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13 avril 2022

Ébauche fragile pour le vendredi saint…

 Ce soir nous arrivons au bout du voyage de Jésus. Isaïe et la lettre aux Hébreux nous présente un Christ conduit dans le tunnel de la mort, comme un agneau que l’on mène à l’abattoir…

D’une certaine manière, il n’y a pas ici, à ce stade, chez ces deux auteurs d’espérance, sauf peut-être entre les lignes d’Isaïe. Le mal est là, il nous entoure, il est à nos portes. Une noirceur qui rejoins notre aujourd’hui.

Le Christ, nous le disions dimanche, ne passe pas au-dessus du réel. Il est à nos côtés dans ce gouffre sordide.


Il faut peut-être commencer par entrer dans le silence, ce silence où résonne la douleur des hommes(1), pour s’ouvrir à autre chose. C’est peut-être finalement cela, cette obéissance du Christ qu’évoque maladroitement la lettre aux Hébreux, [avec les limites de l’auteur évoquées récemment par M. Pochon(2)] : une sorte de libre soumission au projet de Dieu, mais avec cette nuance importante que souligne Jean au chapitre 10. En effet même si la violence est là, Jésus reste en pleine maitrise de sa liberté car l’enjeu est ailleurs : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne… » Jn 10, 18.


Ce n’est qu’à ce stade, après être entré dans le silence, et contemplé ce signe élevé, qu’un mouvement peut être amorcé. Et quel mouvement !


Dans la passion de Jean on peut distinguer au moins trois points / déplacements :  


1. Une certaine assurance qui transparaît déjà dès le chapitre 13 et qui donne un ton différent à cette version de la passion. Le Christ reste maître de lui. Il sait que l’enjeu est crucial , que ce projet du Dieu trinitaire est de révéler le jusqu’au bout de l’amour par l’abaissement même de la Croix. La seule réponse au mal est d’avancer, d’entrer dans ce projet de Dieu, non pour satisfaire à un Dieu pervers, mais parce que Père et Fils ont tracé cette voie particulière qui met l’amour au centre (3)


C’est finalement l’enjeu de cette coexistence entre un Christ qui affirme par 3 fois « Je suis » [qu’on pourrait traduire par un « Me voici, c’est l’heure/mon heure] et qui semble maître de lui et à l’opposé la violence désordonnée du monde, le reniement et la fuite des hommes…


2. Entre le triple « je suis » de Jésus et le « je ne suis pas » de Pierre se trouve tout le drame de notre humanité, la différence entre le discours et les actes. 

Le Christ maintiendra jusqu’au bout son amour pour l’homme, jusqu’au « j’ai soif » final qui est bien plus qu’un cri, car il rejoint toutes les soifs et les agenouillements du Christ. Pour mère Teresa et d’autres mystiques, il s’agit plutôt d’un « j’ai soif de toi »(4) qui nous appelle au plus profond de nous mêmes.


« Si tu veux, va jusqu’au bout de l’amour, quoi qu’il en coûte. Le reste est superflu », semble nous suggérer Jean.

Entre l’agenouillement du lavement des pieds, jusqu’à la Croix, le Christ n’est qu’invitation à l’amour. Et c’est cela qu’il nous faut maintenant contempler dans le silence intérieur, jusqu’à ce que, au fond de nous, naisse la réponse, soufflée par la musique silencieuse des psaumes et d’Isaïe : « Tu ne voulais pas de sacrifices (…) alors j’ai dit, me voici ».


3. Le troisième point est peut-être à lire en filigrane dans l’échange entre l’archétype des disciples (celui que Jean appelle le bien-aimé), Marie et Jésus. Plus qu’un héritage, c’est à nous tous qu’est confié la tâche de faire famille : « Ta mère, ton fils ». 


Quelle mission fragile nous est confiée ici au pied de la Croix ! Non seulement écouter le cri des femmes et des hommes, mais construire une famille, un Corps.


Tâche impossible aux hommes que nous sommes, sans la grâce jaillissante qui surgit de cette « danse » tragique que le Père et le Fils viennent d’exécuter « pour nous ».

C’est dans l’eau vive torrentielle d’un cœur transpercé que jaillit et procède l’amour fragile et immense et se révèle à nous dans ce qui est, pour Jean, le don de l’Esprit ! 

Ici, point de rideau déchiré(5), seul le cœur de Dieu dénudé et transpercé par la violence devient source féconde. 


J’ai soif de toi / voici de l’eau…

Paradoxe (oxymore) de la Croix…


(1) comme le soulignait si bien Joseph Moingt, L’homme qui venait de Dieu, Cerf, 1995, Ed° de 2002, Cogitatio Fidéi n° 176, p.546ss

(2) cf Martin Pochon,  « Lettre aux Hébreux au regard des Évangiles », lectio divina, Cerf 2020, qui avance la thèse que cette lettre provient d’Apollos, cet apôtre de Jean Baptiste à qui l’Evangile n’est pas encore connu et qui de ce fait interprétre maladroitement le sens du rachat.

(3) cf. sur Kobo/Fnac ma «  danse trinitaire « 

(4) cf. notamment sur le triple reniement mon analyse in « À genoux devant l’homme » 

(5) voir mon essai éponyme et « Dieu dépouillé »

10 avril 2022

La passion selon saint Luc - Petite méditation fragile

 Qu’est ce qui distingue la lecture de Luc des autres synoptiques ?  Quelques clés de lecture.

1. Un Dieu à genoux

Sans aller jusqu’au lavement des pieds, Luc insiste sur le renversement de la vision du messie attendu : « Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Cette petite phrase est à contempler à la double lumière d’un Dieu à genoux devant ses disciples y compris Judas (1) et d’un Dieu qui tombera à genoux en « présentant son dos aux outrages » (Isaïe 50).

Kénose, c’est à dire humilité extrême nous dira Paul en Ph 2. Le messie que vous attendez se révèle dans son agenouillement…



 2. Agonie extrême 

« Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. »

Déjà dans la prière, il va jusqu’à prévoir ce qui l’attend. Devons nous entendre, pouvons nous entendre, comme le fera une mystique (2) que Jésus perçoit que son geste à venir ne servira pas à convertir l’homme, à changer nos cœurs de pierre ?

Sentons nous aussi qu’il va, comme le suggérera A. Von Spyer (3) jusqu’à faire l’expérience du silence du père, ce silence que connaît les grands souffrants et qui est l’extrême de notre condition humaine. Dieu à genoux, à nos côtés, jusqu’au bout…


 3. Le grand silence

« J’ai joué de la flûte et vous n’avez pas dansé » (Luc 7, 32). Si nous contemplons les gestes de la Passion ce qui surprend chez Luc c’est le quasi silence. Plus de grandes affirmations, mais juste une série de renvois «  C’est toi-même qui le dis ». Renvoie à la conscience intérieure.


 4. Miséricorde

« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »

C’est le Luc du chapitre 15, celui qui nous a donné la parabole du fils prodigue qui rejaillit ici. Christ est ici à l’extrême de son message. Après le silence qui renvoie à nous mêmes vient l’espérance du pardon… :

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »


 5. Le rideau du temple 

« Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. »

Ce qui était caché de l’indicible se dévoile. Dieu est là. Luc déchire le rideau du centre, quand Marc le fait de haut en bas… (4) mais le signe est le même, moins spectaculaire que chez Matthieu (5), mais qui vise le cœur. Dieu ne se cache plus, il est là, nu, dépouillé, fragile.


 6. Le dernier cri

« Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Ultime abandon, humilité extrême. Ici pas de cri au Père, pas de Ps 21 murmuré dans l’agonie finale, mais un message de soumission à la tendresse paternelle « entre tes mains », dans ta tendresse, je m’abandonne à toi…

   

 7. Le centurion

À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Marc en fait le sommet de la révélation et met dans la bouche du centurion la révélation qu’il est «  Fils de Dieu ». Luc est plus discret, renvoie au chemin intérieur de chacun, dans cette pédagogie qui culminera sur le chemin d’Emmaus puis ds le livre des Actes. Il rejoint cette invitation à un « rentrant en lui même » du fils prodigue (Luc 15).


 8. Conversion intérieure 

« Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine ».


Mea culpa…

À la suite de cette lecture, Luc nous invite à retourner en nous mêmes.  À quoi m’invites tu Seigneur pour que ta croix ne soit pas vaine…? 


Parmi la symphonie des évangiles, Luc a sa mélodie particulière…(6)


(1) cf. « À genoux devant l’homme »

(2) Anne-Catherine Emmerich

(3) voir notamment l’excellent commentaire chez Hans Urs von Balthasar dans ses tomes de Dramatique divine

(4) voir aussi chez Kobo / Fnac « Le rideau déchiré »

(5) cf. Chemins d’Evangile

(6) voir « chemins de miséricorde »

23 avril 2020

Trésor de l’eucharistie - Saint Gaudence de Breschia

Trésor de l'eucharistie - Saint Gaudence de Breschia
Trésor que ces commentaires des pères de l'Église bien avant la théologie de Johann Baptist Metz. Écoutons saint Gaudence :
« Le Christ nous a légué le sacrement de sa Pâque.

Le sacrifice céleste institué par le Christ est vraiment l'héritage légué par son testament nouveau ; il nous l'a laissé la nuit où il allait être livré pour être crucifié, comme un gage de sa présence.

Il est le viatique de notre voyage, notre nourriture sur le chemin de la vie, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à celle-ci, en quittant ce monde. C'est pourquoi le Seigneur disait : Si vous ne mangez pas ma chair et ne buvez pas mon sang, vous n'aurez pas la vie en vous.

Il a voulu que ses bienfaits demeurent parmi nous ; il a voulu que les âmes rachetées par son sang précieux soient toujours sanctifiées à l'image de sa propre passion. C'est pourquoi il donne l'ordre à ses disciples fidèles, qu'il établit les premiers prêtres de son Église, de célébrer sans fin ces mystères de la vie éternelle. Et il est nécessaire que tous les prêtres, de toutes les Églises du monde, les célèbrent jusqu'à ce que le Christ revienne du ciel. C'est ainsi que les prêtres eux-mêmes et tout le peuple des fidèles devraient avoir chaque jour devant les yeux la représentation de la passion du Christ ; en la tenant dans nos mains, en la recevant dans notre bouche et notre cœur, nous garderions un souvenir ineffaçable de notre rédemption.

Ensuite, il faut que le pain soit fait avec la farine de nombreux grains de froment, mêlée à de l'eau, et reçoive du feu son achèvement. On y trouve donc une image ressemblante du corps du Christ, car nous savons qu'il forme un seul corps avec la multitude des hommes, et qu'il a reçu son achèvement du feu de l'Esprit Saint.

En effet, le Christ est né du Saint-Esprit et, parce qu'il devait ainsi accomplir parfaitement ce qui est juste, il entre dans les eaux du baptême pour les consacrer ; alors, rempli du Saint-Esprit qui était descendu sur lui sous la figure d'une colombe, il s'éloigne du Jourdain, comme l'affirme l'Évangile : Jésus, rempli de l'Esprit Saint, s'éloigna des bords du Jourdain.

De même, le vin de son sang est tiré de plusieurs grappes, c'est-à-dire de raisins de la vigne plantée par lui, écrasés sous le pressoir de la croix ; versé dans le cœur des fidèles au moyen de grandes coupes, il y bouillonne par sa propre vertu.

C'est là le sacrifice de la Pâque, qui apporte le salut à tous ceux qui sont libérés de l'esclavage de l'Égypte et de Pharaon, c'est-à-dire du démon. Recevez-le en union avec nous, dans toute l'avidité d'un cœur religieux. Notre Seigneur Jésus Christ lui-même, que nous croyons présent dans ses sacrements, nous sanctifie en profondeur, et sa vertu sans prix demeure pour tous les siècles. »(1)


℟ Il y a un seul pain,
et nous sommes tous un seul corps,
car nous avons tous part à un seul pain.

L'amour dont nous aimons,
n'est-il pas communion
à l'amour du Christ ?

Garde-nous, Seigneur,
dans l'unité de l'Esprit
par le lien de la paix.(2)

Sans commentaire

(1) Saint Gaudence de Breschia, Homélie Pascale, source AELF, office des lectures de la deuxième semaine de Pâques
(2) office des lectures de la deuxième semaine de Pâques

01 avril 2020

Homélie du dimanche des Rameaux et de la passion année A - Isaïe 50…

Projet 2


Jusqu'où peut-on aimer ?

À l'heure où de nombreux soignants donnent tout ce qu'ils peuvent et parfois leur vie pour sauver les plus fragiles d'entre nous, il nous faut rentrer dans le silence et la contemplation de la Passion.

« Ceci est mon corps (...) et mon sang versé »

On cherche trop Dieu dans les miracles et les bonheurs apparents alors qu'il est là dans le don, la souffrance, les outrages (cf. Is. 50, 6) et se révèle sur la croix. Dieu est nu...

Jamais Dieu ne se révèle mieux que dans la croix.

Si le rideau du temple se déchire de haut en bas, (Mat 27, .Mc 16) c'est que Dieu lui-même dévoile ce qui était caché.

C'est ce que nous dit Paul dans cet hymne magnifique des Philippiens 2 qui révèle le cœur du mystère :


Le Christ Jésus,
 ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
    Mais il s'est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix.
    C'est pourquoi Dieu l'a exalté :
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
    afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

Il n'y a rien à ajouter... Sauf peut-être à ne pas fermer notre porte. Dieu se fait proche, petit, faible pour que nous puissions le laisser germer en nous. Ne laissons-pas cette lumière sous le boisseau, laissons-là transparaître.

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte.
Ceux qui on compris cela ne demeure pas dans une contemplation stérile, mais deviennent acteurs, co-créateurs, mains de Dieu.

C'est peut-être ce que nous contemplons aujourd'hui dans cette belle mobilisation des aidants.
Nos soignants sont, par leur sacrifice, les nouveaux prêtres du saint mystère de l'amour donné, livré et nu, car fragile et exposé...

Nous autres clercs n'arriverons pas forcément à égaler cela. Ce que nous symbolisons virtuellement ils le rendent visible par leur vie.
Prions pour eux

19 avril 2019

Au fil de Marc 15 - La Passion - Augustin d’Hipponne


« Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s'écria : 'Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu' » (Mc 15,39)
« Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu. » (Jn 1,1) Il est identique à lui-même ; ce qu'il est, il l'est toujours ; il ne peut changer, il est l'être. C'est le nom qu'il fit connaître à son serviteur Moïse : « Je suis celui qui suis » et « Tu diras : Celui qui est, m'a envoyé » (Ex 3,14)... Qui peut le comprendre ? Ou qui pourra parvenir à lui –- à supposer qu'il dirige toutes les forces de son esprit pour atteindre tant bien que mal celui qui est ? Je le comparerai à un exilé, qui de loin voit sa patrie : la mer l'en sépare ; il voit où aller, mais n'a pas le moyen d'y aller. Ainsi nous voulons parvenir à ce port définitif qui sera nôtre, là où est celui qui est, car lui seul est toujours le même, mais l'océan de ce monde nous coupe la voie...
Pour nous donner le moyen d'y aller, celui qui nous appelle est venu de là-bas ; il a choisi un bois pour nous faire traverser la mer : oui, nul ne peut traverser l'océan de ce monde que porté par la croix du Christ. Même un aveugle peut étreindre cette croix ; si tu ne vois pas bien où tu vas, ne la lâche pas : elle te conduira d'elle-même. 
Voilà mes frères ce que j'aimerais faire entrer dans vos cœurs : si vous voulez vivre dans l'esprit de piété, dans l'esprit chrétien, attachez-vous au Christ tel qu'il s'est fait pour nous, afin de le rejoindre tel qu'il est, et tel qu'il a toujours été. C'est pour cela qu'il est descendu jusqu'à nous, car il s'est fait homme afin de porter les infirmes, de leur faire traverser la mer et de leur faire aborder dans la patrie, où il n'est plus besoin de navire parce qu'il n'y a plus d'océan à passer. À tout prendre, mieux vaudrait ne pas voir par l'esprit celui qui est, mais embrasser la croix du Christ, que le voir par l'esprit et mépriser la croix. Puissions-nous, pour notre bonheur, à la fois voir où nous allons et nous cramponner au navire qui nous emporte... ! Certains y ont réussi, et ils ont vu ce qu'il est. C'est parce qu'il l'a vu que Jean a dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était face à Dieu, et le Verbe était Dieu. » Ils l'ont vu ; et pour parvenir à ce qu'ils voyaient de loin, ils se sont attachés à la croix du Christ, ils n'ont pas méprisé l'humilité du Christ. (1) 



La Parole en silence
se consume pour nous.
L'espoir du monde
a parcouru sa route.
Voici l'heure où la vie
retourne à la source :
dernier labeur de la chair
mise en croix.

Serviteur inutile,
les yeux clos désormais,
le Fils de l'homme
a terminé son œuvre.
La lumière apparue
rejoint l'invisible,
la nuit s'étend sur le corps :
Jésus meurt.

Maintenant tout repose
dans l'unique oblation.
Les mains du Père
ont recueilli le souffle.
Le visage incliné
s'apaise aux ténèbres,
le coup de lance a scellé
la passion.

Le rideau se déchire
dans le Temple désert.
La mort du juste
a consommé la faute,
et l'Amour a gagné
l'immense défaite :
demain, le Jour surgira

du tombeau.(2)

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de saint Jean, n°2 (trad. cf E. de Solms, Christs romans, Zodiaque 1966, p. 72s)
(2) Hymne du vendredi saint, office des Lectures, source AELF 

17 avril 2019

Au fil de Jean 18-19 - Homélie du vendredi saint, La passion de notre seigneur selon saint Jean.

Cinquième ébauche...

Frères sœur entendons-nous le cri de Dieu vers l’homme ?
Entrons dans le silence. Entendons-nous son « J’ai soif »
Son « j’ai soif de toi », crié à l’humanité ?

Je vous propose de regarder d'abord un détail du texte lu ce soir avant de prendre un peu de recul.


Il y a entre les lignes, dans l'Évangile une triple affirmation de Jésus : « Je suis ». Il l'a redit trois fois dans le jardin ! Si vous ne l’avez pas entendu, prenez le temps ce soir de le relire.
Je suis… Comme nous l’expliquait Vital dernièrement, le « Moi Je suis » est l’affirmation propre de Dieu. On l’entend dans le récit du buisson ardent : Moi je Suis… (Ex 3). Le Christ nous révèle son Je suis, car il ne renie pas sa place. Si Dieu se tait sur la Croix c'est après avoir affirmé qu'il était Dieu. 
Face à ce "Je suis", devant qui tous tombent à terre, Pierre lance trois fois son « Je ne suis pas »… En grec, cela sonne très proche « ego eimi / ouk eimi » Je suis / Je ne suis pas…

Et nous, frère et sœurs… Qu'aurions nous répondu ? 
La question est difficile...  « Je suis avec toi ? Où, je ne suis pas… Il serait prétentieux d’affirmer que nous sommes plus forts que Pierre. Nous le savons, trop souvent nous fuyons.

Il nous faut maintenant prendre un peu de recul au delà de ce récit. 
S’il y a en effet un mouvement que cette triple affirmation et négation révèle et que l’on peut observer dans la nuit du vendredi Saint, c’est celui d'un grand V… Et je vous invite à le voir se dessiner dans votre cœur, en fermant les yeux...

Ce signe a commencé à être tracé par le Verbe de Dieu, dès le commencement du monde. C’est le signe de l’amour de Dieu qui sépare le ciel et la terre et nous donne déjà son amour par la finesse inouïe de sa Création.
C’est le signe donné à l’homme dans le jardin d’Eden, en plantant en son milieu un arbre fragile, que l’homme ne va pas voir…
Après ces merveilles qui font écho avec les dons que Dieu nous fait, résonne une question, qui amorce la descente de Dieu... Le mouvement du V se trace alors vers le bas. Alors qu'Adam cherche à monter, Dieu descend, se fait "plus bas"...

Où es-tu ? Demande Dieu à Adam… (cf. Gn 3, 9)
Cet où es-tu ? nous l’avons entendu tout au long de l'Évangile de Jean. Je vous l’ai déjà évoqué lors du récit de la Samaritaine, dans son « Donne moi à boire ». Il s’est entendu aussi, très discrètement hier dans le récit du lavement des pieds, quand Jésus se met à genoux devant l’homme et lui demande son amour.
Où es-tu homme ?

Le V trouve aujourd’hui son point bas, sur une Croix…
J’ai soif… (1) J'ai soif de toi...
Nous entrons maintenant dans le silence qui suit ce point bas… Dieu semble se taire...
Quand nous souffrons, nous avons du mal à l'entendre...
Et pourtant déjà Jean nous donne un signe que Dieu nous relève, dans ce cœur transpercé. Ce qui jaillit du coeur du Christ transpercé nous arrose de ses biens et nous introduit à la lumière éternelle de Dieu. Pour saint Jean en effet, l'eau et le sang, jaillissant du cœur du Christ est le signe d'un amour débordant, de ce grand fleuve que nous annonçait déjà Ezéchiel. 

Nous allons vite remonter vers l’autre face du V, vers la Résurrection. Mais ne remontons pas trop vite. Méditons d'abord ce V de Dieu vers l’homme, son agenouillement et son cri. « J’ai soif de toi ». A ce cri, dans le silence de la nuit répond le cri de l’homme souffrant. Jésus en allant jusqu’au bout de « Me voici » en répondant Oui à l’appel de Dieu dans le jardin, nous conduit jusqu’à l’heure où à notre tour nous ne répondrons plus, comme Pierre au jardin "je ne suis pas"… Disons dans notre cœur, devant un Dieu à genoux, ce « Me voici » qu’il attend depuis toute éternité. 

Le vendredi saint nous fait entrer dans le grand silence intérieur qui se poursuit jusqu'à Pâques. C’est d’abord le silence abasourdi de contempler ce qui a conduit l’homme Dieu à la Croix. Il peut ensuite devenir “silence habité de la Parole divine, laissant celle-ci agir et donner son fruit de louange et d‘action”(2).

Ce silence, nous le partageons avec tous les hommes. La grâce de Dieu qui nous habite nous permet peut-être de répondre à l’"où es-tu ?" Elle devient grâce de liberté(3), agir, réponse libre aux cris de l’homme. Écoutons ce soir, dans le silence, cet où es-tu de Dieu. C'est dans le silence que nous trouverons la force qui faisait défaut à Pierre. Nous avons reçu ce qu'il n'avait pas encore. Au fond de nous, la force de l'Esprit, au fond de notre cœur, nous appelle sans cesse à répondre, en toute liberté à l'appel. Alors, dans le silence, glissons un "Me voici, Seigneur"...

Écoutons sur ce point Edith Stein : "Auparavant, c'était le silence de la mort. À sa place succède un sentiment d'intime sécurité, de délivrance de tout ce qui est souci, obligation et responsabilité par rapport à l'agir. Et tandis que je m'abandonne à ce sentiment, voici qu'une vie nouvelle commence peu à peu à me combler et - sans aucune tension de ma volonté – à me pousser vers de nouvelles réalisations. Cet afflux vital semble venir d'une Activité et d'une Force qui n'est pas la mienne et qui, sans violence, devient active en moi" (4)

Ce détachement, ce décentrement est peut-être ce que Jean Duchesne décrit comme la grâce de la liberté. Il se nourrit de cette quête intérieure, est souffle au sein de la chambre haute, travail de l'Esprit, communion avec cette Activité et cette Force dont parle Edith Stein en utilisant des majuscules.

 Amen…

(2) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 267
(3) cf. Jean Duchesne, Chrétiens, la grâce d’être libres, Paris, Artege, p. 9
(4) Edith Stein, La causalité psychique, article de 1922, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 268

14 octobre 2018

Au fil de Marc 10, 32ss - Annonce de la Passion

 «Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus allait devant eux. Les disciples étaient effrayés, et ceux qui suivaient avaient peur. Il prit encore les Douze auprès de lui, et se mit à leur dire ce qui allait lui arriver: Nous montons à Jérusalem; le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort, le livreront aux non-Juifs, se moqueront de lui, lui cracheront dessus, le fouetteront et le tueront; et trois jours après il se relèvera.» (Marc‬ ‭10:32-34‬ ‭NBS‬‬)

Il n’est pas anodin, compte tenu de ce que nous avons développé entre le jeune homme riche et Bartimée de trouver, enchâssé entre les deux récits cette évocation de la Passion. Elle montre le génie littéraire de Marc qui développe une invitation à tout homme en mettant, au centre, la révélation de la Croix.

09 novembre 2017

"L'amour de ta maison" et les Marchands du temple - Jean 2

Le texte de Jn 2 que nous donne à contempler la liturgie d'aujourd'hui (les marchands du temple) en cette fête de la dédicace du Latran doit se contempler à l'aune de la Passion qui habite ce texte dès les premiers versets de la péricope précédente (Cana). Nous sommes au "troisième jour" et la Croix est là,  bien présente dans cette eau qui va devenir le vin des noces. (1)
L'époux est là et l'heure de ses noces approchent. Il monte déjà charnellement et spirituellement à Jérusalem.  Le bon vin, servi en dernier se prépare,  après un long effort de Dieu vers l'homme.  Le mendiant d'amour va tout donner (cf. plus haut) même son Fils.
La mère est là, au pied de la Croix et il crie d'angoisse.  "Femme que me veux tu ?"
Est-ce déjà l'heure ?
Non, pas encore, mais "que ta volonté soit faite".

Allez, amis serviteurs, au puits de la rencontre, puisez l'eau vive ! (cf. Jn 4).
Remplissez les jarres, car la source est prête.


Dans cet axe, le zèle du Christ est à entendre à l'aune du psaume 68 (69) tout entier cité par Jean 2, 17. [Père], l'amour de ta maison est mon tourment. Outre le verset 10 cité c'est tout le psaume qui jaillit comme un cri. Face à cette plainte, la colère du Christ sur le traitement fait à la "maison du Père" semble bien légère. 
Écoutons et méditons en effet le psaume,  l'allusion au vinaigre,  entendons le cri du Crucifié.
02 Sauve-moi, mon Dieu : les eaux montent jusqu'à ma gorge ! 
03 J'enfonce dans la vase du gouffre, rien qui me retienne ; 
* je descends dans l'abîme des eaux, le flot m'engloutit. 
04 Je m'épuise à crier, ma gorge brûle.
* Mes yeux se sont usés d'attendre mon Dieu.
05 Plus abondants que les cheveux de ma tête, ceux qui m'en veulent sans raison ; 
* ils sont nombreux, mes détracteurs, à me haïr injustement. 
Moi qui n'ai rien volé, que devrai-je rendre ? 
* 06 Dieu, tu connais ma folie, mes fautes sont à nu devant toi.
07 Qu'ils n'aient pas honte pour moi, 
ceux qui t'espèrent, Seigneur, Dieu de l'univers ;
* qu'ils ne rougissent pas de moi, ceux qui te cherchent, Dieu d'Israël ! 
08 C'est pour toi que j'endure l'insulte, que la honte me couvre le visage :
09 je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère. 
10 L'amour de ta maison m'a perdu ; on t'insulte, et l'insulte retombe sur moi.
11 Si je pleure et m'impose un jeûne, je reçois des insultes ; 
12 si je revêts un habit de pénitence, 
je deviens la fable des gens : 
13 on parle de moi sur les places, les buveurs de vin me chansonnent.
14 Et moi, je te prie, Seigneur : c'est l'heure de ta grâce ; 
* dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi, par ta vérité sauve-moi. 
15 Tire-moi de la boue, sinon je m'enfonce : 
* que j'échappe à ceux qui me haïssent, à l'abîme des eaux.
16 Que les flots ne me submergent pas, que le gouffre ne m'avale, 
* que la gueule du puits ne se ferme pas sur moi. 
17 Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ; 
* dans ta grande tendresse, regarde-moi.
18 Ne cache pas ton visage à ton serviteur ; je suffoque : vite, réponds-moi. 
* 19 Sois proche de moi, rachète-moi, paie ma rançon à l'ennemi.
20 Toi, tu le sais, on m'insulte : je suis bafoué, déshonoré ; 
* tous mes oppresseurs sont là, devant toi.
21 L'insulte m'a broyé le coeur, le mal est incurable ; 
* j'espérais un secours, mais en vain, des consolateurs, je n'en ai pas trouvé.
22 A mon pain, ils ont mêlé du poison ; quand j'avais soif, ils m'ont donné du vinaigre. (...)
30 Et moi, humilié, meurtri, que ton salut, Dieu, me redresse. 
31 Et je louerai le nom de Dieu par un cantique, je vais le magnifier, lui rendre grâce.
32 Cela plaît au Seigneur plus qu'un taureau, plus qu'une bête ayant cornes et sabots. 
33 Les pauvres l'ont vu, ils sont en fête : « Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
34 Car le Seigneur écoute les humbles, il n'oublie pas les siens emprisonnés. 
35 Que le ciel et la terre le célèbrent, les mers et tout leur peuplement !
36 Car Dieu viendra sauver Sion et rebâtir les villes de Juda. 
Il en fera une habitation, un héritage : 
* 37 patrimoine pour les descendants de ses serviteurs, demeure pour ceux qui aiment son nom.

Alors la point du texte jaillit  comme un chant d'espérance : " Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » 

Percez son sein et "et aussitôt, il en sorti[ra] du sang et de l’eau." (Jn 19, 34).
Dans cet axe les deux lectures du jour paraissent évidentes : 

« J’ai vu l’eau qui jaillissait du Temple,
et tous ceux que cette eau atteignait étaient sauvés » (Antienne Vidi aquam)

« En ces jours-là, au cours d’une vision reçue du Seigneur,l’homme me fit revenir à l’entrée de la Maison, et voici : sous le seuil de la Maison,de l’eau jaillissait vers l’orient,puisque la façade de la Maison était du côté de l’orient.L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l’autel. L’homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l’extérieur, jusqu’à la porte qui fait face à l’orient,et là encore l’eau coulait du côté droit. Il me dit :« Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain,et se déverse dans la mer Morte,dont elle assainit les eaux.En tout lieu où parviendra le torrent,tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre,et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives,toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ;
leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas.Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux,car cette eau vient du sanctuaire.Les fruits seront une nourriture,et les feuilles un remède. » Ez 47, 1-2.8-9.12

"Frères,vous êtes une maison que Dieu construit.Selon la grâce que Dieu m’a donnée,moi, comme un bon architecte, j’ai posé la pierre de fondation.Un autre construit dessus.Mais que chacun prenne garde à la façon dont il contribue à la construction.La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ. Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu,et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu,cet homme, Dieu le détruira,car le sanctuaire de Dieu est saint,et ce sanctuaire, c’est vous.– Parole du Seigneur.
(1 Co 3, 9c-11.16-17) (2)

(1) cf. mon commentaire dans "sur les pas de Jean".
(2) Source AELF

14 avril 2017

Sermon sur la Passion -Saint Léon le grand

"Le Seigneur est livré à ceux qui le haïssent. Pour insulter sa dignité royale, on l'oblige à porter lui-même l'instrument de son supplice. Ainsi s'accomplissait l'oracle du prophète Isaïe : Il a reçu sur ses épaules le pouvoir. En se chargeant ainsi du bois de la croix, de ce bois qu'il allait transformer en sceptre de sa force, c'était certes aux yeux des impies un grand sujet de dérision mais, pour les fidèles, un mystère étonnant : Le vainqueur glorieux du démon, l'adversaire tout-puissant des puissances du mal, présentait sur ses épaules, avec une patience invincible, le trophée de sa victoire, le signe du salut, à l'adoration de tous les peuples.

Comme la foule allait avec Jésus au lieu du supplice, on rencontra un certain Simon de Cyrène, et on fit passer le bois de la croix des épaules du Seigneur sur les siennes. Ce transfert préfigurait la foi des nations, pour qui la croix du Christ devait devenir, non un opprobre, mais une gloire. En vérité, le Christ, notre Pâque, a été immolé. Il s'est offert au Père en sacrifice nouveau et véritable de réconciliation, non dans le Temple, dont la dignité avait déjà pris fin, mais à l'extérieur et hors du camp, pour qu'à la place des victimes anciennes dont le mystère était aboli, une nouvelle victime fût présentée sur un nouvel autel, et que la croix du Christ fût cet autel, non plus du temple, mais du monde.

Devant le Christ élevé en croix, il nous faut dépasser la représentation que s'en firent les impies, à qui fut destinée la parole de Moïse : Votre vie sera suspendue sous vos yeux, et vous craindrez jour et nuit, sans pouvoir croire à cette vie. Pour nous, accueillons d'un cœur libéré la gloire de la croix qui rayonne sur le monde. Pénétrons d'un regard éclairé par l'Esprit de vérité le sens de la parole du Seigneur annonçant l'imminence de sa Passion : C'est maintenant le jugement du monde, c'est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tout à moi. " (1)

À contempler en ce jour du vendredi saint...

(1) Saint Léon le grand,  Sermon sur la Passion, source AELF

( 2) voir aussi mon chemin de croix 2016 sur http:/prierdieu.blogspot.fr et "le dernier pont" cherz lulu.com 

24 octobre 2011

Passion pour l'Avre

Les lecteurs fidèles de mes romans noteront la création d'un petit site en complément de ces livres : Passion en vallée d'Avre Il recense quelques images, vidéos, bonus qui complètent mes essais en écriture. J'en profite pour vous signaler la mise en ligne de "Simon le vieux" qui vient compléter "Les enfants de l'Avre". Les deux romans historiques qui couvrent la période de 1350 à 1450 sont réunis aussi dans un même recueil : "Le collier de blanche - Drames en vallée d'Avre". Simon le vieux retrace la vie d'un jeune homme en 1350. Confronté à une période dramatique (Peste, Guerre de cent ans, divisions sur une terre frontière avec la Normandie), le héros voit sa foi basculer. Quels sont ses écueils, ses cris ? Ce n'est qu'à travers la rencontre d'une femme, puis de moines, que sa confiance en Dieu va reprendre vie. Cette théodicée nous replonge dans l'histoire. On y croise notamment l'histoire du Bec Hellouin, qui après la période de gloire d'Herluin, de Lanfranc et d'Anselme, subie aussi les affres de la guerre. A partir de ma passion pour la vallée d'Avre, un nouvel essai romanesque.

25 juin 2010

Symphonie trinitaire


Suite aux remarques des premiers lecteurs sur la Mélodie trinitaire, publié en début d'année, je viens de mettre en ligne une nouvelle édition, rebaptisée "Symphonie trinitaire". Elle reprend et résume les trois contemplations : Le dernier Pont, Dieu de Faiblesse, Danse trinitaire. Mais ce travail n'est pas qu'un résumé. Il constitue un essai de reprise des grands axes définis dans ces trois contemplations pour les rendre plus accessibles.
Cette méditation, qui est une résonance sur mes dernières lectures, notamment la théologie de Joseph Moingt, essaye également de suivre et développer les intuitions cumulées de Jürgen Moltmann, Wolfgang Pannenberg, Hans Urs von Balthasar tout en restant compréhensible pour tous, ce qui n'est pas une mince affaire.
Ce travail cherche aussi à répondre à la quête spirituelle des lecteurs de mon roman le plus théologique, les enfants de l'Avre, où les dialogues qui le terminent (entre Marthe et le moine Timothée) tracent un chemin de rédécouverte de la foi.
Comment répondre à ce désir de mieux connaître Dieu, au delà des certitudes fragiles du "Dieu trop bien connu" dont la toute-puissance masque le vrai Dieu, celui que révèle Jésus-Christ ?

Si l'on suit l'intuition de Pannenberg, il faut partir de la croix et de la résurrection, pour faire le chemin des premiers chrétiens. Ils ont commencé par douter, lorsque celui qu'il suivait est mort de façon ignominieuse. Ce temps d'incertitude et de vide, ce samedi saint spéculatif où ne demeure que le cri du souffrant et l'incompréhension de ceux qui l'entourent, n'est il pas le chemin de tout homme face à la violence et au mal. Dieu n'habite pas ce vide, bien au contraire, face à ce mal qui se dévoile, il apparaît caché. Ce temps d'attente, de vide, est proche de celui rencontré par le peuple au désert. C'est le temps de la maturation du désir.
Puis viens le tombeau vide. Alors des signes fragiles révèlent quelque chose d'impensable. Une rumeur jaillit et se répand.

Ce chemin est celui des chercheurs de Dieu. Il ira jusqu'à revisiter le sens de la Croix, comprendre la tension qui se dévoile au sein de la symphonie trinitaire, dans le creuset d'une quadriphonie : 4 évangiles... 4 manière de dire l'inconcevable et l'indicible...

Vous le sentez peut-être, la Symphonie trinitaire est au coeur d'une compréhension du plan de Dieu sur l'homme. On y perçoit les mouvements et la tendresse des trois personnes divines. Contemplation à découvrir...
Bonne lecture.

06 décembre 2006

Déréliction - Suite

Pour Moltmann "la déréliction du Fils sur la croix devient un évènement intrinsèquement Trinitaire : le Père lui-même souffre la douleur de l'abandon (ibid p. 220), la mort est en Dieu (235), la mort de Jésus sur la croix est la mort de Dieu et la passion de Dieu (217ss). Pour lui, La communion la plus profonde du Père et du Fils est "exprimée tout justement dans ce qui fait leur séparation la plus radicale, c'est-à-dire dans la mort abandonnée et maudite de Jésus sur la croix(1).
Pour Balthasar ces interprétations sont inévitables si l'on ne sépare plus le processus interne à la vie Trinitaire, de l'idée d'un progrès dans l'histoire du salut. Mais cette confusion entraîne forcèment Dieu dans le flux du monde et fait de lui un Dieu tragique relevant de la mythologie (2)
Dans ce sens Balthasar rejoint plutôt Boulgakov et parle d'une kénose intra-trinitaire ou Dieu abandonne sa divinité au Christ.

Ces querelles de théologien me dépassent beaucoup, puisqu'il s'agit avant tout d'un mystère. Que l'abandon soit intra ou extra-trinitaire, ou que nous soyons dans le vrai ou dans une vision anthropocentrique du mystère n'enlève pas pour moi le sens même de la kénose ni ce qu'exprime la vision forcèment réductrice de la douleur du Père... Dieu reste amour et n'est-ce pas le coeur du message...

(1) cité par Balthasar, Dramatique divine, III, ibid p.281
(2) ibid p. 299