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22 mai 2022

Retrait et présence 2.59

 

À l’aube de l’Ascension nous nous préparons au départ du Seigneur, tout en sentant sa fragile et délicate Présence

Paradoxe de la distance et d’une proximité toute intérieure.

Cet entre~deux qui se prépare rend plus prégnant certains contrastes :

Deuils et espérance 

Nuit obscure et brûlure du souvenir.

Amertume et douceur dont parle l’apocalypse.

Joie et tristesse.

Souffrance et consolation ?


Pourquoi ?

Où es-tu mon Dieu ?

Dieu prépare, en nous, une demeure discrète et bien fragile…


Vendredi soir j’écoutais une mère me parler de son fils parti à 19 ans après un long cancer..

Que dire ?

Entendre la douleur, compatir à cette souffrance 

Et espérer contre toute espérance que ce manque abyssal trouvera au fond du gouffre la grâce d’un baume réparateur ?


La liturgie de ce dimanche trace dans ce cadre, et à sa manière, un chemin fragile d’espérance à l’aube de l’Ascension. 


    « Si quelqu’un m’aime,

il gardera ma parole ;

mon Père l’aimera,

nous viendrons vers lui

et, chez lui, nous nous ferons une demeure.* jean 14


Garder…

Demeurer…

Viens demeurer en moi Seigneur.


Écoutons le Christ nous prendre par la main, comme il l’a fait pour ses disciples… : 

    

    « Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »


Le défenseur, le souffle..

Celui qui rend toute chose possible malgré l’absence…


« Je vous laisse la paix,

je vous donne ma paix ;

ce n’est pas à la manière du monde

que je vous la donne.

Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais,

et je reviens vers vous. »


Je m’en vais et je reviens… mais comment ?


« Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie

puisque je pars vers le Père,

car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant,

avant qu’elles n’arrivent ;

ainsi, lorsqu’elles arriveront,

vous croirez. » Jn 14


Que dire…

La demeure toute intérieure et en même temps inaccessible de Dieu en nous ne peut être thématisée.


L’amour est plus fort que la mort, 

mais cette force est discrète et parfois insaisissable, 

car Dieu ne peut être contenu et ses dons restent discrets, 

de peur de froisser notre liberté..


Samedi, par mes mains fragiles et le ministère qui m’est confié, une petite L. est entrée dans la famille des enfants de Dieu, alors que sa maman et ceux qui l’entourent étaient touchés par un nombre indécents de deuils. La maman les a tous évoqués, avec délicatesse, tous ces absents qui auraient pu apporter à cette petite fille un peu de présence et de douceur. Elle avait choisi deux textes dont celui  qui parle de pierres vivantes… 


Viens Seigneur habitez en elle, en eux.

Comble les de ta grâce….

Et que les mots qui sont venues à mes lèvres trouvent en leur cœur leur chemin, ton chemin…


Je vous les confie…

Que le Dieu d’amour les portent dans ses bras…


Pour aller plus loin :

1. Anne Dauphine Juliand, Consolation, éditions Les Arènes

2. Lytta Basset Ce lien qui ne meurt jamais 

3. François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017

4. Et mes essais et romans gratuits sur Kobo / Fnac

- Quelle espérance pour l’homme souffrant…

- Où es-tu mon Dieu ?

- D’une perle à l’autre

06 mars 2021

Homélie du 3eme dimanche de carême - année B

Projet 4

On peut faire fausse route en lisant ces textes qui nous parlent d’un Dieu jaloux qui condamne jusqu’à la quatrième génération ou si l’on s’arrête sur la colère du Fils. Ce serait d’abord oublier ce père aimant et miséricordieux que la liturgie nous a donné à contempler samedi...

Comme souvent, il y a également des points de tension entre chaque lecture. Ou plutôt ce que François appelle des contratensions (1), c’est-à-dire des tensions qui nous conduisent à grandir...

 La première lecture nous rappelle l’importance de cette sortie d’Égypte et du chemin pris par les Hébreux pendant 40 années. Cela rejoint notre chemin de carême. 

Il faudrait méditer longuement chacune des phrases que nous propose Exode 20 et voir ce qu’elle nous dit aujourd’hui, comment elle nous interpelle, prépare notre chemin de réconciliation et nous fait grandir.

La première parole qui peut nous interpeller aujourd’hui en ce temps de désert est probablement cet avertissement sur les idoles : « Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre »... je vous laisse la reprendre intérieurement. Quels sont nos idoles, nos veaux d’or qui nous détournent de l’essentiel...?

 [long silence] 

Quelles sont nos idoles ?

Il faut noter surtout contempler ce don que nous fait Dieu sur cette route, ce qu’on appelle faussement les commandements alors qu’ils sont plutôt à prendre comme des paroles, des cadres de vie, des cadres d’éthique personnelle. 

Je pourrais commenter chacun des dix commandements, mais je m’arrêterai seulement sur le premier. 

« Tu honoreras ton père et ta mère ». Cela ne veut pas dire pour nous une dépendance mais plutôt de leur donner la juste place, surtout en ce temps de confinement et de solitude. On a entendu par ailleurs, il y a qq jours ce commandement de Genèse 2 : «  tu quitteras ton père et ta mère ». Il faut trouver un juste milieu entre le fait de quitter et d’honorer qui se trouve peut-être dans la contemplation de cette sagesse que nous recevons des anciens même s’ils sont à nos yeux plus affaiblis. Cela fait un lien avec ce que nous dit la lettre de Paul sur cette différence fondamentale entre Sagesse apparente des hommes et la faiblesse de Dieu plus sage que l’homme.

Quel est l’enjeu ?

Peut-être de prendre une distance sur l’apparence ou les nouvelles idoles. Et c’est ce que fait Jésus à propos du Temple. 

Le peuple s’est enfermé dans des rites, Des commandements stériles, des dîmes, des colombes à offrir et beaucoup d’autres choses qui ont réduit le temple à une dimension très sacrificielle. Cela énerve le Christ et on peut le comprendre. Sainte colère qui ne justifiera jamais la nôtre, car elle est aussi profonde tristesse sur l’aveuglement de l’homme qui ignore et déforme les dons de Dieu.

Moïse avait créé le sabbat non pas pour enfermer l’homme dans des rites, mais pour une prise de distance, un désert, un silence propice à la venue de Dieu en nous.  L’enjeu des rites n’est pas d’acheter la grâce ou l’indulgence, mais de laisser la place nette, s’ouvrir notre cœur à sa Présence. Détruisez les temples de pierre, fermez les églises, ce n’est pas grave si Dieu fait en nous sa demeure. 

L’enjeu pour nous est là, dans la contemplation de ce qui est vraiment le temple, de ce Jésus qui va donner sa vie et qui vient nous habiter, nous envahir et nous conduit, à sa suite, sur le chemin du don, de l’agapè, de cette charité véritable que nous ne pouvons exercer qu’habiter par la force qui vient de lui. Pas étonnant que les dix paroles de vie données  à  Moïse deviennent chez Jésus qu’un seul double commandement : aimer Dieu et son prochain, totalement, d’une mesure bien tassée et débordante, comme nous le rappelait l’évangile de lundi (Luc 6).

Comprendre cela, c’est participer à ce Corps en relèvement, c’est reconstruire ce qui a été brisé en nous par nos idolåtreries stériles, c’est participer au banquet, ce «  festin, en effet, c'est la plénitude de la réjouissance et de la tranquillité que de se reposer en Dieu et de contempler sa béatitude. » nous glisse Saint Ambroise.





07 avril 2016

Présence et absence - 2

A partir d'une présentation succincte de l'apophatisme de la physique quantique (1) digne de sa connaissance dans le domaine, le physicien et théologien Christophe Gripon nous conduit sur les pas de Denys l'Aréopage, jusqu'à Yannaras. Quel est l'enjeu ? 
Réfuter tout discours trop rationnel sur un Dieu qui nous échappe et parvenir à "la négation des idoles rationnelles de Dieu" (2), et accepter de fait "l'inconnaissance comme unique catégorie de connaissance" (3) ou comme le dit le Pseudo-Denys, "le non-être au delà de l'essence" (4).

Il y a, dans les propos de Gripon, des phrases qui me rappellent la philosophie de Lévinas, disciple lui-même de cet Heidegger qu'il cite. C'est d'abord la question de l'Autre, la différence entre le Dire et le dit et cela va jusqu'au titre de son ouvrage sur "L'autrement qu'être, ou au-delà de l'essence"....

Mais poursuivons. N'y a-t-il pas un risque mys‎tique ? Non dit Yannaras : "La distinction ineffable (...) rend possible à l'homme la participation au Dieu imparticipable (...) [tout en supposant] l'autonomie de la personne (...) et excluant la confusion, la dissolution de la personne dans l'extase mystique". (5) 

En fait, comme il le précise plus loin, la connaissance apophatique est "ordonnée à la communion des personnes", et nécessite une "anthropologie essentiellement kénotique"(6), ce qui n'est pas sans rejoindre ce que je démontre dans mon tome 2 d'humilité et miséricorde : décentrement et communion. Décidément nos pensées se rejoignent.


(1) Christophe Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, op. Cit p. 102 ‎ (on aimerait qu'il en dise plus, mais n'est-ce pas ça justement l'apophatisme : garder en vue l'incompréhensibilité de Dieu).
(2) Christos Yannaras, De l'absence à l'inconnaissance, p. 93‎, ibid. p. 115
(3) Gripon p. 115
(4) Yannaras p. 95
(5) p. 115 ‎ 
(6) Gripon p. 118 et note 343.