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23 février 2020

Mal originé ou prix de la liberté - Bernard Sesboué

Mal originé ou prix de la liberté - Bernard Sesboué

Je continue ma lecture. Après une longue analyse sur les différentes interprétations du « péché originel » qui nous conduit de Pélage et Augustin au concile de Trente et ses premiers canons (1), l'auteur analyse la réponse des philosophes des Temps Modernes. On quitte la notion étroite d'un mal transmis par Adam vers une interpellation du mal comme « passage de la nature à la liberté ». Pour Kant, la source du mal se « trouve dans un choix libre » fait par tout homme. Hegel évoque quant à lui un mal qui révèle le bien en creux, « les deux connaissances étant inséparables pour [que l'homme devienne] un être moral (...) [qu'il parvienne à un] processus de maturation (...) [au] développement de la conscience de soi (...) Félix culpa (...) [cette chute] nécessaire pour un plus grand bien. (...) Ce qui chez Kant était de l'ordre de la liberté devient chez Hegel le devenir nécessaire de la conscience » (2).

L'enjeu n'est pas de chercher un coupable ailleurs, mais de se rendre compte de l'enchaînement qui nous rend esclave et de trouver une manière d'accueillir cette grâce qui nous en libère.

Tout cela n'est pas éloigné de cette pédagogie divine que nous cherchons à mettre en lumière.
La liberté donnée à Adam n'est pas incompatible avec la sollicitude de Dieu et la question intérieure posée à l'homme : « où es-tu ? »(3)

Mais Sesboué continue, à l'aune des travaux de Rahner, vers une approche qui n'est pas loin de ce que j'appelle la constatation de nos « adhérences » au mal qu'il définit comme un héritage que l'on ne peut trop vite appeler originel mais qui est constitutif de notre état, de notre liberté et de notre chemin de sanctification. C'est à partir de l'homme actuel que la constatation de nos faiblesses permettent d'appréhender l'origine du mal et non une prétendue connaissance historique qui nous conditionnerait au mal, au serf-arbitre ou à tout autre fatalité. Et c'est dans cette condition que Christ a sa place. Si nous ouvrons nos cœurs à ce Dieu sauveur.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p.199 à 245.
(2) ibid. p. 246-8
(3) cf. mon livre éponyme

12 février 2020

De l'esclavage à la liberté - Pédagogie divine - 8


Trêsor de cette office des lectures d'aujourd'hui qu,il faut déguster lentement à commencer par cet extrait de la lettre aux Galates qui complète bien l'état de mes travaux actuels de recherche sur la pédagogie divine (1) ; « 3.15 Frères, j'emploie ici un langage humain. Quand un homme a fait un testament en bonne et due forme, personne ne peut l'annuler ou lui ajouter des clauses.
3.16 Or, les promesses ont été faites à Abraham ainsi qu'à sa descendance ; l'Écriture ne dit pas « et à tes descendants », comme si c'était pour plusieurs, mais et à ta descendance, comme pour un seul, qui est le Christ.
3.17 Alors je dis ceci : le testament fait par Dieu en bonne et due forme n'est pas révoqué par la Loi intervenue quatre cent trente ans après, ce qui abolirait la promesse.
3.18 Car si l'héritage s'obtient par la Loi, ce n'est plus par une promesse. Or c'est par une promesse que Dieu accorda sa faveur à Abraham.
3.19 Alors pourquoi la Loi ? Elle a été ajoutée, pour que les transgressions soient rendues manifestes, jusqu'à la venue de la descendance à qui ont été faites les promesses, et elle a été établie par des anges par l'entremise d'un médiateur.
3.20 Ce médiateur en représente plus d'un, mais Dieu, lui, est un.
3.21 La Loi est-elle donc contre les promesses de Dieu ? Absolument pas. S'il nous avait été donné une loi capable de nous faire vivre, alors vraiment la Loi rendrait juste.
3.22 Mais l'Écriture a tout enfermé sous la domination du péché, afin que ce soit par la foi en Jésus Christ que la promesse s'accomplisse pour les croyants.
3.23 Avant que vienne la foi en Jésus Christ, nous étions des prisonniers, enfermés sous la domination de la Loi, jusqu'au temps où cette foi devait être révélée.
3.24 Ainsi, la Loi, comme un guide, nous a menés jusqu'au Christ pour que nous obtenions de la foi la justification.
3.25 Et maintenant que la foi est venue, nous ne sommes plus soumis à ce guide.
3.26 Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi.
3.27 En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ;
3.28 il n'y a plus ni juif ni grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu'un dans le Christ Jésus.
3.29 Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d'Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse.
4.01 Je m'explique. Tant que l'héritier est un petit enfant, il ne diffère en rien d'un esclave, alors qu'il est le maître de toute la maison ;
4.02 mais il est soumis aux gérants et aux intendants jusqu'à la date fixée par le père.
4.03 De même nous aussi, quand nous étions des petits enfants, nous étions en situation d'esclaves, soumis aux forces qui régissent le monde.
4.04 Mais lorsqu'est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme et soumis à la loi de Moïse,
4.05 afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils.
4.06 Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c'est-à-dire : Père !
4.07 Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c'est l'œuvre de Dieu. » (Ga 3, 15-29; 4, 1-7)

Ressuscités avec le Christ, cherchons les choses d'en haut. Vous qui êtes baptisés dans le Christ,
vous avez revêtu le Christ. Revêtez l'homme nouveau, créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité.
  
Ambroise, dans sa réponse aux questions que pose à Orontien sur le chapitre 8 de la lettre aux Romains, complète bien cette épitre : « D'après saint Paul, celui qui, par l'Esprit, fait mourir le comportement charnel, celui-là vivra. Ce n'est pas étonnant qu'il vive, puisqu'il devient fils de Dieu, ayant l'Esprit de Dieu. Il est fils de Dieu à tel point qu'il ne reçoit pas un esprit d'esclavage mais l'esprit des enfants d'adoption ; et à tel point que le Saint-Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage est bien celui de l'Esprit Saint puisque c'est lui qui crie dans nos cœurs : Abba, Père, comme c'est écrit dans la lettre aux Galates. Mais ce qui témoigne hautement que nous sommes fils de Dieu, c'est que nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ. Est héritier avec lui celui qui est glorifié avec lui ; et il est glorifié avec lui, celui qui, en souffrant pour lui, souffre avec lui.

Pour nous encourager à souffrir, saint Paul ajoute que tout ce que nous souffrons est peu de choses, sans proportion avec les biens à venir de cette grande récompense qui rétribuera nos labeurs : récompense qui se révélera en nous lorsque nous serons recréés à l'image de Dieu et que nous pourrons regarder sa gloire en face.

Pour mettre en valeur la grandeur de cette révélation à venir, l'Apôtre ajoute que la création elle-même attend cette révélation des fils de Dieu. Cette création est maintenant livrée malgré elle au pouvoir du néant ; mais elle est dans l'espérance. Car elle espère que le Christ l'aidera par sa grâce à se libérer de l'esclavage de la dégradation inévitable, et à recevoir la liberté glorieuse des fils de Dieu. Ainsi y aura-t-il une seule liberté, pour la création et pour les fils de Dieu, lorsque la gloire de ceux-ci se révélera. Mais maintenant, tant que cette révélation se fait désirer, toute la création gémit en attendant de partager la gloire de notre adoption et de notre rédemption. Elle enfante déjà cet esprit qui la sauve, et elle veut être délivrée de l'esclavage du néant. ~

Il est clair que les créatures qui gémissent en attendant l'adoption des fils ont en elles les premiers dons de l'Esprit. Cette adoption des fils, c'est la rédemption du corps tout entier, lorsque celui-ci, en qualité de fils adoptif de Dieu, verra en face ce bien éternel et divin. Il y a déjà adoption filiale dans l'Église du Seigneur lorsque l'Esprit s'écrie : Abba, Père, selon la lettre aux Galates. Mais cette adoption sera parfaite lorsque ceux qui seront admis à voir la face de Dieu ressusciteront tous dans l'immortalité, l'honneur et la gloire. Alors la condition humaine s'estimera vraiment rachetée. C'est pourquoi l'Apôtre ose dire : Nous avons été sauvés en espérance. L'espérance sauve en effet, comme la foi, dont il est dit : Ta foi t'a sauvé. » (2)

L'Esprit du Seigneur est liberté, parce que Christ nous a libérés pour crier Abba ! Père !
 
Dans ton amour inépuisable, Dieu éternel et tout-puissant, tu combles ceux qui t'implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ; répands sur nous ta mésiricorde en délivrant notre conscience de ce qui l'inquiète et en donnant plus que nous n'osons demander.(3)

(1) livre à paraître
(2) Ambroise de Milan, Lettre à Orontien
(3) source : Office des lectures, mercredi de la 5eme semaine ordinaire, AELF

06 février 2020

Saint François, le diacre d’Assise - chemin de liberté


Nous sommes libres, écrivais-je plus haut dès que nous quittons toutes ces adhérences au mal, c'est aliénations qui sont illusions de liberté et qui conduisent à moins aimer.

La liberté n'est pas forcément la paix du corps, l'absence de souffrance, mais cette paix intérieure qui vient d'un véritable détachement.

« Jésus (...) commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture » (MC 6,7-8)

« Le Seigneur ordonne dans l'Évangile : Gardez-vous soigneusement de tout attachement mauvais ; évitez soigneusement les préoccupations de ce monde et les soucis matériels (cf Mt 6,25). C'est pourquoi aucun frère, qu'il demeure dans une résidence ou qu'il soit en voyage, ne doit en aucune manière accepter lui-même ou faire recueillir pour son compte ni pièces d'or ni menue monnaie, et cela ni pour acheter des vêtements ou des livres, ni en guise de salaire pour aucun travail, ni sous aucun prétexte, sauf cas de nécessité évidente pour les frères malades. Car l'or et la monnaie, nous ne devons pas les considérer comme plus utiles ou précieux que les cailloux. Le diable s'emploie à aveugler ceux qui convoitent l'argent ou qui lui accordent plus de valeur qu'à des cailloux. Nous qui avons tout quitté, n'allons donc pas perdre pour si peu le Royaume des cieux (Mc 10,24.28). S'il nous arrive de trouver quelque part des pièces de monnaie, n'y faisons pas plus attention qu'à la poussière que nous foulons aux pieds : car cela est vanité des vanités, et tout est vanité (Eccl 1,2). (…)
Tous les frères s'appliqueront à suivre l'humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus Christ. (...) Ils doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades et des lépreux, et des mendiants des rues. Lorsqu'il le faudra, ils iront quêter en nature. Qu'ils n'aient point honte : qu'ils se rappellent plutôt que notre Seigneur Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant tout puissant (...), a été pauvre et sans abri, qu'il a vécu d'aumônes, lui, et la bienheureuse Vierge, et ses disciples (1)

*


Qu'il soit béni, qu'il vienne,
Le Roi, notre Seigneur !
Il donne aux misérables
La paix du Bon Pasteur,
Il est doux. Il est humble.
Son joug sera léger!
Et c'est lui qui nous mène
Jusqu'à la liberté ! (2)

(1) Saint François d'Assise, Première Règle, §8-9 (PP. Th. Desbonnets et D. Vorreux; Saint François d'Assise. Documents — Écrit et Premières biographies; trad. P. D. Vorreux; Éd. Franciscaines 1968, p. 62-64 rev.), source : l'Évangile au Quotidien

(2) hymne de l'office des lectures du 6/2/20

* chemins de liberté est maintenant repris dans mon livre « l’amphore et le fleuve »

05 février 2020

Conversion intérieure - l’amour en toi 52

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte : « ce mouvement de grâce par lequel Dieu tourne la création vers lui est un mouvement de conversion vers Dieu (...) En tournant la créature vers lui, Dieu lui permet de prendre conscience d'elle-même : la conscience de soi est intérieure à la conscience de Dieu. Telle est la doctrine de l'intériorité de la conscience chez Augustin : il faut que je demeure en toi pour que je demeure en moi : noverim te, noverim me. Cet acte d'être tourné vers Dieu évite à la conscience de se fermer sur elle-même et inaugure un mouvement qui la constitue comme désir, mouvement lui-même constitutif de la création »(1)

Mais le désir d’aimer (et donc le désir de Dieu) n’est que le premier pas. Notre joie vient de cette liberté qui résulte de l’amour en actes et en vérité. Nous sommes libres dès que nous quittons toutes ces adhérences au mal, c’est aliénations qui sont illusions de liberté et qui conduisent à moins aimer.

L’irruption du visage d’autrui est le chemin de notre liberté dirait Lévinas...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 96

22 novembre 2019

création et liberté - 8 - Joseph Moingt

Si l'on considère le récit de la genèse dans son sens spirituel en effaçant toute propension à lui donner une valeur biologique ou historique, on peut concevoir alors que le plan d'un Dieu créateur est plus vaste et plus fécond.

Joseph Moingt en fait un chemin de liberté qui englobe toute l'histoire du salut et lui donne une direction :
"La foi au Dieu créateur ne veut nullement s'imposer comme une explication de l'origine de l'univers, mais seulement exprimer la confiance mise en Dieu pour avoir créé l'humanité dans l'intention de former sa propre famille de tous les hommes qui deviendrait ses fils en se reconnaissant dans l'un d'entre eux, Jésus, dépositaire de l'image de Dieu et révélateur de sa présence parmi nous. Cette foi ne vise donc pas formellement la constitution de l'univers (comme il en est dans la théorie du créationnisme), mais le projet salutaire de Dieu concernant l'homme, projet qui enveloppe sa dignité spécifique, la liberté de chacun d'orienter son destin, l'amour fraternel les uns des autres, (...) Ce projet de la création de l'univers, non sous forme d'un plan d'organisation de toutes choses, mais d'une semence de liberté et d'amour jetée dans l'univers en formation pour que naisse en son sein une créature spirituelle avec qui Dieu pourrait entrer en communication intime, semence que Dieu confiait au monde naissant comme un appel, un souhait, une parole, un logos, l'invitation à naître adressée à un Premier-né destiné à ramener à Dieu toute sa famille humaine" (1), tout cela donne du sens à notre aujourd'hui. Le don de Dieu est appel... Il s'origine dans un don (Gn 1 et 2) et l'appel d'un "où es-tu ?" (Gn 3) qui est plus qu'un cri, une plainte d'un Dieu qui aime sa création et n'a pour but que de le ramener à lui...

(1) Joseph Moingt, L'esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, p. 228


Envoyé de mon iPhone

27 septembre 2019

création et liberté - 7

« Être image [de Dieu] n'est pas pour l'homme un accident, mais plutôt quelque chose de substantiel (S. Bonnaventure) (1)

L'homme a reçu au fond de lui-même, comme le disait Origène « le précepte de liberté » (2)

C'est dans cette dynamique qu'il doit s'inscrire pour entrer dans la danse de Dieu.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 59
(2) p. 60

01 mai 2019

Liberté et Kénose 4

Quelles sont les conditions d'une vraie liberté en Christ. Faut-il renoncer à tout ? Tout est rien disait déjà la grande Thérèse...

Suivre le Christ.

Où demeure-tu ? 
«Il leur dit: Venez et vous verrez. Ils vinrent et virent où il demeurait; ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure.»
‭‭(Jean‬ ‭1:39‬)

Un texte qu'il faut mettre en regard avec Mat. 8 : «Jésus lui dit: Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête.»
‭‭Matthieu‬ ‭8:20‬

"Renoncer à ce qui est propriété, à tout pouvoir, et même à toute habitation (Heimat) voire tout lieu (topos). L'Unheimlich [d'Edith Stein] vous déloge de toute topographie, comme le Christ qui refuse de considérer comme propriété son égalité avec le Père et le site de majesté qui lui est propre, mais - Kénose - il prend le topos du serviteur dans le site de l'humanité Être seul, être fidèle à Dieu : c'est, à sa mesure, l'expérience de la nuit, consentie dans la patience qui laisse tout grandir et mûrir devant Dieu. Nuit lumineuse et paisible que ne vient froisser nulle mélancolie (...)  nuit d'engendrement qui lui donne de percevoir le Christ comme bonheur ultime de tout le créé, (...) dans la paix inexprimable du sein du Père dans la gloire qu'il avait avant que le monde fut".(1)

Laisser être ce qui est comme il est, sans vouloir le produire, le fabriquer, sans s’en prétendre propriétaire (2).

Laisser être et espérer.

N’est-ce pas là la grâce de la liberté. Décentrement ET espérance.
“Ave Crux, spes unica” (Je te salue, oh Croix unique espérance).



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 284
(2) p. 291

29 avril 2019

Proverbes - Hans Urs von Balthasar - Liberté et grâce 3

"Plus clairement que partout ailleurs dans l'Écriture, on voit ici [dans les Proverbes] que le Dieu créateur ne contredit pas ou ne rejette pas l'effort de sa créature pour comprendre la vie et pour s'établir dans un rapport juste avec le principe divin, mais qu'il achève cette effort en le dépassant (gratia non destruit naturam, sed elevat et perficit), même si les pressentiments ils essayent de nature à la sagesse doivent devenir folie pour être introduit dans la sagesse tout aux autres de Dieu"(1)

Cette élévation par Dieu correspond en quelque sorte à ce que j'exprima plus haut sur la danse. En effet le travail de l'Esprit en nous nous élève et nous fait grandir. Que la grâce ne détruit pas la nature mais l'élève et nous rend perfectible faites entrer notre chemin de liberté dans une dimension plus immense, plus sublime, celle qui nous fait correspondre à la volonté de Dieu. En cela le Christ, plus que jamais, nous conduit par son oui "me voici" sur le chemin où déjà sa mère par son fiat de liberté nous appelle.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974, p. 115

18 avril 2019

Silence et liberté 2 - Edith Stein - L'amour est en toi - 31

Le repos en Dieu...
Prendre le temps du silence comme celui du désert c'est atteindre un "état de totale suspension de toute activité de l'esprit, dans lequel on ne peut plus ni dresser de plans, ni prendre de décision, ni même rien faire, mais où, ayant remis tout l'avenir au vouloir divin, on s'abandonne entièrement à son destin. Cet état, je l'ai éprouvé quelque peu, à la suite d'une expérience qui, dépassant mes propres forces, consomma totalement mes énergies spirituelles et me déroba toute possibilité d'action. Comparé à l'arrêt de l'activité faute d'élan vital, le repos en Dieu est quelque chose de tout à fait nouveau et d'irréductible. Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet aflfux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (1)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

(1) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268

La grâce d’être libres - Jean Duchesne


Je découvre dans le dernier livre de mon ami Jean Duchesne un point de vue qui mérite d'être approfondi : "La liberté [des chrétiens], héritée de Dieu selon la gratuité qui le caractérise, est une grâce - un don gracieux qui ne se conquiert pas, parce que c'est une dynamique dans laquelle on est emporté et qui dope littéralement les ressources naturelles. On peut dire que, si la liberté est une grâce, elle n'est pas le fruit du désir et de la volonté, mais qu'à l'inverse cette grâce aiguise le désir et fortifie la volonté"(1)


Au delà de mes travaux sur le don de Dieu in l'Amphore et le Fleuve(2), percevoir la liberté comme une grâce divine a bien des atouts. Elle ouvre une piste pastorale au delà d'une morale excessive. 
Cela rejoint la tension kénotique exprimée dans ma courbe en V (Dieu se fait chair pour nous conduire à lui) (3). 

Au cœur de l'incarnation, contempler un Dieu qui s'agenouille pour nous emporter sur son chemin fait du  "Me voici" que l'on prononce à la suite de "l'où es-tu ?" (Gn 3) et du psaume 39 un acte libre. Choisir la vie. 
En suivant Duchesne, ce choix devient une grâce, c'est-à-dire que Dieu nous fait ce don, nous y conduit et nous y accompagne. A nous de nous laisser porter par ce fleuve...

(1) Jean Duchesne, Chrétiens, La Grâce d'être libre, Par delà les conformismes et les peurs, Paris, Artege, 2019, p. 9
(2) cf. mon livre éponyme
(3) cf. Au fil de Jn 18 et 19, homélie du vendredi Saint

29 octobre 2018

Au fil de Luc 13, 10 - Chemins de liberté

« En ce temps-là, Jésus était en train d'enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat. Voici qu'il y avait là une femme, possédée par un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser.
Quand Jésus la vit, il l'interpella et lui dit : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité. »
Et il lui imposa les mains. À l'instant même elle redevint droite et rendait gloire à Dieu » (Luc 13, 10-12) TL

Commentaire :
Une lecture spirituelle pourrait voir l'Église pécheresse dans les bras de Dieu et notre méditation devient prière. Seigneur, vois nos addictions et nos adhérences au mal, redresse nous de ce qui nous conduit au mal, aide-nous à nous libérer de ce qui nous éloigne de toi.
« C'est pour la liberté que le Christ nous a libérés » (Ga 5,1). En lui, nous communions à « la vérité qui nous rend libres » (Jn 8,32). L'Esprit Saint nous a été donné et, comme l'enseigne l'apôtre Paul, « là où est l'Esprit, là est la liberté » (2Co 3,17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la « liberté des enfants de Dieu » (Rm 8,21).(1)

« L'Église, il faut s'acharner à la rendre aimable. L'Église, il faut s'acharner à la rendre aimante.

L'Église, société de pécheurs, m'entraîne dans le mouvement de sa vie.
Je ne peux dire ni "elle" ni "moi", mais seulement "nous".
Dire ce "nous", c'est dire l'Église.

Parce que nous rêvons d'un Christ-Église triomphant aux yeux des hommes, nous ne savons pas toujours nous souvenir que le mystère du Christ est le mystère de l'Église et que jusqu'à la fin des temps il sera le sauveur humilié, camouflé sous des hommes limités et pécheurs, et que c'est en eux qu'il nous faudra le reconnaître.

Nous avons quelquefois vis-à-vis de l'Église, l'attitude de quelqu'un qui veut un certificat de bonne conduite. L'Église ne conduit pas, elle est et nous sommes en elle. Elle est le Corps du Christ et nous sommes membres de ce Corps.
Notre dépendance, notre dévouement vis-à-vis d'elle, s'ils exigent des actes extérieurs, des signes, sont avant tout une dépendance et un dévouement interne, vital. Notre dépendance, vis-à-vis de ce Corps qu'elle est, est considérable.
Mais notre initiative, notre responsabilité, notre fonction sont, elles aussi, considérables. Nous y sommes providentiellement irremplaçables. Nos soumissions et nos initiatives y sont à égalité : obéissance, comme pour les cellules d'un corps qui seraient à la fois intelligentes et aimantes.
Une seule cellule peut infecter tout l'organisme; une seule cellule peut laisser passer l'aiguille qui le sauve.

J'appartiens à Jésus-Christ dans l'Église catholique.
L'Église, je suis dedans comme un membre dans le corps, comme une cellule dans un organisme vivant. Elle me transmet la vie des enfants de Dieu.

C'est dans l'Église que je suis en Jésus-Christ, que je vis Jésus-Christ; dans l'Église comme un membre dans un corps, comme une cellule dans une matière vivante.
Ma vie personnelle chrétienne est la conséquence de cette vie commune de l'Église. »(2)

«Soyez bons les uns envers les autres, pleins d’une tendre bienveillance; faites-vous grâce, comme Dieu vous a fait grâce dans le Christ.» Ephésiens‬ ‭4:32‬


(1) citations reprises du CAC n.1739-1742, source Evangelizo
(2) Madeleine Delbrêl in "Nous autres, gens des rues", "Indivisible Amour" et "La Joie de croire")

20 août 2018

Au fil de Luc - 6, 1 - Liberté

Nous reprenons chez Luc une lecture cursive (1) à partir de Luc 6. Quelques notes au fil de l'eau.

« Ses disciples arrachaient des épis, les frottaient dans leurs mains et les mangeaient » Lc 6, 1b

Commentaire 1 : il y a là une liberté essentielle des disciples de Jésus qui interpelle notre propre liberté. Comment agissons nous ? Quelle est notre liberté véritable ? Sommes nous libres des rites et des usages pour le royaume ou pour nos propres besoins ?

Commentaire 2 :
Sainte Thérèse de Lisieux le jour de sa première communion : « Ce jour là, ce n'était plus un regard, mais une fusion, il n'était plus deux, Thérèse avait disparu, comme la goutte d'eau qui se perd au sein de l'océan. Jésus restait seul, Il était le Maître et le Roi. Thérèse ne lui avait pas demandé de lui ôter sa liberté, car sa liberté lui faisait peur, elle se sentait si faible, si fragile que pour jamais elle voulait s'unir à la Force Divine »(2).
Notre liberté se limite à cette acceptation de la volonté de Dieu. Ouvrons nos mains à cet Amour qui nous guide.

Commentaire 3 : relire Ignace d'Antioche : je veux être la farine de Dieu (cf. Tag)

(1) cf. mon livre « Chemins de miséricorde »
(2) Manuscrit A, 35 verso, ibid p. 125

15 mars 2018

La discrétion de Dieu

Une belle évocation chez Mounier qui entre en écho avec « la voix d'un fin silence », mon livre éponyme : « Saint Irénée évoquait la pédagogie divine ; on a parlé depuis de la discrétion de Dieu. Un immense silence qui dure toute l'histoire ; une inspiration par touches intimes qui laissent le champ libre à tout appareil humain ; la patience de tous les détours qui séparent l'inspiration de l'effet : telles apparaissent ces voies qui ne sont pas nos voies ». (1)

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 116

22 décembre 2017

Foi, silence et liberté

« Seule appartient à l'homme la solitude devant Dieu, son abandon à la silencieuse immédiateté de Dieu (...) y aura-t-il un jour des hommes qui par principe et à chaque étape de leur existence n'entendront plus ce mot : Dieu ? (...) ne se poseront plus la question de l'indicible ? » (1)

Que faire pour que l'où es-tu de Gn 3 résonne encore dans le jardin du monde. Si Dieu est silencieux, devons-nous parler et chanter sur les places ? Et comment ?

Le silence parle au coeur. Mais le monde bruisse de plus en plus. Le bruit d'un fin silence n'atteint plus l'homme.

(1) Karl Rahner, Discours d'Ignace de Loyola aux jésuites d'aujourd'hui, Paris, Le Centurion, 1978 p. 71sq

28 octobre 2016

De la théorie du rachat au tout amour de Dieu

Encore une leçon d'humilité. J'ai souvent tendance à oublier que l'insistance sur le rachat n'est pas d'Anselme, mais de ses élèves. Pour Balthasar, la Croix n'est pas pour Anselme un rachat des âmes au Diable. "Dieu est absolument libre, il ne doit rien à personne. La rédemption du pécheur par le Christ n'est pas un rachat (...) l'obéissance du Christ incarné dépend intégralement de la spontanéité de son amour. (...) Tout le mystère trinitaire entre le Père et le Fils : que le Fils obéisse réellement et jusqu'à la fin, que le Père de son côté n'impose aucune contrainte, mais permettre le cheminement sacrificiel du Fils, tout ce mystère, de quelque biais qu'on l'envisage, est un mystère d'amour spontané, non contraint" (1).

Qu'est-ce à dire pour nous ? La liberté du Christ, son adhésion au projet du Père n'est pas sacrifice inutile, il s'inscrit pleinement dans cette pédagogie de Dieu qui met l'amour au centre, couronnement d'un refus de la violence. La mort du Fils est le jusqu'au bout de la non-violence de Dieu (2).


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 223.
(2) je rejoins là mon dernier travail : "Dieu n'est pas violent".

La liberté comme victoire - Anselme de Cantorbéry

Un deuxième apport d'Anselme peut être de concevoir la liberté non comme un droit mais comme une victoire(1), celle d'accéder à la veritable liberté sur toutes les "adhérences humaines", addictions, tentations, péchés qui nous éloignent de ce à quoi nous sommes destinés (la joie en Dieu) et nous éloignent de Dieu.
Cette distinction conceptuelle est pleine d'intérêt car elle ne voit plus le pêché originel comme un boulet incontournable, mais comme une vision temporaire, anti-pélagienne et incomplète de notre réalité humaine. Nous sommes créés en vue de cette joie à venir... Et tout ce qui nous retient de marcher vers Dieu est chemin, lieu d'effort, de conversion, d'écoute, de décentrement en direction du seul but à atteindre, considérer :
- le passé comme balayure (cf. Ph. 3) et en même temps chemin de conversion et d'apprentissage
- et l'avenir comme appel et joie à venir, celle d'être porté par la grâce et d'être saisi en Christ (Ph 3) pour participer librement au Royaume.

Il reste un point à ajouter. C'est l'insistance sur la grâce, car nos adhérences au mal nous retiennent souvent d'accéder à cette victoire et nos addictions nous empêchent d'avancer. Là plus qu'ailleurs la prière prend du sens car Dieu seul peut nous aider à surmonter cet obstacle qui est de fait de l'ordre de l'originel. Si nous ne pouvons aller seul plus loin, c'est parce que la médiation du Christ est essentielle, point de basculement qui fait de nous des êtres assoiffés de cette grâce qui nous conduira à la victoire finale.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 217

28 avril 2016

Création vivante et dynamique - Balthasar

Dans la foulée de ce que nous écrivions sur dynamique sacramentelle, on peut contempler encore une fois ce que Balthasar écrit sur la création. Il nous faut dit-il "dépasser la notion déiste de la création d'après laquelle Dieu produit lui-même, à la manière d'un artiste humain, une oeuvre achevée qui aurait en elle, comme par exemple une oeuvre de Rembrand ou de Bach, tout ce qui est nécessaire pour renvoyer à son auteur (...). Dieu est [au contraire] libre de créer et demeure libre en créant et après avoir créé" (...). Son activité accompagnatrice, conservatrice et vivifiante (...) sa fidélité adaptée à la créature (son engagement jusqu'au bout (...) jusqu'au sacrifice (1) permet de faire de la création une dynamique toujours perfectible qui ajouterais-je donne à l'homme par la triple kénose trinitaire une liberté incomparable de parfaire le dessein initial, de s'y lover et d'atteindre à sa manière l'enjeu de l'amour qui porte le projet créateur de Dieu.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 374-375

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

21 juillet 2009

Chemins de Liberté - Aimer en vérité


Au-delà d’une fausse liberté qui le conduirait à suivre le chemin de la facilité, l’homme dispose d’une triple assistance. Cette assistance n’est en fait autre que le triple don de Dieu qui se manifeste par une parole qui libère, puis par un signe, un symbole, une figure dressée sur le bois de la croix ; celle du Christ qui a répondu oui à l’appel. A cela, l’Eglise ajoute l’importance du don de l’Esprit, qui renouvelle et aide à interpréter le sens de ce qui est déposé au cœur de chacun et permet d’entendre puis de répondre à l’appel.
Le don de liberté est de fait le fruit de cette assistance trinitaire qui donne à l’homme les moyens d’avancer dans ce choix. Et c’est au terme de ces trois dons, perçus de manière différente par chacun, que le choix doit se faire, et qu’il reste libre. C’est à l’issue de ce choix que prend sens la réponse à l’appel.
Au triple don de la liberté peut répondre un triple questionnement. Une interpellation qui ne vise pas l'homme extérieur, mais l'homme intérieur, le soi-même qui seul peut répondre à la question :
- est-ce que mon acte est digne du crucifié ?
- est-ce que j'agis pour ma propre gloire ?
- est-ce que mon amour est vrai ?
Peut-être faut-il pour cela quitter le domaine de la seule contemplation que nous avons emprunté dans les chemins précédents. En effet, il ne s"agit plus de regarder et contempler l'oeuvre de Dieu reçu ou déployé autour de nous, mais d'avancer dans l'intimité du "me voici" très personnel qui ne concerne personne d'autre que moi. Cela ne peut être une injonction faite aux autres, une morale clamée comme le chemin de l'humanité, mais la simple introspection personnelle...
On rejoint peut-être le chemin qui passe la triple tentation de l'avoir, du pouvoir et du valoir, que l'on doit écarter au profit d'une vérité véritable. Sur ce chemin, la méditation donnée par Benoït XVI dans sa dernière encyclique n'est pas à ignoer.(*) Caritas in veritate...


(*) Extraits de notes pour la dernière partie de l'Amphore et le fleuve : Chemins de liberté

14 décembre 2007

Obéissance et don

Le Père ne donne pas d’ordre au Fils (comme le veut le malentendu perpétuel concernant la doctrine anselmienne de l’incarnation). Comme le dit l’intuition profonde d’Adrienne von Speyr : « le Père demande en premier et il prie le Fils afin que celui-ci ait la joie d’exaucer » (1) Il n’y aurait pas commandement du Père dans un rapport maître esclave. Pour Hans Urs von Balthasar «les intentions du Père qui sont alors transmises au Fils, sont comme des commencements, des origines qui peuvent être requises par le Fils pour finir en actes ».

On notera là cette tendresse de Dieu qui révèle le prix de la liberté donnée à l’homme-Dieu. Et cet échange est garante et signe, à mon sens de notre propre liberté.

(1) Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p. 219