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10 avril 2022

La passion selon saint Luc - Petite méditation fragile

 Qu’est ce qui distingue la lecture de Luc des autres synoptiques ?  Quelques clés de lecture.

1. Un Dieu à genoux

Sans aller jusqu’au lavement des pieds, Luc insiste sur le renversement de la vision du messie attendu : « Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Cette petite phrase est à contempler à la double lumière d’un Dieu à genoux devant ses disciples y compris Judas (1) et d’un Dieu qui tombera à genoux en « présentant son dos aux outrages » (Isaïe 50).

Kénose, c’est à dire humilité extrême nous dira Paul en Ph 2. Le messie que vous attendez se révèle dans son agenouillement…



 2. Agonie extrême 

« Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. »

Déjà dans la prière, il va jusqu’à prévoir ce qui l’attend. Devons nous entendre, pouvons nous entendre, comme le fera une mystique (2) que Jésus perçoit que son geste à venir ne servira pas à convertir l’homme, à changer nos cœurs de pierre ?

Sentons nous aussi qu’il va, comme le suggérera A. Von Spyer (3) jusqu’à faire l’expérience du silence du père, ce silence que connaît les grands souffrants et qui est l’extrême de notre condition humaine. Dieu à genoux, à nos côtés, jusqu’au bout…


 3. Le grand silence

« J’ai joué de la flûte et vous n’avez pas dansé » (Luc 7, 32). Si nous contemplons les gestes de la Passion ce qui surprend chez Luc c’est le quasi silence. Plus de grandes affirmations, mais juste une série de renvois «  C’est toi-même qui le dis ». Renvoie à la conscience intérieure.


 4. Miséricorde

« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. »

C’est le Luc du chapitre 15, celui qui nous a donné la parabole du fils prodigue qui rejaillit ici. Christ est ici à l’extrême de son message. Après le silence qui renvoie à nous mêmes vient l’espérance du pardon… :

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »


 5. Le rideau du temple 

« Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. »

Ce qui était caché de l’indicible se dévoile. Dieu est là. Luc déchire le rideau du centre, quand Marc le fait de haut en bas… (4) mais le signe est le même, moins spectaculaire que chez Matthieu (5), mais qui vise le cœur. Dieu ne se cache plus, il est là, nu, dépouillé, fragile.


 6. Le dernier cri

« Père, entre tes mains je remets mon esprit. »

Ultime abandon, humilité extrême. Ici pas de cri au Père, pas de Ps 21 murmuré dans l’agonie finale, mais un message de soumission à la tendresse paternelle « entre tes mains », dans ta tendresse, je m’abandonne à toi…

   

 7. Le centurion

À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. »

Marc en fait le sommet de la révélation et met dans la bouche du centurion la révélation qu’il est «  Fils de Dieu ». Luc est plus discret, renvoie au chemin intérieur de chacun, dans cette pédagogie qui culminera sur le chemin d’Emmaus puis ds le livre des Actes. Il rejoint cette invitation à un « rentrant en lui même » du fils prodigue (Luc 15).


 8. Conversion intérieure 

« Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine ».


Mea culpa…

À la suite de cette lecture, Luc nous invite à retourner en nous mêmes.  À quoi m’invites tu Seigneur pour que ta croix ne soit pas vaine…? 


Parmi la symphonie des évangiles, Luc a sa mélodie particulière…(6)


(1) cf. « À genoux devant l’homme »

(2) Anne-Catherine Emmerich

(3) voir notamment l’excellent commentaire chez Hans Urs von Balthasar dans ses tomes de Dramatique divine

(4) voir aussi chez Kobo / Fnac « Le rideau déchiré »

(5) cf. Chemins d’Evangile

(6) voir « chemins de miséricorde »

21 décembre 2021

Chute et frémissement ? 2-21

Il y a peut-être une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes. Au delà du style particulier du message de Jean, de ses exhortations datées, il nous faut peut-être transposer ce qui interpelle l’aujourd’hui dénoter Église, non pour dire que tout est accompli, mais parce qu’il reste un chemin. Écoutons d’abord le cri sous ce prisme : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! (...) les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq




De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est peut-être de nos constructions humaines, notre monde financier, certes, mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de leur peuple. Face à ce désert et ce dépouillement, il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).

Ce qui demeure est peut-être ce qui est dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. 

Le rideau s’est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).

La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.

Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies.

Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. 

Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.


« Le Christ Jésus, +

ayant la condition de Dieu, *

ne retint pas jalousement

le rang qui l'égalait à Dieu.

7 Mais il s'est anéanti, *

prenant la condition de serviteur.

Devenu semblable aux hommes, +

reconnu homme à son aspect, *

8 il s'est abaissé,

devenant obéissant jusqu'à la mort, *

et la mort de la croix.

9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *

il l'a doté du Nom

qui est au-dessus de tout nom,

10 afin qu'au nom de Jésus

tout genou fléchisse *

au ciel, sur terre et aux enfers,

11  et que toute langue proclame :

« Jésus Christ est Seigneur » *

à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)


Le suis le chemin...

Et quel chemin ?

Peut-être l’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.

Il est vérité et vie.

À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partagé ? 

Je suis...

Il est chemin, il est présent.

Présent dans le cri du frère, blessé, abandonné ou, comble de l’horreur, abusé. Il est dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...


Déposer son vêtement pour le lavement des pieds c'est aussi, pour le Christ, commencer le dépouillement final. 

On pourrait faire une lecture spirituelle qui voit le dénuement du Christ suivi de son action de verser l'eau dans le bassin puis de s'agenouiller devant l'homme comme une symbolique de la soumission finale et du sang versé. 

C'est comme on le verra plus loin sous la plume de Xavier Léon-Dufour (2), comme un premier « mime symbolique » de la croix qui se déroule ici. 

Il y a alors dans cet axe de lecture une dimension que Pierre ne comprend pas encore, faute d'en avoir la clé ultime. Le lavement des pieds, c'est déjà la Passion, le don final, le sang versé, c'est le jusqu'au bout de l'amour... 

Le refus de Pierre prend alors une autre ampleur : au delà du refus de la kénose c'est le refus de la souffrance et de la mort qui est en jeu. 


La deuxième piste à méditer est peut-être celle du signe, du sacrement et de la distance qui peut se créer entre le rite et l'agir. 

Le rite du jeudi saint n'est rien s'il demeure un mime, un discours en geste au lieu d'être un amour en actes... 

On dit que le lavement des pieds n'est pas un sacrement parce que la vie et la mission de l'Église doit être un éternel lavement des pieds... cela reste à prouver dans l'aujourd'hui de nos vies, de nos agir... 

À méditer 


(1) cf. mon livre éponyme

(2) Xavier Léon-Dufour, Évangile selon saint Jean, tome 3, p. 26 & 60.


PS : je revisite ici des textes déjà parus il y a 18 mois, mais qui me semblent plus pertinents que jamais…

« Hâtez-vous lentement et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez… ». Ce cher Boileau avait du bon. Comme l’argile que traverse à nouveau la charrue, nos cœurs en cet hiver ont des espoirs à faire renaître, pour que grandisse en nous le germe de l’Esprit, si bien enterré dans nos cailloux profonds…

19 décembre 2021

Mystère de l’incarnation - 2 - 19


On peut écrire beaucoup de chose sur l’incarnation, évoquer des certitudes et des dogmes. Il me semble que tout commence par une contemplation, au delà de l’apparente violence des éléments, des vents et du feu, il demeure une tendresse et une espérance qui demeure et fissure nos certitudes, comme cette attente du Printemps qui habite nos hivers.

Les terres arides ne peuvent demeurer stériles, une jeune fille va enfanter crie Michée au milieu de la nuit.



Dans les ombres et marécages de notre propre humanité, dont l’Ancien Testament fait écho, un germe d’espérance se prépare, tressaillement dont Jean-Baptiste se fait le premier écho, marquant une page qui se tourne.

Tout ce qui suit quitte l’histoire pure, pour devenir chemin de foi, d’espérance et de charité.

L’amour divin n’est pas violent, il est brise légère, courant d’air, humilité, incarnation, visitation, alliance. 

Avant même les Évangiles, Paul avait déjà compris l’essentiel, à la fois à travers sa propre expérience, même s’il existe trois récits, et surtout dans son approche de Ph 2. « Il n’a pas retint le rang qui l’égalait à Dieu », mais s’est dépouillé, agenouillé… humilité de Dieu, kénose trinitaire, danse de Dieu vers l’homme.

On peut taxer Paul de visionnaire, il va plus loin sur ce thème que bien des évangiles. Ce n’est pas de l’ordre du dogme, mais chemin à contempler, contemplation et agenouillement, lieu de frémissement et de méditation. Les crispations postérieures ne sont souvent que des bulles de l’histoire 😉

Un sauveur vient, il est là, il reviendra.

22 août 2020

Qui est Jésus - homélie du 21ème (et 22eme) dimanche du Temps Ordinaire, Année…

Projet 5 - allégé

Pour vous qui suis-je ?
La question que pose Jésus résonne encore aujourd'hui. Il nous la pose personnellement et en même temps la réponse nous échappe et reste ouverte car qui sommes nous pour parler du mystère de Dieu fait homme ?

Trois clés de lecture.
Le contexte
La pédagogie sous jacente
L'enjeu pour Pierre et surtout pour nous.

Paul nous le glisse dans Romains 11, rien n'est réductible quand on aborde la nature de Dieu :
« Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! Qui a connu la pensée du Seigneur ? » Tout au plus pouvons nous contempler sa pédagogie.
Si vous n'avez jamais fait l'expérience, je vous invite à lire un évangile de bout en bout, comme le tente dans notre paroisse les maisons d’Évangile. C'est probablement la meilleure façon de préparer votre réponse à cette question du « qui suis-je pour vous? ».
Et en même temps, il ne s'agit pas d'étaler nos connaissances de l'inconnaissable, mais bien de témoigner d'une révélation intérieure comme celle de Pierre. L'idée de Dieu vient à nous du fond de notre cœur.

Le contexte
Il y a notamment une pédagogie propre à chaque évangéliste. Le texte de l'évangile d'aujourd'hui est central, pour Marc 8 (27-30) comme pour Matthieu 16 13-20 et Luc (9, 18-21) qui se lisent souvent en miroir. Ce texte est en effet un point de passage. Les experts (exégètes) le disent : la question posée à Césarée est un point charnière. Il y a l'avant et l'après.
L'avant, c'est le chemin de l'homme. Jésus qui se révèle par ses actes, comme un personnage peu ordinaire. Jusqu'à cet épisode de la multiplication des pains et chez Marc de l'aveugle né. [Que l'aveugle vienne juste avant la question peut être considéré comme un clin d'œil de Marc...
Marc semble dire : Avant vous étiez aveugle. Maintenant c'est officiel : Il est l'oint de Dieu... ]
L'après c'est la marche vers Jérusalem, l'annonce de la mort.
Dans tous ces textes se traduit aussi une pédagogie particulière. Jésus n'est pas arrivé avec fanfare et trompette en proclamant sa divinité ou son titre de Messie.
Non. Il a commencé par être homme, aimant, attentif, vrai en paroles et en vérité. Cette pédagogie s'inscrit dans la pédagogie même de Dieu...
La question qu'il pose à Pierre est donc centrale.
Qui suis-je ?


La réponse de Pierre montre qu'il a compris, qu'en lui s'est révélé quelque chose. Et pourtant, dans le texte suivant que nous verrons dimanche prochain [la liturgie coupe et c’est dommage un ensemble cohérent] Pierre va refuser la Croix.. Paradoxe également pédagogique.
Pierre a une révélation sur la nature du Christ et pourtant il ne saisit pas la Passion. Qui pourrait à ce stade d'ailleurs ?
Soulignons le, c'est entre la révélation et l'erreur de Pierre que Jésus donne à l'apôtre sa mission. Au cœur d'une tension...

Que dire aujourd'hui.
L'erreur est de croire que nous savons répondre.
Je ne sais pas qui est Jésus.
Je suis en recherche.
Nous le sommes tous.
Le danger est de se croire arrivé, d'avoir tout saisi.
Le mystère est plus grand, plus profond, plus large.
Tout ce que nous avons compris est « balayures »  dit Paul, notre course est de « le saisir et de se laisser saisir par lui (Ph 3) ».

Quel est alors notre mission pour aujourd’hui ?
Peut-être réentendre la question du Christ : Pour vous qui suis-je ?
Est-ce un Dieu que l’on vénère du bout des lèvres le dimanche ou au contraire quelqu’un qui transforme nos façons d’agir? Nous émeut et nous met en mouvement ? Pouvons nous affirmer qu’il est le chemin la vérité et la vie.

La semaine dernière nous avons fêté les 40 ans de sacerdoce de notre curé. 40 ans de vie donnée. Gageons que cette mise en mouvement est fondée sur une réponse à la question du Christ. Nous sommes petits face à cette dynamique du don...

La question que nous pose Jésus reste valable et la réponse vient de l’Esprit. Restons attentif à cela, car c’est l’Esprit qui a conduit Pierre, qui conduit l’Église et qui conduit chacun de nous à être des pierres vivantes de cette Église fondée sur Pierre.


21 mai 2020

Dieu dépouillé - 8 - Méditation sur l’ascension

Version 2
La clé de lecture de mes lectures pastorales se trouve dans l'humilité de Dieu (la kénose des théologiens). D'où le titre un peu provocateur de Dieu dépouillé de mon dernier opus (1)  - inspiré par un texte de François Cassingena-Trévédy publié récemment dans Etudes (cf. billet récent) sur le dépouillement. Cette humilité est le cœur du kérygme, inaccessible pour l'homme que je suis, et pourtant but à saisir (au sens de Ph. 3) et ligne de conduite bien difficile.

Elle est aussi une clé de l'ascension que nous fêtons aujourd'hui, comme le montre ce petit extrait du docteur angélique découvert ce matin sur l'Évangile au Quotidien alors que je me trouvais bien sec sur l'ascension : « le Christ méritait d'être au ciel à cause de son humilité. En effet, aucune humilité n'est aussi grande que celle du Christ, car alors qu'il était Dieu, il voulut devenir homme ; alors qu'il était Seigneur, il voulut prendre la condition de l'esclave, se rendant obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7) et il descendit jusqu'en enfer : aussi mérita-t-il d'être exalté jusqu'au ciel, au trône de Dieu. L'humilité en effet est la voie qui conduit à l'exaltation. « Celui qui s'abaisse, dit le Seigneur, (Lc 14, 11) sera élevé, et saint Paul écrit aux Éphésiens (4, 10) : « Celui qui est descendu, c'est le même qui est aussi monté par-delà tous les cieux. »(2).
Pour comprendre cette affirmation il faut remonter un peu plus haut dans le texte cité «  Les saints aussi montent au ciel, cependant ils n'y montent pas de la même manière que le Christ ; le Christ en effet s'est élevé aux cieux de sa propre puissance, mais les saints s'y élèvent comme entraînés par le Christ. Aussi lui disons-nous avec l'épouse du Cantique (1, 3) : « Seigneur, entraîne-nous à ta suite. » On peut dire également que personne ne monte au ciel si ce n'est le Christ. Le Christ en effet est la Tête de l'Église, et les saints ne montent au ciel que parce qu'ils sont ses membres. »(3).
Le mystère de l'ascension s'inscrit dans la tradition hébraïque de l'ascension d'Élie (4) et dans la méditation des anges qui montent et descendent de l'échelle de Jacob (5) et notamment de l'interprétation donnée par le targum (6).
Cette dimension verticale est soulignée par Thomas d'Acquin dans le même texte « le Christ tire son origine de Dieu, qui est au-dessus de tout. Jésus dit en effet à ses Apôtres (Jn 16, 28) : « Je suis sorti du Père et je suis venu au monde : maintenant je quitte le monde et je vais au Père. » (7)
Cet axe vertical est surtout à contempler pour moi dans cet axe particulier de la kénose c'est pourquoi il faut relire Thomas dans le bon sens, pour percevoir in fine l'insistance sur le dépouillement comme clé d'interprétation de l'ensemble.
Paul le dit très bien dans Ph. 2, c'est parce qu'il c'est abaissé que Dieu lui a donné le nom (de Jésus c'est-à-dire de Dieu sauveur).
Il nous reste aujourd'hui à méditer la dernière phrase du Christ qui est notre espérance : « je serai avec vous » et contempler le triple don qu'il nous fait dans l'Écriture, l'eucharistie partagée et l'Esprit déposé en nous par les sacrements reçus du baptême et de la confirmation.

Alors, dans la dynamique même de son dépouillement, pourrons-nous le laisser « transformer notre corps humilié, en le configurant à son corps glorieux par l’opération qui le rend capable de tout s’assujettir.» Philippiens‬ ‭3:21‬

(1) cf. sur Fnac.com en téléchargement gratuit
(2) Saint Thomas d'Aquin, Commentaire du Credo (Le Credo; trad. par un moine de Fontgombault; collection Docteur Commun; Nouv. éd. latines, 1969; p. 137.139; rev.)
(3) ibid.
(4, 5, 6) Dieu dépouillé
(7) St Thomas, op. cit.

09 mai 2020

Dépouillement - 2 - méditation du 5eme dimanche de Pâques


Projet 2
Il y a une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! » Et les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq
De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est toute nos constructions humaines, notre monde financier certes mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de son peuple. Face à ce désert et ce dépouillement il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).
Ce qui demeure est ce qui dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. Le rideau est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).
La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.
Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies. Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.

« Le Christ Jésus, +
ayant la condition de Dieu, *
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
7 Mais il s'est anéanti, *
prenant la condition de serviteur.
Devenu semblable aux hommes, +
reconnu homme à son aspect, *
8 il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort, *
et la mort de la croix.
9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse *
au ciel, sur terre et aux enfers,
11  et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur » *
à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)

Le suis le chemin...
Et quel chemin. L’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.
Il est vérité et vie.
À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partager.
Je suis...
Il est chemin, il est présent.
Présent dans le cri du frère, dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...

(1) cf. mon livre éponyme



01 avril 2020

Homélie du dimanche des Rameaux et de la passion année A - Isaïe 50…

Projet 2


Jusqu'où peut-on aimer ?

À l'heure où de nombreux soignants donnent tout ce qu'ils peuvent et parfois leur vie pour sauver les plus fragiles d'entre nous, il nous faut rentrer dans le silence et la contemplation de la Passion.

« Ceci est mon corps (...) et mon sang versé »

On cherche trop Dieu dans les miracles et les bonheurs apparents alors qu'il est là dans le don, la souffrance, les outrages (cf. Is. 50, 6) et se révèle sur la croix. Dieu est nu...

Jamais Dieu ne se révèle mieux que dans la croix.

Si le rideau du temple se déchire de haut en bas, (Mat 27, .Mc 16) c'est que Dieu lui-même dévoile ce qui était caché.

C'est ce que nous dit Paul dans cet hymne magnifique des Philippiens 2 qui révèle le cœur du mystère :


Le Christ Jésus,
 ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
    Mais il s'est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix.
    C'est pourquoi Dieu l'a exalté :
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
    afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

Il n'y a rien à ajouter... Sauf peut-être à ne pas fermer notre porte. Dieu se fait proche, petit, faible pour que nous puissions le laisser germer en nous. Ne laissons-pas cette lumière sous le boisseau, laissons-là transparaître.

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte.
Ceux qui on compris cela ne demeure pas dans une contemplation stérile, mais deviennent acteurs, co-créateurs, mains de Dieu.

C'est peut-être ce que nous contemplons aujourd'hui dans cette belle mobilisation des aidants.
Nos soignants sont, par leur sacrifice, les nouveaux prêtres du saint mystère de l'amour donné, livré et nu, car fragile et exposé...

Nous autres clercs n'arriverons pas forcément à égaler cela. Ce que nous symbolisons virtuellement ils le rendent visible par leur vie.
Prions pour eux

19 novembre 2019

Homélie du 24/11 - Christ Roi - sur les pas de Luc 23 - kénose 147

Projet 3
Qu'est-ce que la royauté du Christ ?
Quel est le roi que nous présente ces deux textes ?
Où sont leurs signes de pouvoir ?
Quel est le fils qu'a choisi Samuel ?
Rappelons nous ce récit.
«Samuel ajouta: «Sont-ils tous là?» – «Non, répondit Jessé; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons.» – «Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là.» Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel: «C'est lui, consacre-le comme roi.»»
‭‭1 Samuel‬ ‭16:11-12‬
Samuel ne prend pas le plus fort. L’élection se fait par le regard du prophète qui, grâce à Dieu , lit le cœur de l’homme.
Christ est roi. D’où vient sa royauté ?
Où sont les pouvoirs de Jésus ?
Il semble important de contempler cela avant de méditer où cela nous conduit
La liturgie nous invite à un déplacement.
Le Christ est rayonnant de gloire alors même qu’il est « élevé » sur un instrument de malédiction.
Jean 3,14 rappelle d’ailleurs le lien entre cette élévation et celle du serpent au désert. Moise le mettait au bon d’un bâton pour guérir le peuple.
Qu’est-ce qui est élevé ? Le bon larron voit ce que l’autre ne voit pas.
La violence n’est pas le chemin.
Et nous ?
« Tu n'aurais pas de pouvoir/autorité si elle ne t'avais été donnée... » (Jn 19,11) dit Jésus à Pilate
Où est notre vocation ?
Que veut dire être prêtre prophète et roi ?
N'est ce pas marcher sur les pas du Christ
Entrer dans l'humilité (la kénose)
« Le Christ n'a pas retint jalousement le rang qui l'égalait à Dieu.. mais il s'est anéanti ». (Ph 2)
Le royaume est à venir
Il est don de Dieu.
Tout à l’heure il va se faire tout petit pour entrer en nous. Laissons lui une place...
L’humilité de Dieu nous conduit à un autre royaume, celui de l’amour. Il nécessite de mourir à tout désir de puissance pour ce laisser porter par une seule puissance : « l'amour est ta force. Écoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). (...) En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. (...) C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. (...) Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour »(1)

(1) Saint Augustin Les Discours sur les Psaumes, Ps 121, §3,12

23 août 2019

Croix, mythe et raison

Face face au risque de l'irrationnel ou "les assauts d'une logique du monde, d'un logos lumineseument éclairant et raisonnable, [qui] du coup fait vaciller voire  même annul[er] le récit de ce qui se déploie dans l'histoire (...) Paul met sur le devant de la scène les mè-onta, les gens de rien, les absents du triomphe de la force de la puissance. Logos et mythos : chacune de ces instances a la prétention de s'imposer à l'autre, de lui imposer sa gouvernance, et voici que, sous la figure de la nuit, la croix (stauros) dépasse et annule l'une et l'autre de ces revendications [d'autonomie] et d'hégémonie. Paul parlera même d'un Logos tout staurou , d'un logos de la Croix qui disqualifie les logoï de la sagesse humaine (..)(1) "Dieu n'est pas plus du côté de l'infini de grandeur que de l'infini de petitesse" (2)

La citation de Merleau Ponty me laisse néanmoins rêveur. La Croix n'est elle pas chemin de kenose ? L'infini de petitesse est pour moi le langage de la Croix, le logos tou staurou évoqué. Et c'est pourquoi il relève dans ce mouvement si bien décrit de Ph 2, 12.



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 594
(2) citation inédite de M. Merleau Ponty, ibid.

19 mai 2019

Au fil de jean 13 - Imitation et gloire - Homélie du 5eme dimanche de Pâques - Année C - 2

« Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » (Jn 13)

Qu'elle est la gloire dont nous parle Jésus? La question mérite d'être travaillée en entendant l'Évangile. D'autant qu'elle mérite un énorme déplacement par rapport à notre vision humaine.

Frères et sœurs, cet évangile est court, mais nous conduis au terme d'un parcours inouï celui où Dieu nous invite à grimper sur une haute montagne, celle de l'amour.
Grimper ? Où plutôt descendre ?

Un journaliste que je ne citerais pas parlais récemment de la Tour Eiffel en lui donnant le surnom de Notre dame de fer... Tour de Babel.... pourrais-t-on dire. Il faudrait relire Apocalypse 18 (cf. Plus bas)
pour comprendre peut-être que notre tour à nous, à l’image de Notre Dame est descendue très bas...pour ne laisser qu’une chose, la Croix, visage du Père.

Je vous propose de le lire l’Evangile aussi à l'envers. 

Aimons-nous les uns les autres...
Pas à moitié, en passant, en critiquant par derrière La critique de l'autre trahit notre orgueil, notre jalousie 
Aimons-nous les uns les autres comme
Comme le dit Paul à plusieurs reprises dans ses lettres: imitez moi comme j'imite le Christ. Ce n'est pas sur l'apparence que cela se joue, mais bien dans cette course infinie où je me laisse saisir par lui (cf. Ph 3).
Il est le chemin...
C'est là un commandement nouveau. Il ne s'agit pas d'aimer comme le fond tous les hommes, dans une logique d'échange : je t'aime parce que ou pour que tu m'aimes. Non, la nouveauté du Christ c'est d'entrer dans le don gratuit, immense, sans limites, débordant d'un Dieu qui s'oublie pour se donner jusqu'à la Croix. 
C'est peut-être sous les pas de Jean Vanier que nous avons à chercher le chemin de l'amour gratuit.
Quelle est la découverte de Jean Vanier ? c'est peut-être de regarder les choses à l'envers. Le petit, le faible, le rejeté, le fêlé nous donnes accès à Dieu. 
Le fragile révèle ma fragilité et me fait tomber à genoux devant le petit et le faible.
Comme le diacre Philippe pendu par les pieds laissons nous retourner. La gloire de Dieu, c'est de voir le monde à l'envers des hommes : aimer le petit et le faible. 
C'est le chemin du Christ, la kénose, Écoutons ce que nous dit Paul en Ph. 2. Il s'est abaissé, c'est fait esclave, c'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui a donné la gloire. 
Nous en venons à l'Évangile.
À contempler : 
1 le contexte du discours  : le dernier repas, après le lavement des pieds ! À contempler !
2 L'inversion où nous conduit Paul (la kénose) par Paul en Ph 2, 11 : c'est de comprendre que c'est dans l'abaissement et l'humilité que le Christ dévoile sa gloire.
C'est à genoux que Dieu se révèle.

3 Le commandement : aimer vous comme, n'a de sens que sur le comme Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est dévoilé et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»
Quand nous comprenons cette clé de lecture tout s'éclaircit. Il est le chemin. Il est la Vie. 
Cette gloire, d'un amour transpercé, va prendre alors sens silencieusement. Nous pouvons suivre Paul dans sa course. C'est ce que nous révèle la première lecture. L'amour qui nous conduit à imiter le Christ est le royaume nouveau vers lequel il nous conduit. En nous avançant vers l'Eucharistie, nous pouvons dire Me voici. Je veux marcher à ta suite. Je veux m'agenouiller moi aussi. Aimer comme tu nous as aimé.

18 mai 2019

Au fil de Jean 13, 31 - ébauche d’homélie du 5eme dimanche de Pâques - hommage à Jean Vanier

Ébauche n.4 pour samedi...et dimanche (commentaires bienvenus)

« Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.
Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous.
 Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
 À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13)

Quelle est la gloire dont nous parle Jésus?
La question mérite d'être travaillée en entendant l'Évangile.
D'autant qu'elle mérite un énorme déplacement par rapport à notre vision humaine 
À développer : 
  1. le contexte du discours  : le dernier repas, après le lavement des pieds ! À contempler !
  2. La kénose décrite par Paul en Ph 2, 11 : c’est de comprendre que c’est dans l’abaissement et l’humilité que le Christ dévoile sa gloire
  3. Le commandement : aimer vous comme, n’a de sens que sur le comme 
La question légitime m'a été posée en groupe de lecture (lectio divina) sur ces deux versets de Jn 13 : « Νν δοξάσθη  υἱὸς το νθρώπου, κα  θες δοξάσθη ν ατ· ε  θες δοξάσθη ν ατ, κα  θες δοξάσει ατν ν ατ, κα εθς δοξάσει ατόν.» («Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt.») 
Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, à l'aune de Ph. 2,11 et de la kénose, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation kénotique de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est dévoilé et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»

Aimons-nous les uns les autres...
Pas à moitié, en passant, en critiquant par derrière 
La critique de l'autre trahit notre orgueil, notre jalousie 
Aimons-nous les uns les autres comme
Comme le dit Paul à plusieurs reprises dans ses lettres: imitez moi qui imite le Christ. Ce n’est pas sur l’apparence que cela se joue, mais bien dans cette course infinie où je me laisse saisir par lui (cf. Ph 3).
Il est le chemin...
C’est là un commandement nouveau. Il ne s’agit pas d’aimer comme le fond tous les hommes, dans une logique d’échange : je t’aime parce que ou pour que tu m’aimes. Non, la nouveauté du Christ c’est d’entrer dans le don gratuit, immense, sans limites, débordant d’un Dieu qui s’oublie pour se donner jusqu’à la Croix. 
C’est peut-être sous les pas de Jean Vanier que nous avons à chercher le chemin de l’amour gratuit.
Quelle est la découverte de Jean Vanier, c’est peut-être de regarder les choses à l’envers. Le petit, le faible, le rejeté, le fêlé nous donnes accès à Dieu. Comme le diacre Philippe pendu par les pieds laissons nous retourner. La gloire de Dieu, c’est de voir le monde à l’envers des hommes : aimer le petit et le faible. 
C’est le chemin du Christ, la kénose, Écoutons ce que nous dit Paul en Ph. 2. Il s’est abaissé, c’est fait esclave, c’est pourquoi Dieu l’a relevé et lui a donné la gloire. 



14 avril 2019

Au fil de Luc 22 et 23, dimanche des Rameaux, homélie 3

Troisième ébauche
Frères et sœurs, en ce jour des Rameaux se pose une grande question, comme le point ultime de notre vie : En quoi croyez-vous ? 
Qui est votre roi ? 
Est-ce un roi de toute puissance ou un roi de faiblesse ? 

Une tension apparaît en effet entre le roi acclamé pour les rameaux et ce Christ mort sur une croix. C’est dans l’intervalle entre notre rêve de royaume et de protection et cette faiblesse du Christ en croix que se situe le cœur de notre foi et qu’il nous faut méditer aujourd’hui. 

C'est une question essentielle et qui interpelle aujourd'hui jusqu'à l'essence même de notre Église. [sans plus de commentaire]

Si nous croyons en un roi tout-puissant, alors pourquoi le mal, pourquoi la liberté, pourquoi l'amour...

Méfions nous de nos désirs de puissance, nos projections. Si nous projetons nos désirs sur un Dieu tout puissant c'est que nous avons nous-mêmes un désir de puissance et de pouvoir. Le pouvoir, la toute puissance c'est ce qu'attendaient un peu cette foule qui acclame Jésus aux Rameaux. La protection d'un roi ?

Et nous qu'attendons nous de Dieu ?

Les textes que nous avons entendu, la première lecture, Isaïe 50 et les Philippiens nous aide à rentrer dans cette tension particulière. ces textes nous aide à contempler le Christ dans sa faiblesse, faiblesse qui n’est pas une lâcheté mais une humilité et une faiblesse au sens particulier que lui donne Paul (c’est quand je suis faible que je suis fort" (2 Co 12) et qui nous dévoile l’amour. 

L’amour de Dieu porté jusqu’au bout, jusqu’à son paroxysme. L’amour qui va jusqu’au silence, qui va jusque dans la bienveillance vis-à-vis de Judas, dans ce refus de la violence, un refus de sortir l’épée pour se laisser entraîner comme un agneau à l’abattoir, un silence qui n’a d’autres buts que de montrer l’échec de la violence, le non sens de mon désir de puissance.

La leçon des Rameaux, la leçon de Jésus c’est que ce Dieu tout puissant que nous vénérons n’est pas le vrai Dieu. C’est le Dieu de nos désirs et non le Dieu amour.

Pourquoi en effet Jésus monte-il sur un petit âne fragile et non sur un cheval ?

Pourquoi se laisse-t-il conduire « à l’abattoir ? »
Comme un agneau sans tâche au milieu des loups. Relisons ce que dit Isaïe 
« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille,
et moi, je ne me suis pas révolté,
je ne me suis pas dérobé.
    J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient,
et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.
Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats.. »

Pourquoi s’enfermer dans le silence devant ses accusateurs 
La clé de lecture des Rameaux se révèle dans l’hymne aux Philippiens, Prenez le temps de méditer cette lettre de Paul cette semaine. Elle est centrale pour comprendre la passivité de Jésus dans sa Passion. Son silence, sa douleur, son abandon de tout pouvoir fait de lui un véritable compagnon de nos souffrances.

« Le Christ Jésus,
    ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
    Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort »

La toute puissance de Dieu n’est pas violence. Elle n’est pas un royaume au sens des hommes. Elle est faiblesse, humilité, kénose. Elle est amour.

« Ai-je autant aimé les anges ? Non, c'est toi, le misérable, que j'ai chéri. J'ai caché ma gloire et moi, le Riche, je me suis fait pauvre délibérément, car je t'aime beaucoup. Pour toi, j'ai souffert la faim, la soif, la fatigue. J'ai parcouru montagnes, ravins et vallons en te cherchant, brebis égarée ; j'ai pris le nom de l'agneau pour te ramener en t'attirant par ma voix de pasteur, et je veux donner ma vie pour toi, afin de t'arracher à la griffe du loup. Je supporte tout pour que tu cries : « Tu es béni, toi qui viens rappeler Adam ».(1)

Dieu n’est qu’amour nous disait le père Varillon (2)
Dieu n’est qu’amour... C’est en contemplant la Croix que se révèle en nous la clé de ce « que ». Et dans cette folie de l’amour divin se joue l’invitation fragile de Dieu à le suivre.

La puissance de Dieu est folie pour les hommes. Elle se contemple sur la croix. Pourquoi le rideau se déchire de haut en bas ? Parce que ce qui était caché aux juifs dans le temple est maintenant dévoilé : l’amour de Dieu est visible. Il est cloué sur la Croix. Il se donne aujourd’hui dans cette eucharistie que nous allons célébré : 
Soyons à notre tour, amour. Ne laissons pas le Christ mourir pour rien (3)

(1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 32 (trad. SC 128, p. 31s, rev)
(2) François Varillon, Joie de croire, joie de vivre
(3) Sur ce thème voir mes développements en Sur les pas de Jean et Dieu n’est pas Violent.


04 janvier 2019

Au fil de Jean 1,35-42 - l’agneau de Dieu

« En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples.
Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l'Agneau de Dieu. »

Hier nous méditions sur le nom de Jésus, Dieu sauve. La tradition nous révèle bien d'autres noms, comme le souligne Grégoire de Naziance : « Jésus est Fils de l'homme, à cause d'Adam et à cause de la Vierge, dont il descend... Il est Christ, l'Oint, le Messie, à cause de sa divinité ; cette divinité est l'onction de son humanité..., présence totale de Celui qui le consacre ainsi... Il est la Voie, parce qu'il nous conduit lui-même. Il est la Porte, parce qu'il nous introduit au Royaume. Il est le Berger, parce qu'il guide son troupeau vers le pâturage et lui fait boire une eau rafraîchissante ; il lui montre la route à suivre et le défend contre les bêtes sauvages ; il ramène la brebis errante, retrouve la brebis perdue, panse la brebis blessée, garde les brebis qui sont en bonne santé et, grâce aux paroles que lui inspire son savoir de pasteur, il les rassemble dans le bercail d'en haut. » (1)

Et pourtant le titre le plus marquant est celui souligné par Jean Baptiste, car il résume et introduit à la Croix : « Il est aussi la Brebis, parce qu'il est victime. Il est l'Agneau, parce qu'il est sans défaut. ». Contempler l'agneau c'est laisser fondre en nous toute tentation de pouvoir, d'avoir et de valoir. C'est laisser résonner en nous la kénose (cf. Ph. 2) et l'abandon du Christ, entendre à nouveau le psaume 39 (40) : « tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici je veux faire ta volonté”

C'est pourquoi  « Il est Grand prêtre, parce qu'il offre le sacrifice. Il est Prêtre selon Melchisédech, parce qu'il est sans mère dans le ciel, sans père ici-bas, sans généalogie là-haut car, dit l'Ecriture, « qui racontera sa génération ? » Il est aussi Melchisédech, parce qu'il est Roi de Salem, Roi de la paix, Roi de la justice... Voilà les noms du Fils, Jésus Christ, « hier, aujourd'hui, toujours le même », corporellement et spirituellement, « et il le sera à jamais ». Amen.
(Références bibliques : Mt 24,27 ; Mt 1,16 ; Jn 14,6 ; Jn 10,9 ; Jn 11 ; Ps 22 ; Is 53,7 ; Jn 1,29 ; He 6,20 ; He 6,20 ; He 7,3 ; Is 53,8 ; He 7,2 ; He 13,8) (2)


(1) Saint Grégoire de Nazianze, Discours théologique 4 (trad. coll. Les Pères dans la foi, Migne 1995, p. 125 rev.), source Evangelizo 
(2) ibid.


07 novembre 2018

Au fil de Luc 14,27, 33 - suivre Jésus


Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. (...) Ainsi donc, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »(1)

On peut toujours arguer et fuir devant l'exigence du Verbe. Et n'est-ce pas souvent notre cas ? Pourtant nos aînés dans la foi nous montre un chemin plus radical qui ne peut que nous interpeler. 
« Le père de François voulait le faire comparaître devant l'évêque pour qu'il renonce à tous ses droits d'héritier et lui restitue tout ce qu'il possédait encore. François, en véritable amant de la pauvreté, se prête volontiers à la cérémonie, se présente au tribunal de l'évêque et, sans attendre un moment ni hésiter en quoi que ce soit, sans attendre un ordre ni demander une explication, enlève aussitôt tous ses habits et les rend à son père... Rempli de ferveur, emporté par l'ivresse spirituelle, il quitte jusqu'à ses chausses et, complètement nu devant toute l'assistance, déclare à son père : « Jusqu'ici je t'ai appelé père sur la terre ; désormais, je puis dire avec assurance : 'Notre Père qui es aux cieux', puisque c'est à lui que j'ai confié mon trésor et donné ma foi. » L'évêque, un homme saint et très digne, pleurait d'admiration à voir les excès où le portait son amour de Dieu ; il s'est levé, a attiré le jeune homme dans ses bras, l'a couvert de son manteau et a fait apporter de quoi l'habiller. On lui a donné le pauvre manteau de bure d'un fermier au service de l'évêque. François l'a reçu avec reconnaissance et, ramassant ensuite sur le chemin un morceau de gypse, y a tracé une croix ; ce vêtement signifiait bien cet homme crucifié, ce pauvre à moitié nu. C'est ainsi que le serviteur du Grand Roi a été laissé nu pour marcher à la suite de son Seigneur attaché nu à la croix. » (2)

Hier nous écoutions l'hymne aux Philippiens qui a très probablement inspiré ce geste : méditons le : « lui qui était vraiment divin, il ne s'est pas prévalu d'un rang d'égalité avec Dieu, mais il s'est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains; reconnu à son aspect comme humain, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort – la mort sur la croix.» (3)

Il nous faut à notre tour « quitter nos vêtements » (cf. Ex 33, 5) pour retrouver la nudité originelle (Gn 2, 25)

1) Traduction Liturgique de la Bible - source AELF
(2) Saint Bonaventure, La Vie de saint François, Legenda major, ch. 2 (trad. Vorreux et Desbonnets, Documents, Eds. Franciscaines 1968, p. 576 rev.), source Evangelizo 
(3) Philippiens 2:6-8 NBS

01 avril 2018

Déposer et revivre - il est ressuscité !

Comme le suggère déjà Isaïe 53, 12, "il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort,et il a été compté avec les pécheurs, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs."
Méditons un instant ce dépouillement à l' aune de Jn 10, 17-18.
Ma vie, nulle ne la prends, c'est moi qui la dépose ...

Il a déposé sa vie entre les mains du Père.  "C'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui à donné le nom" de Dieu sauveur, suggère en écho Philippiens 2.

Louange et gloire à notre Dieu.  Il est ressuscité !

20 juin 2016

Au nom du Christ

"Se laisser saisir par le Christ",  tel est la vocation à laquelle nous appelle saint Paul en Philippiens 3. Si nous écoutons bien le message de Paul, il s'agit surtout de l'imiter lui qui cherche, sans jamais y parvenir, à imiter le Christ.  Qui peut d'ailleurs imiter celui à qui Dieu "a donné le nom de Jésus" (Ph. 2),
Quel est ce nom ? La contemplation de Paul part de la kénose,  de celui "qui n'a pas retint le rang qui l'égalait à Dieu,  mais qui s'est anéanti,  vidé de lui même et a pris le rang de serviteur jusqu'à mourir".
"Saint Paul, avec plus de précision que personne, a compris qui est le Christ et a montré, à partir de ce que celui-ci a fait, comment doivent être ceux qui portent son nom. Il l'a imité si clairement qu'il a montré en sa personne quelle est la condition de son Seigneur. Par cette imitation très exacte, il a confondu l'image de son âme avec son prototype au point que ce n'était plus Paul qui semblait vivre et parler, mais le Christ lui-même. Comme il le dit, en prenant admirablement conscience de ses propres avantages : Puisque vous désirez avoir la preuve que le Christ parle en moi. (...) Et encore : Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi.Il nous a donc révélé ce que signifie le nom du Christ, lorsqu'il nous dit, que le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu ; en outre, il l'a appelé paix et lumière inaccessible où Dieu habite, sanctification et rédemption, grand prêtre, agneau pascal, pardon pour les âmes, lumière éclatante de la gloire, expression parfaite de la substance, créateur des mondes, nourriture et boisson spirituelle, rocher et eau, fondement de la foi, pierre angulaire, image de Dieu invisible, grand Dieu, tête du corps qui est l'Église, premier-né avant toute créature, premier-né d'entre les morts, premier-né de la multitude de frères, médiateur entre Dieu et les hommes, Fils unique couronné de gloire et d'honneur, Seigneur de gloire, commencement de ce qui existe,  (...) roi de justice et ensuite roi de paix, et roi de tous les hommes, avec une puissance royale sans aucune limite". Grégoire a qui nous empruntons ce commentaire ajoute :"il y a encore beaucoup de noms à ajouter à ceux-là, et leur nombre les rend difficiles à compter. Mais si nous rassemblons tous ces noms et si nous rapprochons leurs diverses significations, ils nous montreront tout ce que signifie le nom de Christ, si bien que nous pourrons comprendre toute la grandeur de ce nom inexprimable. (...) Puisque nous avons reçu communication du plus grand, du plus divin et du premier de tous les noms, au point que nous sommes honorés du titre même du Christ en étant appelés « chrétiens », il est nécessaire que tous les noms qui traduisent ce mot se fassent voir aussi en nous, afin qu'en nous cette appellation ne soit pas mensongère, mais qu'elle reçoive le témoignage de notre vie" (1)
(1) Grégoire de Nysse, traité sur la perfection chrétienne, source AELF

09 mars 2016

Mort et mission

On connaît probablement l'interprétation de Bernard Sesboué sur la conscience progressive du Christ. J'apprécie ce que dit Balthasar sur le même thème, car il rejoint mes travaux en cours sur l'humilité de Dieu : "L'homme Jésus se comprend lui-même (...) comme ce qu'il est : La Parole du Père adressée au monde, dont la mission comporte le destin du grain de froment : mourir pour le monde et par là porter du fruit. Par là même il fait l'expérience de Dieu, non dans une vision objective, séparée de sa propre réalité, mais dans une humilité qui ne réfléchit pas sur elle-même (...) mais laisse en soi toute la place à Dieu et éprouve en sa propre réalité fonctionnelle la réalité du Dieu qui l'envoie, dispose de lui et l'engendre  éternellement. (...) la transparence de son humilité est expression de son assomption" (1)

On retrouve là l'accent de Ph. 2, 7, mais aussi cette idée de décentrement propre à Jean 15 et 16, où le Fils se love dans le projet du Père. 

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition,  tome 1, Cerf,  Ddb, 1965-1990, p. 275 (GC1)


04 décembre 2015

Vivre en Christ

Faire toutes ses œuvres en esprit d'oraison, ‎dans une interaction régulière avec la sainte trinité avec lequel Olier nous invite à "entrer en la force du Père, en la splendeur du Fils et en l'ardeur du Saint-Esprit" (1) en commençant par nous vider de nous mêmes, dépouillés de ce qui nous encombre, faisant notre l'attitude kénotique par excellence (cf Ph 2, 7), afin d'avoir "notre Seigneur devant les yeux, dans le coeur et dans les mains" (2)


(1) Cité par Gilles Chaillot, op. Cit p. 17-18
(2) p. 19

02 décembre 2015

Anéantissement

Qu'Olier introduise "l'anéantissement de soi" (1) comme une piste spirituelle semble abrupt pour Chaillot, comme probablement pour le lecteur d'aujourd'hui. Deux remarques sont à faire.
1) L'image qui évoque d'ailleurs le mystère de l'Eucharistie  rejoint ce que nous avons noté encore récemment chez Ignace d'Antioche comme ce "tout est rien" souligné chez Thérèse d'Avila et chez Saint Jean de la Croix.

2) le lien avec l'Eucharistie rapproche des théories kenotiques décrites notamment chez Balthasar et David Brown. On est donc au confluent de plusieurs écoles qui ne font que résonner avec la kénose décrite en Philippiens 2. On rejoint aussi l'image récemment citée chez Madeleine Delbrêl à propos du blé broyé, qui rappelle également le coeur brisé du Psaume 50.
Mais ce qui est en jeu est probablement cette venue en nous du Christ, au point qu'Olier nous appelle à devenir des "Jésus-Christ ‎vivants". (2)

‎(1) Gilles Chaillot, ibid p. 14
(2) p. 15

18 octobre 2015

Kénose de l'Église - 6

"L'imitez-moi" de Paul en Philippiens 3, 17 a été repris par les Pères de l'Église jusque dans ce texte de saint Thomas d'Aquin que le bréviaire nous donne à contempler en écho de la question des fils de Zébébédée en Marc 10. Pour le docteur Angélique,  "la Passion du Christ nous fournit un modèle valable pour toute notre vie... Si tu cherches un exemple de charité : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13)... Si tu cherches la patience, c'est sur la croix qu'on la trouve au maximum... Le Christ a souffert de grands maux sur la croix, et avec patience, puisque « couvert d'insultes il ne menaçait pas » (1P 2,23), « comme une brebis conduite à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche » (Is 53,7)... « Courons donc avec constance l'épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l'origine et au terme de notre foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix » (He 12,1-2).       Si tu cherches un exemple d'humilité, regarde le crucifié. (...) Si tu cherches un exemple d'obéissance, tu n'as qu'à suivre celui qui s'est fait obéissant au Père « jusqu'à la mort » (Ph 2,8). (...) Si tu cherches un exemple de mépris pour les biens terrestres, tu n'as qu'à suivre celui qui est le « Roi des rois et Seigneur des seigneurs », « en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (1Tm 6,15 ; Col 2,3) ; sur la croix il est nu, tourné en dérision, couvert de crachats, frappé, couronné d'épines, et enfin, abreuvé de fiel et de vinaigre. (1)

(1) Saint Thomas d'Aquin,   Conférence sur le Credo, 6, traduction Bréviaire 



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