29 décembre 2020

Danse tragique - billet n. 24

Que pouvons-nous dire aujourd’hui, jour de la fête des saints innocents - dans un contexte actuel qui n’est pas beaucoup plus joyeux...?

Le massacre rapporté par le seul Matthieu nous ramène à cette contemplation d’un « Dieu nu » (1) devant la violence et la souffrance des hommes, d’un « Dieu à genoux devant l’homme » (2) y compris Judas.. d’un « Dieu dépouillé » (3) et fragile.

On peut relire Jérémie 31 qui évoque à la fois dans un même paragraphe « la jeune fille se réjouira dans la danse, » et «  Rachel qui pleure ses fils; (...) refuse de se laisser consoler au sujet de ses fils, car ils ne sont plus. » avant de glisser « Ainsi parle le SEIGNEUR: Cesse de sangloter, sèche tes larmes; car il y aura une récompense pour tes actions – déclaration du SEIGNEUR: ils reviendront du pays de l’ennemi.» Jérémie‬ ‭31:13-16‬ ‭

La logique de rétribution de Jérémie a ses limites et il nous faut écouter probablement la fin du livre de Job... Qui est tu pour comprendre ? Mais cela ne sèche pas les larmes de ceux qui sont affligés par le malheur. 

La petite espérance de Péguy est bien petite...

Le cri est nécessaire et ce n’est pas pour rien qu’il résonne dans un grand nombre de psaumes... Où es-tu mon Dieu ? (4)

Dans mon mémoire de licence, « quelle pastorale pour les souffrants ? » (5) je cherche à tracer, non des voix de réponse, mais des chemins d’accompagnement...‬‬


pour ces personnes, nombreuses, en manque d’espérance.

Plusieurs auteurs ont tracé des pistes sur ce chemin. Dans l’essai précité je joins la traduction inédite et fort interessante d’un texte de Karl Rahner. 

On peut citer une fois encore François Varillon avec son « beauté du monde, souffrance des hommes ».

On peut évoquer Hans Jonas, Jurgen Moltmann et son Dieu crucifié...(6) Elie Wiesel et bien d’autres...

On peut aussi rester dans le silence. Mais ce dernier est-il une fuite ? 

Comme celle de la Sainte Famille au désert ? Une fuite pour un plus grand bien ? 

Est-ce que Matthieu introduit ce récit en contemplation des massacres de 70 ?

La seule réponse possible est probablement dans la Croix, dans ce Dieu dépouillé et déchiré. Mais qui peut l’entendre ?


Si j’ai choisi ce thème de mémoire, c’est en entendant un jeune en préparation de son mariage me dire : «  quand je regarde le ciel, je me demande ce qu’il va encore m’envoyer comme malheur ». 

Nous sommes bien démunis...

On peut probablement se glisser intérieurement la question : suis-je complice de ce mal... ? Sans tomber, dans la culpabilité, car c’est le risque bien soulevé par Lytta Basset (7) 

Saint Thomas distingue le mal de faute du mal de peine... mais ne donne pas de solution.

On peut surtout, comme le fait Etty Hillesum se relever et dire « Dieu a besoin de nos mains »(8)

L’année dernière j’étais au chevet d’un ami prêtre - 93 ans, d’une vie donnée et malgré cela une grande souffrance physique et d’une certaine manière forcément spirituelle. Que faire à part un verre d’eau, une main posée sur un cœur meurtri... ?

N’oublions pas que l’Église est là. Elle l’est à Calculta (cf. La Croix d’aujourd’hui) en Grèce comme à Calais. Visages rayonnants d’une Église au service des souffrants...

Sur ce sujet impossible du mal de peine, je me trouve bien petit et suis toujours preneur d’avis...


(1) cf. ma recension du livre d’Arnold

 (2 à 5) cf. mes travaux de recherches éponymes téléchargeables sur Kobo, cf Http://chemin.blogspot.com 

(6) voir aussi dans mon mémoire un bel extrait sur ce thème d’une conférence donnée à Paris

(7) cf. notamment Je ne juge personne 

(8) lettre à Westerbroch in Une vie bouleversée

26 décembre 2020

Une danse instable et fragile - 23

« Ne crains pas...(Gn 15)

Mes yeux ont vu ton salut..

Ton âme sera traversée par un glaive... (Luc 2) »

Trois phrases tirées de la liturgie de la fête de la sainte  famille.  Et une apparente contradiction...

La suite du Christ est à la fois un lieu de paix intérieure et de souffrance extérieure. Lieu de combat au sens donné par Ignace dans ses deux étendards ?


La danse à laquelle j’ai trop fait allusion dans les pages précédentes n’est pas une danse de salon. Suivre le Christ n’est pas de tout repos, car le combat est là, à la fois intérieur et extérieur.


Intérieur car nous sommes toujours traversés par nos contradictions, notre incapacité à répondre à l’appel de « l’où es-tu » de Gn 3, faisant le mal que nous ne voulons pas faire (Rom 7) et incapable d’être amour comme Il est amour (1 Jn 2).


Le martyre d’Etienne (Actes 6&7) qui suit la nativité nous rappelle bien vite que le mal est aussi extérieur.


Et pourtant...

Et pourtant la petite espérance nous fait rêver d’un monde meilleur. 

La sainte famille n’est pas seulement le cocon douillet d’un couple béni par Dieu. Marcher à sa suite est pour nous toujours le lieu d’un combat intérieur et extérieur qui conduit à la victoire du Christ sur la mort.

C’est le terme final, ce royaume à venir, qui donne l’espérance du « ne crains pas... » et de ce « bouclier » (Gn 15) de la foi...(Heb 11).

La danse de Dieu est un dépouillement, une fuite, un combat, une foi (cf. Heb 11), un agir, une victoire.


C’est grâce à la foi que nous pouvons avancer..


Laissons nous conduire par Celui qui vient nous visiter, ouvre le chemin. Si sa mère sera transpercée d’un glaive elle sera la première sur la route à mériter le rang d’apôtre. De sa douleur jaillira une descendance. 

Et la mémoire du glaive qu’elle partage avec des générations de souffrants sera signe et chemin.





« Maintenant je peux m’en aller car mes yeux ont vu le salut... » 

Le salut est au bout d’un long chemin...

Dieu avec nous... Il nous porte...

Viens nous visiter... 



25 décembre 2020

De la paille à la poutre ? - danse 22


Il est né sur la paille et mort sur une poutre...

Si l’histoire de la crèche est contestée, la puissance de la lecture spirituelle de la naissance, racontée par Luc ne déroge pas avec l’ensemble du message de l’évangéliste.




Premier et ultime clin d’œil d’une vie pour dénoncer l’erreur d’une loi hypocrite ou le jugement hâtif du frère du fils prodigue ? (Luc 15).

Il y a un lien à contempler entre cette paille qui accueille le tout petit et ce bois qui supporte le crucifié. Ce lien c’est la chair nue, exposée de celui qui refuse tout égard, toute première place, pour se dénuder dans le service de ses frères (Jn 13) et le don inouï d’une vie offerte. 

Quel chemin entre le Dieu rêvé des premières théophanies de l’Exode (cf. Ex 19) et celui de la crèche. Alors qu’on y voyait trompettes et métaux précieux et qu’on rêvait d’un Dieu du tonnerre voici un Dieu nu exposé et rejeté... fui et trahi... fragile et crucifié...

Depuis le premier jour jusqu’au dernier...il est un Dieu qui se fait petit... pour dénoncer nos rêves de grandeur.

Tout ça pour quoi ?

Pour nous conduire au delà de la paille du voisin, la poutre de notre oeil ?  Si nous cherchons un Dieu puissant nous faisons fausse route. La puissance de Dieu se révèle dans la faiblesse... (cf. 2 Co 12).

Quel est le sens de cette nuit ?

Pourquoi pouvons nous danser de joie ? 


La naissance de Dieu homme est nouvelle naissance...

Il vient habiter l’homme et transformer son cœur...

Ne sommes-nous pas parfois l’aubergiste qui rejette la jeune fille enceinte, le pharisien devant la femme adultère (Jn 8.) celui qui cherche la paille et oublie la poutre...(cf. Lc 6, Mt 5), repousse l’étranger ou le lépreux de notre entourage.

A chaque fois que notre cœur se durcit nous oublions que le chemin n’est pas écrit à coup de burin dans le marbre d’une loi immuable, mais avec le cœur et au cœur de l’homme grâce à une paille sur le sable par un Dieu à genoux devant l’homme, qui ne veut que l’amour...

Que celui qui n’a pas péché jette la première pierre...(Jn 8.) 


C’est ce peut-être ce Dieu là ce que nous contemplons cette nuit. 

Dieu fragile...

La crèche n’est que la clé de sol d’une symphonie trinitaire. 

- Celle d’un Dieu qui renonce à toute manifestation de puissance pour nous dévoiler l’amour...

- Celle d’un Fils qui consent à tout pour tracer un autre chemin que la loi hautaine et méprisante des hypocrites.

- Celle d’un Esprit qui se fait fragile pour tracer en nos cœurs un chemin d’humanité.

Prenons conscience de nos poutres érigées à tort, de nos condamnations trop rapides pour percevoir que l’amour est miséricorde et pardon...

Vous voulez comme David des signes et des rois, des maisons et des institutions ?

Il ne vous sera donné que le signe de Jonas. Un prophète qui se fait petit...

Un petit d’homme couché sur un lit de paille et mort sur une poutre, pour que nos violences soient réduites à néant, nos jugements hâtifs et hypocrites balayés comme les feuilles au vent, nos quêtes de puissance réduites à un chemin d’humilité.

Le Dieu de la crèche et de la Croix est un Dieu à genoux...

Et la danse des trois personnes n’a qu’une direction, celle de nous inviter à la miséricorde et l’humilité...

Il est le chemin, la vérité et la vie...

Le Verbe s’est fait chair fragile parmi nous pour retourner nos cœurs de pierre en coeur de chair.

Le verbe est là - aujourd’hui - présence discrète, démunie, qui invite à l’amour.

Joie des cœurs simples. Danse des anges

Noël

24 décembre 2020

Les noces éternelles ? - danse 21


Il y avait la rencontre à Mambré, la femme stérile qui sourit à l’annonce de sa fécondité...puis toutes ces histoires de puits et de rencontres, d’eau et de noces...

Puis tout s’est transformé en désert 

Les ossements sont desséchés 

La voix du dernier serviteur au Temple s’est tu...

Fin d’un cycle

Hiver..


Nous sommes au samedi saint de Noël, l’heure où la nuit devient épaisse, les étoiles s’éteignent.


La danse de Dieu n’est pas une valse viennoise, elle va de renoncements en renoncements, de fuite en agenouillements...


Comme le suggérait Joseph Moingt à propos du samedi saint, c’est l’heure où il faut écouter les pleurs du monde, visiter les solitudes, être attentifs à la terre qui crie son désespoir...


Dieu viens visiter nos silences...


Et si toutes ces épousailles ne tendaient qu’à une rencontre sublime et discrète, au creux du silence et de nos nuits....


Nouvelles noces, qui chez Luc résonnent avec celles de Cana chez Jean....

A la fiancée qui attend son époux sur une terre désertée Dieu vient comblée la soif...


Demain s’approche la nouvelle alliance...

Nouvelles noces qui se préparent, celle de Dieu en l’homme, celle d’une femme qui ouvre son cœur et prépare son corps à la douleur d’un enfantement difficile, aux noces éternelles et tragiques de l’humain et du divin.


Ici nul artifice, pas d’autres trompettes que celles des anges aux bergers. C’est auprès des rejetés, des bannis que Dieu se met à nu. C’est dans une mangeoire pour animaux impurs, qu’il est déposé le tout petit. Et sa nudité est déjà le signe d’un autre repas, d’une autre nudité, celle d’un corps offert aux coups et aux rejets...


C’est auprès des exclus, des sans abris et des migrants qu’il reviendrait celui que nous espérons dans nos maisons douillettes. 


« Allons-nous tromper nos inquiétudes secrètes et insulter à la gravité du drame contemporain avec ce Noël que nous avons rendu si petit en le farcissant de nos bavardages et de nos mangeailles, au lieu qu’il faudrait nous taire, sortir à la bonne étoile (...) qu’avons nous fait de cette joie pour tout le peuple ? » (1)


Dieu parmi nous, avec nous...?

Que soit béni le tout petit...


Il n’est petit et nu que s’il nous fait retrouver la nudité première. Tombons-nous nos habits de fêtes (Ex 33, 3) pour nous soucier que cette joie soit bien pour tous ? 


Question que je me pose à moi-même car elle ne peut être posée à autrui que dans le silence du cœur. 


Nous sommes pris dans le tourbillon de nos cultures. La danse de Dieu est ailleurs, dans une frugalité et une modération qu’il ne faut pas occulter...


(1) François Cassingena-Trévedy La voix contagieuse, p. 23

23 décembre 2020

Tressaillement et danse - 20

 



« L'enfant a tressailli... »

Que dire quand on est homme et que jamais l'enfant n’a en nous manifesté sa présence ? Peut-on en être jaloux ? 😉 

Il y a pourtant des tressaillements intérieurs, des caresses de Dieu qui nous réveillent et nous font pressentir cela...

Signes discrets d’un Dieu qui vient se révéler à nous dans le silence ?

Signes plus tangibles quand la Parole fait vibrer en nous le mystère....

On devrait peut-être même aller plus loin et glisser sur la pointe des pieds que lorsqu'il nous a été donné de communier au corps et au sang du Christ, nous devenons à notre tour capables de ces « tressaillements » de Dieu en nous. 

Capax dei !

Est-ce ce que suggère François Varillon quand il dit que Dieu vient diviniser ce que nous avons humanisé ? (1)

J’ai du mal avec le mot diviniser, qui nous vient d’Irenée, mais c’est peut-être là qu’il prend chair, dans ce tressaillement intérieur dû à l’inhabitation fugace du Verbe en l’homme...

Alors nous pouvons faire nôtre le magnificat. Car nous entrons à notre tour dans cette danse trinitaire à laquelle le "fiat" marial nous a invités. 


« Heureuse celle qui a cru... » On entend déjà résonner à nos oreilles le chant des béatitudes et notre cœur devrait lui aussi bondir d'allégresse, car, en ce jour de la visitation, l'Église rentre dans la fête et la danse du peuple de Dieu. Après des siècles d’attente, après le désert, l'exil et la peine, la bonne nouvelle d'un Dieu parmi nous devrait nous envahir. Dieu a entendu son peuple et lui a donné un sauveur...

« L'enfant a tressailli... » 

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s'est penché sur son humble servante ».... (Luc 1, 47)


Ce chant m’habite, habite aussi mes joies, même les plus intérieures. Il prend sa source dans les chants de l’AT et devient signe de nos espérances... il relève les humbles...


Que Dieu tressaille en nous à l’aube du mystère...


(1) cf. Joie de croire, joie de vivre

PS : extrait complété de mon « Chemins de miséricorde »

Voir aussi « la danse intérieure »

La visitation - peinture de ma soeur, L. Franc (c)

19 décembre 2020

De l’agenouillement au relèvement ? - danse 19

Il y a une ligne ténue à ne pas franchir entre agenouillement et sacrifice, humilité et soumission et il ne faut pas tomber dans cet excès fréquent qui fait que tout s’effondre dans l’asservissement. il ne faudrait pas interpréter mon billet 18 dans le mauvais sens. 

La clé est complexe à comprendre. C’est peut-être dans une dynamique conjugale qu’elle s’éclaire le mieux. L’échange sacramentel se dit dans un seul sens, je te reçois et je me donne à toi. 


L’interprétation d’Ephesiens 5 cristallise cette difficulté. Loin d’une soumission délétère de la femme à l’homme c’est dans la compréhension de la réciprocité essentielle qui fait que l’homme est invité au don total de sa vie, comme le Christ, que la logique de l’auteur de l’épître peut être acceptable.



Mais on néglige trop souvent cette réciprocité et l’on sombre alors dans l’asservissement.


Il faut concevoir les choses comme deux tours moyenâgeuses. Deux tours où le dialogue ne se fait pas parce que nos carapaces humaines sont coriaces. On peut s’envoyer des flèches ou des fleurs du haut de la tour, on n’atteindra pas l’autre. L'enjeu est dans cette "descente de tour", où l’on atteint le même niveau de vérité que celui évoqué dans Gn 2,25. 

Etre nu devant l'autre et ne pas en avoir honte. 

S'exposer dans la nudité de celui qui ose s’agenouiller, perdre sa superbe, demander pardon, entrer dans le déssaisissement pour que le dialogue et la réciprocité se fasse. 

Le dépouillement du Christ que nous contemplons à la crèche, ce qu’on appelle kénose, n’est finalement que le premier pas de danse. C’est quand la magie de la réciprocité se fait que la danse devient joie, symphonie, partage, une seule chair, un seul corps.... avec un grand C au bout du voyage. Mais je résume trop ici ce que je développe en plusieurs centaines de page ici... 

https://kobo.com/fr-FR/ebook/aimer-pour-la-vie

Peut-être est-ce Philippiens 2 auquel on doit revenir pour saisir que l’agenouillement est la clé du « c’est pourquoi Dieu lui a donné le nom de Dieu sauve ».

Ce n’est qu’à ce prix que le lavement des pieds du Christ, en Jn 13, est le premier geste ecclésial et sublime du Christ car il devient, loin de tout « cléricalisme », la clé centrale d’interprétation de Jean 15, 15 : je ne fais pas de vous des serviteurs mais des amis... :


« 12 Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13 Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. »

D’agenouillements en agenouillements - danse 18

« Le Seigneur est avec toi... »

C’est le point commun entre la première lecture et l’Evangile de ce dimanche... cela peut être aussi le point de départ d’une méditation.

Laissons nous assez de place dans nos vies pour le Seigneur ?

Dans le livre de Samuel, nous voyons David désireux de construire une maison pour lui. Mais Nathan l’en dissuade. Pourquoi ? 

Il y a de nombreuses manières de faire une place à Dieu dans nos vies. On peut le vénérer dans une église, dire qu’il est là dans le tabernacle et parfois l’oublier en sortant. Après David, Salomon construira un temple, mais oubliera son Dieu et construira d’autres lieux de culte aux petits dieux de ses épouses.

Nous allons aussi faire de belles crèches, cacher le petit Jésus puis essayer de retrouver sa cachette le jour de Noël... mais l’Avent n’est peut-être pas là 😉

L’avent consiste à creuser en nos cœurs la place auquel le Seigneur a droit... Quelle place exactement ?

Suivre Marie, dans son humanité ? Elle est la première en chemin... Elle s’est préparée et devient signe pour nous... 

Si l’ange vient la visiter, c’est probablement parce qu’elle a creusé en son cœur ce qui lui permettra d’accueillir la venue de Dieu....

Comme Zachée à qui Jesus dit « descend, je veux demeurer chez toi » ouvrons, nous aussi, nos cœurs à ce Dieu qui vient nous visiter. Faisons un temple de nos corps, une crèche toute intérieure...

Creusons en nous cette vallée intérieure où Dieu peut venir. Entrons dans le silence, fuyons un instant la course fébrile des Noels païens pour nous rendre disponible à la venue de Dieu...

Comme l’ange d’Arcabas qui s’agenouille devant Marie, contemplons  cette préparation toute particulière d’une femme choisie par Dieu pour recevoir Dieu en son corps. Sa crainte, sa réponse est chemin pour nous.

À notre tour, préparons-nous à devenir temple. Disons à la suite de Marie, « comment cela peut-il se faire que tu daignes me visiter », « mais dit seulement une parole » et j’ouvrirai ma porte, à nouveau, à ta présence.

Jésus Christ est le mystère gardé depuis l’origine nous dit Paul... le mot mystère en grec est plus vaste que le petit Jésus caché pour Noël... 

Prenons le temps d’ouvrir nos cœurs à cette descente toute particulière de Jésus en nous, pour répondre à la suite de Marie, « Fiat »... qu’il soit fait en moi comme le demande ton Verbe, un temple digne ta présence. 

Si l’ange d’Arcabas se met à genoux, ce n’est pas pour rien. Jésus à sa suite, se mettra à genoux devant l’homme le soir de sa Passion, comme l’ont fait les Marie de l’Evangile(1). S’il se met à genoux, c’est peut-être en réponse à tous les agenouillements intérieurs des femmes et des hommes de l’Ancien et du Nouveau testament. La théophanie de Luc ne déroge pas, en effet, aux schémas littéraires de toutes les théophanies de l’Ancien Testament. Elle prépare la venue en nous d’un Dieu à genoux. 

C’est pour moi une danse inachevée entre l’homme et Dieu, une danse humble et fragile... une réciprocité dans l’agenouillement. 

Viens Seigneur, je t’attends... à genoux. Non dans un agenouillement servil, mais parce que le premier, tu te fais petit pour nous visiter.

(1) raccourci criticable  inspiré par Berulle qui voit une seule femme dans les trois femmes au pied de Jésus 

PS : J’ose soumettre ici à votre sagacité le texte de mon homélie de dimanche, issue de nos discussions toujours fructueuses en « Maison d’Evangile » cf. https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/

Comme toujours, un accouchement difficile.

PS2 : le titre de danse 18, fait allusion à de nombreux billets publiés ici, mais aussi, plus qu’ailleurs, à mes deux essais déjà évoqués « La danse trinitaire » et « à genoux devant l’homme » disponibles gratuitement sur Kobo/Fnac cf. Ci dessous 

17 décembre 2020

Une nouvelle symphonie ? Danse 17

Je termine ma lecture commentée de « Dieu est nu » en étant quelque peu bouleversé par cette exhortation vers ce que j’appellerais volontiers une révolution humble (kénotique). Qu’est-ce à dire ? Il nous faut trouver de nouveaux moyens de faire Église dit en substance Arnold alors que nos institutions s’enferment dans des impasses... 

Mais quelles sont ces impasses qui expliquent qu’elles ne portent plus les fruits attendus et n’ont pas, en tout cas en Europe, la dynamique de l’universel ? 

Triomphalisme, enfermement, hyper-ritualisme, aveuglement, cléricalisme, inégalités, entre-soi, moralisme, distance ? 

Faut il quitter nos églises pour aller sur de nouveaux terrains périphériques, y compris numériques ? François est-il le seul, au sein de notre hiérarchie, à entendre l’enjeu de cette révolution ?

« Comment faire une pause dans le tourbillon égolâtre et marcher l’un vers l’autre, partager secret, louange et service au lieu du mortel égoportrait ? Il faut croire en une visitation numérique possible qui subvertisse l’individualisme...» nous dit Arnold (P. 255(1)

Qu’est-ce à dire ? Nos institutions ont-elles tué à ce point le dialogue véritable qu’il faille repenser le vivre ensemble autrement ?

« Nous ne sommes plus appelés à jouer un rôle de soliste ou d’élite, mais de partenaires sur pied d’égalité, en y incluant, bien sûr, la légitime et nécessaire divergence de la communauté bigarrée du réél.  (...) troquer l’imposition unilatérale pour l’osmose et la commensalité qui recréent symphoniquement le monde, comme dans la rencontre entre Marie et Elisabeth... (257). 

J’ai moi même creusé longuement ce sujet dans mon essai « pastorale du seuil ». Arnold va plus loin...

Aller vers l’étranger ? Jusqu’au bout du renoncement à l’entre-soi comme ces nouveaux missionnaires qui partent à la périphérie du monde, jusqu’au camp de migrants, pour y trouver le visage du Christ...(cf. l’interpellation de Moria sur KTO lundi (2).

Tous frères ? Sommes nous capables de l’affirmer, de le vivre ? Comment vivons-nous le « Fratelli Tutti » ?

L’unique étranger c’est Dieu (...) celui qui se met dans l’ombre pour que nous puissions « devenir ensemble ». (P. 257)

« Jésus s’identifie à l’étranger (...) pour que nous soyons tous citoyens du même monde trinitaire (258) ». Claire allusion à Mat. 25...


Encore faut-il renoncer au confort du discours, du penser, pour avancer dans l’agir...


J’ajoute sur la pointe des pieds, m’en sentant peu digne : Viens un temps où l’Epoux parti, ils jeûneront et quittant le confort des bastions établis, oseront aller vers les périphéries...


Le plus dur est peut-être le premier pas...je discutais hier avec mon frère qui parle d’une explosion de bénévoles dans son association... au service des plus démunis. La crise va-t-elle réveiller le monde endormi et aider chacun à trouver l’appel de l’Infini vers l’étranger....


(1) Simon Pierre Arnold, Dieu est nu, op. cit.

(2) https://youtu.be/nU2vdbHN-cI

05 décembre 2020

Homélie du 6/12 - 2eme dimanche de l’avent - année B

 Quel est finalement ce qui fait le lien entre les textes de ce dimanche ? 


Il y a en fait deux sortes de montagnes, celles où l’on monte pour proclamer la Parole et les montagnes intérieures que l’homme s’érige loin de Dieu. Ne nous trompons pas de montée. L’évangile nous donne la clé de lecture en évoquant l’abaissement du prophète. Ce qui rend d’ailleurs difficile la place de celui qui doit monter au pupitre pour parler de la Parole divine....


Le risque est en effet d’oublier l’essentiel qui est le chemin même de l’avent. Dieu se révèle surtout dans la descente et nous rejoint dans l’humilité. C’est quand on perçoit cela que l’humilité du serviteur devient l’essentiel. Mais n’allons pas trop vite.


Isaïe ouvre une piste en évoquant la nécessité d’une conversion intérieure.


« Préparer / aplatissez les chemins du Seigneur ».


Qu’est ce à dire ?

Comment rendre plat ce qui est accidenté en nous.

J’entendais récemment un prêtre comparer les besoins dit essentiels que le gouvernement nous autorise à satisfaire avec ce qui semble in essentiel - la place de Dieu dans nos cœurs.


En ce temps de préparation de Noël attention au superflu... le plus grand risque est là.

Ne faisons pas une montagne du superflu.


Laissons-nous interpeller au contraire par cette demande particulière de la Parole, ce qu’elle creuse en nous.


Dans l’évangile de jeudi en Matthieu 7. On entendait déjà que « celui qui entend ma parole et la mets en actes... en pratique... bâtit sur le roc ».


Qu’est ce qui creuse en nous des sillons, « jusqu’au jointures » de l’âme (Heb 4, 12), change nos montagnes intérieures en vallées profondes si ce n’est cette Parole qui nous habite, nous pétrit de l’intérieur....


Le risque le plus fréquent est de détourner la Parole de Dieu à notre profit, de l’utiliser. C’est ce que fait le serpent au désert.


Non, aplanir nos montagnes, c’est se laisser travailler, déranger de l’intérieur par la Parole, jusqu’à l’humilité et la charité véritable.


Au point que tout d’un coup, comme Jean le Baptiste, malgré tout nos désirs de puissance, nos belles paroles, nous nous sentions petit, feuille balayée par le vent devant celui qui vient et dont nous ne sommes pas digne de dénouer les sandales. 


L’enjeu est dans cette humilité qui ouvre en nous un sillon pour que la Parole nous conduise à l’agir.


Nous ne sommes pas dignes...


Sans nous laisser pour autant envahir par la culpabilité... laissons la parole nous travailler de l’intérieur. 


« Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée !

Alors se révélera la gloire du Seigneur. »


Si l’on médite bien Isaïe on perçoit que c’est en creusant en nous un chemin qui s’ouvre à la Parole et à la charité que la gloire c’est-à-dire l’amour de Dieu se révèle 


En s’effaçant Jean laisse passer la lumière...


Paul ajoute dans son épître une petite phrase qui nous donne courage même si la route est longue 


« Dieu prend patience envers vous,

car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. »


Et pour cela, il vient nous re-visiter...

Il a aussi besoin de nos mains...


Laissons le nous envahir plutôt que d’être envahi par l’inutile. Préparons notre crèche intérieure.


Il vient.


Tout à l’heure il va nous visiter. En nous avançant vers l’autel faisons notre la Parole du Baptiste.


« je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. »


Je ne suis pas digne Seigneur mais dit seulement une Parole et je serai guéri...