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23 mai 2021

Méditation sur la Pentecôte - danse 50.3

C’est peut-être à partir du Buisson Ardent (1) que l’on peut considérer l’ensemble de la pédagogie divine(1) sur la Pentecôte. Le but ultime de notre réconciliation « en Christo »  est de rejoindre ce grand feu lumineux, qui nous purifie sans nous détruire, qu’est finalement la danse en Christ, dont on fait l’expérience les disciples au mont Thabor…

N’allons pas trop vite. Revisitons d’abord nos premiers pas, nos « Chemins du désert » (1) où nous cherchons à tâtons la lumière. 

« Poussé par l’Esprit au désert » où nous suivons le Christ, il nous faut d’abord subir la grande épreuve de la nuit, épreuve difficile que souligne depuis des siècles les mystiques de puis la nuit obscure de saint Jean de La Croix, jusqu’à celle de nos doutes confinés, comme ces nuits des mystiques que nous traduit magnifiquement François Marxer, « Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017 ».

Rappelons nous aussi nos pas encore fragiles, dans cette fausse nuit pré couvre feu 2021. 

Comme dans toutes les  Pâques, nous avons cherché à contempler ce feu béni hors de nos églises au bout de notre nuit spirituelle très symbolique des 40 jours de Carême. C’est alors une bien fragile lumière qui pénètre symboliquement dans l’église encore sombre,  brandie par le diacre en une triple évocation : « Lumière du Christ »avant qu’il n’entonne l’exultet. 

Qu’est ce à dire ?

Jésus est lumière et notre capacité à la contempler dans sa vraie clarté, n’est finalement possible qu’au bout du chemin. 

Il nous faut encore 40 jours de crainte, de doutes et d’hésitation. 

La liturgie nous a encore fait manduquer les hésitations de Pierre en Jean 21 ces derniers jours, derniers soubresauts d’une Église en devenir avant ces flammes de feu qui rendent tout lumineux.

« M’aimes-tu ? » demande trois fois Jésus à Pierre dans un decrescendo kénotique qui le fait passer en grec d’un « agapas me » à un « phileis me »…(2). M’aimes-tu d’agapé ou as tu seulement de l’affection pour moi… ? triple questionnement que l’école johannique inflige symboliquement à Pierre au terme du chemin qui prépare pour eux et symbolise sa réintégration dans la mission ecclésiale qui l’attend…(2) après la démarche à la fois kénotique et miséricordieuse qu’est finalement cette triple interpellation qui fait écho à son triple reniement… (3)


N’est-ce pas finalement le chemin de tout baptisé qui reçoit un cierge alors qu’il est encore tout endormi de ses nuits obscures et qu’il n’a pas encore fini son chemin ?

Les sacrements d’initiation vont devoir encore lui faire franchir de sacrés pas avant qu’il puisse confirmer de lui-même sa foi…

Il lui faudra percevoir comme Pierre, d’abord son insuffisance et son incapacité à aimer, percevoir qu’il nous faut retirer ses sandales(1), pour découvrir que le feu intérieur qui brûle déjà en nous par le sacrement du baptême n’est pas encore lumière dans nos vies et qu’il nous faut le souffle de l’Esprit pour que nos sarments intérieurs trop souvent desséchés (4) prennent feu en Dieu. Alors pourrons nous percevons que Dieu ne cesse de nous appeler à choisir la lumière face à la nuit…


« Esprit de Dieu, tu es le feu,

Patiente braise dans la cendre,

A tout moment prête à surprendre

Le moindre souffle et à sauter

Comme un éclair vif et joyeux

Pour consumer en nous la paille,

Eprouver l'or aux grandes flammes

Du brasier de ta charité.


Esprit de Dieu, tu es le vent,

Où prends-tu souffle, à quel rivage?

Élie se cache le visage

A ton silence frémissant

Aux temps nouveaux tu es donné,

Soupir du monde en espérance,

Partout présent comme une danse,

Eclosion de ta liberté.


Esprit de Dieu, tu es rosée

De joie, de force et de tendresse,

Tu es la pluie de la promesse

Sur une terre abandonnée.

Jaillie du Fils ressuscité,

Tu nous animes, source claire,

Et nous ramènes vers le Père,

Au rocher de la vérité. »(5)




(1) cf. mon « Retire tes sandales » - une contemplation de la trilogie des 21 volumes d’Hans Urs von Balthasar et « Pédagogie divine »

(2) voir plus d’explication dans « A genoux devant l’homme »

(3) on peut reprocher à Zumstein de faire l’impasse là dessus dans son commentaire pourtant très exhaustif.

(4) cf. Ez 37 que nous contemplons la veille au soir

(5) hymne de l’office des lectures du dimanche de Pentecôte 

20 juillet 2020

Kénose de l’Eglise - dépouillement 23

La sainteté de l’Église est plus que jamais en question.
Comment y rester fidèle après les révélations récentes ?
Pourquoi et comment évoquer encore le mot de sainteté ?
Quelles sont les pistes d’une réforme ?
Peut on parler d’une nécessaire kénose de l’Église au sens d’un dépouillement salutaire...
Comment interpréter l’incendie de nos cathédrales, la désertion des fidèles...
Autant de sujets brûlants qui nécessitent une prise de hauteur.
Le livre suivant, écrit à partir de 2010, dans la foulée de celui du Père Vidal « Cette église que je cherche à comprendre » ne perd pas sa pertinence.
Reprenant les analyses de J. Moltmann, de H de Lubac ou Y. Congar, il trace aussi un chemin très personnel en tension entre contemplation et révolte.
Il est maintenant disponible gratuitement sous ce lien chez Fnac.com et kobo au format ePub :


La liste des 13 ouvrages déjà mis en ligne gratuitement est disponible plus bas ou sous ce lien...


« De même donc que le Seigneur n'a rien fait, ni par lui-même ni par ses Apôtres, sans son Père, avec qui il ne fait qu'un, ainsi vous-mêmes ne faites rien sans l'évêque et les presbytres. N'essayez pas de donner une apparence de raison à vos activités privées, mais faites tout en commun : une seule prière, une seule supplication, un seul esprit, une seule espérance dans la charité, dans la joie irréprochable ; un seul Jésus Christ, qui est au-dessus de tout. Concourez tous à former comme un seul temple de Dieu, autour d'un seul autel, en l'unique Jésus Christ, qui est sorti du Père unique, qui était auprès du Père unique, et qui est retourné à lui ». (1)

(1) saint Ignace d’Antioche, lettre aux Magnésiens, source : office des lectures de la 16 semaine 

17 juillet 2020

Nudité ultime - Dépouillement 21

Il y a un verset du chapitre 33 d'Exode que je ne cesse te contempler et méditer. Il suit Ex 32, et l'épisode du veau d'or et prépare Ex 34 et la révélation lumineuse du Dieu de tendresse à Moïse, dernière marche des épiphanies avant la Transfiguration.
Ce verset invite à « enlever ses vêtements de fête » (Ex 33,5) (1).
Qu'est-ce à dire ? Si ce n'est entrer dans ce dépouillement qui permet d'aller jusqu'à la vision de Dieu. Quel est le point ultime de ce mouvement, si ce n'est contempler la nudité du Christ dans son premier dépouillement, celui de l'enfant donné, dans le vêtement retiré du laveur de pieds, jusqu'à son dernier dépouillement, un Christ défiguré de l'amour versé, un Christ transpercé par nos violences et nos abandons, un Christ révélé derrière le rideau déchiré du Temple, un Christ lumineux de la grâce jaillissante d'un cœur brisé ?

Le dépouillement de Dieu est le prélude musical de la kénose de l'Église qui ne fait que commencer.
Il s'inscrit dans la dynamique même de la « séparation » entre ciel et terre de Gn 1 ou du « quitter » de Gn 2 où l'homme quitte père et mère pour ne faire qu'une seule chair avec l'aimé(e), et parvenir à cette nudité sans honte de l'être dépouillé qui danse avec autrui et y découvre une autre danse plus essentielle, celle qui le fait parvenir à l'en Christo(2), l'en Christ où le don danse avec son Donateur et devient co-createur de l'amour, passeur, engendrement de l'autre (3) à qui il insuffle l'amour reçu d'ailleurs et qu'il ne peut conserver sans perdre. La manne ne dure pas. Le pain reçu ne persiste que partagé...
La dynamique sacramentelle part de l'aride liturgie pour nous propulser de dépouillement en dépouillement jusqu'au don de soi, l'ultime diaconie...

La danse nuptiale du Christ et de son Église va de dépouillement en dépouillement(4).



(1) cf. L'amphore et le fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar développe abondamment ce thème dans la deuxième partie de sa trilogie.
(3) au sens charnel mais surtout au sens spirituel donné par P. Bacq et C. Théobald dans leur Pastorale de l'engendrement...
(4) « Dépouillement » est la web série qui complète la publication récente de « Dieu dépouillé », une exclusivité gratuite de 1200 pages sur fnac.com

16 juillet 2020

Ordination des femmes - Dépouillement 19 - espoir et conversion

Jusqu’où l’Eglise doit-elle se dépouiller ?
Le premier pas reste un appel toujours personnel adressé à chacun, dans la foulée de ce que je décris dans ma web série...(Dépouillement 1 à 18).

Il y en a un autre, plus difficile et double à mon avis :
1. celui des clercs (dont je fais maintenant partie) qui ne doivent jamais renoncer à s’éloigner de l’éternelle tentation du pouvoir et de l’orgueil qui s’attache à la fonction très symbolique de « ministre » - fonction qui est par essence d’abord une fonction de serviteur à l’image du Christ décrit par Jean (1).
2. et celui du féminisme qui s’attache à une égalité forcenée alors que les femmes ont des qualités qui leur sont propres...(ce qui n’exclut pas, comme on le verra plus loin une nécessaire réforme).

Depuis la candidature d'Anne Soupa au primat des gaules, des arguments valables ont été émis dans les deux sens, mais un chemin ardu est, j'espère, avancé. J´ai moi même souligné l'intérêt que l’on pourrait trouver dans une distanciation de plus en plus nécessaire entre pouvoir, surveillance, autorité, service et responsabilité.

A cette occasion je soulignais combien le rôle de surveillance attribué aux évêques par la plus ancienne des traditions pourrait fort bien échoir à des femmes, dans une urgence nettement appuyée par la crise récente.

Plus généralement c’est la notion même de sacrement qu’il serait nécessaire d´étendre pour ne pas réduire aux rites ce qui devrait être une dynamique sacramentelle (2)

Il y a enfin une dynamique post conciliaire à soutenir en faveur de la collégialité.

Je découvre tardivement un article de Charles Delhez qui a précisé notamment en juin dans La Croix que « Jésus a donné aux femmes une place plus importante que ses contemporains. Saint Paul (...) ajoute-t-il, « a proclamé haut et clair l'égalité de l'homme et de la femme.(...)(3)Réserver la prêtrise aux hommes est pour elle une question de cohérence symbolique [soulignant] deux manières différentes d'être au monde. » le jésuite belge précise néanmoins que  « Si l'on veut maintenir le dialogue avec la culture moderne et si on promeut une conception moins sacrée du prêtre, ordonner des femmes serait un pas en avant dans la ligne du tournant opéré par Jésus. Cela irait dans le sens de l'histoire et lèverait une réserve importante de nos contemporains vis-à-vis de l'institution ecclésiale. Ce ne serait pas un non-sens, me semble-t-il. (...)  La première étape serait dès lors la réinstauration de diaconesses et le choix de femmes cardinales. L'onction des malades pourrait aussi être donnée par le baptisé, femme ou homme, qui a mission d'accompagner spirituellement la personne souffrante. Ne doit-on pas desserrer l'étau sacramentel devenu un quasi-monopole sacerdotal et masculin (exception faite pour le mariage et le baptême) ? (...) La première question n'est cependant pas, selon moi, celle du sacerdoce, féminin ou masculin – ce serait encore du cléricalisme –, mais celle de la vitalité des communautés appelées à être davantage responsables et adultes. On peut d'ailleurs se demander si la figure actuelle du clergé n'est pas dépassée » (4)
Cette question rejoint ce que j'ai noté dans mon livre de 2013 : « Cette église que je cherche à aimer » (5) un plaidoyer que je ne renie pas en dépit de mon changement d'état.
S'il est important pour chacun de comprendre l'étendue de sa différence il n'est pas incompatible de concevoir l'intérêt pour chacun d'une certaine humilité entre fonction reçue et place effective, pouvoir donné et humilité.
Je reste persuadé qu'une conversion intérieure des clercs doit se faire pour réaliser l'impasse où nous sommes, comme il est utile, pour la femme de percevoir que la fonction n'est qu'un leurre et que l'important est d'aimer.

On relira sur ce thème la notion de polyèdre souvent soulignée dans ce blog, à la suite des propos de François.

Le plus urgent reste de percevoir que notre Église reste pécheresse, tout en espérant sa conversion individuelle et collective. L'ampleur des dégâts mis en avant par la commission Sauvé devrait interpeller sur les dérives du pouvoir.

La noirceur de l'Église est-elle chemin de salut ? Rappelons ce que disait saint Ambroise

« Le Seigneur dit par la bouche d'Isaïe : Si vos péchés sont comme la pourpre, je les rendrai blancs comme neige. L'Église, qui porte ces vêtements blancs pour les avoir endossés grâce au bain de la nouvelle naissance, dit dans le Cantique des cantiques : Je suis noire et belle, filles de Jérusalem. Noire par la fragilité de la nature humaine, belle par la grâce ; noire parce que composée de pécheurs, belle par le sacrement de la foi. En voyant ces vêtements, les filles de Jérusalem disent, dans leur stupéfaction : Qui est celle-ci qui monte toute blanche ? Elle qui était noire, comment est-elle devenue blanche tout à coup ?

Quant au Christ, voyant son Église en vêtements blancs — c'est pour elle, dit le prophète Zacharie, qu'il avait pris des vêtements sales —, ou bien voyant l'âme purifiée et lavée par le sacrement de la nouvelle naissance, il lui dit : Que tu es belle, mon amie, que tu es belle : tes yeux sont beaux comme ceux de la colombe, cette colombe dont le Saint-Esprit avait pris l'apparence pour descendre du ciel. (...)
Aussi rappelle-toi que tu as reçu l'empreinte de l'Esprit : Esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, esprit de crainte religieuse, et garde bien ce que tu as reçu. Dieu le Père t'a marqué de son empreinte, le Christ Seigneur t'a confirmé, et il a mis l'Esprit dans ton cœur, comme un premier don, ainsi que tu l'as appris par la lecture de l'Apôtre. » (6)

(1) cf. mon livre « à genoux devant l’homme »
(2) cf. Dynamique sacramentelle 
(3) cf. aussi, dans ce sens, l’exégèse du P. Morin qui distingue deux rédactions différentes au sein des lettres de Paul entre ce qui semble égalitaire  (qu’il attribue à Paul) et misogyne (plus tardif) voir aussi mon « serviteur de l’homme »
(4) Charles Delhez sj, Ordination des femmes, une évolution possible (La Croix, jeudi 4 juin 2020)
(5) en téléchargement libre sur Fnac.com à partir du 18/7
(6) Ambroise de Milan, traité sur les mystères, source office des lectures du 16/7, 15ème semaine du temps ordinaire

19 mai 2020

Kénose de l’Esprit et dépouillement - Chemin pour l’Église ? - 6

On ne peut contempler le retrait du Père et le dépouillement du Fils sans évoquer la kénose de l'Esprit qui se dépouille aussi de sa force originelle pour travailler l'homme au cœur du silence.

Cette triple kénose ou circumincession évoquée par les pères de l'Église est toujours à manduquer.

Comment comprendre qu'il ne reste plus de l'Esprit de Pentecôte originel, tel que mis en avant par Luc dans ses actes des apôtres, qu'un souffle fragile, à peine lisible dans l'Église d'aujourd'hui au travers de manifestations discrètes et loin du pentecôtisme originel qui a montré ses failles.

Ce n'est qu'en contemplant le retrait progressif de l'Esprit Saint et les failles d'une guérison tonitruante que l'on peut méditer sur la place d'un Dieu dépouillé (1) et humble, bruit d'un fin silence (2) et souffle fragile de Dieu qui vient visiter l'homme sans violer sa liberté.

Ce mouvement de kénose trinitaire s'inscrit dans cette danse (3) que nous ne cessons de contempler et qui prend aujourd'hui une couleur bien particulière.

Le dépouillement divin n'a pas fini de nous surprendre et pourrais devenir une piste de relèvement pour l'Église au delà des fastes d'antan.

2) le mot est d'Emmanuel Lévinas, au sujet d'1 Rois 19. Il est devenu le titre d'un de mes essais
(3) cf mon essai Danse trinitaire repris dans l'Amphore et le fleuve

09 mai 2020

Dépouillement - 2 - méditation du 5eme dimanche de Pâques


Projet 2
Il y a une leçon à tirer de cette situation particulière qui voit l'effondrement de nos babylones anciennes : « Malheur ! Malheur ! la grande ville, Babylone, ville puissante : en une heure, ton jugement est arrivé ! » Et les marchands de la terre pleurent et prennent le deuil à cause d'elle, puisque personne n'achète plus leur cargaison : cargaison d'or, d'argent, (...) « Les fruits mûrs de tes convoitises sont partis loin de toi, tout ce qui était brillance et splendeur est perdu pour toi, et cela plus jamais ne se retrouvera. » (...) « Malheur ! Malheur ! La grande ville, vêtue de lin fin, (...) toute parée d'or, (...) , car, en une heure, tant de richesses furent dévastées ! » Ap 18, 10 sq
De quoi parle l'apôtre Jean si ce n'est toute nos constructions humaines, notre monde financier certes mais peut-être aussi nos églises de pierre maintenant vidées de son peuple. Face à ce désert et ce dépouillement il nous faut revisiter ce qui est essentiel, ce qui compte vraiment, au delà des « cymbales retentissantes »(1Co 13).
Ce qui demeure est ce qui dépouillé du faste. C'est ce qui est de l'ordre de l'amour. Le rideau est déchiré (1) et seule la croix nue et décharnée sur un ciel sombre luit de vérité. « je suis le chemin, la vérité et la vie ». (Jn 14).
La croix est loin de tout faste et de tout or, elle est cet amour désintéressé d'un donateur qui s'efface et meurt après avoir tout donné.
Christ est humilité et kénose...loin de nos splendeurs factices et peut-être même du faste ancien de nos liturgies. Abandonnons l'or et contemplons le bois transpercé, la chair meurtrie de ceux qui donnent et se taisent, de nos soignants épuisés et vidés. Ils brlllent d'un amour plus essentiel que nos ors et nos paroles humaines, voire de certains de nos discours ou de nos prières machinales qui oublient ce qui est voilé et silencieux au fond de nous-mêmes : l'appel à l'humilité et à l'agenouillement.

« Le Christ Jésus, +
ayant la condition de Dieu, *
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
7 Mais il s'est anéanti, *
prenant la condition de serviteur.
Devenu semblable aux hommes, +
reconnu homme à son aspect, *
8 il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort, *
et la mort de la croix.
9 C'est pourquoi Dieu l'a exalté : *
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse *
au ciel, sur terre et aux enfers,
11  et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur » *
à la gloire de Dieu le Père.(Ph 2, 5-11)

Le suis le chemin...
Et quel chemin. L’humilité de Dieu, la kénose du Père puis du Fils qui se répand ensuite silencieusement dans nos cœurs et loin de tout discours surfait.
Il est vérité et vie.
À quelle vie nous appelle le Christ sinon de tenter cette voie ardue, presqu’inacessible de l’amour donné et partager.
Je suis...
Il est chemin, il est présent.
Présent dans le cri du frère, dans l’appel ténu que nous ne savons pas entendre, dans cette main que nous refusons et ignorons sans cesse...

(1) cf. mon livre éponyme



21 avril 2020

Contempler la miséricorde divine

Dans son dernier article d'Études, intitulé Dépouillement, François Cassingena-Trévédy nous invite à trouver le chemin du dépouillement, à retrouver « Un Dieu qui ne nous exempte pas de l’aventure humaine avec ses inévitables affres, qui ne la domine pas du haut de sa toute-puissance, mais qui la partage, qui l’habite, qui cristallise, qui « précipite » au plus creux de la souffrance et de la compassion, celle-ci et celle-là se touchant dans le même Corps. Deus absconditus. Un Dieu caché. En ces jours, notre prière, [doit se faire sobre et descendre] (...), au lieu intérieur où le Père obscurément s’aperçoit, et nous découvrons que ce lieu est aussi le lieu commun d’une humanité dont Jésus reflète et rassemble le visage. Notre vœu le plus cher est alors qu’en sortant du confinement nous sortions aussi de la « religion » pour entrer dans la chair et dans l’esprit du christianisme, dans le mystère pascal qui seul est à la hauteur de l’homme »(1).

Quel est l’enjeu ?

Peut-être trouver ce qu’Urs von Balthasar appelle la triple kénose, cet effacement trinitaire qui part du Père qui s’efface devant le Fils et du Fils qui se dépouille jusqu’à la mort, laissant jaillir de son côté transpercé un fleuve de miséricorde - Esprit Saint confié au monde et glissé dans le silence de nos cœurs, danse sublime que les Pères de l’Église appellent circumincession et que j’ai osé appeler danse trinitaire.
Cette kénose est aussi la clé de la miséricorde divine que nous fêtons depuis dimanche. Un thème que notre pape à remis en avant dans son année de la miséricorde à la suite de sainte Faustine et de l’intuition de Jean Paul Il. Tout se tient. Le mouvement auquel nous invite François Cassingena-Trévédy n’est-il pas en quelque sorte cette kénose de l’Église que j’ai essayé de thématiser dans le tome 3 de ma trilogie « Humilité et miséricorde » que je viens de mettre en téléchargement libre depuis hier sur Kindle. Un travail qui reprend la thèse de Walter Kasper et les écrits du pape François et tente de pousser plus loin au service d’une église servante et à genoux, à la suite du Christ serviteur et miséricordieux.

Comme le suggère l’Évangile d’aujourd’hui : «Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».

(1) François Cassingena-Trévédy cf. le lien plus haut
(2) ma trilogie est accessible en téléchargement sous les liens du billet précédent ou sous ce lien, voir aussi « cette église que je cherche à aimer »


30 décembre 2019

Au fil de Luc 2, 36-38 - Contempler la faiblesse de Dieu

«Il y avait aussi une prophétesse, appelée Anne, qui était la fille de Penouel, de la tribu d'Asser. Elle était très âgée. Elle avait vécu sept ans avec le mari qu'elle avait épousé dans sa jeunesse, puis, demeurée veuve, elle était parvenue à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne quittait pas le temple, mais elle servait Dieu jour et nuit: elle jeûnait et elle priait. Elle arriva à ce même moment et se mit à remercier Dieu. Et elle parla de l'enfant à tous ceux qui attendaient que Dieu délivre Jérusalem.»
‭‭Luc‬ ‭2:36-38‬ ‭
Un thème récurrent dans mes essais, cette contemplation d’un Dieu qui se fait petit devant l’homme (1), qui se met à genoux pour lui faire comprendre que son amour infini n’est pas chemin de puissance mais kénose, c’est-à-dire humilité et miséricorde(2). Il est probable qu’Anne la prophétesse du Temple avait saisi cela...

L’enfant Jésus est le remède du cléricalisme. Il nous fait tomber à genoux.



(1) cf. mon livre éponyme
(2) cf. mon livre éponyme


24 août 2019

Au fil de 1 Corinthiens 4, force est en toi 42 - La Croix et la faiblesse de Dieu comme chemin…

Au terme de notre voyage intérieur, il nous faut percevoir que rien n'arrête ceux qui ont tout laissé pour le suivre. Il y a dans la kénose, l'effacement et l'abandon de tout calcul humain une renaissance possible au sens soulevé par Jésus à Nicodème. Cette puissance c'est celle de la faiblesse d'un Dieu qui n'est qu'amour. De notre renoncement jaillit la force de l'Esprit.
«En fait, il me semble que Dieu nous a mis, nous les apôtres, à la dernière place: nous sommes comme des condamnés à mort jetés dans l'arène: nous sommes donnés en spectacle au monde entier, aux anges aussi bien qu'aux êtres humains. Nous sommes fous à cause du Christ, mais vous êtes sages dans l'union avec le Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts; nous sommes méprisés, mais vous êtes honorés! A cette heure encore, nous souffrons de la faim et de la soif, nous manquons de vêtements, nous sommes battus, nous passons d'un endroit à l'autre; nous travaillons durement pour gagner notre pain. Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l'humanité.»
‭‭1 Corinthiens‬ ‭4:9-13‬ ‭

Écoutons à ce sujet saint Jean Chrysostome : « La croix a gagné les esprits au moyen de prédicateurs ignorants, et cela dans le monde entier. Il ne s'agissait pas de questions banales, mais de Dieu et de la vraie foi, de la vie selon l'Évangile, du jugement futur. Elle a donc transformé en philosophes des rustres et des illettrés. Voilà comment la folie de Dieu est plus sage que l'homme, et sa faiblesse, plus forte.

Comment est-elle plus forte ? Parce qu'elle s'est répandue dans le monde entier, qu'elle a soumis tous les hommes à son pouvoir et qu'elle a résisté aux innombrables adversaires qui voulaient faire disparaître le nom du Crucifié. Au contraire, ce nom s'est épanoui et propagé ; ses ennemis ont péri, ont disparu ; les vivants qui combattaient un mort ont été réduits à l'impuissance. Aussi, quand un Grec dit que je suis fou, il manifeste que lui-même l'est au maximum, puisque moi qu'il juge fou, je me montre plus sage que les sages ; s'il me traite de faible, il se montre lui-même plus faible encore. En effet, ce que des publicains et des pécheurs ont pu réussir par la grâce de Dieu, les philosophes, les rhéteurs, les tyrans, bref la terre entière, dans toute son étendue, n'a même pas été capable de l'imaginer. ~

C'est en pensant à cela que Paul disait : La faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes. Que la prédication soit l'œuvre de Dieu, c'est évident ici. Comment douze hommes, des ignorants, ont-ils pu avoir l'idée d'une pareille entreprise, eux qui vivaient auprès des lacs et des fleuves, et dans le désert ? Eux qui n'avaient jamais fréquenté les villes et leurs assemblées, comment ont-ils pu songer à se mobiliser contre la terre entière ? Ils étaient craintifs et sans courage : celui qui a écrit sur eux le montre bien, lui qui n'a voulu ni excuser ni cacher leurs défauts. C'est là une preuve très forte de vérité. Que dit-il donc à leur sujet ? Quand le Christ fut arrêté, après avoir fait d'innombrables miracles, la plupart s'enfuirent, et celui qui était leur chef de file ne resta que pour le renier.

Ces hommes étaient incapables de soutenir l'assaut des Juifs quand le Christ était vivant. Et lorsqu'il fut mort et enseveli, alors qu'il n'était pas ressuscité, qu'il ne leur avait donc pas adressé la parole pour leur rendre courage, d'où croyez-vous qu'ils se seraient mobilisés contre la terre entière ? Est-ce qu'ils n'auraient pas dû se dire : « Qu'est-ce que cela ? Il n'a pas été capable de se sauver lui-même, et il nous protégerait ? Quand il était vivant, il n'a pas pu se défendre, et maintenant qu'il est mort il nous tendrait la main ? Quand il était vivant, il n'a pu se soumettre aucune nation, et nous allons convaincre la terre entière en proclamant son nom ? Comment ne serait-il pas déraisonnable, non pas même de le faire, mais seulement d'y penser ? »

La chose est donc évidente : s'ils ne l'avaient pas vu ressuscité et s'ils n'avaient pas eu la preuve de sa toute-puissance, ils n'auraient pas pris un risque pareil. (1)

(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la première lettre aux Corinthiens, source office des lectures du 23/8/19, AELF


14 juin 2019

Solitude périphérique, effacement et espérance - 5


Nous arrivons à la confluence entre deux sujets déjà développés dans ces pages entre les questions de périphérie et d'effacement. Comme souligne Christoph Theobald (1) en citant Lumen Gentium : « dans ces communautés, même si souvent elles sont petites et pauvres ou vivent la dispersion, est présent le Christ, par la vertu duquel s'assemble l'Église une, sainte et apostolique». LG26.

Même si la dimension cléricale et institutionnelle de l'église est amenée à baisser, voire disparaître (peut-on rêver ?) c'est peut-être là, dans ses périphéries humbles et parfois effacées que le Christ peut rester vivant, rayonner et redonner à l'Église sa fonction et dynamique sacramentelle(2), première et en cela véritablement évangélique. 

L'enjeu est de reconstruire sur l'essentiel : la communauté de base, vivant autant que possible l'Evangile au quotidien loin des positions souvent pharisiennes d'une institution qui en ne cessant de se cléricaliser n'ont cessé de tuer l'esprit du christianisme tel que cherche à le décrire J. Moingt dans son livre éponyme (cf. par ailleurs - ou sa thèse plus ancienne in L'Évangile sauvera l'Église).
Est-ce accessible? Pas humainement mais par le travail de l'Esprit dans les cœurs, en s'effaçant encore plus devant la volonté du Père, kénose de l'Église qui entre en résonance avec la kénose trinitaire. Un chemin ardu mais source de la réelle évangélisation, celle qui agit dans l'intérieur de l'homme.

"L'unité du genre humain ne [passera pas] par la construction d'une civilisation mondiale, elle viendrait, ici et maintenant, dans la plus humble des rencontres... (...) l'Église naît où la foi s'engendre (...) capacité d'un être à faire crédit à la vie, à rester debout", engendrement fragile à l'image de cette naissance évoquée plus haut. (3)




(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 71
(2) cf. mon livre éponyme 
(3) Christoph Théobald, ibid. p. 73

06 juin 2019

Solitude périphérique - 3

L'enjeu est d'aller au bout du monde à la recherche de ceux qui ne croient plus en Dieu, qui souffrent, qui souffrent sans comprendre. Tel est l'enjeu d'une pastorale du seuil (1) véritable. Le rite n'a pour eux plus aucun sens et pourtant ils sont demandeurs de quelque chose. Quelque chose à trouver, à travailler, à faire naître, à faire revivre.

Comment accueillir ces quêtes, ces peurs, ces besoins de reconnaissance, de bénédictions, de rassemblements, de liturgie qui sont étrangères à tous nos rites et pourtant friands de rituel...

Comment entendre, écouter, faire naître et jaillir, sans imposer, juger, réduire, comparer.

Quelle kénose ? Quelle diaconie ?

Ce ne sont probablement pas les mots qui touchent, mais autre chose, le regard, l’attention, l’écoute, la capacité à les rejoindre comme ils sont...

Le champ reste à labourer et la terre est souvent desséchées, les graines sont en attente, semences dû Verbes enfouies et prête à s’abreuver à la source vive d’un Amour oublié...



(1) cf. mon livre éponyme

19 mai 2019

Au fil de jean 13 - Imitation et gloire - Homélie du 5eme dimanche de Pâques - Année C - 2

« Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » (Jn 13)

Qu'elle est la gloire dont nous parle Jésus? La question mérite d'être travaillée en entendant l'Évangile. D'autant qu'elle mérite un énorme déplacement par rapport à notre vision humaine.

Frères et sœurs, cet évangile est court, mais nous conduis au terme d'un parcours inouï celui où Dieu nous invite à grimper sur une haute montagne, celle de l'amour.
Grimper ? Où plutôt descendre ?

Un journaliste que je ne citerais pas parlais récemment de la Tour Eiffel en lui donnant le surnom de Notre dame de fer... Tour de Babel.... pourrais-t-on dire. Il faudrait relire Apocalypse 18 (cf. Plus bas)
pour comprendre peut-être que notre tour à nous, à l’image de Notre Dame est descendue très bas...pour ne laisser qu’une chose, la Croix, visage du Père.

Je vous propose de le lire l’Evangile aussi à l'envers. 

Aimons-nous les uns les autres...
Pas à moitié, en passant, en critiquant par derrière La critique de l'autre trahit notre orgueil, notre jalousie 
Aimons-nous les uns les autres comme
Comme le dit Paul à plusieurs reprises dans ses lettres: imitez moi comme j'imite le Christ. Ce n'est pas sur l'apparence que cela se joue, mais bien dans cette course infinie où je me laisse saisir par lui (cf. Ph 3).
Il est le chemin...
C'est là un commandement nouveau. Il ne s'agit pas d'aimer comme le fond tous les hommes, dans une logique d'échange : je t'aime parce que ou pour que tu m'aimes. Non, la nouveauté du Christ c'est d'entrer dans le don gratuit, immense, sans limites, débordant d'un Dieu qui s'oublie pour se donner jusqu'à la Croix. 
C'est peut-être sous les pas de Jean Vanier que nous avons à chercher le chemin de l'amour gratuit.
Quelle est la découverte de Jean Vanier ? c'est peut-être de regarder les choses à l'envers. Le petit, le faible, le rejeté, le fêlé nous donnes accès à Dieu. 
Le fragile révèle ma fragilité et me fait tomber à genoux devant le petit et le faible.
Comme le diacre Philippe pendu par les pieds laissons nous retourner. La gloire de Dieu, c'est de voir le monde à l'envers des hommes : aimer le petit et le faible. 
C'est le chemin du Christ, la kénose, Écoutons ce que nous dit Paul en Ph. 2. Il s'est abaissé, c'est fait esclave, c'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui a donné la gloire. 
Nous en venons à l'Évangile.
À contempler : 
1 le contexte du discours  : le dernier repas, après le lavement des pieds ! À contempler !
2 L'inversion où nous conduit Paul (la kénose) par Paul en Ph 2, 11 : c'est de comprendre que c'est dans l'abaissement et l'humilité que le Christ dévoile sa gloire.
C'est à genoux que Dieu se révèle.

3 Le commandement : aimer vous comme, n'a de sens que sur le comme Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est dévoilé et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»
Quand nous comprenons cette clé de lecture tout s'éclaircit. Il est le chemin. Il est la Vie. 
Cette gloire, d'un amour transpercé, va prendre alors sens silencieusement. Nous pouvons suivre Paul dans sa course. C'est ce que nous révèle la première lecture. L'amour qui nous conduit à imiter le Christ est le royaume nouveau vers lequel il nous conduit. En nous avançant vers l'Eucharistie, nous pouvons dire Me voici. Je veux marcher à ta suite. Je veux m'agenouiller moi aussi. Aimer comme tu nous as aimé.

14 mars 2019

Religieuses abusées - l’autre scandale - kénose 149

Tristesse sans fond que ce dernier (?) constat sur l'Église pécheresse révélée sur Arte.
On ne peut que descendre une fois encore dans l'humilité du pécheur pardonné et peut-être se taire, car que peut on dire, après de telles révélations ?

Quelques réflexions en vrac.

Si le documentaire force pas mal le trait (1) généralise et en profite pour descendre des institutions déjà largement décriées, peut-on espérer que cela servira à débarrasser l'Église de ces fautes abominables ?

L'Église n'a plus de vin disait une amie...

Que doit pleurer la Trinité défigurée par ceux qui ont sali ce qu'ils étaient appelés à signifier.

Cela me rappelle les larmes du Christ révélées par cette mystique allemande qui voyait au Golgotha un Christ désespéré sur les impasses de sa Passion (1). Même cela serait insuffisant. 

Il est temps que le pouvoir de l'homme sur la femme ou sur l'enfant soit dénoncé comme crime.

Le dernier rempart du cléricalisme et de l'hypocrisie machiste est-il en train de se fissurer ? Peut-on espérer que la place des femmes dans l'Église soit enfin mise à sa juste place ? Certes les jeux de pouvoir sont partout mais une égalité mesurée serait probablement nécessaire, pour éviter la sacralisation déplacée et morbide, la fausse sainteté et le silence délétère et ravageur.

En tant que diacre, suis-je meilleur, plus saint ?
Surement pas.
Je connais mes pulsions, sais combien elles peuvent être lieu de chute et de scandale.
Je sais aussi qu'une sexualité conjugale respectueuse, épanouie et partagée est force de vie et d'unité.
Le danger sur ce point est d'abuser de l'autre, d'en faire un objet. La limite est fragile, ténue, toujours latente.

Les lettres pastorales n'avaient pas tort d'exiger que les ministres soient choisis parmi les hommes mûrs et mariés à une seule femme.
A-t-on oublié cette sagesse de base ?  : «Cette parole est certaine. Si quelqu'un aspire à la charge d'épiscope, il désire une belle œuvre. Il faut donc que l'épiscope soit irrépréhensible, qu'il soit l'homme d'une seule femme, qu'il soit sobre, pondéré, décent, hospitalier, apte à l'enseignement, qu'il ne soit pas adonné au vin, ni violent, mais conciliant, pacifique, désintéressé; qu'il dirige bien sa propre maison et qu'il tienne ses enfants dans la soumission, en toute dignité. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'Eglise de Dieu? Que ce ne soit pas un nouveau converti, de peur qu'il ne soit aveuglé par l'orgueil et ne tombe dans le jugement du diable. Il faut aussi que ceux du dehors lui rendent un beau témoignage, pour qu'il ne tombe pas dans le discrédit et dans les pièges du diable. Les ministres, pareillement, doivent être dignes, exempts de duplicité, d'excès de vin et de gains honteux; ils doivent conserver le mystère de la foi dans une conscience pure. Qu'on les mette d'abord à l'épreuve et qu'ils exercent ensuite le ministère, s'ils sont sans reproche
‭‭Première à Timothée‬ ‭3:1-10‬ ‭

La chasteté est un chemin de Croix et comme les disciples tombés le soir de la Passion, il nous faut contempler qu'à la Croix se tenait qu'un seul des douze, alors que plusieurs femmes étaient là...

(1) cf. Notamment la réponse de l’Arche

La kénose de l'Église va jusqu'à reconnaître cela...

Tous pécheurs....

Si le Christ s'est plongé dans l'eau du Jourdain, s'il s'est mis à genoux devant Judas, c'est peut-être pour nous inviter à faire de même encore et toujours. La seule véritable révélation est la kénose. Un Christ nu...dépouillé... déchiré...

Le pouvoir, le valoir, l'avoir sont les plaies de notre humanité. Jeûne et chasteté ne peuvent être exigées d'autrui. Elles sont chemin intérieur « inaccessible à l'homme et possible en Dieu »... (cf. Mat 19)

Je prie pour l'Arche, cette belle école de la fragilité qui a montré qu'en dépit des fautes révélées d'un de ses pasteurs, il demeure toujours en elle une force d'espérance. oublier que le royaume n'est pas encore là c'est nier l'espérance qui nous habite...

(1) Anne Catherine Emmerich (cf. Tag)

09 mars 2019

Dégringoler avec le Christ - Martin Steffens - kénose n. 146

J'abuse ici un peu de mon droit de citation, mais ce billet de Martin Steffens résume bien à mon avis toute ma théologie, largement développée dans ce blog (déjà 145 billets) et dans une dizaine de mes ouvrages(1). « Aux prises avec les catastrophes du XXe siècle, les théologiens ont redécouvert ce que, à partir de la Lettre de saint Paul aux Philippiens, on appelle « la kénose » : le libre dessaisissement, par Dieu, de sa propre divinité. Le Christ, dit Paul, n'a pas été jaloux de son rang, il s'est abaissé [vidé - ekenosen en grec] jusqu'à devenir homme, et homme crucifié (Philippiens 2,7). (...) 
La kénose découvre un Dieu dont la faiblesse est de s'arrêter au seuil de notre liberté, (...) , quand enfin nous comprenons que Dieu a besoin de nous pour ne pas mourir de nos vaines puissances. Le mouvement kénotique commence dans la mangeoire, (...) se poursuit-elle dans la promesse déçue au Golgotha, dans le crucifiement du Christ. Elle s'achève (...) dans l'eucharistie, dans l'humble présence, (...) .
Est-ce tout ? À cause de ses petitesses et de ses divisions internes, il m'est arrivé de voir dans l'Église l'ultime moment du mouvement kénotique. En elle, plus qu'ailleurs, Dieu se fait discret, silencieux, attendant patiemment que son nom soit sanctifié. L'Église est un laboratoire de charité où vivre, avec nos contemporains, ce que le Christ endure pour chacun : le pardon des péchés, d'autant plus douloureux et d'autant plus offert que ceux-ci scandalisent le cœur. Être fidèle à l'Église, en ces temps obscurs, c'est avoir part au mouvement de l'amour qui est, de toujours, un mouvement descendant. Une kénose (2).

A l'heure où nos clercs les plus emblématiques sont condamnés par la justice ou dénoncés par la presse, résonne à nouveau la phrase de Marie à Cana : « ils n'ont plus de vin ». (Jn2) Faut-il cesser de croire ? Le silence d'un Dieu crucifié est la seule réponse valide à ce déferlement du mal qui ronge notre barque commune. 

La compassion et l'humilité sauvera l'église. 

(1) voir lien
(2) Martin Steffens Dégringoler avec le Christ, La Croix du 9/3/19


02 mars 2019

Au fil de Marc 10,13-16 - comme un enfant

Jésus (...)  leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu à la manière d'un enfant n'y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Quel est l'enjeu ? N'est-ce pas aller à la contradiction de notre désir de pouvoir, de valoir et d'avoir que de se détourner de cette course pour s'abandonner à la grâce divine, comme un enfant dans les bras de sa mère. Lâchez-prise...
Kénose ?

Écoutons saint Clément d'Alexandrie :

« Le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent »
Le rôle du Christ, notre Pédagogue, est, comme son nom l'indique, de conduire des enfants. Il reste à examiner de quels enfants veut parler l'Écriture, puis à leur donner leur Pédagogue. Les enfants, c'est nous. L'Écriture nous célèbre de bien des façons ; elle se sert d'images diverses pour nous désigner, colorant de mille tons la simplicité de la foi. Il est dit dans l'Évangile : « Le Seigneur s'arrêta sur le rivage et s'adressa à ses disciples — ils pêchaient — : 'Mes petits enfants, n'avez-vous pas de poisson ?' » (Jn 21,4-5) C'étaient ses disciples qu'il appelait enfants. « On lui amena de petits enfants pour qu'il leur impose les mains et les bénisse. Comme ses disciples les repoussaient, Jésus dit : 'Laissez les petits enfants ; ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent' ». Le Seigneur lui-même éclaire le sens de cette parole en disant : « Si vous ne changez pas pour devenir semblables à ces petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3). Cela ne désigne pas la régénération, mais propose à notre imitation la simplicité des enfants...
On peut vraiment les nommer des enfants, ceux qui ne connaissent que Dieu leur Père — des nouveau-nés, simples et purs... Ce sont des êtres qui ont progressé dans le Verbe, qu'il invite à se détacher des préoccupations d'ici-bas pour écouter seulement leur Père, en imitant des petits enfants. C'est pourquoi il leur dit : « Ne vous inquiétez pas du lendemain ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6,34). Voilà comment il nous exhorte à nous dégager des soucis d'ici-bas pour nous attacher seulement à notre Père. Celui qui pratique ce commandement est réellement un nouveau-né, un enfant pour Dieu et pour le monde, car celui-ci le considère comme ignorant tout et celui-là un objet de tendresse. (1)

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Le Pédagogue, I, 12, 17 ; SC 70 (trad. coll. Pères dans la foi, n°44, 1991, p. 37s rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 


12 mars 2018

Dynamique 16 - diaconie de l’Église

« Ou bien [l'Église] se pense comme une société religieuse qui a des œuvres envers les « autres » démunis ou incroyants, ou bien la présence des autres la transperce en son cœur. » (1)

L'enjeu est là souligne Mgr Albert Rouet. Qu'elle est la différence ? Elle est une question de hauteur. Soit l'autre est contemplé de haut, soit il devient le centre : « c'est à moi que vous l'avez fait » (Mat 25). Non pas par devoir, mais comme nous l'avons souligné sur les pas de Mounier parce que l'autre doit devenir premier, sens, centre de nos vies.

« Pour avoir des œuvres, point besoin de diacres. Mais si ces « autres » pénètrent le centre et pour qu'ils y arrivent, des diacres deviennent nécessaires. C'est toute la différence entre assistanat et présence » (2)
La diaconie se joue là. Dans cette inversion qui dépasse la simple pitié pour devenir kénose, à la suite du Christ, c'est à dire pour entrer dans la prise de conscience que l'Eglise est Corps où chacun devient essentiel. Ce n'est pas mon salut que je vise, mais la construction eschatologique du grand Corps, du Royaume.

La fonction du diacre ne peut être cléricale. Elle est bien au contraire une chance de remettre la kénose au centre de sa dynamique sacramentelle. Le diacre est le signe que la diaconie est centrale, essentielle et constitutive de la dimension kénotique de l'Eglise tout entière, il devient le bras visible de cette dimension particulière.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 49
(2) ibid.


03 novembre 2017

Mouvement pendulaire de la grâce - 2

Il y a de la kénose dans les propos de Christoph Théobald. Son image pendulaire évoque en effet l'oscillation maximale du "mouvement pendulaire de la grâce" comme une offre gratuite et non prosélyte d'un "petit troupeau ecclésial (...) diaspora (...) qui sans repli sectaire, mais positivement comme mission à exercer" (1) comprend qu'il nous faut sortir de nous mêmes dans un acte de pur gratuité vers autrui.

(1)Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 171-173

17 juin 2017

Église sacrement

La question soulevée lors des débats de Vatican II sur l'utilisation de l'expression "Église sacrement" (1) rejoint mes réflexions sur la dynamique sacramentelle. Si je comprends bien les arguments avancés par les conservateurs, il n'y a que 7 sacrements et l'Église ne peut en être. N'est-ce pas réduire à la fois le signe au rite et l'esprit à l'action du prêtre. Je caricature peut-être. Mais si l'Église en dépit de ses humanités et du péché de ses membres n'est signe de rien pour le monde, les sacrements non plus seront inutiles. Il y a interpénétration entre l'Église et la vie sacramentelle qui l'habite et la dimension kénotique de l'Église dépasse tout ce qui la constitue puisqu'elle est habitée de l'intérieur par un souffle qui l'entraîne toujours plus loin.

Sur ce point j'ai longtemps glosé sur le fait qu'on considérait que le lavement des pieds n'avait pas besoin d'être identifié comme sacrement puisque l'Église serviteur était le coeur même de sa destination. (2)


(1) L'événement Vatican II op. Cit. p. 245
(2) l'idée est ancienne. Il me semble qu'elle est reprise par Moingt. Je la développe dans plusieurs ouvrages

17 novembre 2015

Activisme et agir - 2

Une des illustrations des propos rapportés plus haut sur ce thème est dans la réflexion posée par Madeleine dans "missionnaires sans bateau" en 1943 : "On ne peut être missionnaire sans avoir fait en soi cet accueil franc, large, cordial, à la parole de Dieu , à l'Evangile" (...), pour qu'elle se "fasse chair en nous. Et quand nous serons ainsi habités par elle, nous devenons aptes à être missionnaires" (1)

On est là au coeur de l'inhabitation‎ véritable et nécessaire qui transforme l'homme en instruments de Dieu. Un chemin d'humilité ( kénotique).


(1) Madeleine Delbrêl, Oeuvres complètes, La Sainteté des gens ordinaires, tome 7, Paris Nouvelle Cité, 2009,  p. 89

10 novembre 2015

Être le Christ - kénose de L’Église -suite

Dans la fondation de son groupe intitulé "la charité" sous la direction spirituelle du P. Lorrenzo, une nuance apparaît sur laquelle il convient de s'arrêter. A la différence d'autres fondations de l'époque qui veulent travailler "pour le Christ"‎, Madeleine Delbrêl préfère "être le Christ, pour faire ce que fait le Christ" (1). Cette nuance qui rejoint l'axe de lecture de Paul depuis Ph. 3, 17 dans l'imitation de Jésus Christ (2) me semble porter sur un refus d'une évangélisation intrusive et surtout "insuffisamment ancrée dans l'être chrétien" (4). L'enjeu est d'abord de se "conformer au Christ", d'en "être", de se retrouver "en Christ", dans une recherche de "spiritualité intérieure plus intense" qui transforme l'action de l'intérieur et permet à cet effacement véritable, cette kénose où ce n'est plus moi qui agit pour transformer l'autre mais Dieu qui trouve en moi sa demeure et fait de moi un instrument de sa grâce.

(1) B. Pitaud, Madeleine Delbrêl‎, Poète assistante sociale et mystique, op. Cit p. 96
(2) cf. mon commentaire dans  Serviteur de l'homme, kénose et diaconie
(3) B. Pitaud, op. Cit p. 91
(4) ibid p. 98 (saluons là l'apport remarquable de l'analyse des pères Gilles François et Bernard Pitaud qui, à travers l'étude des correspondances de Madeleine Delbrêl  mettent en lumière son chemin spirituel).  ‎