24 juin 2022

Danser ? 2.67 pistes fragiles

 Nous entrons dans le temps ordinaire, mais après ce chemin qui nous a conduit du carême à la Pentecôte et à la fête du Saint Sacrement, le risque est justement d’oublier le chemin parcouru et de retourner vers l’ordinaire…


« Laisser vous conduire par l’Esprit… » suggère Paul dans la deuxième lecture de ce 13eme dimanche (Ga 5)…


Où veut-il nous conduire…?


Se laisser conduire est peut-être la première marche, pas forcément la plus simple à franchir.

Cela consiste à s’abandonner à autre chose, se laisser déconcerter, se laisser habiter…

Et de découvrir ce qui reste à faire…

Entendre l’appel profond et discret d’un Dieu qui nous appelle.


La première lecture comme l’Evangile nous invite à une deuxième grande marche : quitter…


Peut-être sont elle liées d’ailleurs ces deux marches ?

Se laisser conduire c’est accepter de quitter..

Quitter quoi ?

Ses habitudes,

Ses certitudes,

Son confort,

Les liens qui nous retiennent au passé…

Ils quitteront Père et mère pour faire une seule chair suggérait la Genèse…

Ce quitter est un pas vers l’inconnu.

Quitter sa chaise pour danser la danse de Dieu ?

Entendre cet « où es-tu ? » qu’il nous adresse depuis le jardin du monde, quand notre regard s’éloigne de l’arbre de vie (Gn 3).

N’est-ce pas cet appel là qui compte ?

Quitter, se libérer de nos adhérences pour faire « un seul Corps…? »


S’ouvrir à l’inconnu, abandonner pour une vraie liberté..

Libre de ce qui nous retient en arrière 

Libre pour donner, se dessaisir, abandonner nos attaches, nos enfermements, nos conforts factices…


« Tu ne voulais pas de sacrifices alors j’ai dit « Me voici.. »

Je veux faire ta volonté » nous suggère le psaume 40.


De cette tension apparente se distingue un nouveau chemin. 


Quitter c’est peut-être participer à ce nouveau sens du sacrifice que nous évoquons sur la pointe des lèvres au début de la consécration… un mot à double sens, mais qui, loin d’être un troc avec Dieu (sacrifice contre don) est d’abord une disponibilité intérieure… et une contemplation d’un Dieu qui s’efface dans le don. 


Trouver le chemin du don plus que celui de la contrainte…

Quitter pour en faire un pas de liberté… dans la volonté de rejoindre celui qui a tout donné pour nous.


Donner parce que nous avons reçu…

Donner car dans le don, nous célébrons justement Celui qui a tout donné pour nous.


Quitter parce que dans ce dessaisissement nous acceptons de faire Corps, de devenir Corps, nous rejoignons l’Église, nous participons au Royaume…


N’aies pas peur..

« Avance au large… »

Laissons le Christ nous pousser vers l’avant.. sachant que seule la force de l’Esprit nous permet d’avancer…


Marchons donc « sous la conduite de l’Esprit avec l’espérance du Psaume 15 (16), 1.2a.5, 7-8, 9-10, 2b.11)

« Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge.

J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu !

Seigneur, mon partage et ma coupe :

de toi dépend mon sort. »


Je bénis le Seigneur qui me conseille :

même la nuit mon cœur m’avertit.

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

il est à ma droite : je suis inébranlable.


Mon cœur exulte, mon âme est en fête,

ma chair elle-même repose en confiance :

tu ne peux m’abandonner à la mort

ni laisser ton ami voir la corruption.


Je n’ai pas d’autre bonheur que toi.

Tu m’apprends le chemin de la vie :

devant ta face, débordement de joie !

À ta droite, éternité de délices !


Oui tu nous apprends le chemin de la vie Seigneur…

14 juin 2022

Danse eucharistique 2.66 bis

 Mon dernier billet à remis à nouveau en question cette phrase imprononçable du nouveau missel : « Que votre sacrifice soit aussi le nôtre ».

Il va nous falloir encore du temps pour en faire ce qu’on appelle une saine « réception », comme ce concile qui tarde à être reçu dans notre Église.


Pourquoi ?

Probablement parce que le sacré conserve son côté magique et que l’on ne cesse de sacraliser ceux qui sont ordonnés pour « exécuter » le rituel sans percevoir que la dynamique sacramentelle (1) est bien plus vaste que le sacrement que l’on a cristallisé dans un rite et une tradition.


Les travaux de C. Theobald (2) et notamment son petit schéma que je reproduis ici mérite d’être commenté. Le sacrement ne se limite pas au rite. Ce dernier n’est que la face visible d’une transformation intérieure qui fait de l’union des hommes et de Dieu ce que j’appelle une danse. « Nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé. »




La flûte n’est que le premier pas de l’agir et comme le montre le schéma le sacrement signifie ce que l’agir « transpire »…


Comme le disait l’hymne de la FICPM, «  je voudrais qu’en vous voyant vivre, les gens puisse dire, voyez comme ils s’aiment »…


L’échange ancien entre l’assemblée et le prêtre signifiait finalement mieux que la nouvelle phrase qui nous accroche autant. Il signifiait en substance : puis je célébrer au nom de tous ? Oui disait en coeur l’assemblée. Venait le « vraiment il est juste et bon… »


Ce qui compte est peut-être de percevoir que l’essentiel est dans le lien. C’est parce qu’il est LIEN que le célébrant à sa place. C’est en insistant sur le lien qui se démarque de la notion de pouvoir que le prêtre devient signe. Il ne peut d’ailleurs célébrer seul dit le droit canonique (canon 906). Il est le garant fragile du lien. C’est peut-être cela que la phrase veut dire et qu’on ferait mieux de prononcer avec d’autres mots du style : « que votre action de grâce devienne celle de notre assemblée toute entière, que vos paroles expriment notre unité, que vos gestes signifient ce que notre vie veut devenir, des artisans du Royaume, des pierres vivantes de l’Église… »

Ce serait bien plus parlant que d’évoquer le « sacrifice ».


François Varillon le suggérait en disant que Dieu vient diviniser ce que nous voulons humaniser (3)


Le sacrement de mariage, par exemple, n’est pas contenu dans une belle célébration, il est le commencement d’une dynamique qui fait de l’amour d’un homme et d’une femme la danse subtile et fragile d’une symphonie qui s’étend sur toute une vie. L’eucharistie n’est pas une heure dominicale, c’est la source d’un fleuve immense qui fait de nos communautés un arbre aux fruits fragiles et délicats, dont la source est en Dieu et les fruits le signe d’une unité théologale, c’est à dire, don de Dieu. 


Benoît XVI avait cette phrase qui m’a toujours marqué : « Dans la réalisation concrète du service ecclésial, [le prêtre doit] se livrer totalement à l'inclusion dans le Christ; non pas construire un être à côté de lui, mais seulement en lui ; et permettre ainsi que devienne enfin réalité cette exclusivité qui ne détruit pas, mais libère toute chose en la faisant entrer dans sa propre immensité »(*). Alors peu importe sa nature. « Cela donne aux paroles d'un prédicateur, fût-il minable, le poids des siècles » et cela inclut la liturgie, « si démunie soit-elle » dans une dynamique qui la dépasse. « En acceptant de devenir sans importance en lui-même, il pourra « devenir vraiment important parce qu'il sera pour le Seigneur un lieu d'irruption dans ce monde »(**).


En agissant in Persona Christi, en lui se substitue Celui pour qui il vit. La dynamique sacramentelle devient alors signe à travers son effacement au-delà du signe. Il se fait « creuset » où le fleuve du Verbe prend son lit, pour arroser le monde, depuis le coeur blessé du Christ jusqu'aux confins de l'humanité.


Que peut faire le laïc devant tout cela ? Probablement

à la fois s’agenouiller lui aussi, car Dieu se révèle là, mais également - et c’est là que cela devient intéressant - rester debout, car ce qui se joue ici, c’est son accession à la résurrection à venir. C’est pourquoi, en principe, le « dimanche, au nom de la puissance salvatrice de la mort et de la résurrection il est en droit de rester debout, car l’agenouillement du Christ l’a relevé et le conduit à la victoire. »(4)


Plus encore, en participant au mystère, il devient progressivement Co-acteur de ce qui ce célèbre jusqu’à devenir porte-Christ, comme le suggère la catéchèse des premiers chrétiens dans la ligne de ce que nous affirmons des nouveaux baptisés : serviteurs et prophètes au service du Royaume. 


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) Christoph Theobald, in Lire les Evangiles et l'Apocalypse en Algérie et ailleurs, Ed. de l'Atelier, 2011

(3) François Varillon, joie de croire, joie de vivre

(4) Extrait de mon « Danse avec ton Dieu »

(*) J. Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 315. 

(**) ibid. p. 318

13 juin 2022

Danse eucharistique ? 2.66

 

En cette fête du Saint Sacrement, il peut-être important de vérifier ce que nous voulons dire par sacrifice. Sur ce chemin délicat, la lecture du livre de Martin Pochon montre bien les grandes différences entre la lettre aux Hébreux(1), et ce que dit les quatre Évangiles, en soulignant notamment l’approche trop sacrificielle de l’auteur. 

Cela nous interpelle. 

Plus je poursuis cette lecture, plus je perçois l’écueil de l’auteur, qui pourrait être Apollos, selon Pochon. 

Son interprétation du sacrifice est un sacrifice au Père, il vise à apaiser sa colère, sous-entend un Dieu courroucé par le mal, qui a besoin de la mort du Fils pour être apaisé. 


On est loin d’une vision évangélique, d’un don pour l’homme, d’un pain partagé, signe de l’amour conjoint du Père ET du Fils qui va jusqu’au bout du don de soi pour montrer que l’amour est le seul chemin, que l’amour est plus fort que le mal et la mort. 


On est loin du Dieu Trinitaire et de la triple humilité que j’évoquais récemment (2).


Le commentaire de Thomas d’Aquin que reproduit l’office des lectures de cette nuit est-il influencé d’ailleurs par la thèse de l’auteur de la lettre aux Hébreux ? 

C’est en tout cas ce que dit, probablement avec raison, Martin Pochon. Et cette piste qui distingue le Dieu amour et le « sacrifiel » est peut-être à entendre. Cela conditionne beaucoup de choses sur notre vision de l’Église, du sacrifice, du pain de vie, etc…


Que célébrons nous aujourd’hui ? 

Est-ce un sacrifice sanglant comme celui de Moïse, un sacrifice à un Dieu qui exige la mort d’Isaac, ce Dieu violent des nomades de l’époque que décrit bien Beauchamp et Thomas Römer (3), ou le don immense d’un Dieu qui nous fournit à la fois le blé et la vigne et son Fils bien aimé, agneau fragile, Celui va jusqu’à mourir pour changer notre vision de Dieu ?



La dérive sacrificielle, voire parfois cléricale du sacrificateur, celle qu’Apollos (?} veut remettre à l’honneur, est bien différente de celle que Jean nous enseigne dans ses chapitres 6 (multiplication) et 13 (lavement des pieds) en évitant d’ailleurs de revenir sur le récit de la Cène et présentant une autre approche ou prime le partage, le don, l’humilité. 


Non le sacrifice à un Dieu vengeur, mais un autre chemin, celui de celui qui va accepter d’avoir le cœur transpercé par la violence des hommes, pour être signe et source qui jaillit des entrailles maternelles (cf. Osée 11) et frémissantes d’un Dieu qui s’abaisse jusqu’à laver (baiser ?) les pieds de Judas pour nous montrer jusqu’où va l’amour…


C’est ce Dieu « à genoux » qui est chemin(2). C’est avec Lui que je veux danser avec mes frères (4)


(1) Martin Pochon, L’épître aux Hébreux au regard des Evangiles, (Lectio divina), Paris, Éditions du Cerf, 2020.


(2) cf. ma trilogie et notamment Dieu à genoux devant l’homme


(3) cf. Thomas Römer, L’invention de Dieu 


PS : vient de paraître ma 3eme édition de « Danse avec ton Dieu », gratuit sur Kobo/Fnac en numérique, à prix coutant sur Amaz… en version papier

11 juin 2022

Le cycle d’Elie

Parce que la liturgie nous les a servis depuis 3 jours, je ne résiste pas à l’envie de vous redonner ce petit résumé d’une longue étude de ce texte célèbre que l’on appelle le cycle d’Elie. Il semble en effet corriger pour moi l’idée de Dieu qui n’est jamais dans le tonnerre ou la violence, mais apporte aussi trois pistes nouvelles : 


1. Le récit est celui d’une conversion qui travaille le prophète dans sa prétention très cléricale de faire la loi au nom de Dieu. Rien ne justifie son zèle et le massacre des prêtres de Baal. C’est au bout de 40 jours au désert qu’Elie découvre son erreur. Alors qu’il est acculé à fuir au désert la double interpellation d’un « qui est-tu ? »  le remet à sa place. Il n’est rien qu’un instrument fragile devant quelque chose qui touche à l’infini - on entend là l’écho du cri de Job 42, 3 - « qui suis-je devant ces mystères qui me dépassent ? ».


2. Ce « bruit d’un fin silence » n’est pas, selon certaines interprétations disruptives la seule manifestation fragile d’un Dieu qui reste inaccessible mais le chant des anges, invitant tout contemplatif à percevoir que la fuite mystique peut être un leurre : l’enjeu n’est pas de quitter le monde mais de continuer à chercher ensemble une communion. La Révélation theophanique n’est que le prélude à un « Va » qui invite à rejoindre le reste des croyants et à poursuivre sa course « pour tâcher de Le saisir et se laisser saisir par Lui » (Ph 3) vers cette révélation qui ne sera totale que dans le déchirement du voile du Temple (cf. Marc 15,38) qui dévoile enfin l’amour infini d’un Dieu dépouillé, signe lui même fragile d’un Donateur qui aime et s’efface après avoir tout donné.


3. La révélation d’Elie n’est que l’antichambre de celle du Christ et ce qu’Elie ne voit pas à la porte de la caverne ne sera révélé qu’à la Transfiguration, elle même préparation au mystère indépassable de la Croix et de la Résurrection.


Cette méditation des 3 chapitres de 1Rois mériterait d’être mieux enseignée à ceux qui sont attirés par le cléricalisme.





Ps : Si vous voulez creuser ce point lire mes deux livres gratuits sur Kobo/Fnac (également a prix coutant sur le vilain Amazon) : 

1. Dieu n’est pas violent 

2. Pédagogie divine

qui traduisent et résument de nombreuses publications sur ces textes fondateurs.


Vous trouverez aussi sous ce lien ma troisième édition de Danse avec ton Dieu 

10 juin 2022

Danse trinitaire ? 2.64

 Paul dans la deuxième lecture de ce dimanche évoque notre détresse, bien présente aujourd’hui. Il nous introduit pourtant à la persévérance puis à l’espérance… (Rom 5) 

Pouvons nous voir la lumière ?

Peut-être en écoutant ce que nous glisse Jésus, à la veille même de sa mort…

Vous ne pouvez pas encore porter tout cela…

Mais…

Mais « quand il viendra (...) l’Esprit vous conduira à la Vérité toute entière » Jn 16 

Le mot conduire n’est il pas à entendre dans cette discrétion particulière de Dieu, qui ne s’impose pas, mais nous accompagne sur ses chemins de liberté… ? 


Le livre des Proverbes nous donne la clé de cette tendresse discrète de Dieu. 

« je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes (...) , j’étais là, (...) je grandissais à ses côtés »


La sainte Trinité que nous fêtons dimanche nous est présentée par Jésus comme le point ultime de la révélation au terme de son grand discours du chapitre 16 de Jean.


Révélation mais sommet aussi de cette lente pédagogie d’un Dieu qui nous fait goûter cette danse (1) discrète d’une Trinité qui se penche amoureusement vers l’homme.


Depuis cette danse originelle du souffle sur les eaux, que nous chante à sa manière le livre des Proverbes, jusqu’à la triple humilité, au delà des nos détresses évoquées par Paul se révèle la triple humilité / miséricorde de Dieu.

 1. Ce Père qui se retire devant l’amour du Fils jusqu’à cette « gloire » fragile évoquée par Jésus qui ne sera qu’un homme nu, signe de l’amour, dressé sur le bois de la Croix. 

 2. Nudité qui révèle cette humilité du Fils qui s’efface maintenant pour concéder, à son tour que la vérité viendra en nous par l’Esprit

 3. Esprit, enfin, souffle fragile que la Pentecôte rend à peine visible dans des langues de feu avant de s’effacer dans nos profondeurs intérieures. Esprit qui demeure en nous comme une flamme légère, avant de s’embraser à nouveau quand, ouvrant notre cœur, se réveille le feu joyeux de l’Amour.

C’est bien d’une danse qu’il s’agit…

Danse humble, des trois personnes [triple humilité/kénose (3)] qui s’efface tour à tour devant l’autre et que le prologue grec de Jean résume dans un petit mot « pros ». Tourné vers. (2).

Le Fils tout tourné vers le Père dont il reçoit et transmet l’amour…


Amour et dessaisissement. Ce que nous fait goûter l’évangile se perçoit si bien dans le regard croisé de la belle icône de Roublev qui nous fait percevoir que chacun s’efface tour à tour pour laisser l’autre devenir.




N’est-ce pas cela l’amour d’agapè qui est effacement, qui « ne cherche pas son intérêt mais prend patience, endure tout, excuse tout ».(1 Co 13).


Tourbillon(4), danse ? 

C’est dans cette symphonie du retrait réciproque que l’amour se révéle et nous entraîne loin de nos détresses.

Amour, Inaccessible rêve ? (5)

Non !

Dieu est là. À nos côtés. Il est le chemin…

Et l’Esprit, enfin révélé dans cette révélation finale, qui nous conduit de la persévérance à l’espérance est la force qui nous conduit, par la danse fragile en nos cœurs blessés à dépasser nos insuffisances bien humaines…pour devenir les mains fragiles de l’amour donné.


(1) cf. la thèse d’Emmanuel Durand Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Cerf, Collection Cogitatio Fidei - N° 243. 416 pages - mars 2005. https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/1993/la-perichorese-des-personnes-divines qui m’a bcp inspiré dans ce sens.


(2) voir sur Kobo Fnac mes essais Dieu dépouillé et À genoux devant l’homme https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/pedagogie-divine-3


(3) cf. la 3eme partie de la trilogie d’Hans Urs von Balthasar 


(4) Ce mystère trinitaire que les pères de l’Église appelaient d’un mot double évoquant cercle et intériorité (circumincession) un ami l’évoque sous le beau concept de tourbillon.


(5) révélation pour moi dans cette belle interprétation de Monteverdi, lamentatio de la Ninja https://youtu.be/zsL4MGFh6QI

06 juin 2022

La danse de l’Esprit 2.63

 

Esprit de feu ? 

Il y a une continuité et une disruption entre les manifestations relatées par l’ancien Testament et ce que nous vivons aujourd’hui en cette fête de Pentecôte.

Continuité car ce souffle qui plane sur les eaux de la Genèse et que le grand potier insuffle aux terreux (Adam - cf. Gn 2) que nous sommes est à la fois un feu qui purifie, mais aussi un souffle fragile qui ne nous consume pas. 

Il vient brûler en nous l’inessentiel pour faire sa demeure en nos cœurs, nous défendre de l’inutile et nous ramener sans cesse vers l’unité.

Souffle fragile face aux vents violents qui nous secouent dans la mer déchaînée de nos existences, il se révèle quand nous faisons silence.

Loin du tonnerre et des flammes de destruction qu’imaginaient les marcheurs de l’Exode (16 sq), il est « bruit d’un fin silence » (1 Rois 19) (1) chant imprononçable car louange des petits, sourire des démunis, espérance des délaissés, don délicats d’un Dieu qui nous aime et nous invite à sa danse.


« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(1)


(1) l’expression est d’Emmanuel Lévinas. J’en ai fait le titre d’un de mes essais, première édition de ce qui est devenu « Pédagogie divine »

(2) hymne de l’office des lectures 

Voir l’excellent commentaire de Marie-Noēlle Thabut et notamment sa conclusion : « notre vrai bonheur, c’est de nous laisser modeler chaque jour par le potier à son image. »


https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/527249-commentaires-du-dimanche-5-juin-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-5-juin-2

05 juin 2022

Viens Esprit saint

 Viens, Esprit Saint, relever nos ossements desséchés…Viens réchauffer notre flamme intérieure… Nos cœurs refroidis 😉 : 

« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(1)


HOMÉLIE AFRICAINE DU VIème SIÈCLE 

POUR LA PENTECÔTE

C'est l'Église dans son unité qui parle toutes les langues


Les disciples ont parlé toutes les langues. Ainsi Dieu a voulu manifester la présence du Saint-Esprit en faisant parler toutes les langues à ceux qui l'avaient reçu. Il faut comprendre en effet, frères très chers, qu'il s'agit bien du Saint-Esprit par qui l'amour est répandu dans nos cœurs. Et parce que l'amour devait rassembler l'Église de Dieu sur toute l'étendue de la terre, alors même un seul homme le pouvait, en recevant le Saint-Esprit qui lui faisait parler toutes les langues. Et maintenant que l'Église est rassemblée par le Saint-Esprit, c'est son unité qui parle toutes les langues.


Par conséquent, si quelqu'un dit à l'un de nous : « Est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ?» voici ce qu'il faut répondre : « Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l'Église, laquelle parle toutes les langues. En effet, par la présence du Saint-Esprit qu'est-ce que Dieu a voulu manifester, sinon que son Église parlerait toutes les langues ?


Ainsi s'est accomplie cette promesse du Seigneur : Personne ne met le vin nouveau dans de vieilles outres, mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et le tout se conserve.


On comprend donc que certains, en entendant les disciples parler toutes les langues, disaient : Ils sont pleins de vin doux. En effet, ils étaient alors devenus des outres neuves, étant renouvelés par la grâce de la sainteté. Ainsi, remplis de vin nouveau, c'est-à-dire remplis du Saint-Esprit, ils bouillonneraient en parlant toutes les langues et, par ce miracle éclatant, ils annonceraient que l'Eglise catholique devait se répandre dans les langues de toutes les nations. ~


Célébrez donc ce jour comme étant les membres du corps du Christ dans son unité. Ce n'est pas en vain que vous le célébrez, si vous célébrez ce que vous êtes. Vous êtes en effet agrégés à cette Église que le Seigneur, en la remplissant du Saint-Esprit, reconnaît comme sienne du fait qu'elle s'étend au monde entier ; et elle-même est reconnue ainsi comme appartenant au Seigneur. De même, l'Époux n'a pas perdu son épouse, personne n'a substitué à celle-ci une étrangère.

Vous êtes établis dans toutes les nations, vous êtes donc l'Église du Christ, les membres du Christ, le corps du Christ, l'épouse du Christ. Et l'Apôtre vous dit : Supportez-vous les uns les autres avec amour ; rassemblés dans la paix, ayez à cœur de garder l'unité dans un même Esprit.


Remarquez-le : lorsqu'il vous a prescrit de vous supporter les uns les autres, il a proposé l'amour ; lorsqu'il a nommé l'espérance de l'unité, il a indiqué le rassemblement dans la paix. Telle est la demeure de Dieu, bâtie avec des pierres vivantes ; le père de famille se plaira à y habiter, car l'écroulement causé par la division ne doit pas blesser ses regards. »(1)


(1) Source : office des lectures, AELF