31 mai 2006

Décentrement - III

Peut-être que c'est dans ce très beau texte de Jérémie (17, 6-9) que l'on peut voir les fruits d'un décentrement. A l'inverse de celui qui s'appuie "sur un être de chair et se détourne du Seigneur (...) buisson desséché sur une terre aride (...) Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l'espoir. Il sera comme un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu'il entreprend réussira...".

29 mai 2006

La mort - II

La mort n'a plus de sens dans une société technocratique ou l'homme est remplaçable, l'homme est jetable, ce qui entraîne d'importantes conséquences sur la personne et même sur la vie en général. Mais cela a aussi un impact sur Dieu car "la présence de l'absolu dans le relatif est escamoté comme insignifiante" (1). L'acceptation de l'absurde d'une existence sans achèvement, relayée par cette médiatisation des morts innombrables qui ne nous affectent plus que comme des statistiques pourrait conduire à deux solutions : "Ou l'on s'abandonne au totalitarisme croissant du collectif, où l'on persiste malgré tout à se réserver une liberté existentiale pour la mort, vécue dans l'angoisse et repliée sur elle-même" (2) mais il y a peut-être une troisième voie, celle du décentrement où l'on persiste à être tout en devenant obéissant à l'absolu qui nous interpelle.
Et en cela, nos réflexions sur le décentrement prennent une importance aigüe. Si l'on reste dans l'individualité, la mort nous prendra tout. Si l'on fusionne dans le tout, nous sommes rien. Si l'on se décentre, au sens d'une inhabitation d'un absolu, proche et distant, interpellant et créateur, alors nos efforts formeront avec la grâce, les ailes d'un même oiseau, pour reprendre l'expression déjà citée dans ce blogue.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.114
(2) ibid

28 mai 2006

La mort, au centre de notre horizon ?

Dans la question du décentrement, la question de la mort est un point majeur, inévitable. Intégrer la mort dans son horizon, c'est déjà accéder à une véritable maturité.
Or la mort interpelle depuis l'origine. Dans l'ancien testament, rappelle Balthasar, "Dieu n'a pas fait la mort" (Sg 1, 13). "C'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 2,24). Une idée d'ailleurs reprise par saint Paul qui précise que "par le péché la mort est entrée dans le monde" (Rm 5,12). Alors pourquoi la mort des innocents ? A cela, Balthasar ne réponds pas directement, mais il empreinte le chemin de la philosophie.
Chez Kierkegaard : "Le sérieux, c'est pour toi de penser à la mort et de la penser comme ton destin ; le sérieux c'est par conséquent pour toi d'accomplir ce que la mort est incapable de faire, de reconnaître que tu existes et qu'elle est aussi." (1)
Pour Heidegger : on ne peut jamais se posséder comme une totalité d'existence car "l'abolition du sursis d'être signifie l'anéantissement de tout son être".
La mort fait face à notre liberté. Mais dans ce face à face, dans l'affrontement du néant se révèle le sens de l'être en général et "un rayon de l'absolu tombe sur l'existence finie". (2)
La mort serait cette faille qui nous ouvre l'accès à la transcendance ?
Si pour Sénèque, toute individualité est souffrance, le salut serait de se fondre dans le tout. Mais alors le décentrement serait fusion. Pour moi il en est autrement. Le décentrement n'est pas une perte d'individualité mais devenir membre actif du Corps, avec sa fonction, sa liberté et sa responsabilité.
(1) Erbauliche Reden p. 17
(2) Cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.107

24 mai 2006

Eros et agapê, suite

Dans ce chemin vers le décentrement, le désir est vecteur central. Le désir qui naît de la chair, incarné, réel et en même temps tout tourné vers un ailleurs. La dramatique chrétienne nous y introduit fort bien comme le souligne Balthasar (1). Pour lui les drames où la passion éphémère se transforme en amour humain capable de résister devant le jugement de l'éternité sont retournés dans le milieu chrétien. Ainsi par exemple la transformation de Dante par l'amour de Béatrice qui le juge, la purification de Rodrigue par le sacrifice de Prouhèze demeure "l'étoile qui guide". Ces deux drames montrent par quelle mort l'éros doit passer, avant de se muer en agapê capable de tenir au jour du jugement dans la lumière éternelle. "L'éros seul est trop attaché à la continuité des générations à poursuivre sur terre pour qu'il puisse s'en délier, comme Soloviev le croyait possible". On rejoint là l'idée du dépassement de l'existence finie dans l'amour véritablement spirituel, que l'on trouve particulièrement développé dans le théâtre de G. Marcel à laquelle j'ai consacré il y a plus de dix ans, une longue analyse que l'on retrouvera dans "Chemins..."
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 99ss

23 mai 2006

Décentrement - II

Entre l'homme tout puissant, Icare moderne et le Christ il y a la différence d'une "humilité d'un Dieu qui s'abaisse dans la condition humaine" (1). Ce chemin demande une adhésion, la liberté suscitant l'assentiment à une révélation de l'absolu avec la volonté de mettre en pratique dans le concret par une décision personnelle.
Peut-être que ce qui nous est demandé, est de devenir réceptacle d'un absolu, avec les limites de notre finitude. Et cette réceptivité bouleverse notre orgueil, introduit une faille au coeur même de notre recherche, de sorte que nous ne sommes pas fondu dans l'infini, mais libre, indépendant et pourtant "tout tendu" vers cette altérité qui nous interpelle et vers qui va notre désir le plus fondamental..

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 96

Balises : Décentrement, Balthasar

22 mai 2006

Se décentrer sans se perdre...

Ceux qui suivent le lent cheminement de ce blogue depuis plusieurs mois ne peuvent avoir remarqué la recherche sémantique que je déploie autour du décentrement, comme lieu de croissance humaine et spirituelle. Mais ce concept est un concept délicat, que l'on pourrait assimiler à la perte de son identité au profit d'un tout, d'une fusion... Les quelques billets qui suivent vont encore préciser cette notion. Dans cette recherche, la lecture du 11ème tome de la trilogie de Balthasar continue de m'apporter des éclairages :
"Dans la contemplation de l'absolu, l'oeil peut-être ébloui au point d'en oublier de se garder le travail qu'il faut accomplir dans le périssable (...) perte de soi volontaire dans l'absolu que beaucoup admirent encore qu'elle ne soit rien d'autre qu'une dissolution de la figure humaine, finie en sa nature mortelle, tandis que la volonté pathétique de se tenir debout et de subsister en face de l'absolu cette figure est beaucoup plus authentique. Finalement vouloir se fondre dans l'absolu est alibi et un prétexte pour s'évader hors du drame qui se joue dans le monde" (1) C'est pour moi en effet différent du décentrement qui est quitter le même pour une communion où je ne me perds pas ?!

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 95ss

Balises : Décentrement, Balthasar

21 mai 2006

Buisson ardent

Balthasar évoquait la double notion du feu dans son commentaire de l'Apocalypse (cf. supra DD3, 1) et notamment le feu vu dans le sens positif, celui qui embrase le coeur des saints.
Cela réveille chez moi une méditation sur le sens du buisson ardent, celui qui brûle de l'intérieur sans pour autant se consumer. Si l'on poursuit cette métaphore, il y aurait deux visions du feu. Celui pour ceux qui sont en Christ, qui les anime d'une lueur vive, digne de la transfiguration à venir. Et celui que l'on rejette. Parce qu'il n'est pas en nous, il devient contre nous. Rejetez le feu divin, c'est s'exposer à sa flamme qui détruit. L'accepter en nous, c'est accepter de devenir des passeurs de lumière.
Un beau programme...

20 mai 2006

De l'Eros à l'agape

On connaît maintenant la longue description de Benoît XVI dans "Deus caritas est" qui cherche une cohérence entre eros et agape. Pour Balthasar, l'éros "met l'individu au service de l'espèce (...) et lui présente dans l'amour d'un autre le mirage de l'absolu. Ce contact avec l'absolu s'évanouira pour autant que l'eros est un pur phénomène sexuel, mais dans la mesure où il creuse jusqu'à la racine de l'amour, il peut durer au delà de l'éros et c'est bien souvent sa volonté, tant qu'il ne se heurte pas à la limite tragique de la mort."
A méditer...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 93

19 mai 2006

Solitude, solitude

Je ne sais plus d'où je tire ce vieil adage que je trouve fort juste. "Le couple, c'est deux solitudes qui se penche l'un vers l'autre". Mais j'ajouterai, ce n'est pas dans cette cohabitation que l'on trouvera la clé des champs. La solitude reste au coeur de notre existence. Pour Balthasar, la prise de conscience de sa finitude plonge l'homme "dans une solitude où inéluctablement le guette sa propre mort. C'est là une caractéristique qui ne le lâchera pas, même dans ses actes spirituels, ni surtout dans l'expression pourtant duelle de l'amour humain."
Et il ajoute :"chacun meurt seul, même s'il meurt en même temps qu'un autre".
Face à cela, la solitude du Christ en croix est le seul message...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 83ss

18 mai 2006

Un Dieu-Progrès

Une des idéologies du monde moderne est probablement dans la lutte pure et simple pour la suprématie par la technique. Est-ce pas l'aboutissement d'une vision qui considère la technique comme un nouveau Dieu, idolâtrie des temps modernes. Pour Balthasar, si la technique est notre destin, elle fait partie de notre évolution (....) mais ce serait folie de croire qu'elle débouchera sur un royaume de liberté". (1) Pour lui, la foi dans le progrès est une fuite hors du temps (...) elle fuit devant toute présence d'éternité dans le temps". C'est dit-il un mirage trompeur qui traduit l'impossibilité de résoudre le paradoxe humain par la voie immanente. Doit-on alors attendre le Logos incarné ? Celui-ci, répond-il, "s'est baissé pour tracer du doigt des traits sur le sol, à partir des lettres écrites sur le sable de l'histoire, peut-on trouver un sens qui les interprète ?
S'il y a par contre une chose qui demeure, c'est l'amour de Dieu. Et cela n'est pas écrit sur le sable...
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 79-81

17 mai 2006

Le drame, porte de la transcendance

Quand tout va bien, quand on ne se pose pas de question, il est souvent difficile de s'inscrire dans une filiation. Nous restons autonome et insouciant du don qui nous ai fait. Jusqu'à ce que surgisse l'excès. Le bonheur ou le drame. Le bonheur peut être vecteur de transcendance. Mais le drame l'est plus essentiellement.
Pour Balthasar, "notre nature mortelle donne à penser qu'il y a un fait tragique, un désordre de l'histoire du monde". Et à ce moment là l'homme regarde pour lui, "moins en arrière que vers le haut". N'est-ce pas ce que Danièlou appelait la faille, cette brisure du coeur de l'homme qui face à l'inattendu, peut laisser entrer Dieu. Pour Daniélou, il y avait ainsi 3 failles : la naissance, le mariage et la mort. Clin d'oeil de l'infini dans nos histoire mortelles ?

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 73

16 mai 2006

La tentation de l'écriture

Face au drame de la mort, du néant, de l'inexistence, nous sommes sans cesse à chercher à laisser des traces, à faire de notre bref passage, de ce temps de vie donné, quelque chose qui marque, qui fasse que nous existions après...
Pour Balthasar, "le pouvoir d'inscrire dans le temps quelque chose qui triomphe de la caducité" (...) nous distingue de l'animal qui lui reste immergé dans l'écoulement du temps". (1)
Mais ce pouvoir n'est-il pas à la fois une chance et une tentation. Une chance parce qu'elle nous pousse en avant, renforce notre désir d'être, de communiquer. Une tentation, parce que c'est ce qui nous conduit à vouloir "être comme des Dieux". Savoir exister pour mourir ensuite. C'est peut-être là que ce noue le noeud de l'existence. Etre puis se défaire de l'être pour entrer dans une liberté nouvelle, où l'on devient vecteur d'un autre. Etre pour devenir transparent d'un Etre supérieur, image d'autre chose. Décentrement véritable qui fait de nous non des serviteurs, mais des amis, des êtres en Christ, libres et porteurs d'autre chose... Un chemin difficile...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 70

balises : Balthasar decentrement

14 mai 2006

Fausses pistes

Quand on cherche le chemin, la vérité, on n'est pas à l'abri des fausses pistes qui nous détournent d'une cohérence globale. C'est pourquoi nous devons constamment opérer un discernement. Parmi ces fausses pistes, Balthasar note celles qui consistent à "mettre le monde entre parenthèses pour monter vers l'Un, vers l'amor intellectualis et l'identité", un travers que je dois emprunter bien souvent... Il signale aussi le risque de tomber soit dans "un vendredi Saint spéculatif posé en système, soit dans une praxis allant vers le point limite d'un humanisme positif." ? N'est-ce pas à chaque fois le risque des idées, d'une thématisation du réel qui nous éloigne de l'exercice d'une saine charité, en cohérence avec notre vie spirituelle. Les dangers sont nombreux. Cela renforce pour moi l'importance d'une cohérence que je soulevais déjà dans mon commentaire de Deus caritas est .
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 65

13 mai 2006

Théologie de la libération

Il n'est pas impossible que la démesure et l'anthropocentrisme qui caractérise notre monde moderne, nous fasse croire que la croix n'est plus le centre du débat et que nous soyons à même, par nous mêmes, d'atteindre le royaume à travers nos mains et la miséricorde. Pour Balthasar, il s'opère la un glissement : "La croix à laquelle était suspendus les péchés du monde, n'est alors rien de plus que l'expression de cette solidarité."
C'est pour lui une erreur.
A méditer.
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 56

12 mai 2006

Da Vinci Codex, page de Pub :-)

Dans un contexte d'attaque frontal, il fallait une réponse appropriée. Je n'ai pas exploré tout le site, mais j'avoue que l'accroche vaut le détour : http://www.davinci-codex.com

11 mai 2006

Les nouvelles idolâtries

Pour un blogueur attaché à la technique, toujours en perpétuelle "veille technologique", ce n'est pas sans intérêt que je me laisse déranger par Balthasar, qui condamne "ces machines qui servent de nouveaux fétiches et exercent une fascination inconnue jusque là, tout justement parce qu'on peut les maîtriser"
Pour Balthasar nous vivons dans un autre monde. Auparavant, l'homme était (et se sentait) fragile. L'homme moderne se sent maître de l'univers. Et sombre plus qu'avant dans un certain anthropocentrisme. C'est cette toute puissance, cette démesure (hybrys) qui nous masque peut-être que le réel est ailleurs, plus fragile. La crèche est à des années lumières de notre technologie, et pourtant, elle est au coeur du mystère...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 56

10 mai 2006

Dilution de la flamme...

Pour Balthasar, la dramatique n'existe plus dans le christianisme (1). Elle est diluée lyriquement dans la spiritualité ou épiquement dans la théologie. Toute rencontre de l'homme avec Dieu s'inscrit pourtant dans le drame du Christ.
Cela me conforte d'une certaine façon dans la découverte récente qu'au delà d'une esthétique liturgique, nous devrions prendre le temps, à chaque Eucharistie de méditer sur le fait que nous ne faisons pas mémoire d'un repas entre ami, mais bien d'un coeur transpercé par le glaive et ouvert pour l'humanité. Nier le drame, c'est effacer le sens même de la mort du Christ, l'étouffer sous une mièvre vision d'un amour béat.
Le danger à l'inverse est d'en rester à la souffrance du Christ et il me semble que la difficulté, c'est de saisir que le Christ n'est pas venu pour mourir mais pour nous, pour accompagner notre mort, lui donner un sens. C'est en cela qu'il nous faut à la fois prendre conscience de sa mort, ne pas la nier, mais réaliser en même temps que notre vie est ailleurs, sur les pas de l'espérance et que dans notre propre douleur, Dieu est là souffrant mais aussi simplement présent à nos côtés.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 52

09 mai 2006

Le feu de Dieu

Pour Balthasar le feu de Dieu est saint au ciel et destructeur sur terre. Il brûle les martyrs d'un feu dévorant et les pécheurs d'un feu de purification. Pour cela il cite l'Evangile qui parle d'un "coeur brûlant en nous, quand il nous parle" (cf. Lc 24,32 Emmaüs). Pour lui (1), il faut que la parole de feu soit objectivée en se gravant sur la première table de la loi (Dt 5,22) et la deuxième table (Dt 10,15). Et ce sera Elie, le premier qui apprendra que la tempête qui fracasse le rocher, le tremblement de terre et le feu ne sont que les préludes significatifs de la brise légère par laquelle Dieu atteint le plus profond de l'homme (1 R 19, 11ss).
Le feu n'agit plus envers l'homme mais en l'homme dans le Nouveau Testament. "C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre et comme je voudrais qu'il soit allumé" (Lc 12,49) Je pense qu'il faudrait relire les mystiques dans ce sens (St Jean de la Croix ?). Certes, comme le disent Matthieu et Luc, nous sommes baptisés dans le feu et l'Esprit (Mt 3,16, Lc 3,16). Peut-être est-ce notre tiédeur qui a étouffé la flamme véritable et nous a conduit à mettre sous le boisseau le feu reçu de Dieu.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 50

08 mai 2006

Colère de Dieu

La colère de Dieu, qui éclate dans l'apocalypse et qui traduit la manifestation du jugement de Dieu, même vu in fine est-il cohérent avec notre vision du Dieu amour, où n'est-ce pas en soi un anthropomorphisme ?
Je conçois qu'il faille à un moment donné que la séparation entre le bon grain et l'ivraie se fasse. Mais n'est-ce pas suffisant que cette séparation se fasse. Faut-il pour autant voir comme nécessaire une vengeance et la colère de Dieu.
A méditer. Sur ce point, Balthasar note que la colère est à la fois le signe de l'engagement de Dieu et en même temps le signe d'une "souffrance" que lui inflige le monde et qui se traduit par le meurtre de l'agneau (1)

A méditer
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 46

07 mai 2006

Hans Urs von Balthasar : La victoire de l'agneau

Nous reprenons ici notre commentaire de la trilogie de Balthasar en commentant le 11ème volume de cette "saga" qui se consacre au coeur de la Dramatique Divine, après l'analyse des personnes du drame, à l'action dramatique elle même. Balthasar commence ici une longue analyse de l'Apocalypse, soutenue par les visions d'Adrienne von Speyr. Personnellement, je ne suis pas très enclin à m'attarder à ce type de discours ou de dramatisation, mais ma curiosité et la soif de connaître, me font persévérer dans ce chemin de lectures.
Je note particulièrement ce paradoxe et cette tension que souligne Balthasar (1) entre un agneau déjà vainqueur et le fait qu'en dépit de cette victoire nous assistions à plus de violence que jamais. C'est effectivement, à l'heure des holocaustes et des massacres, plus qu'une évidence. Et il ne s'agit pas là d'une analyse de science fiction, mais bien la constatation que le monde n'a pas entendu le Christ et que cette victoire de l'agneau qui est totale est définitive sur le mal, reste ignorée, voire plus que jamais combattue par les hommes de notre temps. Signe que le mal poursuit sa course, même si l'on peut voir dans notre monde, au sein même de cette violence, les fleurs de la grâce. Comment ne pas évoquer le texte d'Elly Hillesum, qui au milieu des rafles de juifs, voyait dans une fleur encore un signe d'espérance. Le mal est bien là, et la fleur, s'était plus elle que la plante éphémère. Paradoxe et tension donc.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action
p. 11ss

06 mai 2006

Dieu réel et concret

Le risque de toute théologie est de rester dans l'abstraction, les concepts. Je soulignais déjà cet abandon du monde des idées par Pascal, qui est parti s'occuper de charité.
Pour Balthasar, "Un Dieu purement transcendant serait un mystère purement abstrait et négatif". Pour lui un Dieu qui dans sa transcendance peut rester immanent est "mystère concret et positif". C'est là pour Balthasar le coeur de la vision de la Trinité qui dépasse toute vision purement immanente de l'Ancienne Alliance ou de l'Islam (cf. p. 419)

05 mai 2006

Image - III

L'homme est appelé à être image non pas de manière élitiste mais dans la mesure où à toute grâce reçue s'attache une mission jusqu'à pouvoir dire comme Paul "Si je vis, ce n'est plus moi mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20)
"Quiconque" ajoute Urs von Balthasar, "même en dehors du christianisme, veut briser son égoïsme étroit et faire le bien pour l'amour du bien lui-même, reçoit une lumière qui lui indique le chemin qu'il peut et doit prendre et qui apporte en même temps la révélation de la vérité et une vie plus vivante". (1)

N'est-on pas au coeur de décentrement véritable que je ne cesse d'approcher sur ce blog.
(1) ibid, p. 418

04 mai 2006

Images de la Trinité - Suite

Toutes ces images s'ordonnent, à leur manière, s'insèrent dans le plan de Dieu. Pour Balthasar, "l'imago est créée en vue de la similitudo, non pour se développer par un effort de perfectionnement ou par une dialectique propres, mais pour servir de lieu ou l'archétype divin peut s'insérer. Dans le Christ, l'homme créé peut par la grâce devenir une personne (théologique) c'est-à-dire un enfant du Père qui, d'une manière qualitativement unique, a reçu part à la mission du Christ, ce qui se réalise par l'habitation du Saint Esprit en lui comme dans une demeure des Personnes Divines." Et la personne unique n'est rien si finalement elle n'entre pas dans un processus social qui revêt collectivement la grâce.
"Tout ce qui est privé disparaît dans le processus dans lequel l'homme est désapproprié et réquisitionné pour la vie divine." Balthasar parle ainsi d'un "homo ecclesiasticus" qui revêt psychologiquement et ontologiquement des traits ecclésiaux (...) conformé au Christ, grâce et mission.
Pour lui, "Quand un homme devient une personne dans le Christ il acquiert aussi en lui un espace ecclésial pour abriter en lui d'autres hommes ; Origène parle d'une analogie avec l'Eucharistie dans la mesure où un homme appartient au Christ, il peut être distribué avec le Christ comme substance nourrissante du Corps mystique (John comm. 2,8)" (1)
Je retrouve ici la belle image d'Ignace d'Antioche qui veut devenir le froment de Dieu par son martyre.
(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 417

03 mai 2006

Image de la trinité

En quoi l'homme peut-il être à l'image de Dieu. Cette notion est complexe et j'y ai d'ailleurs consacré plusieurs chapitres d'un livre que je cherche en vain à éditer (sans commentaires). Mais si ma réflexion part de l'approche sponsale de Gn ("Homme et femme ils les créa...), je pense que la véritable dimension trinitaire de l'homme est bien plus vaste. C'est ce que nous explique Balthasar, dans un texte complexe mais qu'il vaut la peine de méditer "à petit pas" : "L'esprit créé doit sortir d'une possession de soi la plus intime, irréfléchie (memoria) et s'opposer à lui-même pour se saisir (intellectus) et par là aussi finalement s'affirmer par amour (voluntas). Le triple pas se produit au sein du même être spirituel, et il est par là un image de la vie intérieure de l'unique Esprit divin ; mais il enferme en même temps l'esprit créé en lui-même ; il ne peut donc pas montrer comment se réalisent la véritable objectivation et le véritable amour, qui visent toujours l'autre. C'est pourquoi l'image de Dieu doit se trouver aussi dans le mouvement opposé de l'esprit, qui le force à sortir de lui-même : du Je au Toi, et au fruit de la rencontre, que celle-ci soit la rencontre sexuelle de l'homme et de la Femme (le fruit peut alors être l'enfant, mais aussi, au delà, un fruit intéressant tout l'humain, qui dépasse la sexualité) ou une autre rencontre dans laquelle le Je se donnant au Toi, deviens pour la première fois lui-même, tout deux se réalisant dans un nous, dépassant la recherche du Je. Ce n'est que dans un tel dépassement que se produit la première image, immanente à l'esprit et puisque ces dépassements sont innombrables dans la société humaine, ils brisent toujours ainsi le modèle clos (par exemple d'un mariage) et forment de nombreux mouvements recoupant comme des vagues."
Je trouve cette image très belle, parce qu'elle élargit encore plus la notion d'image et en même temps elle la relativise. Nous sommes à l'image de Dieu quand nous parvenons à vivre une véritable relation ouverte et féconde, mais notre petite épiphanie, constitue avec d'autres une immense tapisserie, que l'on ne peut percevoir, comme le disait saint Augustin, qu'en prenant de la distance. Toutes ces lueurs d'amour sur terre, éclaire le monde de l'intérieur. C'est le fourmillement de Dieu qui s'incarne dans nos mains et nos coeurs.
Nous sommes les fourmis de Dieu. Mais la métaphore a ses limites, car nous restons des êtres libres et ce n'est que scintillement, à l'image des étoiles qui reflètent à leur manière, la beauté d'une création vivante et agissante.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 416

02 mai 2006

Signe de croix - Verticalité et horizontalité

A l'heure où certains pratiquent encore le signe de croix comme un chasse mouches (et cela m'arrivait aussi....), il me semble important d'en découvrir toujours plus de sens..
Il y a bien sur le symbole de la croix. Premier degré de sens.
J'aime y ajouter aussi, le Fils tourné vers le Père et qui ouvre ses bras au monde. Deuxième degré.
Pour Balthasar, la forme temporelle et verticale qui va de Dieu au Christ en passant par l'Esprit est reprise et élevée dans la forme horizontale. "Ce n'est pas Dieu lui même qui change mais le Dieu immuable entre en rapport avec la créature". (1)
Il me semble que c'est à travers la manifestation temporelle et verticale de la personne du fils que l'Esprit (qui est en Christ et au dessus de lui comme le note plus loin Balthasar) intervient dans cette symbolique et introduit pour moi le troisième degré qui lui donne alors toute sa dimension, du Père, à notre petite personne, incarnée et trace infime du mystère trinitaire.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 415

01 mai 2006

Miséricorde de Dieu

L'Ancien Testament utilisait le mot hébreux de Rachamin pour qualifier la miséricorde de Dieu. Ce mot peut se traduire les "entrailles maternelles". Les entrailles de Dieu, frémissantes d'un amour compatissant, c'est ce qui devient précisément manifeste au monde, lorsqu'il lui livre tout son amour, lorsqu'il nous envoie son Fils. Alors le voile du temple peut se déchirer de haut en bas (Mc 15,38), car Dieu n'est plus caché aux hommes, il s'est dévoilé jusqu'au plus profond de son amour, il expose sur le bois de la croix, ses "entrailles".