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16 avril 2020

Au fil de Luc 24 - visite aux confinés - Pédagogie 25

En guise d’introduction aux textes de dimanche prochain, la liturgie d’aujourd’hui nous interpelle.

Alors que les disciples sont, comme nous, confinés dans la crainte entre quatre murs, nous avons aujourd'hui à contempler la venue du Ressuscité : « Il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu'il prit et mangea devant eux. » (Luc 24)

Ce n'est pas une simple visite que celle du Seigneur mais un rappel douloureux. C'est en contemplant les mains et les pieds transpercés de Jésus que peut se déchirer en nous le voile. La paix que Jésus nous promet n'est pas celle du repos, mais, comme le suggère si bien J.B. Metz le souvenir douloureux d'un homme qui va jusqu'au bout de l'amour.

C'est en contemplant cela que la pédagogie divine fait son œuvre en nos cœurs.

« Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : "Il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes." »
Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d'en être les témoins. » ( Luc 24)

Nous avons là une reprise plus explicite, par Luc, de la pédagogie du Christ développé sur le chemin d'Emmaüs et il faut lire l'ensemble du chapitre 24 pour comprendre que la double mention des Écritures constitue une forme concentrique (chiasme formé plus ou moins par les versets en doublon A : 32, B : 35 - kérygme - B’ :  41, A ´ : 45) qui entourent l'évocation double de la fraction du pain, et met au centre le kérygme : Christ est mort pour nous.. il est ressuscité...

« Le Sauveur les a donc amenés à croire non seulement par la vue, mais aussi par le toucher, pour que par le moyen des sens la foi descende dans le cœur et puisse être prêchée dans le monde entier à ceux qui n'avaient pas vu ni touché, mais qui pourtant croiraient sans hésitation (cf Jn 20,29). » (1) 


« Si le Christ est en vous, votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché, l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.(Rom 8, 10-11) ».

(1) Saint Augustin, Sermon 116 ; PL 38, 657 (trad. Solesmes, Lectionnaire, vol. 3, p. 85 rev.)


NB : Nous avons là le résumé brillant de mes deux derniers essais : pédagogie divine et le rideau déchiré. Je n'ai donc pas inventé grand chose mais participe à l'appel qui résonne depuis bientôt 2000 ans : « À vous d'en être témoins »

14 février 2019

Au fil de Luc 10,1-9 - ni sac ni sandales - Fête de Cyrille

« En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.
Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.
Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : 'Paix à cette maison.'
S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous »

Que dire en cette fête de saint Cyrille ?
Il y a peu d'ouvriers pour la moisson et ces derniers n'ont ni sac ni sandales...Qu'est-ce à dire si ce n'est que le travail n'est pas fait par eux, mais par l'Esprit « qui plane sur les eaux » (cf. Gn 1), c'est à dire qui devance l'homme et agit au fond des cœurs ?

Envoie ton Esprit Seigneur, qu'il renouvelle la face de la terre.

Nous sommes appelés à être des agneaux parmi les loups... Notre message n'est pas agressif mais faible, aimant et miséricordieux. C'est l'amour qui transpire de nos actes, de nos pensées et nos paroles qui est lieu de conversion et d'annonce. La bonne nouvelle c'est que Dieu s'est fait homme, serviteur, dépouillé de tout et que ce Dieu agenouillé est signe efficace qui convertit et sauve. (Cf. Phil 2).

Église de toujours, 
Aux écoutes du monde,
Entends-tu bouillonner 
Les forces de l'histoire ?
La terre est travaillée 
D'une sourde violence,
Affamée d'unité, 
En mal de délivrance.

Église de toujours, 
Au service du monde,
Enracine la foi 
Au creux de nos détresses.
Dégage de ses liens 
Cet espoir qui tressaille,
Engagé sur la voie 
D'angoisse et de promesse. 

Église de toujours, 
Évangile du monde,
Affranchis de la peur 
La terre qui enfante.
Baptise dans l'Esprit 
L'éclosion de son germe,
Coule en fleuve de paix, 

Emporte notre histoire (1)

(1) Hymne de l’office des lectures, source AELF 

01 avril 2016

Pastorale du seuil – 8 idées pour la mission


Notre monde a besoin de nouveaux terrains pour rencontrer Dieu. Le mot terrain, en soi, n’est pas choisi au hasard, tant il est vrai que nombreux sont ceux qui ne trouvent plus dans nos églises un attrait suffisant pour rejoindre nos communautés. Il nous faut donc trouver de nouveaux lieux où exercer notre mission de baptisés.

Le pape François nous appelle à partir à la périphérie, à sortir donc de nos murs et installer des hôpitaux de campagne, pour transmettre au monde la « caresse de Dieu »(1). Habitués à cette pastorale du seuil, nous avons à revisiter les lieux et les approches habituels. Il nous faut trouver les clés d’entrée qui peuvent permettre aux chercheurs de Dieu de rejoindre ce qui nous fait vivre. Pour cela, nous devons accepter de quitter les chemins habituels, pour partir, à la suite de Jésus sur les routes qui s’éloignent en apparence de Jérusalem, ces chemins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35)  où l’écho d’un tombeau vide résonne encore du cri et de l’absence apparente de Dieu.

Après 25 ans en pastorale urbaine et 5 années passées en zone rurale, un changement qui a donné lieu pour nous à une conversion du regard, tant les populations et les besoins étaient différents, voici huit chemins identifiés comme prioritaires, pour tenter d’atteindre le cœur de ces brebis égarées sur les chemins du monde.

Une pastorale de l’humilité

La première leçon d’Emmaüs est de contempler le Christ qui ne se dévoile pas, ne joue pas les maîtres, mais accompagne sur un chemin dont il ne connaît pas toutes les pierres. Il a soif de la rencontre, interroge, reconnaît à chacun sa valeur propre et ne cherche pas à s’imposer, au point de disparaître à la fraction du pain.

Une pastorale de la joie

La deuxième leçon de l’Évangile est celle d’un Christ qui ne refuse pas de s’assoir à la table des publicains (Mc 2, 16), à boire du vin (Jn 2, 1-12) et à chanter sur les places. À la différence de son cousin, sa pastorale est celle de la joie.

Une pastorale de la création

Une troisième leçon est celle de la contemplation. En mettant l’enfant au centre de son enseignement, il nous conduit à reconnaître que la naissance, l’enfance, la créature de Dieu est lieu de contemplation et d’étonnement. Et ce faisant, elle est chemin vers Dieu. C’est un atout de notre pastorale rurale, où nous rencontrons souvent des couples déjà parents, de les faire parler de la joie de leur paternité, comme lieu de rencontre avec le divin.

Une pastorale de l’amour

L’amour, leur amour est aussi une clé d’entrée à Dieu. En les faisant contempler ce qui est né en eux, ce qu’ils vivent, voire les joies de leurs rencontres, nous pouvons les introduire à cet amour reçu, débordant qui nous vient de Dieu.

Une pastorale de la miséricorde

Être accueillant, sans juger leur passé mais tout tourné vers l’avenir, c’est exercer la miséricorde d’un Dieu qui ne juge pas l’homme, veut guérir ceux qui sont marqués par des échecs et les inviter à une nouvelle danse.

Une pastorale de l’engendrement

L’enjeu n’est-il pas de les rendre actifs, engagés, leur révéler ces clés intérieures qu’ils portent en eux et peuvent libérer sur les chemins de Dieu ? Il est étonnant de voir combien certains, à l’issue de nos rencontres, accueillis, portés par la dynamique d’un groupe qui les a valorisés, souhaitent aller plus loin. C’est cela l’engendrement : réveiller l’envie de faire église.

Une pastorale de la Parole

La Parole de Dieu, partagée, découverte ensemble, quand elle est source de dialogue, d’échange et de vie, réconcilie l’homme avec l’Évangile, lui montre combien il rejoint l’aujourd’hui de chacun.

Une pastorale de la souffrance

Plus délicate, cette dernière clé n’est pas à oublier. Car ceux qui se sont éloignés de Dieu portent en eux une question qui les minent : « Où es-tu, mon Dieu ? ». Souvent la souffrance, la perte d’un proche est le point de blocage de leur relation avec Dieu. Or, à l’âge où ils se marient, c’est souvent la perte d’un grand-parent qui les touche et interpelle leur lien avec l’Église. En ignorant ce point, nous risquons de passer à côté d’un écueil majeur.

Conclusion

On le voit, les clés sont nombreuses et les moyens d’y parvenir semblent délicats. Pourtant, cette petite liste semble prioritaire. Si nous omettons de nous y référer, nous risquons de passer à côté de l’essentiel, de plaquer un discours, une morale, là où ils cherchent des chemins. Le travail de Dieu en l’homme nous échappe. En ouvrant ces huit portes, nous travaillons à le faciliter.



(1) Pape François, Homélie à Sainte Marthe du 7/4/2014

Pour aller plus loin :
1) Pape François, La joie de l'Evangile
2) W. Kasper, La miséricorde
3) Théobald / Bacq, La pastorale d'engendrement
4) C. Hériard Pastorale du seuil /  Où es-tu, mon Dieu ? - Souffrance et création / Chemins d'Evangile / Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale / Humilité et miséricorde (à paraître)

22 novembre 2015

Mission ou apostolat ?

Bernard Pitaud (1) insiste plus que ne l'avait fait Jacques Loew (2) sur la distinction chez Madeleine entre apostolat et mission. A son retour de Rome, il semblerait que Madeleine ait cherché à comprendre pourquoi Pie XII lui avait répété 3 fois ce terme d'apostolat qu'elle semble interpréter comme une urgence à annoncer "la gloire de Dieu"(1)
On pourrait gloser sur cette différence et sur le risque que la mission peut être donnée par soi et non donnée de Dieu. A la suite des propos de Ratzinger (3) sur l'importance du lien apostolique on pourrait aussi souligner que l'apostolat est affaire de prêtre. Mais l'apostolat des laïcs en ligne avec la "théologie du Laïcat" chez Congar n'est pas à prendre à la légère. Se faire témoin de la gloire de Dieu n'est pas annoncer naïvement son existence alors que la mort de Dieu est proclamée. C'est peut-être retrouver le chemin d'une théologie de la Croix où cette dernière est la plus manifeste. C'est aussi le culot de ne pas nier son existence, sans l'imposer, mais en le laissant habiter et transpirer en nous.

(1) Gilles François / Bernard Pitaud, Madeleine Delbrêl Poète, assistante sociale et mystique, Paris, Nouvelle Cité, 2015, p. 228
(2) in Nous autres gens des rues 
(3) Les principes de la théologie catholique