-né de la multitude de frères, médiateur entre Dieu et les hommes, Fils unique couronné de gloire et d'honneur, Seigneur de gloire, commencement de ce qui existe,  ~ roi de justice et ensuite roi de paix, et roi de tous les hommes, avec une puissance royale sans aucune limite.

Il y a encore beaucoup de noms à ajouter à ceux-là, et leur nombre les rend difficiles à compter. Mais si nous rassemblons tous ces noms et si nous rapprochons leurs diverses significations, ils nous montreront tout ce que signifie le nom de Christ, si bien que nous pourrons comprendre toute la grandeur de ce nom inexprimable. ~

Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même du Christ en étant appelés « chrétiens », il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie. Trois choses caractérisent la vie du chrétien : l'action, la parole, la pensée. Parmi elles, la principale est la pensée. Après la pensée, vient la parole, qui révèle par les mots la pensée imprimée dans l'âme. Après l'esprit et le langage, vient l'action, qui met en œuvre ce que l'on a pensé. Lorsque l'une de ces trois choses nous dirige dans le cours de la vie, il est bien que tout : parole, action et pensée, soit divinement réglé selon les connaissances qui permettent de comprendre et de nommer le Christ, afin que notre action, notre parole ou notre pensée ne s'écartent pas de ce que ces noms signifient.
Que doit faire celui qui a obtenu de porter le nom magnifique du Christ ? Rien d'autre que d'examiner en détail ses pensées, ses paroles et ses actions: est-ce que chacune d'elles tend vers le Christ, ou bien s'éloigne de lui ? Cet examen se fait de multiples façons. Les actes, les pensées ou les paroles qui entraînent une passion quelconque, tout cela n'est aucunement en accord avec le Christ, mais porte l'empreinte de l'Adversaire, lui qui plonge les perles de l'âme dans le bourbier des passions, et fait disparaître l'éclat de la pierre précieuse.
Au contraire, ce qui est exempt de toute disposition due à la passion regarde vers le chef de la paix spirituelle, qui est le Christ. C'est en lui, comme à une source pure et incorruptible, que l'on puise les connaissances qui conduisent à ressembler au modèle primordial ; ressemblance pareille à celle qui existe entre l'eau et l'eau, entre l'eau qui jaillît de la source et celle qui de là est venue dans l'amphore.
En effet, c'est par nature la même pureté que l'on voit dans le Christ, et chez celui qui participe au Christ. Mais chez le Christ elle jaillit de la source, et celui qui participe du Christ puise à cette source et fait passer dans la vie la beauté de telles connaissances. C'est ainsi que l'on voit l'homme caché concorder avec l'homme apparent, et qu'un bel équilibre de vie s'établit chez ceux que dirigent les pensées qui poussent à ressembler au Christ.
À mon avis, c'est en cela que consiste la perfection de la vie chrétienne: obtenir en partage tous les noms qui détaillent la signification du nom du Christ, par notre âme, notre parole et les activités de notre vie.(1) »

Sur ce chemin Grégoire va un pas plus loin : « L'impression que l'on éprouve lorsque, du haut d'un promontoire, on jette les yeux sur la mer immense, mon esprit la ressent lorsque, du haut de la parole du Seigneur, comme du sommet d'une montagne, il regarde la profondeur insondable des pensées divines.

Souvent, au bord de la mer, on voit s'élever une montagne qui présente à l'océan une pente abrupte du haut jusqu'en bas, et dont le sommet surplombe l'abîme. Mon âme souffre du même vertige lorsqu'elle est emportée par cette grande parole du Seigneur Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.

Dieu se fait voir à ceux qui ont purifié leur cœur. Or, Dieu, personne ne l'a jamais vu, dit le grand saint Jean. Et saint Paul, cet esprit sublime, renforce cette affirmation en disant que personne ne l'a jamais vu, et que personne ne peut le voir. Il est ce rocher lisse et abrupt qui n'offre aucune prise à nos pensées, et que Moïse, dans ses enseignements, déclare inaccessible à notre esprit. Il détournait de l'approcher tous ceux qui essayaient de le saisir, en affirmant : Il n'y a personne qui puisse voir le Seigneur sans mourir.

Et pourtant, voir Dieu, c'est la vie éternelle. Mais ces colonnes de la foi, Jean, Paul et Moïse déclarent que c'est impossible ! Tu vois quel vertige s'empare de l'âme attirée par la profondeur de ce que nous découvrons dans les discours du Seigneur ! Si Dieu est la vie, celui qui ne le voit pas ne voit pas la vie. Et les prophètes, comme les Apôtres, qui sont remplis de Dieu, attestent qu'on ne peut voir Dieu. Dans quelles limites l'espérance des hommes est-elle enfermée ?

Mais le Seigneur soutient cette espérance défaillante. C'est ainsi qu'il s'est comporté envers Pierre. Celui-ci était en péril de se noyer, mais Jésus le fit tenir sur l'eau comme sur une matière ferme et consistante. Si donc la main du Verbe s'étend vers nous, alors que nous sommes chancelants à cause de la profondeur de ces considérations, si elle nous établit fermement sur l'une de ces pensées, nous serons rassurés parce que le Verbe nous aura comme saisis par la main. Car il dit : Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu. »(2)



(1) Saint Grégoire de Nysse - Traité sur la perfection chrétienne, source office des lectures du 12ème lundi et mardi ordinaire
(2) Homélie sur les béatitudes, ibid, jeudi de la même semaine
Ps : Voir aussi l'ouvrage d' Hans Urs von Balthasar ou mon petit livre sur Grégoire « La course infinie »

20 juin 2020

La revanche de Dieu - 3 - escape game - la solution

Si vous avez suivi dans l'ordre les billets 1 et 2,
la solution est dans Jean 3, 14 qui cite Nombres 21,8 ;-)
Fausse piste 2 Rois 18, 4







19 juin 2020

La revanche de Dieu - 2 - saint Bonaventure

En guise de corrigé sur mon homélie de dimanche

« Considère attentivement, toi qui as été racheté, quel est celui qui, pour toi, est suspendu à la Croix, quelle est sa grandeur, quelle est sa sainteté, lui dont la mort rend la vie à ceux qui sont morts, lui dont le trépas met en deuil le ciel et la terre, et fait se briser les pierres les plus dures.

Pour que, du côté du Christ endormi sur la Croix, surgisse l'Église, et pour que soit accomplie la parole de l'Écriture : Ils contempleront celui qu'ils ont transpercé, la sagesse divine a bien voulu que la lance d'un soldat ouvre et transperce ce côté. Il en sortit du sang et de l'eau, et c'était le prix de notre salut qui s'écoulait ainsi. Jailli de sa source, c'est-à-dire du plus profond du cœur du Christ, il donne aux sacrements de l'Église le pouvoir de conférer la vie de la grâce et, à ceux qui ont déjà en eux la vie du Christ, il donne à boire de cette eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle.

Debout ! toi qui es aimé du Christ, sois donc comme la colombe qui fait son nid sur le bord de l'abîme. Et là, comme l'oiseau qui a trouvé un nid, ne te relâche pas de ta vigilance ; là, comme la tourterelle, viens cacher les enfants de ton amour chaste, et de cette plaie approche tes lèvres pour puiser de l'eau à la source du Sauveur. C'est là qu'on trouve la source qui jaillissait au milieu du Paradis et qui, se partageant en quatre bras puis répandue dans les cœurs aimants, arrose et féconde la terre tout entière.

À cette source de vie et de lumière, accours donc, animé d'un brûlant désir, qui que tu sois, toi qui es donné à Dieu, et de toute ta force, du plus profond de ton cœur, crie vers lui : Ô beauté ineffable du Dieu très-haut, éclat très pur de l'éternelle lumière, vie qui communique la vie à tous les vivants, lumière qui donne son éclat à toute lumière, toi qui conserves dans leur immuable splendeur et leur diversité les astres qui brillent, depuis la première aurore, devant le trône de ta divinité !

Ô jaillissement éternel et inaccessible, plein de lumière et de douceur, de cette source cachée à tous les regards humains ! profondeur sans fond, hauteur sans limite, grandeur incommensurable et pureté inviolable !

C'est de toi que coule ce fleuve qui réjouit la cité de Dieu et c'est grâce à toi qu'aux accents des acclamations et des actions de grâce, nous pouvons te chanter le cantique de louange, car nous pouvons témoigner, par expérience, qu'en toi est la source de la vie, et que par ta lumière, nous verrons la lumière.(1)


J'ai vu la source
devenir un fleuve immense, alléluia !
Les fils de Dieu rassemblés
chantaient leur joie d'être sauvés, alléluia !

℟Alléluia, alléluia, alléluia.

(1) saint Bonaventure, l'arbre de vie, source office des lectures, AELF - fête du sacré cœur

17 juin 2020

La revanche de Dieu ? - homélie du 12ème dimanche ordinaire…

5eme et dernière version de mon homélie ?

Les textes de ce 12eme dimanche ne sont pas simples et pourtant il nous faut trouver un chemin de compréhension sans tomber dans les fausses pistes d'une lecture humaine. Il s'agit ici d'un labyrinthe, [un escape game dirait les jeunes] à résoudre en 7 minutes bien sûr !
Pour cela nous avons 3 clés, trois mots qui fâchent : revanche, faute et reniement.
Commençons peut-être par cette phrase qui conclut l'Evangile car c'est la plus complexe.
« celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux ».
Comment traduire cela ? Si vous faites le jeu du mal, je ne pourrais vous conduire au Père puisque vous refusez vous mêmes l'amour.
Si vous faites ce choix, vous ne serez plus « présentables » ? C'est votre choix...
Par contre.... 
Par contre si vous choisissez l'amour, combien plus je serais dans la joie de vous conduire au Père ...puisque pas un moineau ou un cheveu n'échappe à l'amour de mon Père nous dit Matthieu(cf. Mat 10, 26-33).
Il faut insister sur cette tension créée par Matthieu...

Ce renversement est la clé. 
Revenons à Jérémie et cette « Revanche »
C'est ce que Jérémie, persécuté pour sa verve pastorale attend de Dieu... (cf. Jer 20). Il faut peut-être l'éclairer d'abord par d'autres textes de l'Ancien Testament. [en escape game, il faudrait chercher les chapitres précédents le chapitre 20, mais plutôt 1Rois 18 et 19]
[au cours des lectures qui ont débuté le 10 juin, la liturgie nous a [en effet] rappelé l'histoire d'Elie, qui dans la lancée de sa conversion du peuple, avait massacré les prêtres de Baal (1Rois 18) Avait il eu raison ou outrepassé le plan de Dieu ? Il lui faudra 40 jours au désert pour comprendre que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le murmure d'une brise légère (1 Rois 19)]. Que dire de sa revanche, comme de celle de Jérémie ?
La réponse de Dieu au mal n'est pas dans la violence, qui reste la réponse humaine, mais par ce qui est le cœur de notre foi... : à la violence du mal, Dieu répond par l'amourPlus le mal se déchaîne plus Dieu est amour. C'est ce qui se manifeste sur la Croix est c'est la condition de la résurrection...
La revanche de Dieu n'est pas la violence mais la victoire glorieuse de l'amour, c'est le Christ élevé sur la Croix (au sens de Jn 3 et Nb 21, le Christ qui refuse la violence, la revanche et le reniement de son Père - le Christ à genoux devant le mal et que Dieu révèle comme la porte étroite... il a fallu plusieurs centaines d'années et toute la pédagogie de Dieu (1) au peuple juif pour comprendre cela.



Dans sa lettre aux Romains, Paul ne dit pas autre chose... Si l'homme est pécheur - ce que nous constatons en nous-mêmes, sans avoir à passer par de grandes théories - une seule victoire vaincra ce mal, c'est la Croix. Vous allez trouver que je radote, mais c'est le message de Paul... si la faute vient par l'homme au sens le plus générique du mot (2), combien plus la victoire du Christ est le chemin, la porte étroite...
Notre seule porte de sortie à l'enchaînement au mal qui nous ronge, c'est de choisir l'amour...

Revenons au reniement 
C'est l'histoire de Pierre qu'il reste à contempler car il est la pierre de l'Église toute entière. Si nous choisissons la revanche, le mal ou le reniement des hommes nous ratons la sortie...
Pierre a pris d'abord ce chemin. Il sort l'épée, il renie, il tombe dans le piège mais la Croix le sauve. Alors Jésus l'appelle presque à genoux : m'aimes-tu ?
Mes frères, écoutons le cri de Dieu en croix. M'aimes-tu ? Jésus pose la question à Pierre autant de fois qu'il l'a renié. (Cf, Jn 21). Nous savons qu'il nous l'a posé également, peut-être même 77 fois 7 fois. Alors courons vers le salut, l'amour, répondons au cri de Dieu vers l'homme. Répondons par la seule réponse possible : je veux t'aimer...

Et tout à l'heure, alors que Jésus nous invite à sa danse(*), répondons du plus profond de nous-mêmes, à la suite de Pierre et du centurion : « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serais guéri... ».

« La grâce de Dieu » nous dit Paul « se répandra en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. » (Rom 5)

La clé de ce jeu de piste est là. En dépit de nos balbutiements, de nos fautes et de nos reniements l'amour de Dieu est grâce. Combien plus nous nous éloignons de Dieu combien plus il court vers nous...

(1) Cf. Pédagogie divine in Dieu dépouillé 
(2) cf. sur ce point la belle analyse de Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 183sq.
(*) cf. billets précédents

13 juin 2020

Dépouillement et danse - Saint Sacrement - Marie Noēlle Tabut

Projet 2

Que cherchez vous quand vous vous présentez à la table du Christ ?

La contemplation de cette fête particulière du Saint Sacrement n'est pas dans la quête d'un remède magique à tous nos maux, ni dans la vénération d'une idole. Elle rejoint bien au contraire une dynamique (*) particulière, toute intérieure, proche de cette entrée dans la danse que j'évoquais dimanche dernier.

Il y a, pour cela plusieurs mouvements.

Notre quête passe, d’abord,  par « la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale (...) préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L'Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c'est d'habiter en nous.(1) ».

Que veut dire manger le corps ?
C’est peut-être entrer dans le mystère qui nous unit à ce mouvement particulier qui vient de Dieu et y retourne, comme ce Verbe qui ne descend pas en nous sans le faire vibrer intérieurement. De même qu’un micro ondes fait entrer en résonance les atomes pour les réchauffer, Christ vient faire vibrer en nous ce qu’il a déposé en nous, l’Esprit de Charité.

Il faut donc entrer dans cette danse particulière où nos mouvements se laisse conduire par la musique de l'Esprit, chercher avant tout cette harmonie et cette unité qui fait de nous un Corps.
« La coupe d'action de grâce que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. 1 Co 10, 16 »

« Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d'intimité, d'appartenance, une solidarité profonde. »(2)

Entrer dans cette danse particulière où tout est don. Se dépouiller de nous-mêmes, de ce qui nous retient au monde (au sens paulinien) pour contempler et s’inscrire dans la dynamique trinitaire d'un Père qui s'efface derrière son Fils, d'un Fils qui se donne pour nous laisser parvenir à la musique de Dieu que l’on appelle Esprit.

Contempler « le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l'humanité répond par l'action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l'humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l'humanité accueille le don de Dieu. » (,,,) C'est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».

Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n'est pas dans les livres qu'il faut chercher l'explication de l'Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c'est la vie : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, (c'est-à-dire ma vie) donnée pour que le monde ait la vie. »

Comprendre cela c'est aussi percevoir le sens nouveau donné par le Christ au mot sacrifice. Entrer dans la « pédagogie des prophètes : pour eux, l'important, bien plus que l'offrande elle-même, c'est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n'ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d'offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères maltraités ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi. Rien d'autre que de respecter le droit et la justice et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).j

L'étape finale de cette pédagogie(**), ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu'est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n'est pas tuer ; c'est faire vivre les autres, c'est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l'inculquer à l'humanité. « Le pain que je donnerai ; c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».(4)

Entrer dans la danse de Dieu, c'est se dépouiller de tout ce qui n'est pas don. Loin d'un sacrifice stérile ou d'une réponse forcée il y a là un pas différent à faire, une docilité à Dieu, un laisser faire, un décentrement qui laisse Dieu agir, jusqu’à devenir ce que saint Ignace d’Antioche appelle le « froment de Dieu »(5)

Nous sommes corps, lorsque notre être tout entier est don, que notre vie est don, que nous nous laissons saisir (Ph 3) par le Christ dans ce don pour autrui, loin de toute introspection stérile. 

Et pour cela il nous faut contempler ce dépouillement même de Dieu, dans dynamique même de Philippiens 2 et 3, comprendre que le don du corps est l’ultime humilité de Dieu à laquelle Dieu nous invite. Se laisser saisir par cette danse du don ( danse kénotique des personnes divines) pour ne plus faire qu’un avec cet amour donné et devenir amour. « Devenez ce que vous recevez », nous suggère saint Augustin. Chemin inaccessible et en même temps unique et essentiel auquel nous sommes invités, banquet ultime, danse des anges...



(1 à 4) Marie Noëlle Tabut, commentaires des textes de la fête du Saint Sacrement cité dans l'application liturgie sur iOS cf. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/500513-commentaires-du-dimanche-14-juin-2/

(*) cf, aussi la dynamique sacramentelle, mon livre éponyme 

(**) voir aussi danse trinitaire et pédagogie divine, in Dieu dépouillé sur Fnac.com
(5) cf. le texte intégral dans mon billet de cette semaine 

Rappel : l'interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l'interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

11 juin 2020

François Cassingena-Trévédy - réflexion sur l’Eucharistie

S'il y a un auteur qui a traversé ma vie et m'enchante et que je voudrais vous faire découvrir, c'est bien François Cassingena-Trévédy. Je l'ai découvert dans « pour toi quand tu pries » un livre que je considère comme une révélation de la spiritualité du XXIeme siècle et que j'ai savouré délicatement pendant plus de six mois. J'en ai déjà publié quelques verbatim sur mon blog il y a deux ou trois ans. Il m'a inspiré dans l'écriture de plusieurs billets sur ce que j'appelle maladroitement « l'amour en toi » - contemplation d'un Dieu caché au fond de nous et qui nous appelle à aimer.
Il reste parfois difficile à lire, tant ses propos sont denses (j'aimerais le traduire pour le rendre plus accessible à la « périphérie »).
Je lui dois aussi le titre de mon dernier recueil « Dieu depouillé » à la suite d'un article paru dans Etudes.
Il vient de faire paraître une série de méditations qui m'enchante, notamment celle-ci, bien en phase avec mon livre sur « la dynamique sacramentelle » - où je cherchais à développer l'idée portée par Theobald d'une dimension plus large et dynamique des Sacrements - loin du seul rite et ancré dans l'éthique d'une responsabilité. Sa clairvoyance et la pertinence de son analyse mérite le détour. Je vous laisse suivre le lien.

https://m.facebook.com/notes/fran%C3%A7ois-cassingena-tr%C3%A9vedy/de-la-fabrique-du-sacr%C3%A9-%C3%A0-la-r%C3%A9volution-eucharistique-quelques-propos-sur-le-ret/3198309117060239/

08 juin 2020

Heureux les cœurs purs - dépouillement 10 - Ignace d’Antioche - froment



Alors que nous reprenons la liturgie du temps ordinaire, l'Evangile du jour nous redonne les béatitudes à contempler et l'office des lectures nous propose la lettre aux romains d'Ignace d'Antioche et cette belle image de dépouillement inimitable de cet évêque conduit à la mort et qui voudrait par là devenir le froment de Dieu...

Comme on se sent loin de ce dépouillement ! Quel chemin s'ouvre devant nous !

« je mourrai volontiers pour Dieu, si du moins vous-mêmes ne m'en empêchez pas. Je vous en supplies, n'ayez pas envers moi une bienveillance malencontreuse. Laissez-moi devenir la pâture des bêtes, grâce auxquelles on peut rejoindre Dieu. Je suis le froment de Dieu et je serai moulu par la dent des bêtes pour qu'on reconnaisse en moi le pain très pur du Christ.

Flattez plutôt les bêtes pour qu'elles deviennent mon tombeau, qu'elles ne laissent rien de mon corps et qu'après ma mort je ne sois une charge pour personne. C'est alors que je serai vraiment disciple de Jésus Christ, lorsque le monde ne verra même plus mon corps.

Implorez le Christ pour moi, afin que par l'action des bêtes je sois une victime offerte à Dieu. Je ne vous donne pas des ordres, comme Pierre et Paul. Ils étaient des Apôtres, et je suis un condamné ; ils étaient libres, et je suis un esclave jusqu'à présent. Mais si je souffre, je deviendrai un affranchi de Jésus Christ et je ressusciterai libre en lui. Enchaîné pour le moment, j'apprends à ne rien désirer.

Depuis la Syrie jusqu'à Rome, je combats contre les bêtes, sur terre et sur mer, nuit et jour, enchaîné à dix léopards, c'est-à-dire à un détachement de soldats. Quand on leur fait du bien, ils deviennent pires. Par leurs mauvais traitements je deviens davantage un disciple, mais ce n'est pas pour cela que je suis juste. Je voudrais profiter des bêtes qui sont préparées pour moi et je souhaite qu'elles m'expédient rapidement. Et je les flatterai pour qu'elles me dévorent sans tarder, contrairement à certains qu'elles n'ont pas osé toucher. Et si elles montrent de la mauvaise volonté, moi je les forcerai. Pardonnez-moi : je sais ce qu'il me faut. C'est maintenant que je commence à être un disciple. Que rien, parmi les êtres visibles ou invisibles, ne m'empêche par jalousie de rejoindre le Christ. Supplice du feu, croix, combats de bêtes, lacérations, écartèlement, dislocation des os, mutilation des membres, broiement de tout le corps, que tous les supplices du diable viennent sur moi, pourvu seulement que j'atteigne Jésus Christ. »


« Je rougis d'être compté parmi les évêques, car je n'en suis pas digne, étant le dernier d'entre eux et un avorton. Mais j'ai obtenu par miséricorde d'être quelqu'un, si je rejoins Dieu.« (1)


(1) Ignace d’Antioche, Lettre aux Romains, source office des lectures du 10 eme mardi ordinaire 


07 juin 2020

Christ crucifié - un oxymore

J’écoute sans me lasser les commentaires des lettres de Paul du P. Morin en podcast sur le site des Bernardins. Cette phrase m’a touché à propos de 1Co 1 : Christ crucifié est par excellence un oxymore (je cite de mémoire) parce que le Messie attendu par les Juifs (le sens de Christ) n’avait pas vocation à être crucifié.
Nous sommes en effet dans cette tension théologique par excellence, disruption majeure dans la pédagogie de Dieu...
Nous attendons trop souvent, comme Judas, un Christ vainqueur et de la même manière une Église toute puissante de sagesse alors que nous ne cessons de faire l’expérience de nos fragilités.

«Quant à nous, nous prêchons le Christ crucifié: c'est un message scandaleux pour les Juifs et une folie pour les non-Juifs; mais pour ceux que Dieu a appelés, aussi bien Juifs que non-Juifs, le Christ est la puissance et la sagesse de Dieu. Car la folie apparente de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse apparente de Dieu est plus forte que la force des hommes. Considérez, frères, qui vous êtes, vous que Dieu a appelés: il y a parmi vous, du point de vue humain, peu de sages, peu de puissants, peu de gens de noble origine. Au contraire, Dieu a choisi ce qui est folie aux yeux du monde pour couvrir de honte les sages; il a choisi ce qui est faiblesse aux yeux du monde pour couvrir de honte les forts; il a choisi ce qui est bas, méprisable ou ne vaut rien aux yeux du monde, pour détruire ce que celui-ci estime important. Ainsi, aucun être humain ne peut se vanter devant Dieu.» ‭‭1 Corinthiens‬ ‭1:23-29‬ ‭BFC‬‬

Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière reprend l’Arche comme slogan. Alors un peu d’humilité.... et je parle aussi pour moi...


Les larmes trinitaires - danse trinitaire 2

En guise de corrigé à mon homélie...

Nous ne pouvons affirmer après Job que tout reste mystère. Qui suis-je pour parler de Dieu ?

« À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
5 qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui,
le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?
6 Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu,
le couronnant de gloire et d'honneur ;
7 tu l'établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds (Ps 8, 4-7)



« Ce dont nous parlons, c'est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire.
08 Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l'a connue, car, s'ils l'avaient connue, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire.
09 Mais ce que nous proclamons, c'est, comme dit l'Écriture : ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas venu à l'esprit de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. 10 Et c'est à nous que Dieu, par l'Esprit, en a fait la révélation. Car l'Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu.
11 Qui donc, parmi les hommes, sait ce qu'il y a dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît ce qu'il y a en Dieu, sinon l'Esprit de Dieu. 12 Or nous, ce n'est pas l'esprit du monde que nous avons reçu, mais l'Esprit qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a accordés.
13 Nous disons cela avec un langage que nous n'apprenons pas de la sagesse humaine, mais que nous apprenons de l'Esprit ; nous comparons entre elles les réalités spirituelles.
14 L'homme, par ses seules capacités, n'accueille pas ce qui vient de l'Esprit de Dieu ; pour lui ce n'est que folie, et il ne peut pas comprendre, car c'est par l'Esprit qu'on examine toute chose.
15 Celui qui est animé par l'Esprit soumet tout à examen, mais lui, personne ne peut l'y soumettre.
16 Car il est écrit : Qui a connu la pensée du Seigneur et qui pourra l'instruire ? Eh bien nous, nous avons la pensée du Christ ! » 1 Co 2, 7-15)


« Nul n'a jamais vu Dieu,
nul ne sait qu'il est Père,
mais Jésus nous l'a révélé. »

℟ Joie de l'homme sauvé,
monte jusqu'à nos lèvres !

Nul ne connaît le Fils,
nul n'en sait le mystère,
mais les pauvres seront comblés.

Nul ne connaît son cœur,
nul n'en sait la misère,
mais l'Esprit vient pour l'habiter.

Nul ne saurait unir
les enfants de la terre,
mais l'amour veut tout rassembler ».(1)

La contemplation de l'Evangile nous donne juste quelques clés de lecture...

On peut partir, par exemple sur la parabole de la vigne pour contempler les larmes du Père
On peut voir Jésus pleurer devant le tombeau de Lazare (Jn 11)
On peut sentir le jaillissement de l'eau et du sang pour percevoir les larmes de l'Esprit...(Jn 19)

Les larmes trinitaires ne cessent de couler. Ce sont les larmes d'un Dieu qui pleure sur l'homme qui refuse de danser....

J'ai joué de la flûte et vous n'avez pas dansé...(Mat 11)

« Étudions la tradition antique, la doctrine et la foi de l'Église catholique. Le Seigneur l'a donnée, les Apôtres l'ont annoncée, les Pères l'ont gardée. C'est sur elle, en effet, que l'Église a été fondée (...).

Il y a donc une Trinité sainte et parfaite, reconnue comme Dieu dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; elle ne comporte rien d'étranger, rien qui lui soit mêlé de l'extérieur ; elle n'est pas constituée du Créateur et du créé, mais elle est tout entière puissance créatrice et productrice. Elle est semblable à elle-même, indivisible par sa nature, et son activité est unique. En effet, le Père fait toutes choses par le Verbe dans l'Esprit Saint, et c'est ainsi que l'unité de la sainte Trinité est sauvegardée. C'est ainsi que dans l'Église est annoncé un seul Dieu, qui règne au-dessus de tous, par tous et en tous.
 Au-dessus de tous, comme Père, comme principe et source ; par tous, par le Verbe ; en tous, dans l'Esprit Saint. ~

Saint Paul, ~ écrivant aux Corinthiens, à propos des dons spirituels, rapporte toutes choses à un seul Dieu, le Père, comme à un seul chef, lorsqu'il dit : Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit ; les ministères dans l'Église sont variés, mais c'est toujours le même Seigneur, les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu, qui fait tout en tous. Car les dons que l'Esprit distribue à chacun sont donnés de la part du Père par le Verbe. En effet, tout ce qui est au Père est au Fils ; c'est pourquoi les biens donnés par le Fils dans l'Esprit sont les dons spirituels du Père. Quand l'Esprit est en nous, le Verbe qui nous le donne est en nous, et dans le Verbe se trouve le Père. Et c'est ainsi que s'accomplit la parole : Nous viendrons chez lui et nous irons demeurer auprès de lui. Là où est la lumière, là aussi est son éclat ; là où est son éclat, là aussi est son activité et sa grâce resplendissante.

C'est cela encore que Paul enseignait dans la seconde lettre aux Corinthiens : Que la grâce de Jésus Christ notre Seigneur, l'amour de Dieu et la communion de l'Esprit Saint soient avec vous tous. En effet, la grâce et le don accordés dans la Trinité sont donnés de la part du Père, par le Fils, dans l'Esprit Saint. De même que la grâce accordée vient du Père par le Fils, ainsi la communion au don ne peut se faire en nous sinon dans l'Esprit Saint. C'est en participant à lui que nous avons l'amour du Père, la grâce du Fils et la communion de l'Esprit Saint.

Nul ne saurait unir les enfants de la terre,
mais l'amour veut tout rassembler. »(2)

« L'Écriture dit que le Père est source et lumière : « Ils m'ont délaissé, moi la source d'eau vive » ; (...) « Tu as abandonné la source de la sagesse », et selon Jean : « Notre Dieu est lumière ». Or, le Fils, en relation avec la source, est appelée fleuve, car « le fleuve de Dieu, selon le psaume, est rempli d'eau ». En relation avec la lumière, il est appelé resplendissement quand Paul dit qu'il est « le resplendissement de sa gloire et l'effigie de sa substance ». Le Père est donc lumière, le Fils son resplendissement (...), et dans le Fils, c'est par l'Esprit que nous sommes illuminés : « Puisse Dieu vous donner, dit Paul, un Esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître ; puisse-t-il illuminer les yeux de votre cœur ». Mais quand nous sommes illuminés, c'est le Christ qui nous illumine en lui, car l'Écriture dit : « Il était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde ». Et encore, le Père étant source et le Fils appelé fleuve, on dit que nous buvons l'Esprit : « Tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit ». Mais, abreuvés de l'Esprit, nous buvons le Christ car « ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait et ce rocher c'était le Christ ». (...)
Le Père étant « le seul sage », le Fils est sa sagesse, car « le Christ est la force et la sagesse de Dieu ». Or, c'est en recevant l'Esprit de sagesse que nous possédons le Fils et acquérons la sagesse en lui (...). Le Fils est la vie, il a dit : « Je suis la vie » ; mais il est dit que nous sommes vivifiés par l'Esprit, car Paul écrit : « Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts vivifiera aussi nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous ». Mais quand nous sommes vivifiés par l'Esprit, c'est le Christ qui est notre vie (...) : « Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi ».
Quand il existe, dans la sainte Trinité, une telle correspondance et unité, qui pourrait séparer soit le Fils du Père, soit l'Esprit du Fils ou du Père ? (...) Le mystère de Dieu n'est pas livré à notre esprit par des discours démonstratifs, mais dans la foi et dans la prière pleine de respect. »(3)


℟ Joie de l'homme sauvé,
monte jusqu'à nos lèvres


(1) office des lectures du dimanche de la Trinité
(2) Saint Athanase, Lettre à Séraphion, évêque de Thmius, source ibid.
(3) Saint Athanase, ibid. source l'Évangile au Quotidien

05 juin 2020

La Trinité comme une danse - Homélie du 7-8 juin

Projet 4 - notes pour une homélie orale 
 
Comment comprenez vous le grand mystère de la Trinité ?

Vous allez me parler du Père, du Fils, et peut-être de l'Esprit. Et vous aurez raison.
Il y a cependant une interaction particulière qui a beaucoup fait réfléchir les pères de l’Église et qu'il est intéressant de contempler en cette fête particulière.
Je vous propose pour cela 3 temps :
1. temps de contemplation des textes
2. un temps de contemplation de la Trinité
3. un temps d'exhortation... et de mise en mouvement.


1er temps :  j'aimerais vous introduire à la contemplation des textes de ce dimanche.
Dans l'Exode, Moïse cherche Dieu. Il l'a déjà rencontré dans le buisson ardent (Ex 3, Ex 19, etc.) pourtant, il gravit cette fois la montagne du Sinaï avec une attente particulière à l’issue de la « crise » du « Veau d’or » et c'est là que Dieu se révèle, non pas dans la puissance, mais dans le point ultime de sa pédagogie et dans un déchirement de sens par rapport à toutes les révélations [théophanies] précédentes. Il est "tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité." (Ex. 34)
Que verra vraiment Moïse ? Je vous invite à lire la suite... 

1ere contemplation...

Saint Paul, dans la  deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, parle lui aussi d'un "Dieu d'amour et de paix". Il évoque également notamment "la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit"(2 Co 13) .

Prenons le temps de méditer chaque partie de l'affirmation : "l'amour de Dieu, la grâce du Christ, la communion de l'Esprit". Nous avons là aussi des indications qui distinguent, mais en même temps, une commune référence à l'amour, la communion, la grâce et la Paix.

Saint Jean introduit quant à lui, une dynamique : "Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé".     




2ème temps
Quel est maintenant le point commun des trois textes ?
L'amour, la communion, un Dieu qui sauve. 
Un Dieu de tendresse, loin des images du Dieu vengeur, du Père qui exigerait la mort du Fils en rançon, ou du Père fouettard qui nous envoie un virus pour nous punir. Toutes ces images qui masquent le Dieu qui nous sauve. Ce qui se révèle c'est le don, l'amour infini de Dieu, un Dieu qui bouge, loin des images statiques [ou trop immanente de Dieu](1). La trinité n'est-elle pas là...?
Dans ce mouvement particulier et premier d'un Père qui donne...
Ce mouvement second d'un Fils qui se donne
Ce mouvement de communion d'un Esprit qui est donné.
La Trinité est le don en actes de Dieu...
Elle rayonne dans ce mouvement de Dieu vers l'homme, dans ce dépouillement trinitaire, ce don qui vise la tendresse, l'amour, le salut.

Réécoutons à nouveau Dieu qui parle à l’homme dans la première lecture : Je suis « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de vérité. ». En redescendant de la montagne Moïse est illuminé de la lumière de cette révélation. Probablement parce que lui a été donné ou promis de voir Dieu en mouvement.


C'est sur la base de la contemplation de ce mouvement, que les Père de l'Eglise parle avec leurs mots savants d'une danse (2).
Le mot danse m'a toujours interpellé.
"J'ai joué de la musique sur la place et vous n'avez pas dansé nous" dit Jésus...(Mat 11, 17). Sommes nous prêts à entrer dans la danse de Dieu, à nous laisser emporter par l'amour, le don, le dépouillement (3) de nous lourdeurs naturelles, pour être porteur de la joie de Dieu ?
La Trinité est mouvement, danse, don, dépouillement...

J'en viens à mon troisième temps...
Nous avons perdu le mouvement dans un confinement sécuritaire et parfois douillet. Mais la vie, le mouvement nous appelle. N'oublions pas le cri de Dieu qui nous interpelle sur nos chemins de vie : "Où es-tu ?" (Gn 3) - Viens tu danser, viens tu aimer, veux-tu donner de toi même au service d'une communion réelle... ?
Tel est l'enjeu de la fête d'aujourd'hui. Tel est l'appel que Dieu nous fait.
Préparons nous à recevoir le don de Dieu en nous. Non pour le laisser confiné en nous, mais pour entrer dans la dynamique de l'amour...

Dimanche dernier, je vous invitais à venir vous présenter à l'autel, en même temps que les offrandes. Ce geste n'est pas un geste anodin. Il vous demande un mouvement extérieur, mais s'inscrit dans un mouvement du cœur. N'oubliez pas, comme le suggère Varillon (4), que votre cœur doit s'unir à l'offrande que Dieu nous fait. Que notre amour n'est pas la contemplation statique d'un Dieu statique, mais un mouvement en réponse à un Dieu en mouvement.

Ce mouvement est le premier des trois mouvements qui vous sont demandés : offrir puis recevoir et ensuite partir. Car entrer dans la danse c’est aussi partir à la rencontre du monde, porter le Christ à vos frères...
Amen 

Annexes pour le lecteur anonyme : 
(1) cf. K. Rahner et son traité sur la Trinité où il rejoint trinité économique et immanente 
(2) Périchorèse ou circumincession - Cf. E. Durand, La Périchorèse des personnes divines, Cerf
et mon essai de simplification : "La danse trinitaire"
(3) Cf. plus bas - Dieu dépouillé 
(4) François Varillon Joie de croire, joie de vivre 

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