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08 août 2020

Dépouillement et participation - Méditation sur les textes du 19ème…

Il y a dans ces textes une contemplation particulière de Dieu, comme une tension entre plusieurs facettes apparement contradictoires. Dans l'Evangile se révèle un Christ ayant apparemment toute puissance sur les éléments alors qu'1 Rois 19 fait apparaître la caresse discrète de Dieu, loin des éléments violents.

Et pourtant ces deux opposés se rejoignent. Dieu n'est pas dans la colère. Il nous apporte la paix.

Pour comprendre cela il faut probablement aller très loin en arrière dans ce qu'on appelle le cycle d'Élie, le voir égorger les prêtres de Baal en croyant faire la volonté de Dieu puis le suivre dans la fuite, le désespoir et la faim jusqu'à comprendre que la colère ne mène à rien, que Dieu n'est pas dans la violence mais dans le « bruit d'un fin silence (1) », que Dieu est amour. Le chemin d'Élie va être celui des disciples. Il peut être notre chemin.
Loin de nos tentations de puissance la contemplation de la croix conduit au déchirement du voile...
Dieu apparaît vraiment dans la nudité d'un corps défiguré qui nous guérit de toute violence.

Paul, comme souvent, apporte une touche finale. Il souffre de voir ses frères juifs « qui ont l'adoption, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses de Dieu ; (...) les patriarches,
» ne pas comprendre ce que Jésus révèle par la Croix.

Dans cette croix offerte, dans cette « maison » fragile d'un Dieu dépouillé qui n'a plus d'endroit où reposer sa tête, se dévoile, derrière le déchirement du voile, l'invitation finale d'un Dieu qui nous invite à participer à notre manière à la vie divine, à la « danse amoureuse » de Dieu. Il s'agit bien, comme le souligne saint Jean de la Croix de devenir participants de cette unité fragile et amoureuse qui s'offre à nous.
La danse des personnes divines, circumincession des amours divins et trines, nous invitent à une symphonie qui dépassent l'illusion des tempêtes extérieures.
Dieu nous invitent à la danse. « Les âmes possèdent donc par participation les mêmes biens que lui par nature : d'où elles sont véritablement dieux par participation, égales à Dieu et ses compagnes. C'est ce que dit saint Pierre par ces paroles : Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur. En effet, sa puissance divine nous a fait don de tout ce qu'il faut pour vivre en hommes religieux, grâce à la véritable connaissance de Celui qui nous a appelés par la gloire et la force qui lui appartiennent. Ainsi, Dieu nous a fait don des grandes richesses promises et vous deviendrez participants de la nature divine. Ces paroles montrent que l'âme participe à la nature de Dieu, en accomplissant en lui et avec lui l'œuvre de la Très Sainte Trinité, de la manière dont nous avons parlé, à cause de l'union substantielle qu'il y a entre l'âme et Dieu. »(2)

(1) 1 Rois 19, la traduction est d'Emmanuel Lévinas. Voir sur ce thème mon essai éponyme.
(2) saint Jean de la Croix, cantique spirituel, source office des lectures du 7/8.

30 juillet 2020

Recevoir et donner - homélie du 18ème dimanche du Temps Ordinaire…


Projet 2 à discuter 

Pourquoi êtes-vous là aujourd'hui ?
La question mérite d'être posée alors que nos églises se vident...

Pourquoi sommes nous là ?
Sans vouloir répondre à votre place, je répondrai de mon côté  « parce que nous avons faim et soif d'amour.
C'est probablement ce qui mouvaient les foules au temps de Jésus.
Pourquoi sont-ils là ? Que cherchent-ils?
L'épisode raconté aujourd'hui se situe après la mort du Baptiste. On comprend que la foule est perdue, sans berger.
[Précisons peut-être qu’il y a deux récits de multiplication des pains chez les synoptiques. Celle des douze corbeilles (Mat 14) est celle qui évoque les 12 tribus d'Israël.]

Celle racontée aujourd'hui s'inscrit dans la quête juive et il faudrait idéalement contempler dans le silence ce peuple qui marche dans le désert pendant 40 ans, pour trouver la terre promise.

A cette soif, à cette soif d’amour Dieu répond t-il ?
La prophétie d'Isaie que nous trouvons dans la première lecture entame une réponse « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! » Isaïe 55,1
Quelle eau ?


A la soif de la Samaritaine Jésus promet l'eau vive
A la faim des hommes en marche, Jésus donne du pain...

Et nous que cherchons nous ?
De avons-nous faim ? de Dieu ?
A notre faim, Jésus se présente à vous sous la forme d'une hostie...
Cela ne comblera pas votre appétit humain
Cela nous conduit par contre, à la suite du peuple juif à marcher sur les pas de nos frères juifs dans la recherche de l'amour.

Il y a surtout un basculement dans l'évangile que je vous invite à méditer. Le Christ invite les disciples à être acteur : « Donnez leur à manger ». 
Le don de Dieu à besoin de nos mains [ comme le disait si bien Etty Hillesum dans ses lettres du camp nazi de Westerbroch]
Si nous n'avons pas la charité cela ne sert à rien.
Si nous ne venons pas ici sans nous tourner vers vos frères, sans nous soucier d'eux en profondeur, cela ne sert à rien....
Le pain que Dieu nous donne c'est son corps, démembré et partagé à l'infini. Manger son pain, c'est faire corps, c'est A LA FOIS recevoir et donner...
Le pain est Signe d'un don
Signe d'un amour donné
Signe d'un jusqu'au bout de l'amour
Signe de cette croix, de ce cœur transpercé qui fait jaillir l'amour de son cœur transpercé...

Si vous n'entrons pas dans cette dynamique du recevoir et du don le pain restera stérile
Si la graine semée en nous ne nous fait pas entrer dans le don et l'amour partagé, cela ne sert à rien.
Si nous repartons d'ici sans nous connaître, sans partager avec notre voisin, l'inconnu, l'étranger cela ne sert à rien
L'amour donné, partagé multiplié est le pain que Dieu nous donne, sans mesure, sans intérêt, sans retour
Il en reste 12 corbeilles signe de l'amour immense de Dieu...
La surabondance du don, soulignée par le chiffre de 12 (que ce soit les 12 tribus ou les 12 apôtres) nous conduit à une méditation : celle de l’abondance des dons de Dieu...
Nous sommes invités, comme l'évoqua si bien Bonaventure à être comme une amphore dans le fleuve : le don de Dieu, l'amour de Dieu est immense, si nous devenons ce que nous recevons le don de Dieu sera immense et débordant...


Laissons nous embraser par ce don qui vient à nous.
Si nous mangeons ce pain, si nous devenons corps, si l’amour nous habite alors « ni la mort ni la vie, (...) ni le présent ni l'avenir,(...) ni aucune autre créature, [aucun virus, aucun malrien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. »(Rom 8)
   

08 janvier 2019

Au fil de Matthieu 14,17 - 5 pains et deux poissons

"Combien de pains avez-vous ?" Qu'avez-vous apporté ? La question de Jésus résonne encore dans nos coeurs. Qu'avons-nous à proposer au monde ? Le fruit de notre travail. Cinq petits pains, pas très bien cuits, un peu desséchés peut-être, et une surprise qui nous vient de Dieu. Deux poissons encore frétillants qui ont réjoui notre coeur. Cadeau inopiné, surprise de Dieu. C'est cela que nous apportons aujourd'hui. Ensuite tout vient de toi. Tu les transformes et Tu les multiplies. Tu nourris une foule immense. Nous ne sommes rien mais nous participons à ce mouvement, parce que nous sommes ton Église.
Fais de nous des instruments et des passeurs de ta bonne nouvelle.

30 octobre 2018

Au fil de Luc, 13, 18-21 - le grain - Maxime de Turin

« Un homme a pris une graine de moutarde et l'a jetée dans son jardin ; elle pousse et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s'abritent dans ses branches. » 

Cherchons à qui s'applique tout cela... Je pense que la comparaison s'applique plus justement au Christ notre Seigneur qui, en naissant dans l'humilité de la condition humaine, comme une graine, monte finalement au ciel comme un arbre. Il est grain, le Christ broyé dans la Passion ; il devient un arbre dans la résurrection. Oui, il est une graine quand, affamé, il souffre de manquer de nourriture ; il est un arbre quand, avec cinq pains, il rassasie cinq mille personnes (Mt 14,13s). Là il subit le dénuement de sa condition d'homme, ici il répand le rassasiement par la force de sa divinité.
Je dirais que le Seigneur est grain lorsqu'il est frappé, méprisé, injurié ; il est arbre quand il rend aux aveugles la vue, qu'il ressuscite les morts et remet les péchés. Lui-même reconnaît qu'il est grain : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas... » (Jn 12,24) (1)

Commentaire de saint Clément de Rome :
Remarquons, mes bien-aimés, comment le Seigneur ne cesse de nous montrer la résurrection future dont il nous a fourni les prémices en ressuscitant d'entre les morts le Seigneur Jésus Christ. Observons, mes bien-aimés, la résurrection qui s'accomplit périodiquement. Le jour et la nuit nous font voir une résurrection. La nuit se couche, le jour se lève, le jour s'en va, la nuit survient. Prenons les fruits : comment se font les semailles, et de quelle manière ? Le semeur sort, jette dans la terre chacune des semences. Celles-ci, tombant, sèches et nues, sur la terre, se désagrègent. Puis, à partir de cette désagrégation même, la magnifique providence du Maître les fait ressusciter et un seul grain en fait pousser une quantité, qui portent du fruit.(2)

Comme le suggère aussi Ignace d'Antioche, je voudrais être à son tour le froment de Dieu


(1) Saint Maxime de Turin, CC Sermon 25 ; PL 57, 509s (trad. coll. Pères dans la foi, Migne 1996, p. 123), source Evangelizo 
(2) saint Clément de Rome, lettre aux corinthiens, source AELF 
Sur le sujet voire aussi mes développements in Le troisième arbre