29 janvier 2021

Homélie du quatrième dimanche du temps ordinaire , année B

Projet d'homélie pour dimanche, version 8
Où sommes-nous ?
Au désert comme dans la première lecture ?
À Corinthe, dans une ville perdue ?
Où à Capharnaüm, ville des nations...
Les textes de ce dimanche interpellent notre discernement intérieur, ce qui se passe au fond de notre cœur, dans ces temps et dans ces lieux d’incertitudes, alors que nous hésitons, nous restons confinés, parfois incapables de bouger ou bloqués par nos peurs.
Je ne sais pas pourquoi mais je pense à la guérison du possédé pris de convulsions comme à celle d’un cocotier qu’il faut secouer pour qu’il libère ses fruits. 
Jésus parle avec autorité... pourquoi ? Peut-être pour secouer nos peurs et nos torpeurs... mais surtout parce qu’il s’adresse au Mal.

La semaine dernière nous célébrions le dimanche de la Parole. Depuis plusieurs textes sont venus nous interpeller (le semeur, la tempête apaisée,...). Aujourd'hui nous sommes appelés à creuser en notre cœur le travail et la place que cette Parole laisse en nous et peut-être à nous laisser nous aussi un peu secouer.

Sors de cet homme...
Jésus veut expulser avec autorité nos peurs, ce Mal qui nous empêche d’avancer.

Bien sûr nous sommes fragiles ! 
Mais laissons nous un peu déranger...
Prenons le temps de relire chaque lecture.
La première lecture, utilise des répétitions, ce qu'on appelle une forme concentrique. Entre chaque répétition il nous faut percevoir ce sur quoi pointe le texte... sur quoi insiste t-il ?

Prenons le temps de le voir ensemble.
Dans la première Moïse disait au peuple :
« Au milieu de vous, parmi vos frères,
le Seigneur votre Dieu
fera se lever un prophète comme moi.
L'expression « se lever un prophète » se répète.
Elle encadre ce qu'on appelle les murmures, typique de la traversée très symbolique du peuple au désert et donc par métaphore de nos propres pas : « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !"
Et le Seigneur me dit alors :
"Je ferai se lever au milieu de leurs frères
un prophète comme toi.
je mettrai dans sa bouche mes paroles,
et il leur dira tout ce que je lui prescrirai.
Si quelqu'un n'écoute pas les paroles
que ce prophète prononcera en mon nom,
moi-même je lui en demanderai compte.

De la même manière le psaume insiste...
Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,

Dans sa première lettre aux Corinthiens Paul souligne la différence entre le souci des affaires du Seigneur, et le souci des affaires de ce monde. Il parle de division... il se situe dans un temps et une histoire particulière, persuadé qu’il reste peu de temps, qu’il y a urgence...
Et conclut que ce qui est bien, c'est que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

Le souci des affaires de ce monde .... [ou] s'attacher à Dieu sans partage....

Il y a là ce à nouveau ce qu'on appelle une tension théologique ou un déchirement...
Les textes de ce dimanche sont bien délicats à interpréter... sauf à entendre derrière la trame des textes que nous avons peut-être pu manduquer cette semaine, à contempler cette terre que nous sommes et les graines de moutarde que Dieu sème à tout va...

L’Évangile souligne le contraste entre Celui qui enseigne en homme qui a autorité, et l' esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?  Es-tu venu pour nous perdre ?
L’autorité du Christ tranche ici avec la miséricorde qui caractérise Jésus, mais elle s’explique par la présence particulière d’un esprit du mal. Celui qui se rebute à la présence de l’Agneau. Es-tu venu nous 
perdre...? Est-ce le diviseur qu’évoque Paul ?
En quoi sommes-nous perdus ?

Nous nous perdons peut-être quand la voix du monde nous fait oublier l'essentiel, quand notre cœur se perd dans des méandres auto-centrés et oublie notre vocation de baptisés. Sommes-nous des âmes isolées ou une communauté joyeuse et aimante ?
A quoi sommes-nous appelés ? N'oubliez pas mon interpellation d'il y a 15 jours... notre vocation de baptisés se nourrit de l'interpellation intérieure... de notre capacité à faire silence.
Laissons la Parole venir nous secouer, nous travailler jusqu'aux jointures de l'âme. Plaire au monde ou à Dieu. Ce déchirement est salutaire. Il nous fait grandir...

Le Verbe semé en nous viendra t-il déranger nos habitudes ? Sommes-nous attentifs ou tellement distraits par les ronces de ce monde que les dons que Dieu nous fait restent des lettres mortes ?
Seigneur, viens nous visiter.
Toi seul peut nous délivrer du Mal.
C’est la guérison dont nous avons besoin. Fais sortir de nous ce mal...



24 janvier 2021

Autorité et danse - 32

 

Le mûrissement intérieur du Christ qui se prépare dans le silence d’une vie cachée est une belle méditation qui interpelle nos propres chemins de parole. Je m’interroge toujours sur cette notion d’autorité dont parle l’Evangile d’aujourd’hui.

1) L’autorité du Christ vient-elle de son originalité, de sa personnalité ou de Dieu ? Première question qu’il faut peut-être se poser en reprenant la question de Marc 11,28 puis Jn 14, 10  : « Ne crois-tu pas que, moi, je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que, moi, je vous dis, je ne les dis pas de ma propre initiative; c’est le Père qui, demeurant en moi, fait ses œuvres.» avant de faire, de notre côté, abus d’autorité ? 

C’est un sujet bien délicat qui rejoint le risque clérical. 

2) L’autorité s’explique t-elle dans l’Evangile d’aujourd’hui par la présence particulière et dérangeante du Mal ? Probablement aussi.

La liturgie de ce dimanche nous donne ici à manduquer de beaux textes, difficiles à commenter en tout cas. Nous avons besoin des autres pour temporiser et canaliser nos interprétations « abusives ». C’est au milieu de nos quêtes que se dresse, fragile, la Vérité.(1)

Hier, dans le diocèse de Chartres les diacres se réunissaient (cf. Photo) pour fêter la saint Gilduin, leur saint patron (2) qui a été jusqu’à Rome pour plaider son refus d’être nommé évêque et son souhait de rester diacre. Il est mort à son retour de Rome dans notre diocèse autour de l’an 1000. Un chemin intéressant pour nous diacres.

Notre vicaire général en commentant hier la place du diacre en liturgie a repris cette belle image du Père Faure sj sur le diaconat(3). Le diacre en proclamant la Parole, et parfois en la commentant (4) sur la pointe des pieds, atteint un sommet liturgique puis s’efface progressivement jusque dans le silence laissant au prêtre la présidence de la deuxième table.

Kénose, lavement des pieds, à l’image de Jésus en Jn 13... un mouvement où l’on renonce à toute autorité.

Tout au plus nous reste-t-il le droit de verser une goutte d’eau dans ce qui deviendra le précieux sang en prononçant comme dans un murmure fragile cette belle phrase « Comme cette eau se mêle au vin, puissions être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». Puissions nous en effet avoir part au mystère immense qui se noue au creuset de la danse trinitaire...(5)

Le diacre, disait probablement avec humour un commentateur (6) peu être comparable à ces anges qui montent et descendent l’échelle de Jacob... Fonction d’intermédiation. Je le prends avec un sourire.

Intermédiaire, serviteur d’un mystère qui nous dépasse, le diacre est appelé à s’enfoncer dans le silence, s’agenouiller devant le mystère de la Présence comme il s’agenouille devant l’homme. 

Que dire de plus si ce n’est que c’est probablement le cœur du mouvement diaconal ?

Quelle est finalement sa fonction liturgique. Proclamer la Parole puis s’effacer devant le travail qui se joue dans les cœurs, contempler le mystère puis  soulever le calice en silence, en portant la souffrance des hommes et demander à Dieu de nous envoyer son amour et sa paix... 

Lui vient alors d’autres fonctions : porter aux autres ce trésor jusqu’aux périphéries les plus lointaines...


(1) Maison d’Evangile, un lieu de manducation à plusieurs cf. :

https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share

(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilduin_de_Dol

(3) pierre Faure, le rôle liturgique du diacre, cf. https://diaconat.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/5/2017/06/LMD-249-role-liturgique-du-diacre-P.-FAURE.pdf

(4) voir aussi http://chemin.blogspot.com 

(5) cf. mon livre éponyme repris également dans « A genoux devant l’homme »

(6) Aimé-Georges Martimort, l’Église en prière, tome 1

19 janvier 2021

Kénose comme accouchement de l’homme bon ? - 31

Si l’on suit la trame de l’invention de Dieu de Tomas Römer jusqu’au bout, on pourrait presque que déduire que le phénomène qui nous a fait passer des dieux multiples, violents et ténébreux au Dieu unique d’Israel est le lent mouvement teilhardien qui nous rapproche de la révélation finale, d’un Dieu qui s’efface et s’agenouille dans le silence, d’un Dieu à genoux devant l’homme à qui est confié la lourde tâche de conduire l’humanité vers la justice, la paix et la concorde.


Théorie du retrait ?

Appel du/vers le visage d’autrui ? 


Lent chemin que ces renonciations aux rites et aux pouvoirs pour trouver en l’homme capable de relation pacifiée ce qui n’était que conflits et discordes.


Sommes-nous capables de cela ? Ou faut-il comme le suggérait Georg Hamann considérer que l’histoire d’Israel est aussi notre histoire et que les balbutiements, les exils d’antan se rejouent à nouveau sans que nous soyons finalement capables de faire mieux ?


La lente manducation de l’histoire, les couches rédactionnelles de l’AT ne sont elles que le terreau d’une révélation plus disruptive qui trouve leur point culminant en Christ avant de retomber dans l’erreur ? 


Y a t’il progression et courbe d’apprentissage ?


Peut-on comme le suggérait Moltmann dire que deux millénaires de théologie n’ont pas servi à éviter la Shoah ? 


Leçon d’humilité et réalisme...

À suivre

18 janvier 2021

Danse du verbe - 30 bis

Je tente un pas de plus, sur la pointe des pieds tant le sujet est fragile.. Il y a dans la lettre aux Hébreux à partir du chapitre 9 un glissement sacrificiel dans lequel on peut tomber. C’est de considérer comme le feront les disciples d’Anselme que ce sacrifice satisfait à un Dieu exigeant et à une forme de réparation. Il faut lire la nuance qu’apporte René Girard pour comprendre que ce signe élevé n’est pas un prix à payer à Dieu, mais la mise en évidence de la violence humaine. 


Quelques indices sont d’ailleurs à relever comme le verset 3 d’Heb 9 : «  Derrière le second rideau, il y avait la tente appelée le Saint des saints (...) puis le verset 12 : 12 il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, en répandant, non pas le sang de boucs et de jeunes taureaux, mais son propre sang. De cette manière, il a obtenu une libération définitive. » et surtout les 26 et suivants : «  le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. 27 Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, 28 ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ».


L’erreur est bien d’entrer dans un schéma sacrificiel qui voudrait perpétuer la mauvaise interprétation de l’appel au sacrifice d’Isaac et voir de toutes nos démarches sacrificielles une volonté de réduire la colère divine. Ce serait mal interpréter le monde, le mal et Dieu.


Non, la mémoire de la Passion n’est pas un sacrifice ancien et nos prêtres comme nos messes ne sont pas des exercices propriatoires. 


L’enjeu n’est pas d’apaiser le courroux divin mais de faire tomber la violence sacrificielle et de célébrer celui qui déchire le rideau du temple et montre combien l’amour est Dieu ou Dieu amour...


10. 19 Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : 20 nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa chair. 21 Et nous avons le prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. 22 Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. 23 Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. 24 Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir. 25 Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour du Seigneur.


12. 28 C’est pourquoi, nous qui recevons une royauté inébranlable, soyons reconnaissants et rendons ainsi notre culte à Dieu d’une manière qui lui est agréable, avec grand respect et crainte. 29 Car notre Dieu est un feu dévorant.


13.8 Que demeure l’amour fraternel !


Le basculement entre 12.29 et 13.8 est essentiel. Qu’est ce que ce feu dévorant ? Si ce n’est l’amour.


Qui a lu le livre de M. Pochon évoqué par Geneviève ? https://www.facebook.com/groups/reflexiongh/permalink/4628777297196718/

17 janvier 2021

Danse du verbe - 30


La lente manducation de la lettre aux Hébreux se poursuit, jour après jour... dévoilant progressivement la figure du prêtre selon l’ordre de Melchisedek. Mais est-ce un prêtre comme les autres ? Quelle est la nouvelle figure sacerdotale qui se dessine. Est-ce un prêtre selon l’ancien temps...?

Il nous faut manduquer doucement cette perception particulière de la lettre aux Hébreux en une lecture cursive pour en percevoir l’axe central qui se révèle doucement à nous.


«Pour nous, c’est bien un tel grand prêtre qui convenait: saint, innocent, sans souillure, séparé des pécheurs, et élevé plus haut que les cieux; il n’a pas besoin, comme les grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses propres péchés, et ensuite pour ceux du peuple – cela, il l’a fait UNE fois pour toutes, en s’offrant lui-même. La loi en effet institue grands prêtres des humains sujets à la faiblesse; mais la parole du serment postérieur à la loi institue le Fils qui a été porté pour toujours à son accomplissement.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭7:26-28‬ ‭


«Or voici le point capital de ce que nous disons: nous avons un tel grand prêtre, qui s’est assis à la droite du trône de la majesté dans les cieux; il est au service du sanctuaire et de la tente véritable, celle qui a été DRESSÉE par le Seigneur et non pas par un être humain.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭8:1-2‬


Le mot dressé, mérite à lui seul d’être manduqué.


Jean 3 l’évoque de manière fortuite en parlant de Nombres 21 :


«Le SEIGNEUR dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant et place-le sur une perche; quiconque a été mordu et le verra restera en vie. Moïse fit un serpent de bronze et le plaça sur la perche; si quelqu’un était mordu par un serpent et regardait le serpent de bronze, il restait en vie.»

‭‭Nombres‬ ‭21:8-9‬ ‭


L’élévation est signe... entrons dans la danse du Verbe :


«Il fit alors un rêve: un escalier était dressé sur la terre, et son sommet touchait au ciel; les messagers de Dieu y montaient et y descendaient.»

‭‭Genèse‬ ‭28:12‬ ‭


«Tu dresses devant moi une table, en face de mes adversaires; tu enduis ma tête d’huile, ma coupe déborde.»

‭‭Psaumes‬ ‭23:5‬ ‭


«Lorsque vous passerez le Jourdain, vous dresserez au mont Ebal ces pierres que je vous ordonne aujourd’hui de dresser, et tu les enduiras de chaux.»

‭‭Deutéronome‬ ‭27:4‬ ‭


«Ta tête se dresse comme le Carmel, et tes nattes sont comme la pourpre rouge; un roi est enchaîné dans leurs ondulations!»

‭‭Cantique des cantiques‬ ‭7:6‬ ‭


«tu t’es assise sur un lit d’apparat, devant lequel une table était dressée, et tu y avais placé mon encens et mon huile,»

‭‭Ezéchiel‬ ‭23:41‬ ‭


«il est au service du sanctuaire et de la tente véritable, celle qui a été dressée par le Seigneur et non pas par un être humain.»

‭‭Aux Hébreux‬ ‭8:2‬ ‭


«Celui qui est trop pauvre pour cette offrande choisit un bois qui résiste à la vermoulure; il cherche un artisan habile pour dresser une statue qui ne vacille pas.»

‭‭Esaïe‬ ‭40:20‬ 


«C’est sur une montagne haute et élevée que tu dresses ton lit; c’est aussi là que tu montes pour offrir des sacrifices.»

‭‭Esaïe‬ ‭57:7‬ ‭


«Il dresse une bannière pour les peuples lointains; il en siffle un des extrémités de la terre, et il arrive vite, avec rapidité.»

‭‭Esaïe‬ ‭5:26‬ ‭NBS‬‬


«Le messager du SEIGNEUR dresse son camp autour de ceux qui le craignent, et il les délivre.»

‭‭Psaumes‬ ‭34:8‬ ‭


Jean Chrysostome fait écho avec ce signe qu'il évoque dans une de ses homélies : " La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons, car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix scintille (Mt 27,45) ; le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il disparaît, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation (Col 2,14), elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas ». " (1)


Le signe élevé sur le monde depuis Nb 21 devient en Jean 3 l’unique sacrifice.


«Si vous ne croyez pas alors que je vous ai parlé des choses terrestres, comment croirez-vous si je vous parle des choses célestes? Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l’homme soit élevé, pour que quiconque croit ait en lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.»

‭‭Selon Jean‬ ‭3:12-16‬ ‭


Contemplons Celui qui s'est anéanti pour notre salut.


«il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort – la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom,»

‭‭Aux Philippiens‬ ‭2:8-9‬ ‭


La Croix, l’abaissement, la kénose ouvre le chemin de notre relèvement. Il est le don unique, l’UNIQUE sacrifice qui n’appelle rien d’autre qu’un amour à transmettre.


«Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils UNIQUE, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.»

‭ Jean‬ ‭3:16‬ ‭


Et la danse du Verbe continue :


«Dieu dit: Prends ton fils, je te prie, ton fils UNIQUE, celui que tu aimes, Isaac; va-t’en au pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai.»

‭‭Genèse‬ ‭22:2‬ ‭


«Unique est ma colombe, ma parfaite; elle est l’unique de sa mère, resplendissante pour celle qui lui donna le jour. »

‭‭Cantique des cantiques‬ ‭6:9‬ ‭


(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur « Père, si c'est possible » (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 72)

16 janvier 2021

Solitudes et danses intérieures 29 bis

 Solitudes et danses intérieures - 29

Nous sommes tous plus ou moins marqués par la solitude, plus particulièrement en ce temps de confinement.

Que faire ?

Prier...

Crier !

Oui crier après Dieu, comme le font si bien les psaumes 

Cri, nécessaire et presque salvateur

Crier pour une rencontre.


Mais bien sûr trouver des moyens pour sortir de cet état...


Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Même si le « chemin du désert »(1) est lieu de conversion, l’homme est un être de relation et il est bon de contempler que dès l’origine, au « terreux » solitaire, Dieu a donné une partenaire(2) un lieu pour entrer en relation, en symphonie(3), plus loin que la danse des chairs, le mot hébreu basar n’a pas fini de dévoiler son amplitude symbolique(4). « Le mythe donne à penser » disait Ricoeur. Gn 2 dévoile l’importance d’entrer en lien, de trouver complémentarité et joies dans la rencontre du visage d’autrui. 


Alors que je méditais, solitaire, sur ce concept, je suis tombé sur ce bel interview de Sylvie Germain, la grande spécialiste de Lévinas qui nous parle de son nouveau roman. Un bel entretien que je vous laisse découvrir.


https://radionotredame.net/embed/306679/


(1) cf. mon livre éponyme 

(2) à lire les belles pages sur ce point de Sylvaine Landrivon, in La femme modelée Cerf 2016, p. 297sq

(3) cf. Aimer pour la vie

(4) ibid.

Où est-il ? Danse 29


 Un frémissement d’ordre dans le chaos, une conjonction dans le désordre, une fleur dans le désert, un sourire dans un monde de brutes, l’amour au milieu de la haine, 

La mort d’un innocent qui détourne notre violence, une liberté dans une succession de déterminisme, une truite qui remonte le courant, une semence qui jaillit dans l’hiver, l’amour au milieu de la haine. 

Une disruption dans une suite logique, le silence intérieur dans un flot de d’insouciance. Un appel au delà de nos peurs, l’insaisissable au sein de nos raisonnements, l’épée tranchante à la jointure de l’âme, l’amour au delà de la haine.

Fécondité au delà de nos stérilités, fidélité au delà de nos abandons, pardon au delà de nos lâchetés, indissolubilités dans la frivolité. L’amour au delà de la haine.

Abaissement malgré nos ignorances, confiance au delà de nos doutes, sacrifice unique de celui qui aime ceux qui veulent le trahir.

Brise légère au delà du feu et du tonnerre. Chant des anges au milieu du silence, paix intérieure au milieu de nos inquiétudes, frémissement au sein des nuits obscures. Soignant au milieu des malades, Miséricorde malgré nos haines. Espérance au delà de la mort.

Dieu ne se démontre pas, il se révèle quand on ne l’attend pas. 

Et pourtant cherche, ne cesse pas de chercher jusqu’à ce que tu cries, comme Augustin : tu étais là et je ne le savais pas » ;-)

15 janvier 2021

Tu m’as appelé ? - danse 28


Tu m'as 
appelé ? Projet d'homélie n.3 du 1er dimanche ordinaire année B 

Belle histoire que je vous invite à relire que le début du livre de Samuel, fruit imprévu d’une femme stérile qu’elle confie au temple en action de grâce. 

Tu m’as appelé ? Le cri résonne dans le silence.

Sommes-nous appelés ? 

A quoi ?

Le risque est de considérer que cet appel ne nous concerne pas... De l’entendre résonner dans la nuit et de l’oublier.


La réponse nous interpelle aussi : me voici.. et nous  qu'aurions nous répondu? que répondons nous aujourd’hui à ces appels souvent cachés dans le murmure de la brise légère; sommes nous capables  de faire silence pour les entendre ?


Nous sommes tous appelés à participer au royaume. Chacun à sa manière. C’est notre vocation de baptisés...

L’actualité fait bcp de bruit sur ce motu proprio du pape  qui donne aux femmes le droit d’être appelées à deux nouvelles fonctions de lectorat et de l’acolytat. 

Qu’est ce que c’est ? (Je vous invite  à creuser ce sujet) 

C’est une avancée de l’Église vers une forme de complémentarité entre les hommes et les femmes, mais ne nous trompons pas. Si les femmes n’ont pas, encore ce qu’on pourrait appeler la première place, celle bien inconfortable d’être choisi pour présider l’eucharistie à l’autel, elles sont comme tous les hommes appelées à travailler au royaume et je dois le reconnaître elles font souvent plus et mieux ce que nous clercs pouvons faire. Car le royaume ne se construit pas à l’autel, mais dans l’agir, dans ces périphéries où nous sommes tous appelés.

L’essentiel n’est pas la figure extérieure, la fonction mais cette éternelle course de l’homme pour suivre Jésus jusque dans son amour le plus large.

Paul, pharisien réputé, avant sa conversion médite très bien sur cette illusion dans un texte  que je trouve central. Ecoutons le : 

«Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré comme une perte à cause du Christ. En fait, je considère tout comme une perte (...) A cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme des balayures, (...)  pour parvenir, si possible, à (...)  le saisir, pour autant que moi-même j’ai été saisi par Jésus-Christ. En ce qui me concerne, mes frères, je n’estime pas moi-même l’avoir déjà saisi; mais une seule chose compte: oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, je cours vers le butPhilippiens‬ ‭3:7-14‬ ‭


Le jour du jugement, ce n’est pas notre rang dans l’Église qui comptera mais notre exercice de la charité en actes.


Où demeures tu ? demande les deux apôtres à Jésus.

Viens et suis moi...

Ce n’est peut-être pas seulement dans nos églises de pierre ou dans nos institutions qu’habite le Christ...

Cherchons à le suivre jusque dans ses périphéries...

Saint Athanase, dans une belle méditation que nous offre l’office des lectures de vendredi évoque la possibilité d’« exécuter une seule mélodie : ainsi la Sagesse de Dieu, le Verbe, tenant l'univers comme une lyre, unit les êtres de l'air avec ceux de la terre, et les êtres du ciel avec ceux de l'air ; il combine l'ensemble avec les parties, (...) produit ainsi, dans la beauté et l'harmonie, un seul monde et un seul ordre du monde. (...) prenons l'image d'un chœur composé de nombreux chanteurs. Ce chœur comporte des exécutants variés : hommes, enfants, femmes, vieillards et jeunes gens ; sous la direction d'un seul chef, chacun chante selon sa nature et ses possibilités ». 


L’enjeu est de trouver chacun NOTRE place dans un polyèdre (le mot de François exprime un souci particulier d’unité entre tous et toutes, mais aussi aujourd’hui particulièrement d’unité de tous les chrétiens) il nous reste à construire cette unité au service de la construction du corps....


Tu m'as appelé, me voici! 

Laissons maintenant résonner en nous ces deux phrases. Trouvons le chemin que Dieu a préparé pour nous, pour répondre à son appel 


10 janvier 2021

Baptême du Christ - danse 27

 On parle souvent de triple épiphanie. Qu’est ce à dire ? 

Petite distraction ce soir à la messe dominicale. 

Le baptême du Christ serait le troisième double agenouillement que nous offre la liturgie de Noël et est en même temps une porte d’entrée à la vie du Christ. 

Je m’explique. 

Il y a eu l’agenouillement de Dieu qui nous confie son Fils auquel répond quelques bergers.

Il y a l’agenouillement des mages devant un Dieu qui se révèle par sa faiblesse.

Il y a l’agenouillement du Fils pour recevoir le baptême de Jean, alors même que Jean affirme n’être pas digne de s’agenouiller pour délier ses sandales.


Qu’attendons-nous pour tomber à genoux ? Dieu vient nous visiter. Il plonge symboliquement dans les eaux de la mort pour éveiller en nous le sens de sa mort sur une croix et ce premier agenouillement est chemin pour qu’à notre tour nous prenions le temps de renoncer à nos certitudes et contempler la faiblesse d’un Dieu qui se penche devant l’homme pour l’inviter à la danse...


C’est dans ce mouvement que réside l’amour...


Don de l’Esprit, de l’eau et du sang nous dit Jean, puisque tout est lié. Tout prend chair dans cette kénose trinitaire.


On n’épuise pas pourtant ces textes en 2 paragraphes.. Il y a quatre beaux sermons chez les Pères de l’Église révélés cette semaine par le livres des heures que je vous laisse découvrir. Si Gregoire de Naziance nous donne par exemple à contempler un dialogue entre Jean et Jésus Fauste de Riez donne de son côté une belle correspondance entre Cana et le baptême. Ces jarres d’eaux usées transformées en vin peuvent y être comparées à ce Jourdain purifié par la plongée symbolique de l’Agneau. Tout cela révèle et prépare au sommet de l’incarnation, le mystère de cet amour porté jusqu’au bout, martyr finalement commun de Jean et du Christ au service d’une seule révélation : l’amour infini du Père. L’agenouillement du Fils n’a d’autre sens. On est loin d’une tour de puissance et d’orgueil. La kénose est ici à son paroxysme. 


C’est peut-être ce que nous révèle 1 Jn 5 : « C’est lui, Jésus Christ,

qui est venu par l’eau et par le sang :

non pas seulement avec l’eau,

mais avec l’eau et avec le sang.

Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit,

car l’Esprit est la vérité.

En effet, ils sont trois qui rendent témoignage,

l’Esprit, l’eau et le sang,

et les trois n’en font qu’un. »


Le baptême du Christ est la première réponse à cette soif de l’AT et finalement à notre soif, culminant dans ce geyser d’eau et de sang que décrit Jean 19





PS : on trouvera sur ce thème d’autres commentaires sous ce lien. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/511470-commentaires-du-dimanche-10-janvier-2/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=commentaires-du-dimanche-10-janvier-2 


J’aime les découvrir le dimanche matin après une longue méditation personnelle ou partagée avec les amis de notre Maison d’Evangile dont je rappelle ici le lien. Un beau groupe qui compte maintenant une centaine de membres et surtout des interventions très respectueuses autour de la Parole cf. https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/?ref=share


C’est en s’éclairant et manduquant ensemble ces textes que nous déchirons le voile 😉

07 janvier 2021

Danse avec tout homme - 26

« Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. » La méditation liturgique de la première lettre de Jean nous ramène à l’essentiel, à ces béatitudes qui contemple en chaque homme, cette capacité théophorique, d’être porteur de Dieu. 


Μακάριοι ο πτωχο τ πνεύματι - bienheureux les pauvres en Esprit. La distinction de Mt 5,3 interpelle.


Ce n’est pas rien de contempler dans la kénose du Fils l’appel continu de Dieu à révéler ce qu’il a mis en nous.

L’agenouillement du Fils qui veut demeurer chez Zachée, crie son « j’ai soif » à la Samaritaine ou se laisse toucher en Marc 7 par cette femme étrangère qui lui réclame des miettes est contemplation, d’une certaine manière de ce Dieu en « manque » de l’homme déjà mentionné par Arnold en « danse n. 9 et n.10 », non qu’il soit dépourvu d’infinité, mais parce que l’amour même est « extase »(Fratelli Tutti, ch. 3), tout tourné vers autrui, vers le « visage » d’autrui au sens Lévinassien.


La contemplation de cet foi des petits enfants, de cette amour sans faille, de cette confiance aveugle est toujours pour l’homme lieu de danse et s’inscrit bien dans la symphonie kénotique de l’homme et de Dieu.


C’est à l’Arche que l’on découvre que la foi des touts petits est lumière qui fait éclater nos incertitudes et nos de-espérance. C’est dans le chant et la prière de mes quatre petits enfants que je vibre le plus avec l’amour reçu et partagé. Dieu donne nous l’amour des « simples », ceux qui ne s’encombrent pas des rites et des dogmes, mais demeurent en toi comme tu demeurent en eux. 





On est bien là au cœur de cet agenouillement qui fait le centre de ma trilogie trop souvent citée.

01 janvier 2021

Épiphanie - pistes pour une homélie

Version 6

Que nous apportent la lecture de ces textes ? 

Peut-être une lueur... faible en ces temps de confinement... un frémissement (cf. Isaïe 55), un tressaillement (Luc 1)...

Une lumière au bout du tunnel... Sommes-nous encore en attente de la lumière ? Ou comme les lecteurs d’Isaïe en exil de nous mêmes ?

Nous cherchons, en ces temps difficiles, la lumière comme ces mages qui cherchaient dans le ciel un signe...

Cette lumière est là en nous,  c’est l’espérance qui nous habite, malgré ces temps difficiles.

C’est croire d’abord que Dieu vient nous visiter - qu’il peut faire naître une joie toute intérieure, celle qui nous vient de la contemplation de cet enfant qui nous sauve.

Paul parle ce mystère comme quelque chose d’immense. « Toutes les nations sont invitées au même héritage » nous dit Eph 3

Les mages accourt des 4 coins de l’univers

La bonne nouvelle de Matthieu c’est également l’ouverture aux nations

Ces semences de ce Verbe dont parle Jean dans son prologue, sont pour Matthieu le don de Dieu aux nations. 


L’autre clé est enfin le mystère même de cette crèche que nous contemplons depuis quelques jours...

Grand est notre Dieu quand il se fait petit ? 

Ce qui nous est révélé c’est l’humilité de Dieu.

Humilité - car il est bien petit et pauvre ce Sauveur loin de la puissance et de la violence. Sa royauté n’est pas celle d’Hérode. Il ne naît pas Jérusalem mais à Bethleem.

C’est là le mystère, la Révélation.

Dieu, par sa faiblesse guérit le cœur de celui qui accepte de se dépouiller...

Notre cœur doit se dépouiller et s’élargir.

La crèche est le résumé du mystère de la vie de Jésus - petit il va révéler l’amour qui fait échec aux puissants...


Il nous reste à contempler la grâce que Dieu nous fait et y répondre par nos dons. Dieu vient nous habiter. Quelle va être notre réponse intérieure ?

Peut-être contempler l’infini de Dieu au delà de nos finitudes ?

La contemplation des textes proposés ici ouvre et dilate notre coeur à l’infini de Dieu.  A voir en soi et en autrui ce qu’on appelle les semences du Verbe.

Tout homme de bonne volonté peut trouver le vrai Dieu. 

Comprendre que ce que nous révèle la crèche n’est pas un Dieu de pouvoir, le Dieu de nos projections humaines. Mais un Dieu amour,  un Dieu qui se fait tout petit... pour nous visiter...

Il y a là une tension...

Ouvrons nos cœurs à cette lumière qui vient jusque dans nos ténèbres et dans nos confinements pour nous conduire aux dons.

Les mages viennent les mains pleines. 

Et nous, qu’avons nous a offrir ? 

De l’or... ? nos richesses matérielles à partager ?

Ou la myrrhe, le parfum ultime, notre prière  et l’encens qui élève nos âmes au mystère ?

Contempler les dons des mages c’est aussi voir ce que l’on a reçu et qu’on est prêt à donner. Recevoir et donner...

N’est-ce pas le mystère de notre vie. S’inscrire dans ce don de Dieu nous dépasse.  Noël est-il pour nous le premier pas vers un don sans mesure... ? 

En nous présentant tout à l’heure à l’autel sommes-nous habités vraiment de cette espérance, de cette ouverture du cœur et de cette humilité qui nous fait dire, viens Seigneur révèle en nous et à travers nous ta lumière. Si c’est le cas ce que nous recevrons deviendra en nous lumière joyeuse, frémissante et radieuse. Dieu vient il est lumière...