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07 février 2022

Cana ou l’impossible danse ? 2-30

Arrivera-t-on à construire une véritable kononia (1), cette communauté visée par Paul, décrite par Luc et rêvée par Jean ou Ignace d’Antioche. Est-ce un rêve téléologique ? Ce que nous disent les 2 premières lectures d’aujourd’hui (Isaïe 62 ou 1 Co 12)à  la lumière de 1Co 10 et 11 donne à penser. Cela demande peut-être un effacement de nos volontés de puissance, de valoir, pour privilégier cette quête de l’unité qui n’est pas fusion ou uniformité de pensée, mais écoute, respect, attention, agenouillement peut-être devant les germes du Verbe et de l’Esprit (2) présents et brûlant comme des flammes fragiles en tout homme. Peut-être est-ce là la véritable théologie pratique et pastorale que certains s’efforcent à définir(3). En lisant ce matin Ignace d’Antioche, je me suis pris à rêver en l’écoutant parler : « dans la concorde de vos sentiments et l'harmonie de votre charité, vous chantez Jésus Christ. Chacun de vous, devenez un chœur de chant, afin que, dans l'harmonie de votre concorde, adoptant la mélodie de Dieu dans l'unité, vous chantiez pour le Père, d'une seule voix, par Jésus Christ. Alors le Père vous écoutera et reconnaîtra en vous, grâce à vos bonnes actions, les membres de son Fils. Il est donc utile pour vous que vous soyez dans une irréprochable unité, pour être toujours participants de Dieu. » (4) Est-ce accessible ? Est-ce que François appelle le polyèdre(5). Cette semaine il recevait une délégation des mouvements d’action catholique en France. Il est touchant d’entendre leurs témoignages (6).


Il y a là aussi une invitation à la danse, à cette vision symphonie du mot basar (chair en hébreu) que je commentais hier soir à un jeune couple en chemin vers le mariage(7). Non pas fusion mais symphonie féconde de nos différences où chacun apporte sa pierre à la (re)construction d’une Église vivante, de cet impossible Corps du Christ auquel nous souhaitons communier en s’avançant chaque dimanche et prononçant le « je ne suis pas digne » qui fond nos aspérités pour faire de nous des porteurs de Dieu fragiles… temples de Dieu ? 


Comme je le glissais à propos de Cana en 2.28, nous avons tous à remplir nos jarres pour faire de notre Église un chemin vers la danse à laquelle le Christ nous a précédés. C’est probablement ce troisième jour/temps que Jean cherche à dévoiler en racontant la participation du Christ à Cana. Quand l’heure viendra mon Corps pour faire de l’Église un corps… aujourd’hui ou pour le Royaume ?


(1) cf. 1 Cor 10 et 11 et mes balises http://chemin.blogspot.com/search/label/Koinonia 

(2) Hans Urs von Balthasar,  Théologique III, L’•Esprit de Vérité, p.15 voir aussi une discussion sur thème in https://www.facebook.com/groups/reflexiongh/permalink/4921219631285815/ ainsi que mes balises « semence » dont http://chemin.blogspot.com/search/label/Semence

(3) voir notamment mon essai « Pastorale du Seuil » http://chemin.blogspot.com/2014/09/50-ans-decriture.html

(4) Ignace d’Antioche, lettre aux Éphésiens

(5) voir aussi mes balises : http://chemin.blogspot.com/search/label/Poly%C3%A8dre

(6) https://youtu.be/MtE0vVL2c-U

(7) cf. mes développements dans Aimer pour la vie - voir le lien en note 3.


PS : je continue sur la lancée de mon livre « Danse avec ton Dieu » en ajoutant peut-être ce point d’interrogation qui aurait pu/du figurer à la fin du titre… 😉

PS2 : voir dans mes commentaires ceux apportés par J. Fournier et MN Thabut dans le même sens.

10 février 2021

Homélie du 6eme dimanche année B

Où est la lèpre aujourd'hui ?
Une petite mise en contexte... avant de contempler l'Evangile.
On peut articuler trois réponses et de fait trois chemins.
Il y a la vraie lèpre qui se soigne, mais nécessite des moyens financiers importants. N'oubliez pas de contribuer à cela, dans la mesure de vos moyens.
Il y a ceux qu'on pourrait appeler les nouveaux lépreux, les migrants, devant lesquels on détourne souvent la tête parce qu'ils dérangent notre confort. Je vous invite à lire ou relire le chapitre 4 de Fratelli Tutti ou le dernier livre du pape, un temps pour changer, qui interpelle nos comportements sur ce point...notre facilité à tourner la tête. 
Il y a ensuite une lèpre plus insidieuse qui est ce mal qui nous ronge de l'intérieur. Comment l'appeler ? Paresse, peur, culpabilité, enfermement sur soi.
Nous sommes bien petits souvent face aux grands enjeux de notre société.
Il y a 15 jours, on me faisait remarquer à la sortie de la messe qu'il était bien difficile d'être chrétien en temps de Covid...
Les arguments sont réalistes, les Ehpad fermés, les maisons se renferment dans la peur. Il nous faut trouver de nouveaux moyens, reprendre la plume, écrire, poster, téléphoner ... soyons innovants !

Contemplons maintenant le Christ qui s'adresse au lépreux. « Il vint auprès de Jésus ;  il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit :  « Je le veux, sois purifié. »  À l'instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.

Peut-être pouvons-nous, à la suite de cet homme, en toute humilité dire maintenant « Si tu le veux, tu peux me purifier. »

Transforme nous de l'intérieur, Seigneur. Viens graver en nous tes dons : la foi, la charité et l'espérance.
Et surtout aide nous, comme le suggère Paul à n'être  « un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l'Église de Dieu. » (...) aide-nous à nous « adapter à tout le monde, sans chercher [notre] intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes.
Augustin parle d’un enfantement difficile. Écoutons sa sagesse pastorale dans son commentaire de la lettre aux Galates sur le chemin difficile de l’imitation à laquelle nous invite Paul : « J'ai été au milieu de vous plein de douceur comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons.

Le Christ est formé par la foi chez le croyant, chez l'homme intérieur, appelé à la liberté de la grâce. doux et humble de cœur et qui ne se vante pas des mérites de ses actions, car ils sont nuls. Cependant. la grâce fait commencer en lui un peu de mérite, afin que le Christ puisse l'appeler un « petit ». c'est-à-dire lui-même, lui qui a dit : Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. En effet. le Christ est formé en celui qui prend la forme du Christ ; or, on prend la forme du Christ lorsqu'on s'unit au Christ par l'amour spirituel.

C'est en l'imitant que l'on s'identifie au Christ, autant que la marche de chacun le lui permet. Car celui qui déclare demeurer dans le Christ, dit saint Jean. doit marcher lui-même dans la voie où il a marché.

(...) [afin que Dieu l’enfante] à nouveau, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. (...)  il les enfante à nouveau à cause des dangers de déviation dont il les voit agités. Le souci causé à leur sujet par de telles inquiétudes, souci à cause duquel il emploie la comparaison de l'enfantement, ce souci pourra durer jusqu'à ce qu'ils parviennent à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude, pour qu'ils ne soient plus ballottés à tout vent de doctrine.

Ce n'est donc pas en vue du début de leur foi, par lequel ils étaient déjà nés, mais en vue de leur force et de leur perfection qu'il a dit : Vous que j'enfante à nouveau jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous. Il souligne cet enfantement avec d'autres mots dans un autre passage : Ma préoccupation quotidienne, c'est le souci de toutes les Églises. Qui est faible sans que je sois faible ? Qui est sur le point de tomber sans que je brûle ? »

Oui, nous sommes petits Seigneur dans notre aptitude à aimer. C’est là notre lèpre.

Seigneur vient creuser en nous une véritable charité. Elle ne vient pas de nous, mais de cette force intérieure que tu insuffle en nous. Dans les textes de la Genèse que nous avons j’espère longuement médité tout au long de cette semaine, l’Ecriture nous rappelle que tout es don. Viens révéler et réveiller en nous l’amour que tu as mis en nous.

Laisse nous entendre le cri que tu lances au désert : où es-tu ?





13 juin 2020

Dépouillement et danse - Saint Sacrement - Marie Noēlle Tabut

Projet 2

Que cherchez vous quand vous vous présentez à la table du Christ ?

La contemplation de cette fête particulière du Saint Sacrement n'est pas dans la quête d'un remède magique à tous nos maux, ni dans la vénération d'une idole. Elle rejoint bien au contraire une dynamique (*) particulière, toute intérieure, proche de cette entrée dans la danse que j'évoquais dimanche dernier.

Il y a, pour cela plusieurs mouvements.

Notre quête passe, d’abord,  par « la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale (...) préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L'Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c'est d'habiter en nous.(1) ».

Que veut dire manger le corps ?
C’est peut-être entrer dans le mystère qui nous unit à ce mouvement particulier qui vient de Dieu et y retourne, comme ce Verbe qui ne descend pas en nous sans le faire vibrer intérieurement. De même qu’un micro ondes fait entrer en résonance les atomes pour les réchauffer, Christ vient faire vibrer en nous ce qu’il a déposé en nous, l’Esprit de Charité.

Il faut donc entrer dans cette danse particulière où nos mouvements se laisse conduire par la musique de l'Esprit, chercher avant tout cette harmonie et cette unité qui fait de nous un Corps.
« La coupe d'action de grâce que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. 1 Co 10, 16 »

« Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d'intimité, d'appartenance, une solidarité profonde. »(2)

Entrer dans cette danse particulière où tout est don. Se dépouiller de nous-mêmes, de ce qui nous retient au monde (au sens paulinien) pour contempler et s’inscrire dans la dynamique trinitaire d'un Père qui s'efface derrière son Fils, d'un Fils qui se donne pour nous laisser parvenir à la musique de Dieu que l’on appelle Esprit.

Contempler « le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l'humanité répond par l'action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l'humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l'humanité accueille le don de Dieu. » (,,,) C'est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».

Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n'est pas dans les livres qu'il faut chercher l'explication de l'Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c'est la vie : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, (c'est-à-dire ma vie) donnée pour que le monde ait la vie. »

Comprendre cela c'est aussi percevoir le sens nouveau donné par le Christ au mot sacrifice. Entrer dans la « pédagogie des prophètes : pour eux, l'important, bien plus que l'offrande elle-même, c'est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n'ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d'offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères maltraités ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi. Rien d'autre que de respecter le droit et la justice et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).j

L'étape finale de cette pédagogie(**), ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu'est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n'est pas tuer ; c'est faire vivre les autres, c'est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l'inculquer à l'humanité. « Le pain que je donnerai ; c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».(4)

Entrer dans la danse de Dieu, c'est se dépouiller de tout ce qui n'est pas don. Loin d'un sacrifice stérile ou d'une réponse forcée il y a là un pas différent à faire, une docilité à Dieu, un laisser faire, un décentrement qui laisse Dieu agir, jusqu’à devenir ce que saint Ignace d’Antioche appelle le « froment de Dieu »(5)

Nous sommes corps, lorsque notre être tout entier est don, que notre vie est don, que nous nous laissons saisir (Ph 3) par le Christ dans ce don pour autrui, loin de toute introspection stérile. 

Et pour cela il nous faut contempler ce dépouillement même de Dieu, dans dynamique même de Philippiens 2 et 3, comprendre que le don du corps est l’ultime humilité de Dieu à laquelle Dieu nous invite. Se laisser saisir par cette danse du don ( danse kénotique des personnes divines) pour ne plus faire qu’un avec cet amour donné et devenir amour. « Devenez ce que vous recevez », nous suggère saint Augustin. Chemin inaccessible et en même temps unique et essentiel auquel nous sommes invités, banquet ultime, danse des anges...



(1 à 4) Marie Noëlle Tabut, commentaires des textes de la fête du Saint Sacrement cité dans l'application liturgie sur iOS cf. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/500513-commentaires-du-dimanche-14-juin-2/

(*) cf, aussi la dynamique sacramentelle, mon livre éponyme 

(**) voir aussi danse trinitaire et pédagogie divine, in Dieu dépouillé sur Fnac.com
(5) cf. le texte intégral dans mon billet de cette semaine 

Rappel : l'interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l'interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets