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29 février 2020

Homélie du 1er Dimanche de Carême - Gn 2-3, Ps 50, Rom 5, Mat 4

Projet 3

Deux questions ce matin, à l'occasion de ce premier dimanche de Carême 
Qu'est-ce qui m'attache au mal ?
Qu'est-ce qui m'en libère ?
  1. Qu'est-ce qui m'attache au mal ?
La première lecture (Gn2 et 3) n'est pas à prendre comme une vision historique des choses mais bien comme une constatation très intérieure de nos désirs de puissance sur l'autre, sur les biens de l'autre, sur nous-mêmes contre Dieu à qui nous refusons la première place, par orgueil et par aveuglement...

Le tentateur s'installe chez nous dès que nous entrons dans cet engrenage...
Notre liberté, notre clair vision est troublée, obscurcie par ces adhérences, ces routines qui nous conduisent progressivement à perdre la vraie liberté : celle de dire non à ce mal qui nous envahit...

L'illusion est de croire que nous échappons à cela. Le mal s'installe parfois dans des fausses pistes qui ont l'apparence du bien...

Matthieu nous dévoile la même chose dans le discours subtile du tentateur à Jésus. « Ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
 Jésus peut-il se servir de sa toute-puissance pour convertir ? Non ?
« Il est écrit : L'homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
 »
Le Fils nous ramène au Père...

« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas. »
Jésus peut-il sombrer dans l'orgueil ? Non..! :
« Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Jésus veut-il le pouvoir sur la terre ? Non !
« C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras »

A la triple tentation qui résume toutes les autres, « l'avoir, le valoir et le pouvoir » le Christ nous conduit à une seule réponse : Dieu est premier. S’il n’est pas premier c’est que nous avons pris un mauvais chemin.
Méditons cela dans nos cœurs.

Nous en venons à ma deuxième question.
Qu'est-ce qui me libère de cette adhérence au mal ?

Paul nous donne sa réponse : Jésus Christ 
Autant notre faute est bien commune, autant le salut est unique. Notre faute est fausse liberté. Le salut est plus grand. Dieu nous libère.
Alors, prenons le temps de la distance, contemplons les dons de Dieu, méditons sur ses pas :
  1. Contre nos désirs « d'avoir » Jésus nous introduit à la générosité 
  2. Contre le valoir Jésus nous conduit à l'humilité 
  3. Contre nos désirs de pouvoir, Jésus nous introduit à  la prise de conscience de nos fragilités...
Le carême est en quelque sorte une station météo pour nous :
Quel est notre degré d’humilité ?
Quelle est la force du vent (pouvoir) ?
Quel est notre température d’avarice.. ?

Prenons alors le temps de méditer le psaume 50
« Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j'ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d'être sauvé ;
que l'esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange. » 
Le psaume 50 peut nous conduire pendant ce temps de carême.

Entrons dans ce chemin de purification, ce chemin de désert 
Et n’oublions pas qu’un prêtre nous attend pour recevoir notre confession, les bras grands ouverts au nom du Père.




23 février 2020

Mal originé ou prix de la liberté - Bernard Sesboué

Mal originé ou prix de la liberté - Bernard Sesboué

Je continue ma lecture. Après une longue analyse sur les différentes interprétations du « péché originel » qui nous conduit de Pélage et Augustin au concile de Trente et ses premiers canons (1), l'auteur analyse la réponse des philosophes des Temps Modernes. On quitte la notion étroite d'un mal transmis par Adam vers une interpellation du mal comme « passage de la nature à la liberté ». Pour Kant, la source du mal se « trouve dans un choix libre » fait par tout homme. Hegel évoque quant à lui un mal qui révèle le bien en creux, « les deux connaissances étant inséparables pour [que l'homme devienne] un être moral (...) [qu'il parvienne à un] processus de maturation (...) [au] développement de la conscience de soi (...) Félix culpa (...) [cette chute] nécessaire pour un plus grand bien. (...) Ce qui chez Kant était de l'ordre de la liberté devient chez Hegel le devenir nécessaire de la conscience » (2).

L'enjeu n'est pas de chercher un coupable ailleurs, mais de se rendre compte de l'enchaînement qui nous rend esclave et de trouver une manière d'accueillir cette grâce qui nous en libère.

Tout cela n'est pas éloigné de cette pédagogie divine que nous cherchons à mettre en lumière.
La liberté donnée à Adam n'est pas incompatible avec la sollicitude de Dieu et la question intérieure posée à l'homme : « où es-tu ? »(3)

Mais Sesboué continue, à l'aune des travaux de Rahner, vers une approche qui n'est pas loin de ce que j'appelle la constatation de nos « adhérences » au mal qu'il définit comme un héritage que l'on ne peut trop vite appeler originel mais qui est constitutif de notre état, de notre liberté et de notre chemin de sanctification. C'est à partir de l'homme actuel que la constatation de nos faiblesses permettent d'appréhender l'origine du mal et non une prétendue connaissance historique qui nous conditionnerait au mal, au serf-arbitre ou à tout autre fatalité. Et c'est dans cette condition que Christ a sa place. Si nous ouvrons nos cœurs à ce Dieu sauveur.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p.199 à 245.
(2) ibid. p. 246-8
(3) cf. mon livre éponyme