30 novembre 2018

Le voile de l’Écriture - Hans Urs von Balthasar

Le Verbe est au delà de tout discours, non aliud, tout autre... Et toute tentative de le mettre dans nos cases est vaine.
« C'est comme si le Saint-Esprit, l'auteur de la Sainte Écriture, étendait en elle, sur le mystère de la vie terrestre du Seigneur, un voile qui ne peut être écarté complètement. Il est là, indubitablement attesté par les descriptions, qu'aucun homme (...) n'aurait pus inventer (...) Beaucoup de choses dans le christianisme s'offrent à l'analyse exacte. Mais le fond suprême plonge dans la nuit des mystères silencieux de Dieu. Ce qu'il y a de suprême en Jésus (...) est tourné vers le Père, c'est quelque chose qui est lui-même contemplation et action au sein de la contemplation »(1)

Quel chemin pour nous dans notre prière ? Peut-être une attention particulière, une écoute silencieuse à ces appels discrets et répétés, mais non prévisibles de l'Esprit à agir. En cette fête de saint André, écoutons ces signes discrets qui tout en respectant notre liberté nous poussent toujours plus loin dans la contemplation et l'action.

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 155

Tressaillement 9 - Hans Urs von Balthasar

Dans la série de mes réflexions sur le tressaillement, une petite résonance avec Hans Urs von Balthasar : « celui qui n'éprouverait pas jusqu'au racines de son être le frisson devant l'être de Dieu (...) ne serait pas préparé à la contemplation de Jésus-Christ (...) Que l'être absolu de Dieu ait résolu de se présenter dans une existence humaine (...) voilà ce qui doit surprendre sans cesse et toujours plus profondément celui qui contemple l'existence de Jésus, comme quelque chose d'impossible, d'absolument stupéfiant. Devant cette existence, il ne peut que perdre contenance, sentir le sol se dérober sous ses pieds, il doit au moins tomber dans cette « extase » d'incompréhension dans laquelle les contemporains de Jésus furent jetés »(1)

Balthasar invite pour cela à une initiation à ce mystère par l'Ancien Testament. On retrouve probablement à sa suite ce que j'ai tenté de contempler dans « retire tes sandales »...

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 140

28 novembre 2018

Les dangers de l’apocalyptique extrême - Hans Urs von Balthasar

Alors que la liturgie de cette fin d'année nous plonge dans la contemplation de l'apocalypse, il est bon d'entendre les avertissements d'Hans Urs von Balthasar : le danger dit-il en substance est un penchant toujours plus fort vers « la mystique sous la forme des apocalypses » (...) « d'une science secrète (...) appuyée à des formes prophétiques » (...) , d'oublier le présent et de contempler la gloire du Christ dans le temps, comme le reflet du Seigneur céleste sur la terre »(1)
L'enjeu est de se diriger non pas dans une fuite du réel mais plutôt vers une « veille comme prière, comme ouverture du coeur à Dieu qui peut venir et surprendre en tout temps (...) qui ne fait pas disparaître l'eschatologie ds la mystique » (2)

Toute contemplation n’a de sens que lorsqu’elle trace un chemin dans nos vies, met le Christ au centre, lui donne une place aujourd’hui.
Descente de croix, Vert en Drouais, (c) CHD


(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative op. cit. p. 128sq
(2) ibid p. 131

27 novembre 2018

Au fil de Luc 21, 5-11 - Apocalypse - Saint Cyrille d’Alexandrie


« Veillez à ne pas vous laisser égarer. Beaucoup, en effet, viendront en se servant de mon nom, en disant: « C'est moi! », et: « Le temps s'est approché! » N'allez pas à leur suite. » ‭‭(...) « Quand ces évènements commenceront, redressez-vous et relevez la tête » Luc‬ ‭21:8‬, 28

Les images de l'Apocalypse ou celles qui ponctuent le discours du même style chez Luc 21 sont-elles à prendre au premier degré ?
Oui et non, probablement. On sait maintenant combien de drames et de catastrophes ont rempli l'univers. Il y a le mal de peine, ce qui touche à la nature et, comme le souligne saint Thomas, le mal de faute, ce qui vient des hommes. 
Comme l'écrit saint Cyrille, « Ces villes renversées, selon nous, ne sont pas celles que l'on peut percevoir par les sens, ce ne sont pas les hommes qui y vivent. Mais, à notre avis, il s'agit plutôt de chacune des puissances mauvaises et hostiles, et avant tout de Satan, qui est appelé ici une ville, et une « ville forte »...
Lorsque l'Emmanuel est apparu et a brillé sur le monde, la troupe impie des puissances adverses a été ruinée, Satan a été renversé « depuis ses fondements » ; il est tombé, il est affaibli à jamais et ne peut plus espérer se redresser un jour, ni relever la tête. » (1)
Certes nous savons maintenant que le mal renaît de ses cendres. Pour autant, nous devons résister à cette double tentation : celle de nous croire exempt de combats intérieurs et celle de penser que Dieu est vaincu. Croire en la grâce et la miséricorde divine doit nous inviter à persévérer. 
Dieu est plus grand que la mort. Telle est notre espérance. C'est pourquoi nous pouvons, « nous redressez et relevez la tête »  
« C'est pour cela que « le peuple pauvre et la ville des hommes opprimés te bénira » (LXX). (...).. Lorsque le Christ en personne est apparu et que, chassant la tyrannie du diable, il les a conduites à son Dieu et Père, alors elles ont été enrichies par la lumière de la vérité, par la participation à la gloire divine, par la grandeur de la vie de l'Évangile. C'est pourquoi elles ont fait jaillir des hymnes d'action de grâce au Dieu et Père : « Oui, Seigneur, tu as accompli ton dessein ancien et vrai » (v.1) en récapitulant tout dans le Christ. Tu as « illuminé ceux qui étaient assis dans les ténèbres » (Lc 1,79) en renversant les puissances qui dominent le monde (Ep 6,12), comme on renverse des villes fortifiées. « C'est pourquoi le peuple pauvre te bénira, toutes les villes te glorifieront. » (2)

C’est peut-être cela qu’il nous reste à contempler : le Christ, lumière et phare pour nos vies et espérance pour les hommes.

(1) Saint Cyrille d'Alexandrie, Sur Isaïe, III, 1 (trad. Sr Isabelle de la Source, Lire la Bible, t. 6, p. 76), source Evangelizo 
(2! Ibid.







26 novembre 2018

Au fil de Luc 21, 4 - les deux pièces de la veuve

« elle a mis tout ce qu'elle avait pour vivre » Luc 21, 4

Jusqu'où doit-on donner ? Que donner ? Qu'est-ce qu'un don ?
Je commencerais par une petite observation sur notre façon de procéder avant de voir jusqu'où l'évangile nous interpelle.

Une question préalable : est-ce que nos actes sont vraiment gratuits ?

Nous avons souvent un réflexe donnant-donnant. Luc le rappelait déjà il y a quelques jours dans son évangile :  
«Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu’ils ne te rendent ton invitation et qu’ainsi tu sois payé de retour.» ‭‭Selon Luc‬ ‭14:12‬ ‭NBS‬‬
Plus encore, on peut poser la question aux hommes présents aujourd'hui. Quand vous offrez des fleurs à vos femmes, est-ce un don véritable ? N'y a-t-il pas un but caché ? N'avons nous pas quelque chose à nous faire pardonner ou à quémander ?

Saint Augustin nous donne à ce sujet trois clés de lectures que l'on peut méditer. Est-ce que nous aimons être aimé, est-ce que nous aimons aimer ou est-ce du pur amour ?

L'agape, le pur amour est un don sans retour. C'est celui d'un donateur qui d'efface, nous rappelle Jean-Luc Marion.
Le don est risque

Que nous dit Luc ici ?
Rappelons que c'est à quelques heures de sa mort que Jésus contemplencette femme. Et s'il est touché, c'est parce qu'il se prépare à faire la même chose.

Luc nous prépare au point final. Le vrai et unique sacrifice
Si Jésus est sensible à la vieille femme, c'est qu'il va aussi faire lui aussi le don total.

Il nous reste trois étapes : nous agenouiller devant le vrai donateur
Contempler
Et Agir à sa suite.

Qu'est-ce que le don ? Au delà de nos balbutiements la barre est haute… elle est aussi haute que le bois élevé pour guérir nos humanités blessées.



24 novembre 2018

Passé et futur - une tension théologique

Je souligne une tension intéressante entre mes nombreux propos sur la course infinie du chrétien à la suite de Paul dans Philippiens 3 et l'attitude contemplative décrite par Hans Urs von Balthasar : « le Saint-Esprit qui nous introduit dans la plénitude du Christ et nous l'explique jusqu'à la fin du monde, d'une manière toujours plus riche et plus profonde, puise dans une source qui (...) se situe dans le passé. Et le contemplatif lui aussi ne peut faire autrement que de tourner son regard vers le passé. De ce fait, le chrétien va contrairement à la poussée de l'histoire qui court torrentueusement vers l'avant, et sa tendance contemplative ne peut que constituer un scandale pour l'homme qui reste enfermé dans l'histoire » (1)

Cette tension trouve son dénuement dans cette triple composition entre contemplation, méditation et agir.

(1) ibid p. 127

Christ-Roi - une homélie décalée ?

Qu’est-ce qu’un roi ? Et pourquoi donner ce nom au Christ ? Les lecteurs du premier Testament connaissent les écueils du peuple de Dieu, leur désir d’avoir un roi en dépit des avertissements de Samuel (cf. 1S 8, 6)) et leurs déconvenues.

Chez Marc 12, l’erreur des deux disciples demandant les meilleures places, nous alertent également. Chez Jean,  après le manteau de pourpre et la dérision des soldats, c’est Pilate qui fait fausse route.

La question reste en suspens. Quel est le royaume de Jésus, sur quoi repose son autorité ? Qu’est-ce que l’autorité ?
Le silence de Jésus nous renvoie à une double contemplation.
D’abord une contemplation vers l'arrière, à la recherche des indices et des signes que Jean a semé dans son Evangile, décrivant Jésus comme plein de zèle évangélique au Temple (Jn 2), mais surtout capable d’écoute, d’empathie et d’humilité (Jn 13). Un homme qui prend soin du souffrant, redonne la vue et la vie.
La figure qui se dessine ici, dans cette première contemplation est précisée par Jean dans l’image du bon berger. Le Christ n’a rien d’un roi de ce monde.

Qu’est-ce qu'apporte l’apocalypse dans cette vision ?
Écoutons les phrases clés du texte : « Il nous a délivrés de nos péchés par son sang (...) ils le verront, ceux qui l’ont transpercé  ». Il est le Sauveur, ce fils d’homme annoncé par Daniel dans la première lecture.
Mais s’il est roi, de quel royaume ?Comme Pilate, laissons-nous interroger ? Qu’est-ce finalement que le royaume de Dieu ? Après ce retour arrière, regardons en avant. C’est dans la Passion que la royauté du Christ se dévoile, sur la Croix
Ce que le dialogue avec Pilate prépare est le sommet du message de Jean. Et il devient le point culminant de notre année liturgique.

Le Christ serviteur est l’inversion de tous nos critères et de toutes nos projections. Il est révélation de l’amour inconditionnel du Père. La royauté, il y a renoncé nous dit Paul en philippiens 2, 11. « Prenant la condition de serviteur » (...) « Et c’est pourquoi Dieu lui a donné le nom qui surpasse tout nom ».

Qu’est-ce finalement que ce nom, que cette gloire (Jn 17, 2) qui revient au Christ ? Elle se dévoile sur la Croix. La croix est lumière qui éclaire et révèle le véritable royaume. La résurrection qui consacre cette gloire n’a de sens que liée à cette croix.

Qu’est-ce que cela nous dit aujourd’hui ? Comment pouvons-nous être à sa suite, prêtre, prophète et roi ?
Probablement en Le suivant jusqu’au bout de l’amour. Notre royauté est dans l’abandon de toute prétention à l’avoir, au pouvoir et au valoir, notre royauté est être serviteur du royaume de Dieu et pour nous diacres, plus que les autres, image du Christ serviteur, n.ayant fait que notre devoir (Luc 17, 10)

23 novembre 2018

L’œuvre de Dieu en Christ - saint Jean Etudes - l’amour est en toi 27

« Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, (...) les mystères de Jésus ne sont pas encore dans leur entière perfection et accomplissement. Bien qu'ils soient parfaits et accomplis dans la personne de Jésus, (...) le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu'il veut nous communiquer, et par les effets qu'il veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous. » (1)

Sur quoi se fonde saint Jean Etudes, pour nous conduire sur ce chemin alors que la lettre aux hébreux nous parle d'un unique sacrifice (Heb. 10,14). Il y a là un appel, nourri des premières lettre de Paul, de cette course infinie (2) à laquelle le cappadocien nous invite à son tour.

Pour Jean Eudes, « saint Paul dit que Jésus Christ s'accomplit dans son Église, et que nous concourons tous à sa perfection et à l'âge de sa plénitude, c'est-à-dire à son âge mystique qu'il a dans son corps mystique; et cet âge ne sera accompli qu'au jour du jugement. Et ailleurs, il dit qu'il accomplit en son corps la Passion de Jésus Christ ». (1)

Il s'agit de vivre en Christ, de poursuivre son œuvre, non pas par nos mains de chair, mais en le laissant agir en nous. Cette plénitude ne sera pas atteinte seule. Elle se fonde sur la construction polyédrique et mystérieuse du « corps de l'Église »

« Où pouvons-nous entrer en communion avec lui à travers le Christ ? Où pouvons-nous trouver la lumière du Saint-Esprit qui éclaire notre vie ? La réponse est : dans le peuple de Dieu, parmi nous, qui sommes Église…
Et c'est le Saint-Esprit, avec ses dons, qui dessine la diversité. Cela est important : que fait le Saint-Esprit parmi nous ? Il dessine la diversité qui est la richesse dans l'Église et qui unit tout et tous, de manière à constituer un temple spirituel, dans lequel nous n'offrons pas des sacrifices matériels, mais nous-mêmes, notre vie (1P 2,4-5). L'Église n'est pas un mélange de choses et d'intérêts, mais elle est le Temple du Saint-Esprit, le Temple dans lequel Dieu œuvre, le Temple dont chacun de nous, à travers le don du baptême, est une pierre vivante… Nous sommes tous nécessaires pour construire ce Temple ! Personne n'a un rôle de second plan. Personne n'est le plus important dans l'Église, nous sommes tous égaux aux yeux de Dieu. L'un d'entre vous pourrait dire : « Écoutez, Monsieur le Pape, vous n'êtes pas égal à nous. » Mais si, je suis comme chacun de vous, nous sommes tous égaux, nous sommes frères !  ». (5)

« le Fils de Dieu a dessein de consommer et accomplir en nous tous ses états et mystères. Il a dessein de consommer en nous le mystère de son Incarnation, de sa naissance, de sa vie cachée, en se formant en nous et en prenant naissance dans nos âmes, par les saints sacrements de Baptême et de la divine Eucharistie, et en nous faisant vivre d'une vie spirituelle et intérieure qui soit cachée avec lui en Dieu. » (1)

Plus encore cette dynamique sacramentelle (3) se « perfectionne en nous » par « le mystère de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection, en nous faisant souffrir, mourir et ressusciter avec lui et en lui. Il a dessein d'accomplir en nous l'état de vie glorieuse et immortelle qu'il a au ciel, en nous faisant vivre avec lui et en lui, lorsque nous serons au ciel, d'une vie glorieuse et immortelle. Et ainsi il a dessein de consommer et accomplir en nous et en son Église tous ses autres états et mystères, par une communication et participation qu'il veut nous donner, et par une continuation et extension qu'il veut faire en nous de ces mêmes états et mystères.
Ainsi les mystères de Jésus ne seront point accomplis jusqu'à la fin du temps qu'il a déterminé pour la consommation de ses mystères en nous et en son Église, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde. (1)

Ainsi pourrons-nous dire à la suite de Paul :
« Pour lui, j'ai tout perdu,
et je cours vers le seul but :
Lui, le premier, m'a saisi,
de tout mon élan, je veux le saisir. » (4)

(1) saint Jean Etudes, traité sur le royaume de Jésus,source Bréviaire 
(2) cf. Grégoire de  Nysse in La vie de Moïse
(3) cf. mon livre éponyme 
(4) oraison tirée de Ph. 3
(5) pape François, audience du 26/3/2013

22 novembre 2018

Parvenir à toucher Dieu ?

La contemplation ne doit pas rester intellectuelle. La science enfle mais le coeur édifie. L'enjeu nous dit Ignace est de « parvenir au toucher (1 Jn 2, 2), au contact avec Dieu (Exercices n. 20), il faut être saisi par ce que les Divines Personnes font (Ex 108). » (1)

Cette quête est d'abord contemplative et méditative avons nous souligné déjà plus haut à la suite d'Hans Urs von Balthasar.

Le risque constant de tout discours est de se complaire dans les mots et le discours et d'oublier d'agir.

« Assurément la flamme de l'amour jaillira normalement du bois de la connaissance, et souvent elle jaillira d'autant plus fortement que la connaissance sera plus existentielle. Mais il ne faut pas sous ce prétexte, s'attarder si longtemps dans l'intellectualité que l'amour n'ait plus sa place et que même l'attitude foncière d'adoration s'évanouisse, parce qu'on est tombé dans les subtilités et dans les fumées de la science » (2)

Pouvons nous toucher Dieu ? La contemplation d'Exode 33 et 34 nous montre qu'on ne peut le voir que de dos. Pour le toucher, il faudrait que notre agir, poussé par l'Esprit et la grâce se transforme en graines et que, dans le coeur de Dieu, elles germent alors sur les rives du grand fleuve amoureux.

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 119
(2) Hans Urs von Balthasar, ibid.

Contemplatio et meditatio - Ignace de Loyola

« Contemplatio ignacienne  exercices n. 106sq d'Ignace de Loyola :  d'abord voir la scène d'Évangile et les personnes qui y paraissent, ensuite entendre leurs paroles, enfin considérer leurs actions. Ou bien, en se plaçant plutôt au point de vue du sujet, pour la mediatio : d'abord se représenter par la mémoire l'événement objectif, ensuite en découvrir le contenu par l'entendement, enfin appréhender ce qui a été découvert par la volonté et l'affectivité, se l'approprier et l'introduire dans sa propre vie. (...) [L'enjeu est] l'action, un agir de la part de Dieu ; action qui en exigeant de moi une réponse et en me conférant la grâce, me saisit et me transforme. » (1)

« Ce qui est visé est ma vie, non pas mes spéculations, mes imaginations, mes rêveries religieuses et théologiques, mais réellement ma vie » (2)

Ce qui est visé est la « béance du coeur », cet ouverture à l'Esprit qui peut agir en moi, me saisir (Ph 3), et me conduire toujours plus loin dans cette course infinie(3) vers le but qui m'est assigné...

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 117sq
(2) ibid. p. 154
(3) cf. mon livre éponyme déjà cité 

Au fil de Luc 19,41-44 - Jésus pleure sur Jérusalem

« En ce temps-là, lorsque Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle en disant (...) « tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait » Luc 19,41-44 

Nous approchons du terme. Après un passage au cœur du monde, voici Jésus qui contemple la ville et probablement le lieu où il va mourir. Tout ce chemin pour quoi ? 

Le voici, le berger d’Israël, le pasteur des brebis, qui s’avance, agneau fragile conduit à l’abattoir. Tout s’inverse pour notre salut.

« Tu es digne, de prendre le Livre
et d’en ouvrir les sceaux,
car tu fus immolé,
rachetant pour Dieu, par ton sang,
des gens de toute tribu,
langue, peuple et nation.
    Pour notre Dieu, tu en as fait
un royaume et des prêtres :
ils régneront sur la terre. » (Ap. 5, 9-10)

Contempler Jésus qui pleure sur Jérusalem, n’est-ce pas aussi un peu le voir pleurer encore sur ce que nous n’avons pas pu faire, pleurer sur tous les signes qu’il nous a fait, par la médiation de l’Esprit et de nos frères, tout ce que le Père nous a donné et que nous avons ignoré.


Pardon Seigneur pour nos lâchetés.



21 novembre 2018

Au fil de Luc 19,11-28 - les dix mines

La parabole rapportée par Luc nous fait prendre conscience que nos vies, notre travail n'a de sens que parce tout est d'abord don de Dieu. 
C'est dans la contemplation des dons reçus que nous pouvons avancer et faire fructifier cela. 
Notre travail n'est pas alors le seul fruit de nos mains, il est participation, construction active à quelque chose de plus grand.
Plus encore, comme le dit Jean Paul II, « dans le travail de l'homme, le chrétien retrouve une petite part de la croix du Christ et l'accepte dans l'esprit de rédemption avec lequel le Christ a accepté sa croix pour nous. Dans le travail, grâce à la lumière dont nous pénètre la résurrection du Christ, nous trouvons toujours une lueur de la vie nouvelle, du bien nouveau (...) auxquels participent l'homme et le monde précisément par la peine au travail. » (1)

(1) Saint Jean-Paul II, Encyclique Laborem exercens, 27 (trad. © copyright Libreria Editrice Vaticana)

20 novembre 2018

Au fil de Luc 19 - Zachée

Alors que Jésus descend dans notre monde, jusqu'au profondeurs géologiques et symboliques de Jericho, jusqu'où sommes nous prêts à descendre pour s'agenouiller devant Dieu. « De nos peurs, de nos richesses, de notre orgueil » (1) de nos suffisances, de notre confort ? Que de chemin à parcourir...
Aide-moi Seigneur.

(1) variations sur une excellente méditation sur l'application « Prie en chemin » disponible sur Android et iPhone.


19 novembre 2018

Au fil de Luc 18, 35 - aveuglement - homélie du 19/11

Les textes d'aujourd'hui s'accordent particulièrement bien. Je voudrais seulement vous introduire à leurs enchaînements. 

« Heureux celui qui lit,
heureux ceux qui écoutent
les paroles de la prophétie
et gardent ce qui est écrit en elle,
car le temps est proche. ». Ap 1 (1)

Cette invitation de Jean aux sept Églises de l'Asie mineure n'est pas dépassée. Elle nous interpelle tous les jours. Souvent ne sommes-nous pas sourds et aveugles aux signes et aux paroles que Dieu met sur notre route. 

Luc, à sa manière, nous interpelle aussi :
« Jésus approchait de Jéricho » » (Lc 18, 35-43)
Comme le rappelle les pères de l'Église cela sous-entend que Jésus vient nous chercher au plus profond de nos servitudes, de nos surdités et de nos aveuglements.
Accueillons le dans le silence. 

« un aveugle mendiait, assis au bord de la route. »

Et si nous prenions le temps de nous assoir à ses côtés. Qu'avons nous de différents avec lui ? Voyons nous vraiment ? Ne pouvons nous pas dire à sa suite :
« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! »
    Ceux qui marchaient en tête
le rabrouaient pour le faire taire.
Mais lui criait de plus belle :
« Fils de David, prends pitié de moi ! »
    Jésus s'arrêta et il (...) lui demanda :
    « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Faisons une pause et répétons à notre tour la question de Jésus
 « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Puis écoutons la réponse de l'aveugle. 

« Seigneur, que je retrouve la vue. »
    Et Jésus lui dit :
« Retrouve la vue ! Ta foi t'a sauvé. »
    À l'instant même, il retrouva la vue,
et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu.
Et tout le peuple, voyant cela,
adressa une louange à Dieu.

Que dire ? Les textes parlent tout seuls...
Ce qu'a fait Jésus à l'aveugle, il le fait chaque jour pour nous. La tradition orthodoxe a une belle icône pour exprimer cela, celle de l'anastasis (2) On y voit Jésus tenir la main d'Adam pour le sortir de l'enfer. 
Si nous ne sommes pas au royaume des morts, nous devons reconnaître que nous sommes parfois bien loin de lui. Laissons alors Jésus nous reprendre la main. 
Écoutons et faisons nôtres à nouveau la première lecture
« Tu ne manques pas de persévérance,
et tu as tant supporté pour mon nom,
sans ménager ta peine.
Mais j'ai contre toi
que ton premier amour, tu l'as abandonné.
    Eh bien, rappelle-toi d'où tu es tombé,
convertis-toi, reviens à tes premières actions. » (Ap 2)
Un chemin qui reste à reprendre...
Alors le psaume aura sa juste place
« Heureux est l'homme
     qui (...) se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre
     planté près d'un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu'il entreprend réussira. » (Ps 1)

« Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! » redonne-moi la vue ! (3)
            
(1) source : Textes liturgiques © AELF.
(2) cf. E. Heriard Dubreuil, l'icône de l'anastasis
(3) cf. Mon commentaire de Bartimée

17 novembre 2018

Au fil de Luc 18, 8 - la foi

« Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18,8)

Cette question de Jésus m’interpelle jusqu'au jointures de l'âme. Elle n'a pas pour visée première mon voisin que Dieu seul « sonde et connaît » (Ps 139,1), mais bien notre foi propre, celle qui n'a pas souvent la taille d'un « grain de moutarde »....

Au delà du désert de nos vies intérieures, dans notre tentation de ritualisme et nos automatismes se trouve en question notre ouverture réelle à la Parole. Est-ce qu’elle est pour moi tranchante et interpellante. Vient-elle me réveiller de mes insuffisances et de mes petitesses  ?

Suis-je  vraiment « en Christo », c'est à dire décentré de toute auto référence et animé par une confiance totale en la miséricorde du Père ?

Hans Urs von Balthasar, dans son commentaire sur la prière, suggère avec justesse que les laïcs n'ont pas [forcément] à prendre la liturgie des heures mais doivent chercher par eux-mêmes une rencontre plus naturelle avec leur Dieu, « plus de compréhension et de liberté spirituelle » (1). Quel est l'enjeu de cette remarque ? Probablement une double crainte, celle de les voir rentrer dans un ritualisme de plus : «  j'ai fait ma prière ! » et celle de couper ce lien particulier entre le laïc et le monde qui lui donne une sensibilité des souffrances et des joies et au sein duquel Dieu « avise »(2).

Cette interpellation de Balthasar ne vise probablement pas que les laïcs. Il n'y a pas de chasse gardée. La prière des heures est un cri de l'Église. Elle éveille l'homme mais ne le comble pas comme une véritable oraison silencieuse.

Alors laissons-nous peut-être interpeller. Quelle est la nature de ma relation avec Dieu ?

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 105
(2) allusion à la phrase bien connue citée par le curé d'Ars : «  je l'avise et il m'avise »

16 novembre 2018

Le moi et la Parole - Hans Urs von Balthasar

« Il arrivera (...) que dans la méditation de ce que Dieu dit, l'homme aussi, son je et son moi, surgisse et prenne de la réalité en réfléchissant sur lui-même, il l'obtient en écoutant la parole de Dieu, dans le miroir de laquelle il verra ce qu'il est lui-même en vérité (...). Celui qui fait de son moi le plus profond un moi attentif à la parole de Dieu et adorateur est sûr d'être compris dans la transcendance décisive » (1)

Un peu d'autocritique ne fait pas de mal. La Parole est un miroir qui nous renvoie notre réalité d'homme, fragile, englué dans nos insuffisances et dans les adhérences qui nous rattachent au monde. 

Et néanmoins cette autocritique rejoint ce que disait Paul en Ph 3. Tout n'est que « balayure ». Laissons nous porter par ce désir tout intérieur qui nous conduit au Seigneur.


(1) Hans Urs von Balthasar op. cit. p. 102

L’art de l’homélie - autocritique :-)


« Le prêcheur doit se taire pour écouter. Pour s'effacer derrière la Parole de Jésus. Pour mesurer à quel point ses propres paroles humaines se montrent bien fragiles pour Lui faire écho avec justesse. (…) La prédication, c'est cela, rien du prêcheur et tout de Lui. Long ou bref, peu importe, le silence fonde le mystère, tel qu'il s'impose après la communion, tel qu'il doit en aller dans la confession et dans l'homélie. » (1) 

(1) Bruno Cadoré, Avec Lui, écouter l'envers du monde, PARIS, Cerf, 2018, cité dans La Croix du 8/11/18

Au fil de Luc 17,26-37.- Le retour

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme. » (Luc 17, 26)

Il faut lire cet extrait dans la foulée des lectures précédentes. La vision apocalyptique nous incite à réfléchir sur notre propre salut. Il viendra de notre capacité à entendre la Parole. Le salut vient de Dieu.

Au delà de  l’accent un peu noir du texte, à contextualiser dans l’epoque post 70 (chute de Jérusalem) de l’Ecriture c’est un regard sur notre aujourd’hui qui est en jeu.

« Nous annonçons la venue du Christ : non seulement son premier avènement, mais encore un second beaucoup plus éclatant. Le premier en effet a été marqué du signe de la patience, tandis que l'autre portera le diadème de la royauté divine... Lors du premier avènement, il a été emmailloté et couché dans la crèche ; lors du second, il sera « drapé de lumière comme d'un manteau » (Ps 103,2). Lors du premier, il a subi la croix et méprisé la honte ; lors du second, il s'avancera dans la gloire escorté d'une armée d'anges.
Il ne nous suffit pas de nous appuyer maintenant sur le premier avènement ; nous attendons encore le second. Et après avoir dit, lors du premier : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Mt 21,9), nous le redirons encore au moment du second, quand nous viendrons avec les anges à la rencontre du Seigneur pour l'adorer. Le Sauveur viendra non pour être à nouveau jugé, mais pour juger ceux qui ont porté jugement... Il était venu alors pour réaliser le salut et enseigner les hommes par la persuasion ; mais ce jour-là, il soumettra tout à sa royauté ». (1)

(1) Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèse baptismale 15, 1-3 ; PG 33, 870-871 (trad. Orval), source Evangelizo 



15 novembre 2018

Au fil de Luc 17,20 - le règne de Dieu est au milieu de vous - 27

C’est « dans le miroir de la Parole que l’homme voit qu’il est en vérité ». (1)
Ce passage de Luc nous livre deux trésors. Le premier c'est qu'il nous faut arrêter de chercher des signes extérieurs, mais contempler ce souffle intérieur déposé en nous dans le silence et qui conduit notre âme. 
« Le règne de Dieu est au milieu de nous et au-dedans de nous ». Lc 17, 10

« Elle est tout près de nous, cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur » (Dt 30,14). Écoutons Origène : « celui qui prie pour que vienne le règne de Dieu a raison de prier pour que ce règne de Dieu germe, porte du fruit et s'accomplisse en lui-même. Chez tous les saints en lesquels Dieu règne et qui obéissent à ses lois spirituelles, il habite comme dans une cité bien organisée. Le Père est présent en lui et le Christ règne avec le Père dans cette âme parfaite, selon sa parole : « Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. » (Jn 14,23). (2)

Que nous le précise Origène, cette paix intérieure nécessite d'avoir combattu ce qui en nous résiste. Une « cité bien organisée » est cette chambre intérieure, nettoyée du superflu, attentive aux tentations qui l'attaque à nouveau (Lc 11, 24-26) à laquelle nous devons veiller.
Luc nous met en garde sur le retour des 7 démons furieux. Comme le dit Grégoire 
« Il arrive souvent (...) que, lorsque l'âme vient à s'enorgueillir de ses premiers pas dans la perfection, et veut en être louée comme de véritables vertus, elle donne entrée à son ennemi furieux contre elle, et qui s'acharne avec d'autant plus de violence à sa ruine, qu'il a éprouvé de douleur d'en avoir été chassé, ne fût-ce que pour quelque temps. »(3)

Une homélie du 2eme siècle le précise : « lorsque les païens entendent de notre bouche les paroles de Dieu, ils admirent leur beauté et leur noblesse. Mais ensuite, lorsqu'ils découvrent que notre conduite n'est pas en accord avec les paroles que nous disons, ils passent au blasphème en disant qu'il n'y a là que fable et folie.

En effet, lorsqu'ils nous entendent dire, comme une parole de Dieu : Quelle reconnaissance pouvez-vous attendre, si vous aimez ceux qui vous aiment ? Mais on vous sera reconnaissant si vous aimez vos ennemis et ceux qui vous détestent. Oui, lorsqu'ils entendent ces paroles, ils admirent cette extrême bonté. Mais lorsqu'ils voient que nous n'aimons pas ceux qui nous détestent et même pas ceux qui nous aiment, ils se moquent de nous, et le nom de Dieu est blasphémé.
Ainsi donc, mes frères, si nous faisons la volonté de Dieu notre Père, nous appartiendrons à l'Église primordiale, à l'Église spirituelle, qui fut créée avant le soleil et la lune. Mais si nous ne faisons pas la volonté du Seigneur, nous relèverons de ce passage de l'Écriture : Ma maison est devenue une caverne de bandits. Préférons donc appartenir à l'Église de la vie, afin d'être sauvés. »(4)

Reconnaissons le, c'est donc le chemin d'une vie, qui est en jeu ici. Passer de la parole aux actes. Notre lutte contre nos adhérences au mal qui nous entravent et nous lient de l'intérieur est une lutte sans fin ? Peut-on y arriver seul ? Non ! 
N'est-ce pas « impossible à l'homme ? » (Mat 19, 26).

Comment y parvenir ? 
C'est la contemplation de la Croix qui nous libère. « Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé » (Za 12, 10 - Jn 19, 37). Le daqar hébreu (percé au travers) exprime ici un double déchirement. Celui qui libère l'Esprit de Dieu jaillissant du cœur transpercé et celui intérieur en nous, qui ouvre nos yeux du cœur (5) et nous conduit à une « nouvelle naissance » (cf. Jn 3, 7)
« Le règne de Dieu qui est en nous (...) parviendra à sa perfection lorsque la parole de l'apôtre Paul s'accomplira : le Christ « après avoir soumis » tous ses ennemis, « remettra son pouvoir royal à Dieu le Père pour que Dieu soit tout en tous » (1Co 15,28). C'est pourquoi, priant sans relâche, avec des dispositions divinisées par le Verbe, disons : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne » (Mt 6,9). (6)
Alors, « comme l'éclair qui jaillit illumine l'horizon d'un bout à l'autre, ainsi le Fils de l'homme, quand son jour sera là.» Luc 17, 23

Qu'est-ce que cette lumière ? Benoît XVI évoquait au JMJ de Cologne une fission nucléaire. On peut y voir à notre tour un déchirement intérieur comme celui du voile qui cachait Dieu au temple. Alors à la suite de Marc nous entendrons le centurion nous dire « celui-ci était vraiment le fils de Dieu. Marc 14, 39

L'éclair qui illumine est le feu allumé par le Ressuscité, buisson ardent qui nous sauve.
(1) Hans Urs von Balthasar, op. cit. p. 101
(2) Origène, Traité sur la prière, 25 ; GCS 3, 356 (trad. bréviaire, 34e dimanche)
(3) S. Grég. (Moral. 7, 7.) 
(4) source office des lectures du 15/11/18, AELF 
(5) cf. notre commentaire de Bartimée Mc 12
(6) Origène, ibid.

14 novembre 2018

Un seul pain - Hans Urs von Balthasar - 1 Co 10

Trois mots de Balthasar suscite ma méditation : « la manducation d'un seul pain, comme participation au Corps du Christ (1 Co 10,17) » (1)
Relisons la référence chez Paul : «La coupe de bénédiction, sur laquelle nous prononçons la bénédiction, n'est-ce pas une communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-ce pas une communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, nous, la multitude, nous sommes un seul corps; car nous partageons tous le même pain
‭‭(Première aux Corinthiens‬ ‭10:16-17‬) ‭

Dans nos églises nous mangeons des hosties bien rondes et bien lisses en oubliant qu'il s'agit d'un seul pain et surtout d'un seul corps. L'unité se joue déjà dans cette contemplation de ce qui est pourtant une évidence. Nos individualismes nous font oublier cette invitation à l'unité. 

On entend comme en écho le premier chapitre de la même lettre : « «J'entends par là que chacun de vous dit: « Moi, j'appartiens à Paul! » – « Et moi, à Apollos! » – « Et moi, à Céphas! » – « Et moi, au Christ! » Le Christ est-il divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou bien est-ce pour le nom de Paul que vous avez reçu le baptême?»
‭‭Première aux Corinthiens‬ ‭1:12-13‬.

Il nous faut sans cesse prier pour que l'unité se fasse en nous et entre nous, deux dimensions d'une même danse en Christo.

Hans Urs von Balthasar va plus loin : «  l’Esprit [conduit] (...) a une unité indivisible [au point que] la contemplation et le sacrement forment une unité ecclésiale première et indissociable » (ibid. p. 99)


(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 97

Photo : Détail de Fra Angelico, la danse des anges.

13 novembre 2018

La prière des humbles - le cyclone spirituel

« Entre la grande prière (...) de l'Église et la prière tâtonnante, trébuchante des individus, il y a un lien indestructible. Il y a dans le monde des millions d'êtres qui prient, mais toutes les prières sont rassemblées dans l'unique prière résumant tout de l'Église, de l'Épouse, qui déverse la multiplicité des prières (...) devant le Père »(1)

S'il nous était donné de contempler physiquement cette prière elle aurait la forme d'une dépression cyclonique avec au centre la Croix glorieuse...

Comme un souffle fragile venant rejoindre le vent de l'Esprit pour remonter au Père et redescendre comme la pluie qui féconde au cœur de chacun l'espérance du Royaume...

Serviteurs inutiles (lc 17, 10) mais membre d'un corps dont nous sommes les pierres vivantes.

Sable immense d'une plage que Dieu caresse de ses vagues amoureuses.



(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 88

Au fil de Luc 17, 10 - serviteur fidèle

Quel est notre chemin sur cette terre ? Nous rêvons souvent de faire de grande chose et oublions que tout vient de Dieu.
S'il y a une chose qui compte dans nos vies, c'est bien d'être attentif à la grâce.
    « Car la grâce de Dieu s'est manifestée
pour le salut de tous les hommes.
    Elle nous apprend à renoncer à l'impiété
et aux convoitises de ce monde,
et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable,
avec justice et piété,
    attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
la manifestation de la gloire
de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.
    Car il s'est donné pour nous
afin de nous racheter de toutes nos fautes,
et de nous purifier
pour faire de nous son peuple,
un peuple ardent à faire le bien. » (Tite,  2, 11-14)
           
Au terme d'une vie bien remplie nous pourrons dire :
"Nous sommes de simples serviteurs :
nous n'avons fait que notre devoir" » (Luc 17, 10)

Et nous aurons alors rembourser la dette que le Seigneur n'exige jamais, mais qui s'est contracté avec notre créateur pour toutes les grâces reçues.

C'est à l'aurore de nos vies que nous entendrons alors le prix du serviteur fidèle : «Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père.» (Jean 15, 15)


PS : il n’est pas neutre que Jésus emploie le « nous » et non le « vous » en Lc 17,10, soulignait aujourd’hui un commentateur sur RND. Est-ce à dire qu’il se met dans le lot ? Ce ne serait pas impossible à l’aube de sa passion.

12 novembre 2018

Au fil de Luc 17 - pardon et foi - saint Josaphat

En cette fête de saint Josaphat l’église nous donne à méditer sur une figure de la sainteté. Qu’est-ce qu'être saint ? La lettre de Tite nous ouvre à une méditation sur la figure de l’Ancien « quelqu’un qui soit sans reproche,
(...) ni arrogant, ni coléreux, mais (...)  accueillant, ami du bien,
raisonnable, juste, saint, maître de lui (...) attaché à la parole digne de foi,
(...) capable d’exhorter en donnant un enseignement solide,
et aussi de réfuter les opposants.

Josaphat a été cela, traduisant dans sa vie, jusqu’au martyre son désir d’unité.
Notre monde a besoin de ces figures. Je rentre de Verdun où j’ai été me recueillir sur la tombe de ceux qui sont morts pour une cause qu’il croyait juste. Que de fausses pistes dans la folie des hommes. Aujourd’hui on ne parle plus de la guerre en France, mais elle reste à nos portes et l’Ukraine, pays de saint Josaphat est à nouveau défiguré par la discorde. Nos églises ont besoin de ces figures. Celle d’Ukraine à besoin de saint Josaphat. Malheur à nous si nous sommes scandales pour nos frères.
L’unité ne vient que du pardon et de la miséricorde. L’unité est don de Dieu. L’unité est chemin de foi. Alors laissons résonner en nous les phrases de Luc :
 « Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi,
et que sept fois de suite il revienne à toi
en disant : “Je me repens”,
tu lui pardonneras. »
   « Si vous aviez de la foi,
gros comme une graine de moutarde,
vous auriez dit à l’arbre que voici :
   “Déracine-toi et va te planter dans la mer”,
et il vous aurait obéi. » Luc 17
croyons au Dieu de la Paix. Prions le Dieu de la paix.