07 mai 2024

Marcher ensemble - synode ?

 



Quel chemin vers l’unité ?

A l’aube de l’ascension, où nous fêtons le départ du Christ, se pose la question de l’héritage. Qu’avons nous fait des intuitions assez disruptives d’un homme agacé par une loi dévoyée et un ritualisme excessif. Quelle était l’intuition première d’un homme qui a réuni 12 hommes très ordinaires et quelques femmes pour marcher vers la Galilée loin d’un temple trop étroit ?

Comment rejoindre le Christ sur le chemin d’Emmaüs qui prend le temps d’expliquer les Ecritures sans les réciter et qui, dans la fraction d’un pain ordinaire prépare à son départ. 

Quel est dans cet axe fragile la direction à prendre ?

L’Église s’est construite en institution, intouchable pour certains, insupportable pour d’autres. 

L’enjeu n’est pas de tout casser, de supprimer d’un trait la fonction des « pasteurs », parce qu’elle a déçu parfois, par des abus sordides, mais bien d’explorer ensemble, de nouveau, dans l’axe même de l’Evangile le « marcher ensemble ». 

Le clerc ne peut être un être de pouvoir, mais un repère fragile mais nécessaires si et parce qu’il vit au service de l’unité de la communauté. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut accepter une autorité reçue d’ailleurs sans idéaliser pour autant sa fonction. Là est peut-être tout l’enjeu d’un synode. Trouver un juste milieu à l’image de ce que distinguait déjà les synoptiques et Jean, entre le repas des douze et le lavement des pieds(1), qui permet de corriger le danger de se cristalliser sur la fonction et le pouvoir associé en oubliant l’essentiel : une église dont la vocation commune est d’être comme le disait si bien Congar, dans son livre éponyme, « une église servante et pauvre ». 

L’enjeu n’est pas non plus d’attiser une division entre partage et rite. Ce  n’est d’ailleurs pas souhaité par Moingt que je viens de citer récemment(2) et qui souligne à la fin de son livre, l’importance de l’eucharistie. La difficulté d’aujourd’hui vient probablement du fait que certains se cristallisent sur la liturgie, qui par sa beauté attire certains et lassent d’autres, en oubliant l’importance d’un évangile compris et partagé ensemble. Ils risquent de pousser trop loin la distinction entre la table de la Parole partagée et le partage du pain, voire la maitrise sur la présence de celui qui reste insaisissable. Cette dérive peut prendre une dimension trop transcendantale en oubliant sa dimension festive de repas partagé qui était la réalité première décrite par les textes originaux de Paul notamment en 1Co 11 et 12 (il en signalait d’ailleurs déjà certaines dérives), avant les l’excès plus clérical d’Hippolyte de Rome qui a lancé une direction qui interpelle plus que jamais (3).

Cela suppose, pour toute la communauté, un lent travail de lecture partagée de l’Ecriture à l’aune des avancées nouvelles de l’exégèse, qui distinguent paroles humaines et parole de Dieu, paroles historiques et plus spirituelles (4).

L’enjeu est de retrouver la compréhension partagée de l’Ecriture, et en cela, le chemin difficile de l’unité qui suppose de ne pas s’arcbouter  sur un héritage trop masculin mais d’actualiser une pensée bien plus large qui était probablement celle de Jésus et de Paul au delà du carcan social de l’époque. Nous sommes tous responsables de cette direction médiane pour redonner à chaque baptisé sa dimension plénière de prêtre, prophète et serviteur du royaume. Ce que visait Paul dans une distribution polyédrique (5) des dons de l’Esprit en 1 Co 12 est pour moi essentiel à l’aube de la Pentecôte. 

On peut concevoir des sensibilités différentes, mais il me semble qu’on doive s’attacher à l’unité, en pointant le doigt sur les extrêmes qui oublie le sens profond du christianisme et l’universalité.

C’est pour moi l’enjeu de cette danse à laquelle l’Esprit nous conduit. 

 C’est ce que j’essaye de traduire dans mon dernier livre « Voulez-vous danser? » qui reprend un long travail ébauché depuis plus de 15 ans(6), à travers les écrits de Congar, Rahner, Lubac, Beauchamp, Balthasar, Ratzinger, Theobald, Grieu, Arnold, Landrivon, Royannais et biens d’autres auteurs. 

(1) voir « A genoux devant l’homme »

(2) Joseph Moingt, Croire quand même, 2010.

(3) voir mon billet de janvier

(4) voir les 24 premiers tomes de mes Lectures pastorales…

(5) je reprends le mot cher à François 

(6) voir « cette Église que je cherche à aimer »

Pour rappel tous ces livres sont gratuits sur Kobo/Fnac et à prix coutant sur Amaz…