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18 décembre 2021

Image, ressemblance et danse - 2.17.6

Sommes nous créés, comme le suggère Gn 1 à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Lui dont on ne peut représenter l’infinie tendresse. 

La question que me pose Marie Josèphe en commentaire du point 17.5 est à cet égard intéressante.

En quoi pouvons-nous même prétendre être image de Dieu, lui l’insaisissable ?

Je développe ici ma réponse qui ne peut être que vectorielle, puisque notre image est bien mouvante. Notre apparence extérieure, notre « visage » est bien éphémère. Ce qui compte est plutôt vers quoi nous allons, la dynamique, la direction.

En Gn 1, 26 Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. »

Mais au verset 27 « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. » il n’est plus fait mention de ressemblance.

Cela  interroge d’ailleurs certains commentateurs. Pourquoi la ressemblance évoquée au verset 26 n’est pas reprise dans l’acte créateur du verset 27. 

Est-ce pour souligner la distance entre le rêve de Dieu : nous créer à « l’image et la ressemblance » et ce que nous sommes : une bien pâle et fragile image du divin, quand nous ne devenons pas, aussi, il faut le reconnaître, un repoussoir, ou un cauchemar de Dieu, en dépit de ses rêves d’alliance.

Est-ce dans sa capacité de relation entre un homme et une femme que se révèle quelque chose de la Danse trinitaire ? Ce thème est vaste (*).

De quoi parle-t-on ? 

Augustin déjà parlait de trois degrés : la trace, l’image et la ressemblance. La fleur est trace de Dieu, l’homme peut être à l’image, mais seul le Christ atteint, pour lui, la ressemblance véritable. 


Pour saint Bonaventure, nous rappelle longuement Hans Urs von Balthasar(1)  il y a plutôt six degrés : chacun des trois degrés est :

- soit un renvoi, 

- soit une représentation. 

Quand on est image de Dieu, c’est soit « comme un miroir, soit comme un réceptacle, signe immanent de l'inhabitation de Dieu »

Que veut-il dire ?

Un miroir n’ajoute rien…

Une représentation pourrait être comme un arbre qui gémit, tressaille, se transforme et sème peut-être quelques fruits ?

Passer du renvoi à la représentation, c'est finalement déchiffrer combien l'être créé qui renvoie vers Dieu est habité par Dieu et ce travail de déchiffrage est un chemin qui invite à s’interroger sur sa propre ressemblance avec Dieu, qui ne sera totale qu'en Christ. En déchiffrant les traces et notre capacité à être image, nous tendons vers la ressemblance. Et ce chemin nous fait rejoindre notre destinée, ce pourquoi nous avons été créés : « à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1, 26), un état que nous ne retrouverons qu’à la fin.


Le rêve de Dieu du verset 26 n’est pas encore réalisé, sauf en Christ qui seul déchire le voile de l’insaisissable. Et notre chemin se trace alors.


On saisit mieux ces propos de Paul que je cite (trop ?) souvent : 

« À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des [skubala = déchets / ordures], afin de gagner un seul avantage, le Christ, et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi. Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus » (Ph 3, 8-15)


Jean-Luc Marion revient à propos de Ph 3, 8, (p. 544) sur cette notion originale de déchet/ordure décrit par Paul, qui faisant suite à ses propos sur l’humilité de Dieu (Ph 2/kénose) ajoute une couche au nécessaire renoncement de l’homme à sa capacité à être « ressemblance » de Dieu. Comme il l’explique mieux que moi, l’important ce n’est pas ce que j’ai tenté de faire seul, mais se laisser saisir par Lui et tâcher de le saisir, c’est-à-dire se laisser transformer par l’Esprit. 

Seul le don de l’Esprit fait briller en l’homme des éclats de la lumière divine, comme nous le dévoile l’ange chez la jeune fille de Galilée…

Pour cela il faut un renoncement à notre propre image, être dé-figuré pour laisser passer la lumière. 

Ignace d’Antioche dirait « devenir farine » ou « froment de Dieu »(2), moulu par Dieu pour laisser/abandonner ce qui nous encombre et entrer dans sa danse…


« Je suis ce que je suis [uniquement] par la grâce de Dieu »(1 Co 15,10) (...) qu’as tu que tu n’aies reçu (1 Co 4,7).(3)


Nous ne valons que si Dieu nous donne d’être. Ce qui fait de nous des images vient de notre capacité d’inhabiter la grâce divine (au sens Rahnérien- 4), en faisant fructifier les semences reçues de Dieu, sans perdre de vue qu’elles sont théologales, c’est-à-dire qu’elles ne viennent pas de nous, mais d’Ailleurs, qu’elles sont dons divins.

Et peut-être est-ce là le chemin de l’Esprit en nous, cette « économie » intérieure qui nous fait entrer discrètement dans la danse trinitaire.

Nous dessaisir de toutes volontés d’être « image » pour entrer dans le feu ardent d’un amour qui nous embrase et nous rend participant de la lumière divine. 


Comme le note François Cassingena-Trévedy  : A Mambré « Abraham est au plus haut du jour et pour se rafraîchir il invite le Feu ! Le Feu qui va (...) les trois Flammes qui (...) dansent autour de l’arbre »… tout un programme !


Une méditation de l’agenouillement d’Abraham, premier lavement des pieds de la Bible peut conduire à méditer, d’agenouillements en agenouillements, la Révélation de Dieu à genoux devant l’homme, le Christ qui dévoile Dieu de Jn 13 à Jn 21. (6).


(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la Croix, Styles, tome 2

(2) Ignace d’Antioche, lettre aux Romains, 4, 1

(3) cité par Jean Luc Marion, D’Ailleurs la Révélation, Grasset p. 546

(4) Karl Rahner, cf. TFF.

(5) Étincelles 3 p. 157

(6) cf. mon « Dieu dépouillé » https://www.fnac.com/livre-numerique/a14771999/Claude-J-Heriard-Dieu-depouille#FORMAT=ebook%20(ePub)


(*) voir sur ce point mon essai « Aimer pour la vie »

18 février 2020

Sagesse et pédagogie divine


En ce temps d'hiver, prenons de la distance et laissons nous émerveiller par les dons de Dieu.
Contemplation inouïe que ce chapitre 8 des Proverbes que nous propose l'office des lectures du 18/2 :
« Le Seigneur m'a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours.
Avant les siècles j'ai été formée, dès le commencement, avant l'apparition de la terre.
Quand les abîmes n'existaient pas encore, je fus enfantée, quand n'étaient pas les sources jaillissantes.
Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n'ait fait la terre et l'espace, les éléments primitifs du monde.
Quand il établissait les cieux, j'étais là, quand il traçait l'horizon à la surface de l'abîme, qu'il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l'abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre.
Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l'univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. » (Pr 8, 25-31)



Écoutons saint Athanase sur ce point :

La Sagesse personnelle de Dieu, son Fils unique, est créatrice et réalisatrice de toutes choses. En effet, dit le Psaume :Tu as tout fait avec sagesse, la terre est pleine de tes créatures. Afin que les créatures non seulement existent, mais existent bien, Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures afin d'imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image ; ainsi serait-il évident qu'elles ont été créées avec sagesse et qu'elles sont des œuvres dignes de Dieu.

De même, que notre verbe humain est l'image de ce Verbe qui est le Fils de Dieu, ainsi notre sagesse est, elle aussi, l'image de ce Verbe qui est la Sagesse en personne. Parce que nous possédons en elle la capacité de connaître et de penser, nous devenons capables d'accueillir la Sagesse créatrice, et par elle nous pouvons connaître son Père. Car celui qui a le Fils a aussi le Père, et encore : Celui qui m'accueille accueille celui qui m'a envoyé. Parce que l'empreinte de cette Sagesse existe en nous et en toutes ses œuvres, il est tout à fait juste que la Sagesse véritable et créatrice, appliquant à elle-même ce qui concerne son empreinte, dise : Le Seigneur m'a créée comme une de ses œuvres. ~

Puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la Sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Désormais Dieu ne veut plus, comme dans les temps primitifs, être connu par l'image et l'ombre de la Sagesse : il a voulu que la véritable Sagesse en personne prenne chair, devienne homme, subisse la mort de la croix, afin qu'à l'avenir tous les croyants puissent être sauvés par la foi en cette Sagesse incarnée.

C'est donc elle qui est la Sagesse de Dieu. C'est elle qui, auparavant, par son image introduite dans les choses créées (et c'est en ce sens qu'on la disait créée), se faisait connaître et, par elle, faisait connaître le Père. Par la suite, elle-même, qui est le Verbe, est devenue chair, comme dit saint Jean ; après avoir détruit la mort et sauvé notre race, elle s'est manifestée plus clairement elle-même et, par elle-même, elle a manifesté son Père. Ce qui lui a fait dire : Donne-leur de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.

Toute la terre a donc été remplie de sa connaissance. Car il y a une seule connaissance : du Père par le Fils, et du Fils à partir du Père. Le Père met sa joie en lui, et le Fils se réjouit de la même joie dans le Père, ainsi qu'il le dit : J'y trouvais ma joie, je me réjouissais jour après jour en sa présence. (1)

℟ Sur le visage du Christ
rayonne la gloire de Dieu.

La loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ !

On notera en particulier cette phrase d'Athanase qui traduit ce que Karl Rahner appelle l'auto-communication de Dieu en nous et qui révèle ce que je contemple comme « l'Amour en toi » : «  l'empreinte de cette Sagesse existe en nous » dit-il.

Qu'est-ce que l'empreinte chez Athanase ? Est-ce ce que Bonaventure appelle la trace ? Est-ce ce qui fait de nous des pales images de Dieu, sur le chemin de la ressemblance, dont seule le Christ est la plénitude ?

Ce qui est bon en nous vient de Dieu. Cette lueur fragile mise en nous et qui nous conduit à aimer... C'est cela la lumière souvent mise sous le boisseau et qu'il nous faut relever et laisser transparaître.
Dieu a « voulu nous engendrer par sa parole de vérité pour faire de nous comme les prémices de toute créatures »  (Jacques 1, 8,

 (1) Saint Athanase d'Alexandrie, discours contre les Ariens, Le Christ, Sagesse du Père et office des lectures du 18/2/20 source AELF

27 septembre 2019

création et liberté - 7

« Être image [de Dieu] n'est pas pour l'homme un accident, mais plutôt quelque chose de substantiel (S. Bonnaventure) (1)

L'homme a reçu au fond de lui-même, comme le disait Origène « le précepte de liberté » (2)

C'est dans cette dynamique qu'il doit s'inscrire pour entrer dans la danse de Dieu.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 59
(2) p. 60

11 mai 2018

Image de Dieu ? - Gaudete et Exsultate 98

« Quand je rencontre une personne dormant exposée aux intempéries, dans une nuit froide, je peux considérer que ce fagot est un imprévu qui m'arrête, un délinquant désœuvré, un obstacle sur mon chemin, un aiguillon gênant pour ma conscience, un problème que doivent résoudre les hommes politiques, et peut-être même un déchet qui pollue l'espace public. Ou bien je peux réagir à partir de la foi et de la charité, et reconnaître en elle un être humain doté de la même dignité que moi, une créature infiniment aimée par le Père, une image de Dieu, un frère racheté par Jésus-Christ. C'est cela être chrétien ! Ou bien peut-on comprendre la sainteté en dehors de cette reconnaissance vivante de la dignité de tout être humain ? » (1)

À méditer en vue de l'agir.

(1) Pape François, Gaudete et Exsultate n. 98

07 juin 2016

Distance et proximité de la figure - prêtre image du Christ.

Il y a un équilibre à trouver entre l'humilité et l'image. "On ne comprend pas les choses chrétiennement, si l'on insiste seulement sur la distance, c'est à dire sur l'opus operatum a Christo dans toute l'indignité et la peccabilité du prêtre. L'intelligence chrétienne n'existe que si l'on voit l'imitation ‎du Christ et la remise de la fonction comme une seule figure qui en tant que telle, garantit au prêtre, par la grâce du Christ, de pouvoir tenir la place du Christ - le seul qui soit vraiment serviteur(1)".

Nous a‎vons ainsi à contempler nos prêtres dans ce qu'ils ont à la fois de fragile et de représentatif. S'ils sont opérant dans le sacrifice eucharistique au nom du Christ, Dieu leur donne le plus souvent la grâce d'être image et parfois même ressemblance de celui qui est notre unique médiateur et nous devons intégrer sans sur investir cela, comme un don de Dieu. Ils sont étoiles de nos chemins, tout en étant nos compagnons fragiles. S'ils sont pécheurs comme nous, ils sont aussi les instruments privilégiés de notre salut, car l'Esprit agit en eux comme il devrait agir en nous.
Dans une ambiance souvent critique sur certaines dérives et certains abus, il nous faut discerner, au delà, ce que Dieu a à nous dire de cette fonction sacerdotale.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 op Cit p. 506.


27 avril 2016

Peindre l'image en nous - Saint Colomban

Souvent abordé le thème de l'image et de la ressemblance. (Gn 1,26)... J'apprécie d'autant ce qu'en dit saint Colomban : "À nous donc de refléter pour notre Dieu, pour notre Père, l'image de sa sainteté... Ne soyons pas les peintres d'une image étrangère... Et pour que nous n'introduisions pas en nous l'image de l'orgueil, laissons le Christ peindre en nous son image." (1)

(1) Saint Colomban, Instruction 11, 1-4 ; PL 80, 250-252 (trad. Orval), source AELF

19 avril 2016

Image et ressemblance - Une dynamique

Cette différence entre image et ressemblance souvent commentée dans la pensée d'Augustin et Bonaventure se trouve déjà dans les réflexions de saint Irénée. Elle n'est pas, nous dit Balthasar (1) entre une trace corporelle et une image spirituelle comme le diront certains pères de l'Église platonisants, mais s'inscrit plutôt dans une dynamique. "L'expression peut osciller [chez Irénée] de telle sorte que le point de départ (...) est appelé tantôt image ou ressemblance, ou bien les deux termes peuvent être distingués aussi  dynamiquement de la manière suivante : par le péché l'image a perdu la ressemblance avec Dieu, mais du fait que Dieu se rend par l'incarnation semblable à la nature tombée et "récapitule en soi l'image du commencement", la ressemblance sera de nouveau acquise. Cette intelligence dynamique de l'image est celle qui révèle l'histoire du salut et qui est proprement biblique et théologique. Car l'image de Dieu est le Fils à l'image duquel l'homme a été fait ; c'est pourquoi dans les derniers temps il est apparu afin de montrer que l'image était semblable à lui-même"(2).

Cette page a pour moi de l'intérêt car elle fonde une partie de mes réflexions sur la dynamique sacramentelle, qui prolonge pour moi en l'homme cette pédagogie divine particulière.

Il y a poursuit d'ailleurs Balthasar un caractère trinitaire à cette doctrine de l'image et de la ressemblance parce que la créature étant en devenir les deux mains de Dieu (Christ et Esprit) "ne cessent pas de lui imprimer leur forme (...) et ainsi la nature montre partout les contours et les présages, le plan de ce qui doit être développé à travers le devenir et le temps en direction de l'image parfaite"(3).

Cette dynamique n'est elle pas la course humaine décrite en Ph3, celle que qui oubliant le passé tâche de nous faire "saisir" par Dieu‎. Nous ne sommes et ne serons jamais image et ressemblance, mais notre course est d'y tendre.

‎"Pour suivre la conduite de Dieu, l'homme doit être libre, et cette liberté apparaît aussi dans la conduite elle même qui est toujours une conduite doucement persuasive, jamais une conduite contraignante (4).

 (1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 2, Styles, d'Irénée à Dante, (GC2) p. 58
(2) Irénée, Contre les Hérésies, 2, 367. 2,145 et D2, cité par Balthasar op‎ Cit p. 58
(3) GC2 p. 59
‎(4) Ibid. citant  saint Irénée AH 2, 289 et 2, 286



07 décembre 2015

Création et économie trinitaire chez les Pères de l'Église.

Intéressante thèse de Pierre-Marie Hombert sur la Création chez les Pères de l'Église. Pour en résumé l'axe central c'est d'abord une longue insistance trouvée chez les Pères sur la création ex Nihilo qui tranche avec les discours grecs ou manichéistes de la préxistence de la matière et/ou du mal. Mais ce qui m'a le plus touché c'est probablement cette vision trinitaire de la création (peut-être parce qu'elle entre en résonance avec mes travaux sur la danse trinitaire (2). La création est pour lui une longue histoire dans laquelle les trois personnes divines ont leur rôle et qui a pour finalité la divinisation finale de l'homme en Christ (cf p. 93) dont le Christ en s incarnant trace le chemin et pré-dévoile une partie du plan divin. La citation de St Jean Chrysostome est pour moi la pointe du texte : "Oh homme, ne pose surtout pas de question à notre maître à tous, attends la fin des événements (...) dans la vie future. Le plan de Dieu est organisé en fonction (...) de notre salut et de notre gloire. S'il est fragmenté par le temps, le but lui donne son unité".
‎Suivre la distinction entre image et ressemblance faite notamment par Irénée, Clément d'Alexandrie, Origène, Basile et Maxime (cf. P. 67) c'est contempler notre chemin à accomplir, c'est entrer dans la danse Trinitaire qui nous invite à imiter Christ, passer comme le souligne Bonaventure(4) de la trace à l'image, de l'image à la ressemblance dont Christ en s incarnant dévoile lLa Gloire et la Croix, Styles, a gloire à venir.

(1) Pierre-Marie Hombert, La Création chez les Pères de l'Église‎, Parole et Silence, Collège des Bernardins, 2015
(2) ‎La danse trinitaire, in L'amphore et le fleuve. Voir aussi Où es-tu mon Dieu, kénose et création.
(3) St Jean Chrysostome ‎Sur la Providence IX, 5, cité par Hombert, op Cit p. 62
(4) cf. à ce sujet les éléments notés chez Hans Urs von Balthasar, dans La Gloire et la Croix, Styles, tome 2 (GC2), op. Cit p. 273ss. 


07 octobre 2015

Christ, image de Dieu - Col 1, 15

Je reprends ma lente manducation des lettres du Nouveau Testament après la publication de mes commentaires des lettres de Paul, dans "Serviteur de l'homme". J'aborde maintenant celles dont l'origine est plus controversée avec la série commençant par Colossiens et Éphesiens. Deux lettres qui méritent un détour.
La contemplation de Col 1, 15 retombe dans celles suscitées par la lecture de GC1 (cf plus haut) chez Balthasar. Relisons le texte : "C'est lui qui est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toutes les créatures" (1) Un commentaire d'Urs von Balthasar pourrait être fait à partir de ce qu'il écrit dans GC2 : En Jésus-Christ, vers qui tendent les révélations
de la création et de l'histoire, est manifestée la "dissemblance toujours plus grande" de Dieu par rapport à tout ce qui n'est pas Dieu ; non pas manifestée seulement comme à travers des signes ni simplement connue (...) mais littéralement aperçue dans la figure de la révélation. (...) Quand Dieu apparaît par lui-même (si profondément voilé qu'il reste malgré tout) une telle apparition inclut finalement un cadeau, amour et par là don de soi (2)


Le terme "image de Dieu" mériterait par ailleurs un excursus particulièrement développé à l'aune des travaux du même Balthasar dans ce même tome GC2 sur les considérations entre image et ressemblance chez Bonaventure. Nous y reviendrons.

En attendant, il nous reste à contempler "l'éclat jaillissant de cet amour qui se donne sans réserve en entrant dans la figure terrestre d'impuissance" (3)

On sent jaillir dans la plume de Balthasar cet embryon de ce que j'appelle chez lui la triple kénose, cette contemplation amorcée de la "danse trinitaire" que j'ai repris dans "L'amphore et le fleuve".

(1) Col 1, 15 traduction OST‎
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix , Styles, d'Irénée à Dante, 2 (GC2), Paris, Cerf : DDB p. 9




23 septembre 2015

Christ et Église

Long développement de Balthasar sur l'importance d'une doctrine/ dogmatique  ecclésiale. Mais, précise t-il, la fonction ecclésiale est avant tout service, donc renvoie au Christ. Elle prend part à la figure que dessine le Christ. Elle est moyen, là où la vie ecclésiale est but. Nous ne sommes fils de Dieu "que si l'on évite (...) toute confusion entre le membre et la tête. (...) Ce qui est vraiment Saint est toujours celui qui se confond le moins avec le Christ, ce qui lui permet d'être transparent au maximum pour le laisser voir ". (1)

Quel est l'enjeu de cette distinction ? D'abord reconnaître que ‎nous restons blessés et reflétons bien mal la figure du Christ. Ensuite percevoir que l'individuel n'est rien à côté de ce qui se joue dans la dynamique sacramentelle vivante de l'Église, enfin percevoir l'enjeu de la distance qui ne fera jamais de nous des modèles, mais bien des traces et de pâles images de l'amour infini qui apparaît dans la relation intradivine.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la Croix, tome 1 (GC1), op. cit. p. 176ss


24 juillet 2015

Figure du Christ

Au delà de ce que j'ai écrit à propos de la dynamique sacramentelle,  on peut écouter en écho ce que nous révèle Balthasar,  en ce qu'il dit de la "figure placée devant le regard de l'homme (...) quoi qu'il en soit du caractère caché (...) déguisé (Luther), incognito (Kierkegaard), (...) nous sommes ici devant une figure authentique,  déchiffrable, (...) plus et autre chose qu'un simple signe (...) Fils de Dieu."
Plus que la fleur(2) qui n'est vue telle que si elle est aperçue comme manifestation d'une profondeur divine, "la figure de Jésus n'est vue telle qu'elle se donne elle même,  que si elle est appréhendée et reçue comme la manifestation d'une profondeur divine, dépassant toute nature du monde (3)".

(1)  Hans Urs von Balthasar,  La Gloire et la Croix,  GC1, p. 128-9 
(2) on retrouve chez lui cette comparaison dans son commentaire de Bonaventure ( cf. GC2, Styles, 1) et notamment sur les 6 niveaux de ressemblances qu'il note entre la trace, l'image et la ressemblance de Dieu.
(3) GC1, ibid.

09 juillet 2015

Foi et raison 2

On retrouve l'idée de circumincession chez Clément d'Alexandrie, avec cette interaction entre foi et raison qui prend une dimension trinitaire. "Pas de gnose sans la foi, comme pas de foi sans la gnose, car le Père lui aussi n'est pas sans le Fils" (1)

S'il rejette une gnose hérétique qui fait ignore le Fils ou "la paresse des simples croyants qui croient pouvoir se contenter du kérygme filial, l'enjeu est de trouver le Père par et dans le Fils.

Clément poursuit en précisant : "Le Christ s'adresse aux hommes : "Je vous donne le Logos, c'est-à-dire la connaissance de Dieu, je me donne moi même parfaitement. C'est ce que je suis, c'est ce que Dieu veut, c'est une symphonie, c'est l'harmonie du Père, c'est le Fils... O vous qui êtes tous des images, mais pas toutes ressemblantes, je veux vous ramener à l'archétype, afin que vous me soyez aussi semblables. Je vous oindrai de l'onguent de la foi" (2)

Deux idées s'entrecroisent ici, celle de l'image et de la ressemblance, que l'on retrouve chez Augustin et surtout Bonaventure, avec cette idée de progressivité, de dynamique. L'enjeu, et c'est la deuxième image, est de rejoindre cette symphonie entre le Père et le Fils, ce que j'appelle : "entrer dans la danse de Dieu".

(1) Strom. V, 1,3 ; 1, 326,8 sq.
(2) Protr. 120, 3-5 cité in GC1 p. 115




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08 décembre 2007

Image et ressemblance

La doctrine biblique de l’homme créé à l’image et la ressemblance précise pour Hans Urs von Balthasar que l’homme possède, dans son essence, une image non seulement du Fils, mais de la Trinité toute entière, donc aussi de l’Esprit Saint, ce sur quoi celui-ci doit s’appuyer. Et puisque l’oikonomia divine est intérieurement inséparable, il faut qu’il y ait à partir d’elle dans le monde, non seulement des logos spermatikoi*, mais également des spermata pneumatika**, de sorte que le domaine de l’Esprit, s’étende aussi loin que celui du Fils qui recouvre la création. (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p.193
* Logo spermatikoi, germes du verbe, théorie qui remonte à Saint Justin et qui dit en substance qu'en tout homme, même non baptisé, réside une parcelle du verbe
** Germe de l'Esprit

27 novembre 2007

Les deux mains du Père

Pour Irénée le Fils et l’Esprit forment « les deux mains du Père » et c’est avec ces deux mains que le Père forme l’image, en disant à l’un et l’autre : « Faisons l’homme à l’image de Dieu ». (1) (...) ce n’est pas seulement l’esprit humain mais tout l’homme charnel qui fut façonné par les mains du Père, c'est à dire par le Fils et l’Esprit à l’image et la ressemblance de Dieu (V, 6,1) et ajoute-t-il si cet homme porte comme fruit la foi en Dieu, il « est introduit dans son grenier » (V, 28,4).

Cela rejoint ce que je disais plus haut sur l’excès d’amour du Père et les fruits qui continuent d’être créés par l’élan créateur de Dieu. A cela s’ajoute le fait que le Christ donne sa chair, c'est à dire toute sa personne au sens hébreu de « basar » et que cette chair est nourrie par le Sang (la vie de Dieu) dans son Eucharistie (...) révélateur de la tendresse de Dieu.

(1) Saint Irénée, Adv. Haer. IV Pr 4, cité par Hans Urs von Balthasar, Théologique III, L’Esprit de Vérité, p.159

13 octobre 2007

Image (bis)

Je peux voir que mon âme a été faite à l'image du Créateur, afin d'être une image de l'Image, car mon âme n'est pas l'image de Dieu, à proprement parler, mais elle a été créée à la ressemblance de la première Image.

Alors je verrai qu'à la manière de ces peintres d'effigies qui ne disposent que d'un unique portrait royal et dont tout l'art réside dans la reproduction de ce modèle, chacun de nous, façonnant son âme à la ressemblance du Christ en propose une image plus grande ou plus petite, terne et laide ou au contraire nette, lumineuse, fidèle au portrait original.

Et si j'agrandis l'image de l'Image - c'est-à-dire mon âme - et si je la magnifie par mes actes, mes pensées, mes paroles, alors l'image de Dieu s'agrandit à son tour et notre âme magnifie le Seigneur lui-même, dont elle est l'image.
(1)

(1) Origène, Homélie sur Luc, PG 13, 1820

10 août 2007

Théologie négative - III



« Le fait même que, d’après la Bible, l’homme soit l’image de Dieu, que celui-ci ait imprimé son sceau au plus intime de l’homme, que cette image ait été rétablie et restaurée en Jésus-Christ, selon son modèle originel, tout cela empêche déjà que n’importe quelle négation subséquente n’ébranle le statut originaire de Dieu par rapport à l’homme. ».

Selon Grégoire de Nysse, il existe de ce fait une transcendance tout à fait originaire dans la nature de l’homme, un dépassement de soi vers l’infini puisque l’être image renvoie de par lui-même à un archétype inaccessible. (1)

Pour lui cette course vers Dieu qui fait aboutir à la vie en Dieu est si essentielle qu’il l’a fait continuer (comme d’ailleurs saint Irénée) dans toute l’éternité, sans que cela empêche notre béatitude. (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II ibid, p.105
(2) ibid p. 106

03 août 2007

Image du Dieu invisible - II

Dieu a fait la créature à son image et sa ressemblance pour qu’elle soit capable de l’intérieur et par sa grâce, de lui servir en quelque sorte de caisse de résonance où il puisse se dire et se rendre intelligible.
On retrouve la le thème principal de ma deuxième partie du le tome 2 de Bonheur dans le Couple...

(1) D'après Hans Urs von Balthasar, ibid p. 86

02 août 2007

Image du Dieu invisible

Le Christ est image (eikon). Il est pour Hans Urs von Balthasar, « l'image originale (…) définitivement érigée par Dieu lui-même, en vertu de quoi il était interdit à l’homme d’en sculter ! (...) Celui là seul qui s’est fait homme est appelé par antonomase « image du Dieu invisible » (Col 1,15) ou bien image de Dieu, en précisant que la Gloire de Dieu resplendit en lui (2 Co, 4, 4) ». Mais ajoute-t-il, Jésus n’est pas unilatéralement image comme reflet tombant d’en haut. S'il rend présent Celui dont il est l’image, il est aussi image en tant qu'achèvement ou restauration du caractère iconique de l’homme, perdu ou effacé par la faute. (1)
Alors si l'homme et la femme sont créés à l'image et la ressemblance de Dieu, c'est bien pour tendre à devenir signe "efficace" de cet amour du Christ. Pour aimer comme, comme nous le dit si bien Ephésiens 5. Quelle perspective....

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid p.76

31 octobre 2006

Image de Dieu

Pour Urs von Balthasar (1), le concept d'image de Dieu se décline en trois tensions complémentaires. Il y a d'abord la tension entre le corps et l'esprit, mais aussi entre l'homme et la femme (cf. Gn 2) et enfin celle qui touche l'individu et la communauté tout entière. Pour lui, ces trois images restent inachevables. Elles ne sont que des esquisses de projets fragmentaires. Peut-on dans ce cadre dire que seul le Christ achève la synthèse de ces trois tensions : Il est esprit et corps transfiguré. Mais il est aussi le lieu d'unité de l'homme et de la femme dans le sens symbolique que lui donne Ephésiens et si l'on considère que son coeur ouvert et transpercé abreuve l'Eglise. Cette deuxième notion est alors complétée par celle de l'unique médiateur, individu qui se fait corps du Christ...
Si nos tentatives humaines, que nous avions déjà commenté chez Bonaventure reste des esquisses partielles, il est alors important de ne pas absolutiser "un seul aspect de l'image de Dieu au détriment des autres qui sont aussi indispensables" (2)
On peut concevoir ainsi l'importance de l'union de l'esprit et du corps dans la sexualité, de l'homme et de la femme comme source de don mutuel, et insister sur le rapport entre l'individuel et l'universel pour défendre l'importance de l'envoi et de la fécondité de tout homme. Mais cela ne reste que des tensions. Je note cependant avec intérêt à ce stade, une théorie que je défends sur les trois aspects qui peuvent mieux approcher la notion d'image que la seule relation ? Cela rappelle en effet, ce que j'ai évoqué sur une sexualité qui doit reposer sur trois piliers : le plaisir (lieu de rencontre du corps et de l'esprit), la construction du couple (lieu de don et de différences assumées) et la fécondité (lieu d'ouverture à l'universel)... Ainsi ces trois aspects contribuent au sein même de la rencontre de l'homme et de la femme à exprimer l'étendue et la tension d'un chemin vers Dieu...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.199
(2) ibid. p. 200