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15 mai 2019

Une seule chair - 5

Faire une seule.chair avec le Christ c'est entrer dans la danse Trinitaire, aller au plus profond de cette communion mystérieuse avec son Dieu, comme les époux qui disent je te reçois et je me donne à toi...
Écoutons sur ce thème saint Hilaire : « Parce que véritablement le Verbe s'est fait chair, c'est véritablement aussi que nous mangeons le Verbe incarné en communiant au banquet du Seigneur. Comment ne doit-on pas penser qu'il demeure en nous par nature ? En effet, par sa naissance comme homme, il a assumé notre nature charnelle d'une façon désormais définitive et, dans le sacrement de sa chair donnée en communion, il a uni sa nature charnelle à sa nature éternelle. C'est ainsi que tous nous formons un seul être, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous. ~
Que nous sommes en lui par le sacrement de la communion à sa chair et à son sang, lui-même l'affirme lorsqu'il dit : Et ce monde désormais ne me voit plus ; mais vous, vous me verrez vivant parce que je vis, et vous vivrez aussi ; parce que je suis dans le Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. S'il voulait parler seulement d'une unité de volonté, pourquoi a-t-il exposé une progression et un ordre dans la consommation de cette unité ? N'est-ce pas parce lui-même étant dans le Père par sa nature divine, nous au contraire étant en lui en vertu de sa naissance corporelle, on doit croire que, réciproquement, il est en nous par le mystère sacramentel ? Ceci enseigne la parfaite unité réalisée par le médiateur : tandis que nous demeurons en lui, lui-même demeure en nous. Et ainsi nous progressons dans notre unité avec le Père, puisque le Fils demeure en lui par nature selon sa naissance éternelle et que nous-mêmes aussi sommes dans le Fils par nature, tandis que lui par nature demeure en nous.
Que cette unité soit en nous produite par sa nature, lui-même l'affirme ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Car ce n'est pas tout homme qui sera en lui, mais celui en qui il sera lui-même : c'est seulement celui qui mangera sa chair qui aura en lui la chair assumée par le Fils.
Plus haut, il avait déjà enseigné le sacrement de cette parfaite unité, en disant : De même que le Père, qui est la vie, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui mangera ma chair vivra par moi. Donc, il vit par le Père ; et de la manière dont il vit par le Père, nous-mêmes vivons par sa chair.
Tout ce parallèle est à la base de notre intelligence du mystère ; il nous fait comprendre, par le modèle proposé, ce qui se passe. Donc, ce qui nous donne la vie, c'est que, dans les êtres charnels que nous sommes, le Christ demeure en nous par sa chair ; et il nous fera vivre en vertu du principe qui le fait vivre par le Père ». (1)
Sculpture de Georges Schneider - St Séverin 


(1) Saint Hilaire, traité sur la Trinité, source, office des lectures, AELF 

14 mai 2019

Une seule chair - 4

« Le pain que je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde ».
Je meurs pour tous, dit le Seigneur, afin de communiquer ma vie à tous, et j'ai fait de ma chair une rançon pour la chair de tous. Car la mort sera mise à mort dans ma mort, et la nature humaine qui était tombée ressuscitera avec moi.
Pour cela je suis devenu l'un d'entre vous, c'est-à-dire un homme de la descendance d'Abraham, pour me rendre semblable en tout à mes frères. Saint Paul avait très bien compris cela, lorsqu'il disait : Puisque les enfants ont tous une nature de chair et de sang, Jésus a voulu partager cette condition humaine ; ainsi, par sa mort, il a pu réduire à l'impuissance celui qui possédait le pouvoir de la mort, c'est-à-dire le démon.
En effet, ni celui qui possédait le pouvoir de la mort, ni la mort elle-même, ne pouvaient être vaincus autrement. Il fallait que le Christ se donne pour nous, un seul en rançon pour tous car il était au-dessus de tous.
C'est pourquoi il est dit dans les psaumes qu'il s'est offert pour nous à Dieu son Père comme une victime sans tache : Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, mais tu m'as formé un corps. Tu ne demandais pas d'holocauste pour le péché. Alors j'ai dit : Voici, je viens. ~
Il a été crucifié pour tous et au profit de tous, afin que, lui seul étant mort pour tous, nous vivions tous en lui. Car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir, ou que la corruption triomphe de sa vie, comme cela aurait été naturel. Et que le Christ ait offert sa chair pour la vie du monde, apprenons-le par ses propres paroles. Père saint, dit-il,  garde-les. Et encore : Pour eux je me consacre moi-même. ~
Je me consacre, dit-il. Autrement dit : je m'offre comme une très pure victime d'agréable odeur. En effet, ce qui était consacré, ce qu'on appelait sacré ou saint, selon la loi, c'est ce qui était apporté sur l'autel. Le Christ a donc donné son propre corps pour la vie de tous, et en retour il implanté sa vie en nous. De quelle manière, je vais essayer de le dire.
Lorsque ce Verbe de Dieu, qui donne la vie, eut habité dans la chair, il la rétablit dans le bien qu'il avait en propre, c'est-à-dire dans la vie ; et puisqu'il lui était totalement uni d'une manière inexprimable, il la rendit vivifiante, comme lui-même est vivifiant par nature.
C'est pourquoi le corps du Christ communique la vie à ceux qui lui sont unis. Il chasse la mort qui se trouve chez les mortels et il éloigne la corruption, car il contient en lui-même le Verbe qui anéantit la corruption.(1)
Le Bon Pasteur s'est livré lui-même
pour que vous ayez la vie.
Laissez-vous conduire à sa voix
et suivez-le en chantant:

Tu es la porte du royaume, alléluia,
tu es la route vers le Père, alléluia!
Le Seigneur a les yeux sur ses fidèles,
sur ceux qui espèrent son amour.
Pour nous préserver de la mort,
nous garder en vie au temps de la famine.

Oraison
Dieu qui renouvelles par le baptême ceux qui croient en toi, protège leur naissance dans le Christ ; défends-les contre les assauts du mal pour qu'ils répondent fidèlement à ta grâce.

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie, commentaire sur l'Evangile de Jean, source : office des lectures du dimanche 12/5/19, AELF 

11 mai 2019

Homélie de mariage - 1 - Col 3/Mt 19

On y est... un peu de stress pour préparer le grand jour je suppose...Vous êtes prêts m'avez vous dit. Mais prêts à quoi, pour quoi ? Je vous invite à trois temps de méditation.
Nous allons parler de fusionnel / de chair et de Dieu... Car ce que vous allez vivre aujourd'hui est plus qu'une belle journée, c'est le début d'une grande aventure. Au cours de nos rencontres, vous avez insisté sur le fait que vous étiez très fusionnel. Comment interpréter cela à la lumière de ce que nous venons d'entendre ? Je vous propose deux premières pistes de lecture. 1) Comme le dit l'Evangile, vous allez faire un. Oui est non. Car vous resterez toujours deux, même si vous découvrez vos complémentarités. Et en même temps, le pape Jean Paul II disait que la rencontre des corps est appelé à être une liturgie, ce qui se traduit par louange, un acte de louange. Et vous le sentez  probablement, ces temps de rencontre donnent envie de chanter, de rendre grâce.  Et en même temps, cette joie partagée est aussi le lieu d'un appel, d'un rayonnement. Ne gardez pas votre amour enfermé. Faites-le rayonner aux enfants que vous aurez, à ceux que vous croiserez, c'est là l'enjeu de votre mariage.
La deuxième piste est commune aux deux lectures que vous avez choisi. Saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens vous invite à la douceur et à la tendresse, Matthieu dans son évangile vous parle de faire ne faire plus qu'un. L'expression vient d'un texte très ancien (Genèse 2) qui parle de faire « une seule chair », qui ne veut pas dire fusion comme on pourrait l'entendre à notre époque. La meilleure traduction que j'ai trouvé c'est symphonie, c'est à dire que chacun de vos talents doit s'harmoniser, comme pour entrer dans une danse. Et je ne parle pas seulement de vos corps mais de votre être. Je confie au Seigneur ce qui fait de toi, F. une bonne .... , et bientôt une mère. Je confie aussi au Seigneur ce qui fait de toi M. un époux attentif. Que votre symphonie soit au service des enfants que Dieu vous donnera, mais plus largement de votre entourage, de votre famille, des enfants que tu accueilles N., de tes collègues M., de tous ceux qui boiront à la source de votre amour.
Je ne suis qu'un instrument de Dieu.... Je vais vous bénir au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, comme vous l'avez été pour votre baptême. Qu'est-ce que cela veut dire ? Le Père c'est le Dieu créateur qui vous a façonné l'un et l'autre pour cette rencontre qui vous émeut encore. La première lecture le disait avec des mots qui me laissent sans voix : « Vous avez été choisis par Dieu » On pourrait dire vous avez été modelés par lui. F. et M. vous allez donner la vie. Quand vous serez père et mère, vous réaliserez alors totalement ce que cela signifie... Parole de père et de grand-père…. J'en ai eu souvent les larmes aux yeux.
Je continue la lecture : « vous êtes ses fidèles et ses bien-aimés, revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement et pardonnez, si vous avez des reproches à vous faire. Agissez comme le Seigneur: il vous a pardonné, faites de même. » Etre bénis au nom du Fils, c'est accepter de prendre à sa suite le chemin même du pardon. De Celui qui va vous conduire jusqu'au bout de l'amour.
Dans une autre lettre (aux Ephésiens au chapitre 5), Paul le dit avec force : M. tu es appelé à aimer F. comme le Christ, c'est-à-dire jusqu'a la mort. Et F. à ta manière tu dois l'accueillir M. comme il est, te donner à lui totalement... Vous allez le dire tout à l'heure avec vos mots.
Parfois les forces vous manqueront. N'oubliez pas que, par le baptême, vous avez reçu l'Esprit de Dieu. Demander lui les forces d'amour qui vous manquent. Demandez de l'aide à vos témoins ici présents, à l'Eglise, appelez nous au besoin ma femme et moi, pour revisiter, revivifier cet amour. Ce que vous construisez est immense. Cette chair qu'est votre couple sera alors signe. C'est votre mission : rayonnez de cet amour qui vous porte et vous emporte ! Amen

Une seule chair - 2

Il nous a fait le don de sa chair et nous devenons porteur en nous de ce don qui nous dépasse et nous habite.
Faire une seule chair avec le Christ n'est pas perdre sa propre chair mais devenir temple de plus grand que nous, parabole, catalyseur, amplificateur du Verbe.
De même que des époux qui par la chair révèle le don de Dieu dans leurs oeuvres de chair et d'Esprit, nous sommes appelés à l'engendrement des coeurs et des âmes en devenant porte-Christ.

09 mai 2019

Au fil de Jean 6 - une seule chair 1 - Irénée de Lyon


« Moi, je suis le pain de la vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne,
et ils sont morts ;
mais le pain qui descend du ciel
est tel que celui qui en mange ne mourra pas.
Moi, je suis le pain vivant,
qui est descendu du ciel :
si quelqu'un mange de ce pain,
il vivra éternellement.
Le pain que je donnerai, c'est ma chair,
donnée pour la vie du monde. » Jn 6, 48-51

Faire une seule chair avec le Christ ?
Nous entendons l'expression au sujet du mariage.
Elle est reprise par Jésus pour le même sujet.
Mais l'expression est plus vaste que la rencontre amoureuse qui n'est que le premier stade de quelque chose de plus grand. 



Écoutons saint Irénée. 

« Si la chair ne peut être sauvée, alors le Seigneur ne nous a pas rachetés par son sang, la coupe de l'Eucharistie n'est communion à son sang, ni le pain que nous rompons, la communion à son corps. Car le sang n'en est pas, s'il ne provient de veines, de chairs, et du reste de la substance humaine, et c'est pour être vraiment devenu cela que le Verbe de Dieu nous a rachetés par son sang.
Ainsi le dît l'Apôtre : En lui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des péchés.
Parce que nous sommes ses membres, et que nous sommes nourris par la création — cette création qu'il nous donne lui-même, en faisant lever son soleil et pleuvoir comme il veut — il a confirmé que la coupe qui provient de la création était son sang, par lequel se fortifie notre sang ; il a confirmé que le pain qui provient de la création était son corps, par lequel il fortifie notre corps.
Si la coupe qui a été mélangée, et le pain qui a été fait, reçoivent le Verbe de Dieu, et deviennent l'Eucharistie du sang et du corps du Christ, qui fortifie et affermit notre substance, comment peut-on dire que la chair est incapable de recevoir le don de Dieu, qui est la vie éternelle, alors qu'elle est nourrie par le sang et le corps du Christ, et en est le membre ?
Voici ce que dit le bienheureux Apôtre à ce sujet dans la Lettre aux Éphésiens : Nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. Ce n'est pas de je ne sais quel homme spirituel et invisible, qu'il dit cela, car un esprit n'a ni os ni chair, mais il parle de l'organisme authentiquement humain, qui est constitué de chairs, de nerfs, et d'os, qui est, lui, nourri par la coupe qui est son sang, et fortifié par le pain qui est son corps.
Le bois de la vigne, après avoir été couché sur le sol, porte du fruit en son temps ; le grain de blé, tombé en terre, et là dissous, resurgit multiplié par l'Esprit de Dieu qui contient tout. Ensuite, grâce au savoir des hommes, ils servent à leur usage et, en recevant le Verbe de Dieu, ils deviennent l'eucharistie, à savoir le corps et le sang du Christ.
Ainsi nos corps qui sont nourris de l'eucharistie, après avoir été couchés dans la terre et s'y être dissous, ressusciteront en leur temps, quand le Verbe de Dieu leur donnera la résurrection, pour la gloire de Dieu le Père, lui qui procurera l'immortalité à ce qui est mortel, et offrira l'incorruptibilité à ce qui est corruptible, car la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse. » (1)

(1) Saint Irénée de Lyon, Contre les hérésies, source office des lectures du 9/5/19, AELF

01 mars 2019

Au fil de Marc 10,1-12. - il s’attachera à sa femme - Saint Jean Chrysostome

Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme.
À cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère,
il s'attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
Donc, ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas ! »

Commentaire 1 :
« Une seule chair » (Marc 10, 8) : Allusion au chapitre 2 de la Genèse v 24. Le terme "chair" (en grec sarx) évoque une réalité plus grande que le terme français. Une seule chair traduit une relation, un lieu de rencontre où les différences subsistent, mais la communion est entière. Une seule chair traduit la rencontre et le don, l'élan du don sans retour, voire même l'enfant. Dans cette phrase essentielle pour la compréhension du sacrement de mariage, la logique du don sans retour, du « je me donne à toi et je te reçois » prend sens.
Jésus fixe ici la barre haute. Il en appelle au plan de Dieu pour l'homme. Ce chemin de crête est à contempler à la lumière d'autres attitudes du Christ envers les pécheurs (Mc 2, 13-18) ou la femme adultère (Jn 8).(1)

Commentaire 2 :
Le « une seule chair » englobe la relation au sens large, une symphonie où chacun doit trouver sa place au service d'une unité à construire. Faire « une seule chair » n'est pas fusionner en un, mais prend le sens d'une harmonie toujours à parfaire, dans laquelle, l'unité, la joie et la fécondité au sens large peuvent trouver leur place.
Cette dimension du couple déplace le rigorisme des pharisiens sur un autre ordre. Dans la lignée de l'axe théologique pris par Matthieu dans les chapitres précédents, on retrouve cette insistance, non sur la norme, mais sur l'esprit de la loi : l'amour, au sens large.
Les petits calculs humains qui jouent avec la loi pour assouvir leurs désirs sont ici jugés mesquins, par rapport à l'axe même de l'amour.
Bien sûr, le chemin tracé par Jésus est hyperbolique. Deux mille ans plus tard, sans perdre de vue l'enjeu tracé par Jésus, on ne peut ignorer les souffrances causées par la rupture d'un couple. Si l'Église travaille à mettre en place une nouvelle pastorale dans ce sens, elle ne peut nier l'enjeu dévoilé par le Christ. Il y a donc une tension à trouver entre ceux qui cherchent à « sauver ce qui était perdu » (Mt 18, 11) et la force de la Parole qui éclaire les consciences et conduit à l'amour.(2)

Commentaire de saint Jean Chrysostome :
« L'homme...s'attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu'un »
Que faut-il que tu dises à ta femme ? Dis-lui avec beaucoup de douceur : « ...Je t'ai choisie, je t'aime et te préfère à ma propre vie. L'existence présente n'est rien ; c'est pourquoi mes prières, mes recommandations et toutes mes actions, je les fais pour qu'il nous soit donné de passer cette vie de manière à pouvoir être réunis dans la vie future sans plus aucune crainte de séparation. Le temps que nous vivons est court et fragile. S'il nous est donné de plaire à Dieu durant cette vie, nous serons éternellement avec le Christ et l'un avec l'autre dans un bonheur sans limites. Ton amour me ravit plus que tout et je ne connaîtrais pas de malheur plus insupportable que d'être séparé de toi. Quand je devrais tout perdre et devenir plus pauvre qu'un mendiant, encourir les derniers périls, et endurer n'importe quoi, tout me sera supportable tant que ton affection pour moi demeure. Ce n'est qu'en comptant sur cet amour que je souhaiterai des enfants » .
Il faudra aussi conformer ta conduite à ces paroles... Montre à ta femme que tu apprécies beaucoup de vivre avec elle et que tu aimes mieux, à cause d'elle, être à la maison que sur la place. Préfère-la à tous les amis et même aux enfants qu'elle t'a donnés ; et que ceux-ci soient aimés de toi à cause d'elle...
Vos prières, faites-les en commun. Que chacun de vous aille à l'église et qu'à la maison le mari demande compte à sa femme, et la femme à son mari, de ce qui a été dit ou lu... Apprenez la crainte de Dieu ; tout le reste coulera comme de source et votre maison s'emplira de biens innombrables. Aspirons aux biens impérissables, et les autres ne nous feront pas défaut. « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu, nous dit l'Évangile, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33)(3)

(1) Cf. mon livre Chemins d'Évangile, p. 50
(2) ibid p. 371
(3) Saint Jean Chrysostome, Homélie 20 sur la lettre aux Éphésiens, 8, 9 ; PG 62, 140s (trad. Orval), source : l'Évangile au Quotidien

12 février 2018

Une vérité sur soi-même

Saluons encore une fois la finesse de l'analyse d'Elodie Maurot dans la Croix du 1/2/2018 (1) sur le tome 4 de Foucault dont elle souligne l'originalité de la recherche. L'extrait qu'elle donne du livre invite à aller plus loin :

« Si l'exagoreusis(l'"examen-aveu" pratiqué par les moines) incline à s'examiner soi-même et sans répit, ce n'est ni pour pouvoir s'établir soi-même dans sa propre souveraineté, ni même pour pouvoir se reconnaître dans son identité. Elle se déroule en permanence dans la relation à l'autre : dans la forme générale d'une direction qui soumet la volonté du sujet à celle de l'autre ; avec comme objectif de déceler au fond de soi-même la présence de l'Autre, de l'Ennemi  ; et avec pour fin dernière d'accéder à la contemplation de Dieu, en toute pureté de cœur. Cette pureté elle-même, il ne faut pas la comprendre comme la restauration de soi-même, ou comme un affranchissement du sujet. Elle est, au contraire, l'abandon définitif de toute volonté propre  : une façon de n'être pas soi-même ni par aucun lien attaché à soi-même. Paradoxe essentiel à ces pratiques de la spiritualité chrétienne  : la véridiction de soi-même est liée fondamentalement à la renonciation à soi. » (2) 

Il y a une piste à suivre, très personnelle, qui invite au véritable décentrement.

(1) Elodie Maurot, Michel Foucault explorateur du christianisme, La Croix du 1/2/2018, p. 12
(2) Michel Foucault, Les Aveux de la chair, Gallimard, 438 p., 24 € (p. 156-157).

24 février 2017

Le côté ouvert

Superbe commentaire de moine syrien du Veme siècle que je découvre dans mon "évangile au quotidien" et que je vous partage sans fard :"D'une certaine manière, Adam a été créé à la fois simple et double ; Ève se trouvait cachée en lui. Avant même qu'ils n'existent, l'humanité était destinée au mariage, qui les ramènerait, homme et femme, à un seul corps, comme au commencement. Aucune querelle, aucune discorde, ne devait s'élever entre eux. Ils auraient une même pensée, une seule volonté... Le Seigneur a formé Adam de poussière et d'eau ; Ève, il l'a tirée de la chair, des os et du sang d'Adam (Gn 2,21). Le profond sommeil du premier homme anticipait les mystères de la crucifixion. L'ouverture du côté, c'était le coup de lance porté au Fils Unique ; le sommeil, la mort sur la croix ; le sang et l'eau, la fécondité du baptême (Jn 19,34)... Mais l'eau et le sang qui ont coulé du côté du Sauveur sont à l'origine du monde de l'Esprit... Adam n'a pas souffert du prélèvement fait dans sa chair ; ce qui lui avait été dérobé lui a été rendu, transfiguré par la beauté. Le souffle des vents, le murmure des arbres, le chant des oiseaux appelaient les fiancés : « Levez-vous, vous avez assez dormi ! La fête nuptiale vous attend ! »... Adam vit Ève à ses côtés, celle qui était sa chair et ses os, sa fille, sa sœur, son épouse. Ils se sont levés, enveloppés d'un vêtement de lumière, dans le jour qui leur souriait. Ils étaient au Paradis" (1)

(1) Saint Jacques de Saroug, Hexaméron ; Homélie pour le sixième jour (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, Médiaspaul 1988, vol.1, p.27) 

25 août 2016

La circoncision du coeur

Il existe une correspondance subtile entre Jr 4, 1-4 et Rom 2, 29, c'est celle qui conduit l'homme à quitter sa tour d'orgueil pour s'exposer à la lumière divine(1). 

Relisons les deux textes :

Romains 2:27-29 BCC1923

Bien plus, l'homme incirconcis de naissance, s'il observe la Loi, te jugera, toi qui, avec la lettre de la Loi et la circoncision, transgresses la Loi. Le vrai Juif, ce n'est pas celui qui l'est au dehors, et la vraie circoncision, ce n'est pas celle qui paraît dans la chair. Mais le Juif, c'est celui qui l'est intérieurement, et la circoncision, c'est celle du cœur, dans l'esprit, et non dans la lettre: ce Juif aura sa louange, non des hommes, mais de Dieu.

Jérémie 4:1-4 BCC1923

Si tu veux revenir Israël, - oracle de Yahweh, reviens vers moi. Et si tu ôtes tes abominations de devant moi, tu ne seras plus errant! Et si tu jures "Yahweh est vivant!" avec vérité, avec droiture et avec justice, les nations se diront bénies en lui; et se glorifieront en lui. Car ainsi parle Yahweh aux hommes de Juda et de Jérusalem: Défrichez vos jachères, et ne semez pas dans les épines. Circoncisez-vous pour Yahweh, et enlevez les prépuces de votre cœur, hommes de Juda et habitants de Jérusalem, de peur que ma colère n'éclate comme un feu et ne consume, sans que personne éteigne, à cause de la méchanceté de vos actions.

N'est ce pas le chemin d'Exode 33 et de Gn 2, 25, quittez son vêtement pour se retrouver nu devant l'Autre ? A contempler...

(1) intéressante interprétation d'Annick de Souzenelle sur ce thème

18 avril 2016

Gn 2 et Irénée

Au delà d'un premier niveau de lecture sur le "ils feront  une seule chair" qui peut nous conduire à la contemplation de la joie de l'amour conjugal, on peut contempler un second niveau dans la naissance de l'enfant chair unique issu de deux chairs qui s'unissent. Une troisième facette de contemplation peut être trouvée dans cette ouverture de la fécondité conjugale qui en se faisant communion devient liturgie et signe sacramentel pour l'Église d'une union du Christ et de l'Église. Un dernier aspect peut être manduqué à la suite de saint Irénée dans la contemplation de l'union de la glaise et du souffle, de l'Adam et de l'esprit où‎ la chair devient éponge du souffle divin. Formée par la main de Dieu, cette glaise modelée par ses mains devient  temple et louange d'une alliance qui le dépasse et, en recevant et rejoignant le corps du Christ , "il participe à la sagesse et la la force artistique de Dieu, car la force de Dieu qui communique la vie s'achève dans la faiblesse (2 Co 12,9), c'est à dire dans la chair(1)".
Le couple saisi de cette dynamique peut alors prendre une dimension sacramentelle véritable.

(1) Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, 2, 327 cité par Hans Urs von Balthasar, GC tome 2 p. 57

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

23 décembre 2015

Le Verbe s'est fait chair

"Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous". En ces derniers temps de l'avent il nous faut contempler l'immensité de ce qui se joue dans cette phrase de Jn 1 que l'on peut mettre en écho avec cette traduction particulière d'Exode 3 : " Je serai qui je serai". Si notre regard se porte depuis le commencement jusqu'au Royaume à venir, nous percevons ce buisson ardent donné à l'homme : un feu déposé en nous, qui nous brûle sans nous consommer, qui nous réchauffe sans nous perdre, qui éveille notre désir sans nous contraindre. Le Verbe s'est fait chair. A quel prix ? Son humilité et sa miséricorde nous emporte sur un chemin non désiré par notre être attaché au monde, mais tant désiré par ce qui élève en nous la vérité et la vie. Depuis l'incarnation dans la beauté du monde, première trace du Verbe, jusqu'à la venue de l'enfant et le don du Fils de l'homme, se révèle en nous l'immensité de ce pain partagé, rompu pour un monde nouveau.
A cela s'ajoute le cri, qui jaillit depuis Gn 3, 9, cette invitation qui résonne dans nos vallées. Où es-tu‎ ? J'ai besoin de toi pour être corps, non pas morceau mais membre de l'Église vivante, comme le précise de Lubac. (1)

Cf. Jacques Loew op. Cit p. 168ss

25 décembre 2014

Il s'est fait chair...

Il s'est fait chair. Contempler la nativité, c'est prendre en compte, à la suite de Luc et Matthieu que la venue du Christ ne s'est pas faite en un jour, mais est le fruit d'un long processus qui vient de l'origine et se dévoile progressivement, selon le plan de Dieu, jusqu'à la "prise de chair" du Verbe.

Si, comme le dit saint Augustin, c'est par "le cœur seul qu'on voit le Verbe" il nous faut aussi passer par la chair. C'est pourquoi l'évêque d'Hippone ajoute "tandis que la chair est vue aussi par les yeux. C'est la chair qui nous permettait de voir le Verbe. Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe." (1)


Que faut-il guérir en nous ? Rien d'autre que nos aveuglements, ce qui obscurcit notre coeur de la contemplation du mystère. Dieu a tout donné, jusqu'à remettre dans le sein d'une Vierge, le fruit d'un long travail de révélation. Abandon du père, kénose, dira Balthasar.

(1) Saint Augustin, commentaire de la première lettre de saint Jean



18 décembre 2007

Corps et Esprit

Pour Hans Urs von Balthasar, le Mystère consiste dans le fait que dans le don de l’Esprit le Fils ressuscité se donne également lui-même, comme le Fils qu’il est, parce que l’on peut dire tout aussi bien, à l’inverse, que dans le don de l’Esprit, le donateur est parfaitement présent ». C’est pourquoi, ajoute-t-il, «l’Esprit dans l’Église exigera toujours une corporéité parfaite et sera hostile à toute spiritualisation idéaliste » (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p.287

27 novembre 2007

Les deux mains du Père

Pour Irénée le Fils et l’Esprit forment « les deux mains du Père » et c’est avec ces deux mains que le Père forme l’image, en disant à l’un et l’autre : « Faisons l’homme à l’image de Dieu ». (1) (...) ce n’est pas seulement l’esprit humain mais tout l’homme charnel qui fut façonné par les mains du Père, c'est à dire par le Fils et l’Esprit à l’image et la ressemblance de Dieu (V, 6,1) et ajoute-t-il si cet homme porte comme fruit la foi en Dieu, il « est introduit dans son grenier » (V, 28,4).

Cela rejoint ce que je disais plus haut sur l’excès d’amour du Père et les fruits qui continuent d’être créés par l’élan créateur de Dieu. A cela s’ajoute le fait que le Christ donne sa chair, c'est à dire toute sa personne au sens hébreu de « basar » et que cette chair est nourrie par le Sang (la vie de Dieu) dans son Eucharistie (...) révélateur de la tendresse de Dieu.

(1) Saint Irénée, Adv. Haer. IV Pr 4, cité par Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p.159

07 novembre 2007

La Chair et l’Esprit

Il y aurait deux cercles pauliniens : celui de la sarx (chair) qui ne comprend pas et celui du pneuma, qui est une folie inaccessible pour ceux du 1er cercle. (1)

Peut-on en tirer une explication de ces interventions de Jésus sur ceux qui ne veulent pas entendre, ce peuple à la nuque raide ? La question (mais est-ce une question) est où nous situons nous ?
Dans le cercle de la chair ou celui de l'esprit...
Malheureusement, il me semble que je reste dans le 1er cercle.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, III – L’Esprit de Vérité p.78

09 septembre 2007

Basar

Le terme hébreu basar signifie au sens premier la chair de l’animal que l’on sacrifie. On dit aussi que l’homme est charnel. Pour Hans Urs von Balthasar, l’expression toute chair se rencontre aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament pour désigner l’humanité dans son ensemble. Et c’est seulement dans les textes tardifs de l’Ancien Testament et dans les apocryphes qu’apparaît par infiltration de l’hellénisme une opposition chez l’homme entre la chair et l’esprit.(1)

J’avais déjà longuement discerné sur cette sémantique du terme basar dans mes pages consacrées au « une seule chair » de Gn 2,23 dans en lui donnant la traduction hyperbolique de symphonie.

Je viens de recevoir une autre interprétation que je n’avais pas perçu. C’est l’utilisation de ce sens dans le « qui ne manges pas ma chair et boit mon sang » prononcé par Jésus lors de la Cène. Si chair est la personne toute entière du Christ, manger sa chair prend un sens tellement plus large. C’est une adhésion complète à sa personne, un basculement dans le en-christoï… Et de même, « boire le sang » est l’acte de vie, l’adhésion à une renaissance, au sens de celle de Nicodème.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p. 243

17 mars 2007

Distance - II

Le thème de la distance et de la proximité se conjugue d'une certaine manière dans le "tu feras une seule chair" de Genèse 2. Au sens latin, la chair est vue comme fusionnelle, alors que le terme basar, nous l'avons dit par ailleurs est le symbole d'une relation plus large, ce que j'appelle une symphonie. Et la symphonie de nos différences, la recherche d'une harmonie au travers même de ce qui nous constitue est au sein même de cette notion paradoxale de distance et de proximité. Proximité des cœurs et liberté d'être.

Cela rejoint à mon avis ce que dit Balthasar quand il parle de créer un espace, une distance pour qu'il y ait don de soi et mouvement, échange entre "vouloir" et "laisser l'initiative".

Dans l'espace qui existe entre les Personnes se place le champ infini de la fécondité et de la richesse inventive de l'amour divin" (1) qui va jusqu'à "laisser le Fils libre dans l'espace infini de sa propre liberté filiale et de sa souveraineté divine. Ainsi le Père veut-il de toute éternité se laisser surpasser par l'amour du Fils" (2)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 83

(2) ibid p. 84