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28 avril 2022

La danse de l’Esprit - 2.52

 L’échange avec Nicodème qu’évoque partiellement la liturgie d’aujourd’hui (Jn 2) nous permet de contempler la brise fugace et tendre de l’Esprit…


Dimanche nous verrons à la fois un Pierre hésitant et désemparé (Jean 21) et sûr de lui dans les Actes. 

Le premier Pierre a pêché seul sans succès et doit plonger nu pour trouver le chemin du triple pardon de Jésus et comprendre qu’il n’est pas digne, encore de l’agapè. Le second est empli d’un souffle puissant qui convertit les foules.  Qu’est-ce qui explique cette tension apparente si ce n’est l’Esprit qui vient transformer l’homme ?


La liturgie nous prépare à la contemplation du don de l’Esprit… 


Un chemin pour tous ?


Que va-t-il se passer dans le double mouvement sacrementel  que nous allons vivre dimanche prochain dans ma paroisse alors que nous célébrerons coup sur coup un baptême et une eucharistie ?


Pas grand chose finalement si ces deux rituels ne sont  la base d’un double mouvement à la fois théologal et actif au sein des récipiendaires… 


Le rite du baptême comme celui de l’Eucharistie sont bien fragiles si nous passons à côté de l’essentiel : Dieu nous invite à sa danse kénotique et à dépasser les gestes du rite pour vivre en actes et en vérité ce que nous célébrons. Le rite n’est rien si nous ne parvenons pas à transformer les symboles en chemins de vie, si nous ne devenons « porte-Christ » comme le suggère cette ancienne catéchèse de Jérusalem.


Le sacrement est vide s’il ne se transforme en « dynamique sacramentelle » (1).


Jésus glisse aujourd’hui à Nicodeme que nous ne sommes rien tant que nous ne sommes pas « nés du souffle de l’Esprit » 

Qu’est-ce que ce souffle ?


Un souffle ténu, le bruit d’un fin silence (1 Rois 19), le chant ou la danse des priants. Nous vivons souvent dans un balancier fragile entre les excès charismatiques et la pudeur des communautés qui refusent d’écouter ce que l’Esprit enseigne dans le silence d’un orant.


La vie chrétienne consiste finalement à trouver 

le juste équilibre entre kénose et prosélytisme, enfouissement et moralisme, pastorale et ritualismes.

Attention aux excès comme aux extrêmes ! 😉 


Au pharisaïsme hésitant de Nicodème, Jésus rappelle que la guérison de la morsure du mal, de ces « serpents du désert »  ne s’est pas faite dans le combat et la violence mais dans un signe fragile, élevé et suscitant de détourner son regard.


Appel bien mystérieux pour ce chercheur de Dieu que ce serpent de bronze évoqué au chapitre 11 du livre des Nombres qui devient pourtant le prélude et l’annonce de la Croix et du mystère d’un Christ transpercé d’où jaillit l’Esprit.


Ce qui était voilé devient lumière.


En versant l’eau vive par trois fois sur la tête du petit Côme dimanche, un rien va se produire et pourtant une étincelle mystérieuse va se glisser dans le cœur d’un enfant, flamme fragile que la prière conjointe de ceux qui l’entourent et la nourriture spirituelle transformera, par l’action discrète et humble de l’Esprit en lumière.


Nos rites sont inutiles si nous ne choisissons pas d’entrer dans la danse de l’Esprit…


Nos communions sont façades si nos joies intérieures ne deviennent lumières pour le monde, dans la contagion discrète mais joyeuse des danseurs pour le royaume.


(1) cf. mon livre éponyme

22 mars 2021

Dynamique sacramentelle 41. Danse avec ton Dieu


Plus nos discussions avancent plus je me demande s’il n’y a pas une autre voie que les baptisés n’osent pas prendre et qui pourrait résoudre bien des problèmes. 

Au lieu de se cristalliser sur la messe, sa forme, ses rites, et sa présidence, il nous faut inventer, pousser par l’Esprit, d’autres voies alternatives qui ne font pas concurrence à la messe dominicale mais constituent d’autres chemins complémentaires pour faire Église.

Sommes-nous en effet réduits à réciter sans cesse des phrases prémâchées comme si l’intelligence de la foi nous était retirée ?

Nous ne sommes plus au XIXeme siècle, la Bible est ouverte et des laïcs sont formés pour l’ouvrir, la lire, la commenter et en vivre.

Il est temps que ceux qui sont nourris par l’Ecriture inventent d’autres lieux de rencontre, d’autres maisons d’Evangile (*) lieux de « réflexion théologique » qui interpellent le monde par l’intelligence du cœur et non par des automatismes.

C’était l’intuition fondamentale de Joseph Moingt que de dire que l’Evangile sauvera l’Église.

Comment écrivons-nous l’Église au delà des sept sacrements qui ne constituent pas un tout mais un moyen, non exclusif de vivre en Dieu.

Ce que j’ai longuement développé dans mon livre « la dynamique sacramentelle » (1) mérite d’être complété ici...


Il y a vingt ans, quand nous avons créé avec un groupe de laïcs un premier lieu de discussion informelle en semaine entre midi et deux à l’heure de la messe en semaine, dans une paroisse parisienne où travaillaient 150.000 personnes, le curé s’est inquiété qu’on lui pique des followers. Mais force est de constater que ceux qui participaient à ce groupe à la même heure que sa messe sont devenus les piliers de la paroisse de semaine car loin d’une répétition rituelle ils constituaient une « maison » habitée par l’Evangile.


Dans ma paroisse de week-end l’expérience est la même, ceux qui se réunissent le samedi une fois par mois pour lire ensemble l’Evangile sont les acteurs de la vie paroissiale dans sa dimension la plus large. Et leur élan qui s’inscrit dans la durée est autant porteur que les curés qui se succèdent, car s’y conjugue une saine complémentarité entre prêtres et laïcs.


Depuis mon billet 40.2 d’autres initiatives de ce type se sont manifestées à moi et conforte cette idée qu’il est temps d’inventer d’autres voies... n’hésitez pas à les partager ici.


Nous rejoindrons alors la force que représentait l’action catholique d’après guerre, les initiatives lancées par Theobald dans la Creuse ou « la messe qui prend son temps » à saint Ignace ?


Pourquoi l’action catholique a perdu son élan ? Il faut peut-être revisiter cela. Probablement parce qu’elle s’est détachée de la source qu’était l’évangile pour se perdre dans l’activisme. Ses fruits ont pourtant été nombreux.


Il y a une vigilance à déployer pour que nos actes ne soient pas séparés des sacrements mais en soient habités par une saine intelligence de la foi, un souci de discernement et une « danse » féconde entre vie humaine, prière, discernement partages et rites. C’est cette articulation qui est clé et que j’appelle la dynamique sacramentelle dans laquelle tout baptisé à sa place qu’il soit célibataire marié ou divorcé remarié !


Je relisais récemment dans La Croix (2) un bel article sur les Xavières et la fécondité de ce mouvement poussé à travailler pour survivre. Illustration différente et complémentaire des intuitions de Madeleine Delbrel ou des prêtres ouvriers, d’une nouvelle diaconie dans l’Église qui pense, prie et agit... Troisième voie ? 


« On doit reconnaître, concluait Michel Quesnel, que de plus grandes responsabilités pourraient être accordées aux femmes dans l’Église catholique si l’on tenait davantage compte des textes de Paul, disait un autre article »(3)


La messe n’est pas le tout. N’ayons pas peur d’inventer d’autres chemins qui ne l’excluent pas, mais déploient sa dynamique et en font un sommet mais non l’unique manifestation de la communauté.


Écoutons ce que disait déjà saint Léon le Grand : 

« Soyez les imitateurs de Dieu,�(...)  Que les fidèles scrutent donc leur âme et discernent par un examen loyal les sentiments profonds de leur cœur. S'ils découvrent que leur conscience a en réserve des fruits (...)  ils peuvent être certains que Dieu est en eux ; et pour se rendre de plus en plus accueillants à un tel hôte, qu'ils se dilatent par les œuvres d'une miséricorde inlassable. En effet, si Dieu est amour, la charité ne doit pas avoir de bornes, car la divinité ne peut s'enfermer dans aucune limite.»(4)


Le chemin tracé par Léon n’est pas exclusif mais s’insère dans la même direction.


La première lecture d’aujourd’hui (Ez 47) est une belle illustration de la fécondité des sacrements. Du Verbe peut couler un fleuve immense.


(1) cf. mon livre éponyme téléchargeable gratuitement sur Kobo.

(2) Les xavières, cent ans de « troisième voie »

Youna Rivallain, La Croix du 2/2/21, à l’occasion de leur centenaire 

(3) La Croix du 18/2/21 sur Paul et les femmes. Ce qu’il a écrit, ce qu’on lui a fait dire de Michel Quesnel Médiaspaul.

(4) Saint Léon le Grand, sermon de Carême, source office des lectures du 16/3/21

(*) Voir aussi : 

https://www.facebook.com/groups/2688040694859764/

04 septembre 2020

Communion et fidélité -3 - P. Teilhard de Chardin

Hommage à Teilhard de Chardin.
Voici un court verbatim d'un documentaire à voir sans modération :
« Croire en l'homme
Croire au vivre ensemble
Croire que l'union différentie
Croire que l'évolution conduit au Christ
Croire que le phénomène humain a un sens
Faire un pari sur l'Église - une fidélité qui est une espérance sans limite en dépit de la souffrance de n'être pas compris...pas publié...
Un homme de mouvement
Une morale de mouvement...
Une notion de dynamique qui nous permet d'avancer, de repartir...
Un chercheur, un aventurier porteur d'espérance...
Opposer le goût de vivre à ce désespoir qui nous guette... »
Personnellement cette quête rejoint la mienne, comme je le décris dans un commentaire du billet précédent à propos de Philippiens 3 et de cette course infinie pour saisir et se laisser saisir...

L'Unité créatrice du monde - Pierre Teilhard de Chardin






 https://youtu.be/jyA0BWe1jpc

13 juin 2020

Dépouillement et danse - Saint Sacrement - Marie Noēlle Tabut

Projet 2

Que cherchez vous quand vous vous présentez à la table du Christ ?

La contemplation de cette fête particulière du Saint Sacrement n'est pas dans la quête d'un remède magique à tous nos maux, ni dans la vénération d'une idole. Elle rejoint bien au contraire une dynamique (*) particulière, toute intérieure, proche de cette entrée dans la danse que j'évoquais dimanche dernier.

Il y a, pour cela plusieurs mouvements.

Notre quête passe, d’abord,  par « la reconnaissance de notre pauvreté fondamentale (...) préalable à toute rencontre de Dieu en vérité : quand nous nous abandonnons à son action, alors il peut nous combler. Si nous cessons de croire que nous avons des forces par nous-mêmes, alors nous découvrons des forces insoupçonnées, qui sont les siennes. L'Esprit Saint nous a été donné pour cela. Et la fête du Corps et du Sang du Christ nous rappelle que Jésus nous propose beaucoup mieux, c'est d'habiter en nous.(1) ».

Que veut dire manger le corps ?
C’est peut-être entrer dans le mystère qui nous unit à ce mouvement particulier qui vient de Dieu et y retourne, comme ce Verbe qui ne descend pas en nous sans le faire vibrer intérieurement. De même qu’un micro ondes fait entrer en résonance les atomes pour les réchauffer, Christ vient faire vibrer en nous ce qu’il a déposé en nous, l’Esprit de Charité.

Il faut donc entrer dans cette danse particulière où nos mouvements se laisse conduire par la musique de l'Esprit, chercher avant tout cette harmonie et cette unité qui fait de nous un Corps.
« La coupe d'action de grâce que nous bénissons est communion au sang du Christ ; le pain que nous rompons est communion au corps du Christ. 1 Co 10, 16 »

« Le mot que Paul emploie, « koinônia » en grec, évoque un lien d'intimité, d'appartenance, une solidarité profonde. »(2)

Entrer dans cette danse particulière où tout est don. Se dépouiller de nous-mêmes, de ce qui nous retient au monde (au sens paulinien) pour contempler et s’inscrire dans la dynamique trinitaire d'un Père qui s'efface derrière son Fils, d'un Fils qui se donne pour nous laisser parvenir à la musique de Dieu que l’on appelle Esprit.

Contempler « le mystère de Jésus à la fois homme et Dieu : en Lui, Dieu propose son amour, en lui, l'humanité répond par l'action de grâce. En Lui Dieu parle, se révèle (il est le Verbe, la Parole du Père) ; en Lui l'humanité répond à la Parole. En Lui, Dieu se donne ; en Lui l'humanité accueille le don de Dieu. » (,,,) C'est là que Pierre a répondu « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ».

Voilà le paradoxe de la foi : ces paroles sont humainement incompréhensibles et pourtant elles nous font vivre. Il nous faut suivre le chemin de Pierre : vivre de ces paroles, les laisser nous nourrir et nous pénétrer, sans prétendre les expliquer. Il y a là déjà une grande leçon : ce n'est pas dans les livres qu'il faut chercher l'explication de l'Eucharistie ; mieux vaut y participer, laisser le Christ nous entraîner dans son mystère de vie.
Le mot qui revient le plus souvent dans ce texte, c'est la vie : « Le pain que je donnerai, c'est ma chair, (c'est-à-dire ma vie) donnée pour que le monde ait la vie. »

Comprendre cela c'est aussi percevoir le sens nouveau donné par le Christ au mot sacrifice. Entrer dans la « pédagogie des prophètes : pour eux, l'important, bien plus que l'offrande elle-même, c'est le coeur de celui qui offre, un coeur qui aime. Et ils n'ont pas de mots trop sévères pour ceux qui maltraitent leurs frères et se présentent devant Dieu, les mains chargées d'offrandes. « Vos mains sont pleines de sang » dit Isaïe (sous-entendu « le sang des animaux sacrifiés ne cache pas aux yeux de Dieu le sang de vos frères maltraités ») (Is 1,15). Et Osée a cette phrase superbe que Jésus lui-même a rappelée « C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices » (Os 6,6). Michée résume magnifiquement cette leçon : « On t'a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que le SEIGNEUR réclame de toi. Rien d'autre que de respecter le droit et la justice et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).j

L'étape finale de cette pédagogie(**), ce sont les fameux chants du Serviteur du deuxième Isaïe : à travers ces quatre textes, on découvre ce qu'est le véritable sacrifice que Dieu attend de nous ; sacrifier (faire du sacré), entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n'est pas tuer ; c'est faire vivre les autres, c'est-à-dire mettre nos vies au service de nos frères. Le Nouveau Testament présente souvent Jésus comme ce Serviteur annoncé par Isaïe ; sa vie est tout entière donnée pour les hommes. Elle est le sacrifice parfait tel que la Bible a essayé de l'inculquer à l'humanité. « Le pain que je donnerai ; c'est ma chair donnée pour que le monde ait la vie ». Et désormais, dans la vie donnée du Christ, nous accueillons la vie même de Dieu : « De même que le Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi ».(4)

Entrer dans la danse de Dieu, c'est se dépouiller de tout ce qui n'est pas don. Loin d'un sacrifice stérile ou d'une réponse forcée il y a là un pas différent à faire, une docilité à Dieu, un laisser faire, un décentrement qui laisse Dieu agir, jusqu’à devenir ce que saint Ignace d’Antioche appelle le « froment de Dieu »(5)

Nous sommes corps, lorsque notre être tout entier est don, que notre vie est don, que nous nous laissons saisir (Ph 3) par le Christ dans ce don pour autrui, loin de toute introspection stérile. 

Et pour cela il nous faut contempler ce dépouillement même de Dieu, dans dynamique même de Philippiens 2 et 3, comprendre que le don du corps est l’ultime humilité de Dieu à laquelle Dieu nous invite. Se laisser saisir par cette danse du don ( danse kénotique des personnes divines) pour ne plus faire qu’un avec cet amour donné et devenir amour. « Devenez ce que vous recevez », nous suggère saint Augustin. Chemin inaccessible et en même temps unique et essentiel auquel nous sommes invités, banquet ultime, danse des anges...



(1 à 4) Marie Noëlle Tabut, commentaires des textes de la fête du Saint Sacrement cité dans l'application liturgie sur iOS cf. https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/le-dimanche-jour-du-seigneur/commentaires-de-marie-noelle-thabut/500513-commentaires-du-dimanche-14-juin-2/

(*) cf, aussi la dynamique sacramentelle, mon livre éponyme 

(**) voir aussi danse trinitaire et pédagogie divine, in Dieu dépouillé sur Fnac.com
(5) cf. le texte intégral dans mon billet de cette semaine 

Rappel : l'interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l'interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets 

11 juin 2020

François Cassingena-Trévédy - réflexion sur l’Eucharistie

S'il y a un auteur qui a traversé ma vie et m'enchante et que je voudrais vous faire découvrir, c'est bien François Cassingena-Trévédy. Je l'ai découvert dans « pour toi quand tu pries » un livre que je considère comme une révélation de la spiritualité du XXIeme siècle et que j'ai savouré délicatement pendant plus de six mois. J'en ai déjà publié quelques verbatim sur mon blog il y a deux ou trois ans. Il m'a inspiré dans l'écriture de plusieurs billets sur ce que j'appelle maladroitement « l'amour en toi » - contemplation d'un Dieu caché au fond de nous et qui nous appelle à aimer.
Il reste parfois difficile à lire, tant ses propos sont denses (j'aimerais le traduire pour le rendre plus accessible à la « périphérie »).
Je lui dois aussi le titre de mon dernier recueil « Dieu depouillé » à la suite d'un article paru dans Etudes.
Il vient de faire paraître une série de méditations qui m'enchante, notamment celle-ci, bien en phase avec mon livre sur « la dynamique sacramentelle » - où je cherchais à développer l'idée portée par Theobald d'une dimension plus large et dynamique des Sacrements - loin du seul rite et ancré dans l'éthique d'une responsabilité. Sa clairvoyance et la pertinence de son analyse mérite le détour. Je vous laisse suivre le lien.

https://m.facebook.com/notes/fran%C3%A7ois-cassingena-tr%C3%A9vedy/de-la-fabrique-du-sacr%C3%A9-%C3%A0-la-r%C3%A9volution-eucharistique-quelques-propos-sur-le-ret/3198309117060239/

06 mai 2020

Jeûne eucharistique et dynamique sacramentelle - 80 - Saint Hilaire


En ces temps de jeûne eucharistique il est bon de contempler ce que Dieu a déposé en nous par la grâce reçue du sacrement de notre première communion qui fait de nous des porte-Christ (1) dans le mystère particulier de notre vocation de baptisés.

Ce jeûne est l'occasion de revisiter la "puissance structurante" qui jaillit de la faiblesse d'un Dieu qui s'offre à nous dans la double manducation de son Verbe fait chair et de l'Esprit Saint (qui comme le souligne Jean, jaillit de son cœur transpercé).

Cet amour qui brûle en nous est potentiellement un nouveau "buisson-ardent", don ineffable de Dieu qui nous fait grandir et nous rend participant à une communion qui nous dépasse et nous embras(s)e.

Pourquoi, dans ce cadre, faire l’apologie du jeûne ? Peut-être pour percevoir derrière le sacrement la profondeur réelle sur toute notre vie de la dynamique qui est en jeu. On trouve cette insistance dans certains écrits de C. Théobald (cf. tags) qui appellent à élargir la notion de sacrement à la vie dans son sens le plus large. Pour moi il s'agit là du cœur de cette dynamique sacramentelle longtemps évoquée dans ce blog (2) que la lecture de saint Hilaire vient réveiller à nouveau comme une danse (3) très intime de l'homme invité à la circumincession divine : « Parce que véritablement le Verbe s'est fait chair, c'est véritablement aussi que nous mangeons le Verbe incarné en communiant au banquet du Seigneur. Comment ne doit-on pas penser qu'il demeure en nous par nature ? En effet, par sa naissance comme homme, il a assumé notre nature charnelle d'une façon désormais définitive et, dans le sacrement de sa chair donnée en communion, il a uni sa nature charnelle à sa nature éternelle. C'est ainsi que tous nous formons un seul être, parce que le Père est dans le Christ et que le Christ est en nous. ~

Que nous sommes en lui par le sacrement de la communion à sa chair et à son sang, lui-même l'affirme lorsqu'il dit : Et ce monde désormais ne me voit plus ; mais vous, vous me verrez vivant parce que je vis, et vous vivrez aussi ; parce que je suis dans le Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. S'il voulait parler seulement d'une unité de volonté, pourquoi a-t-il exposé une progression et un ordre dans la consommation de cette unité ? N'est-ce pas parce lui-même étant dans le Père par sa nature divine, nous au contraire étant en lui en vertu de sa naissance corporelle, on doit croire que, réciproquement, il est en nous par le mystère sacramentel ? Ceci enseigne la parfaite unité réalisée par le médiateur : tandis que nous demeurons en lui, lui-même demeure en nous. Et ainsi nous progressons dans notre unité avec le Père, puisque le Fils demeure en lui par nature selon sa naissance éternelle et que nous-mêmes aussi sommes dans le Fils par nature, tandis que lui par nature demeure en nous.

Que cette unité soit en nous produite par sa nature, lui-même l'affirme ainsi : Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Car ce n'est pas tout homme qui sera en lui, mais celui en qui il sera lui-même : c'est seulement celui qui mangera sa chair qui aura en lui la chair assumée par le Fils.

Plus haut, il avait déjà enseigné le sacrement de cette parfaite unité, en disant : De même que le Père, qui est la vie, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui mangera ma chair vivra par moi. Donc, il vit par le Père ; et de la manière dont il vit par le Père, nous-mêmes vivons par sa chair.

Tout ce parallèle est à la base de notre intelligence du mystère ; il nous fait comprendre, par le modèle proposé, ce qui se passe. Donc, ce qui nous donne la vie, c'est que, dans les êtres charnels que nous sommes, le Christ demeure en nous par sa chair ; et il nous fera vivre en vertu du principe qui le fait vivre par le Père. »(4)

(1) expression d'une catéchèse des premiers siècles
(2) cf. mon livre éponyme
(3) voir danse trinitaire
(4) saint Hilaire, traité sur la Trinité, source office des lectures du 6/5/20 (4ème semaine de Pâques), AELF



Rappel : l’interêt de ce blog, désormais vieux de 15 ans, réside surtout dans l’interactivité des balises (tags) qui comptent maintenant près de 2.500 billets)

16 mars 2020

Jeûne eucharistique

Jeûne eucharistique

La conjoncture dramatique nous prive d'eucharistie. C'est dans cette privation, au cœur du carême, que Dieu se fait désir.

Comme un cerf altéré mon âme te cherche, au mon Dieu...dit le psaume 41.

Écoutons le à nouveau :

Comme un cerf altéré
cherche l'eau vive,
ainsi mon âme te cherche
toi, mon Dieu.

Mon âme a soif de Dieu,
le Dieu vivant ;
quand pourrai-je m'avancer,
paraître face à Dieu ?

Je n'ai d'autre pain que mes larmes,
le jour, la nuit,
moi qui chaque jour entends dire :
'' Où est-il ton Dieu ? ''

Je me souviens,
et mon âme déborde :
en ce temps-là,
je franchissais les portails !

Je conduisais vers la maison de mon Dieu
la multitude en fête,
parmi les cris de joie
et les actions de grâce.

Pourquoi te désoler, ô mon âme,
et gémir sur moi ?
Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce :
il est mon sauveur et mon Dieu !

Si mon âme se désole,
je me souviens de toi,
depuis les terres du Jourdain et de l'Hermon,
depuis mon humble montagne.

L'abîme appelant l'abîme
à la voix de tes cataractes,
la masse de tes flots et de tes vagues
a passé sur moi.

Au long du jour, le Seigneur
m'envoie son amour ;
et la nuit, son chant est avec moi,
prière au Dieu de ma vie.

Je dirai à Dieu, mon rocher :
'' Pourquoi m'oublies-tu ?
Pourquoi vais-je assombri,
pressé par l'ennemi ? ''

Outragé par mes adversaires,
je suis meurtri jusqu'aux os,
moi qui chaque jour entends dire :
'' Où est-il ton Dieu ? ''

Pourquoi te désoler, ô mon âme,
et gémir sur moi ?
Espère en Dieu ! De nouveau je rendrai grâce :
il est mon sauveur et mon Dieu ! (1)

Un jour viendra où nous communierons à la table du Christ. En attendant sentons nous proche de ceux qui n'ont pas accès à cette table, parce que leur situation traduit en apparence une rupture que nous sommes souvent plus d'un à partager.(2)

« Que celui qui n'a pas péché jette la première pierre » (Jn 8).

C'est peut-être en méditant cela, en toute humilité que notre communion à la table sera plus féconde.

(1) traduction AELF
(2) cf. sur ce point mon roman Le vieil homme et la perle et Dynamique sacramentelle

06 mars 2020

Au fil de Jean 13 – lavement des pieds – plus qu’un sacrement - pédagogie 20

« L'Église a fait de l'eucharistie le sommet des sacrements dont elle vit. Pourquoi le lavement des pieds n'est-il pas devenu à son tour un sacrement de l'Église ? Jésus y a posé le geste, a donné la parole et indiqué le devoir de le répéter. Ce cas est infiniment plus clair que ceux de plusieurs autres sacrements. Après quelques hésitations dans la tradition, la répétition liturgique s'est bornée au geste, devenu formel, accompli par l'évêque ou le prêtre le Jeudi saint. La réponse à cette question est dans la nature du geste lui-même : l'eucharistie est un symbole vrai du sacrifice du Christ. Ici nous sommes pas dans le symbole, mais dans la chose elle-même. Jésus ne demande pas de célébrer mais de réaliser tous les jours, comme il l'a fait lui-même [tout au long de sa vie], le service fraternel. Ce geste accompli le commandement de l'amour que Jésus ne cessera de redire aux siens (cf. Jn 14-17). (...). Ce geste est plus qu'un sacrement : il révèle Jésus (...). Et nous donne en même temps l'exemple et la tâche de servir tous les jours nos frères. Comme la croix, le lavement des pieds est la matrice de tous nos sacrements. Dans cette scène volontairement humble Jésus se révèle tout entier »(1)

On a là le sommet de la pédagogie de Jésus : nous conduire presque sans mots et avant le grand silence de la croix à l'essentiel. Et cette dynamique sacramentelle (2) est plus large que ce l'Église cristallise dans les sacrements : elle devient l'axe même de notre vie, de l'amour...

Jeune diacre je regrettais de ne pas avoir à agir le jeudi saint... L'enjeu n'est pas là, comme je le découvre en lisant Sesboué : le jeudi saint n'est qu'un rappel. La tâche du diacre est un perpétuel lavement des pieds...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 335
(2) cf. mon essai éponyme

14 février 2020

Querida Amazonia - pape François


Un texte d'une grande richesse à découvrir sous ce lien : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20200202_querida-amazonia.html
On y retrouve la spiritualité particulière du pape, sont attachement aux petits, à l'écologie au sens large, sa vision polyèdrique de l'Église (cf. le mot clé polyèdre dans ce blog) et sur une culture du dialogue.
Si son insistance sur le rôle du prêtre est déjà critiquée par ceux qui attendaient une disruption en faveur des diacres ou des hommes mariés, il faut peut-être méditer le chapitre sur l'inculturation de l'Eucharisrie et notamment le numéro 85 qui me semble caractéristique de l'ensemble de l'approche : « L'inculturation doit aussi se développer et se traduire dans une manière incarnée de mettre en œuvre l'organisation ecclésiale et la ministérialité. Si l'on inculture la spiritualité, si l'on inculture la sainteté, si l'on inculture même l'Évangile, comment ne pas penser à une inculturation de la manière dont les ministères ecclésiaux se structurent et se vivent ? La présence pastorale de l'Église en Amazonie est précaire, en partie à cause de l'immense extension territoriale, avec de nombreux lieux d'accès difficiles, une grande diversité culturelle, de sérieux problèmes sociaux, et avec l'option, propre à certains peuples, de s'isoler. Cela ne peut nous laisser indifférents et exige de l'Église une réponse spécifique et courageuse. »

Construisons cette réponse, non seulement pour l'Amazonie, mais pour toute l'Église qui a besoin que se poursuive l'élan de Gaudium et Spes et ce que j'appelle dans la lignée de Theobald la dynamique sacramentelle (1) qui ne se limite pas aux 7 sacrements mais fait entrer toute la communauté dans une marche salutaire et ecclésiale.

(1) cf. mon essai éponyme

26 août 2019

La création comme danse

Je reprends une idée reprise par mon ami et voisin Jean Duchesne sur RND (rediffusion aujourd'hui) de la contemplation de la création non comme achevée mais comme dynamique (il parle de « forming art ») pour rebondir sur deux concepts souvent partagé sur ce blog :
- la danse Trinitaire
- la dynamique sacramentelle (1)
Il me semble qu'en conjugant tout cela on peut percevoir cette dynamique créatrice et perpétuelle de Dieu qui ne cesse de ciseler le monde vers un bien à venir, dans une danse. C'est probablement un axe que Teilhard de Chardin visait dans sa messe sur le toit du monde.



(1) cf. mes deux livres éponymes

21 juillet 2019

Gloire et Grâce 5

(1) Le mot hèsèd constitue la substance proprement dite de l'Alliance. Il y a différents degré d'intensité dans la signification du mot. Tout d'abord c'est le Seigneur transcendant, fondateur de l'Alliance, qui possède hèsèd, et en ce sens la signification du mot est voisine de bienveillance, grâce, amour ; mais en conséquence, le subordonné qui entre dans l'Alliance, doit vivre conformément à la bienveillance qui lui a été manifestée, il doit pour ainsi dire la refléter, déterminer d'après elle son attitude générale - envers le Seigneur comme envers autrui.(1)

Peut être rejoint-on ici les éléments qui motivent la théologie sacramentelle. Il y a une dynamique propre (2) à l'Alliance où le récipiendaire est invité à se conformer à celui qui lui confère sa grâce, dans une subtile circumincession (danse -3) où l'homme devient signe efficace de cet amour qui soudain l'habite.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, 3. Théologie, Ancien Testament, ibid. p. 139

(2) cf. ma dynamique sacramentelle
(3) cf. également mes recherches sur la danse trinitaire

14 juin 2019

Solitude périphérique, effacement et espérance - 5


Nous arrivons à la confluence entre deux sujets déjà développés dans ces pages entre les questions de périphérie et d'effacement. Comme souligne Christoph Theobald (1) en citant Lumen Gentium : « dans ces communautés, même si souvent elles sont petites et pauvres ou vivent la dispersion, est présent le Christ, par la vertu duquel s'assemble l'Église une, sainte et apostolique». LG26.

Même si la dimension cléricale et institutionnelle de l'église est amenée à baisser, voire disparaître (peut-on rêver ?) c'est peut-être là, dans ses périphéries humbles et parfois effacées que le Christ peut rester vivant, rayonner et redonner à l'Église sa fonction et dynamique sacramentelle(2), première et en cela véritablement évangélique. 

L'enjeu est de reconstruire sur l'essentiel : la communauté de base, vivant autant que possible l'Evangile au quotidien loin des positions souvent pharisiennes d'une institution qui en ne cessant de se cléricaliser n'ont cessé de tuer l'esprit du christianisme tel que cherche à le décrire J. Moingt dans son livre éponyme (cf. par ailleurs - ou sa thèse plus ancienne in L'Évangile sauvera l'Église).
Est-ce accessible? Pas humainement mais par le travail de l'Esprit dans les cœurs, en s'effaçant encore plus devant la volonté du Père, kénose de l'Église qui entre en résonance avec la kénose trinitaire. Un chemin ardu mais source de la réelle évangélisation, celle qui agit dans l'intérieur de l'homme.

"L'unité du genre humain ne [passera pas] par la construction d'une civilisation mondiale, elle viendrait, ici et maintenant, dans la plus humble des rencontres... (...) l'Église naît où la foi s'engendre (...) capacité d'un être à faire crédit à la vie, à rester debout", engendrement fragile à l'image de cette naissance évoquée plus haut. (3)




(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 71
(2) cf. mon livre éponyme 
(3) Christoph Théobald, ibid. p. 73

02 mai 2019

Mystère et ministères de la femme - 2

On peut se demander si les éléments récents qui ont frappé l'Église ne sont pas une mise au point sur la place réelle de l'homme dans l'univers religieux et hiérarchique. Quand on lit attentivement le texte de Louis Bouyer, on pressent combien la place des femmes, à l'image de Marie(1), sont finalement complémentaires voire supérieures à celles des hommes, même si elles n'ont pas, de fait, accès à la présidence de nos assemblées. En effet si l'on prend l'échelle de la kénose qui est inverse de toute logique humaine, les femmes par leur humilité et leur ouverture à l'immanence divine, ont finalement une proximité plus grande au divin que tout homme mâle, fut-ce-t-il prêtre ou évêque, au point qu'elles deviennent signes et chemins pour l'homme.
Par leur contemplation ou l'exercice toute maternante de la charité, par leurs sensibilités théologiques ou mystiques, par le sens de la mesure et de la réception, elles nous précèdent en sainteté.
On rentre là dans une expression particulière de la dynamique sacramentelle (2) qui n'est pas de l'ordre du septénaire mais de la sacramentalité toute incarnée. Plus que des veilleurs de l'invisible, elles rendent visibles la tendresse de Dieu.

Bouyer développe ce point notamment à propos des vierges consacrées et des diaconnesses. La liste n'est pas exhaustive tant la sainteté "ordinaire" - ou de la "porte d'à côté (3) - peut s'exercer de bien des manières sans nécessité d'être pour autant clerc. 
Est-ce qu'en disant cela je tombe dans le machisme ordinaire? Je ne crois pas. L'enjeu est en effet de sortir d'une conception trop sacralisée du sacrement de l'ordre. Des douze disciples, un seul était au pied de la Croix alors que toutes les femmes étaient probablement présentes...
A contempler.

(1) cf. notamment Louis Bouyer, Mystère et Ministères de la femme, op. cit. p. 83sq
(2) voir mon livre éponyme.
(3) Gaudete et Exultate n. 7sq.

17 août 2018

Don et obéissance - La servante du Seigneur - Adrienne von Speyr

A propos du mariage la lecture mystique d'Adrienne va très loin à partir d'une contemplation de Jean et Marie au pied de la Croix : « Le véritable amour doit donner à la personne aimée la possibilité d'obéir à Dieu, de sorte qu'il est lui-même disposé à obéir (...) ultime obéissance envers Dieu. (...) le regard est tourné vers Dieu (...) changement de direction total » (1)

Depuis le oui originel jusqu'au oui de la Croix, « jaillit en une effusion pure et eucharistique, ouverte et féconde à l'infini » (2) toute la dynamique sacramentelle d'une vie.

(1) Adrienne von Speyr, La servante du Seigneur, Johannes Verlag, 1948/79, p.173
(2) ibid p. 177

10 mai 2018

Dynamique sacramentelle de l’image

Dieu a mis en l'homme une étincelle de sa gloire insaisissable nous dit en substance le Ps 8. « L'homme a part à la forme théophanique de Dieu » surenchérit Hans Urs von Balthasar citant notamment Si 17, 1-10. Mais si la dimension dialogale et sexuelle de la rencontre est visée à travers Gn 2, dont on trouve les prémisses chez Osée et Jérémie, si l'homme, comme le suggère Karl Barth est « formellement préparé pour la grâce » (2), « l'affirmation reste flottante et ouverte, l'énigme ne se laisse déchiffrer que prospectivement en direction de la Nouvelle Alliance où le rapport homme-femme justement aussi avec sa différence de niveau, plongera dans la zone de la « gloire » (1 Co 11, 7-12), parce que le rapport charnel homme-femme ne sera plus seulement une image pour le rapport Dieu-humanité (...) mais en tant que rapport incarné du Christ époux et de l'Eglise épouse, deviendra le terme supra-sexuel auquel tendait tout le rapport entre les sexes. Le mariage n'est donc pas protologiquement « l'image » de Dieu ; il l'est eschatologiquement, au point où il se dépasse dans le rapport virginal et eucharistique du Christ-homme et de l'Eglise-femme » (3).
Comment résumer cela. Notre prétention à la gloire n'est qu'une trace insaisissable et sacramentelle d'une dynamique plus vaste, celle de la rencontre entre Dieu et l'homme, celle de l'amour entre le Christ et l'Église.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 84
(2) KD III/1 p. 331, cité par Hans Urs von Balthasar p. 89
(3) Hans Urs von Balthasar, ibid p. 90

17 avril 2018

Dynamique 19 : Diaconat - ministère de l’aller retour

Comme évoqué plus haut, la compréhension du sacramentel autour de la prise en compte de la personne même du Christ - Sacrement source - dépasse et amplifie l'enjeu des 7 sacrements ritualisés pour traduire la nécessité d'un aller retour constant entre le monde dans sa réalité complexe et le divin en ce qu'il nous appelle à l'amour sous ses deux formes complémentaires (Dieu et le prochain).
Quand Albert Rouet parle du diaconat comme le « ministère de l'aller -retour » (1), il traduit bien à mon avis ce souci de creuser dans le monde un chemin pour la grâce qui n'est alors pas le seul fait de Dieu mais la danse entre l'homme et Dieu.

L'église bâtiment comme l'Église institution ne sera jamais le seul contenant du travail de l'Esprit et en cela la place du diacre peut être dans ce souci visible ( donc sacramentel) de l'hôpital de campagne, tendu entre le monde et l'église, soucieux de ne pas rester au seuil mais d'aller loin, pour le compte et en obéissance avec l'évêque dans sa quête de la brebis égarée.

Sa place est donc bien dans “l’univers sacramentel” décrit par Mgr Rouet (2) d’une Église toute entière sacrement du Royaume.

(1) Mgr Albert Rouet, Diacres, une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 103
(2) ibid p. 112

Dynamique sacramentelle 18 - la place du diacre, Albert Rouet

Encore une phrase qui renforce ma thèse sur l'élargissement nécessaire de la conception du sacramentel :
« La sacramentalité de son ordination [diacre] découle de ce que l'Église étant sacrement du royaume, il sert « l'ecclésial » hors de l'Église. Sa dimension sacramentelle signifie et rend présent dans l'Église et pour son élan vers le monde le Christ Premier Né de toute créature. C'est donc par rapport au Royaume qu'il convient de comprendre Le sacramentel, et non seulement à partir de sa stricte « utilisation » communautaire (...) tout sacrement est sacrement de l'Église, qui est elle-même sacrement du Royaume » (1)
À quoi aboutit-on à ce stade ? Probablement à la prise en compte de la supériorité du sacrementel sur Le liturgique qui n'en est que la traduction symbolique et nécessaire.

La beauté de nos liturgies, ce qu'elles traduisent de nos traditions et de notre obéissance à ces rites reste creux si la dimension sacramentelle de la marche vers le royaume n'est pas la toile de fond.

(1) Mgr Albert Rouet, diacres une Église en tenue de service, Paris, Mediaspaul, 2016, p. 99

06 mars 2018

Dynamique 11 - L’engagement chez Mounier

« L'engagement est toujours nécessaire, il est toujours en porte-à-faux. Il oscille entre la répétition éthique et le secret religieux entre le temps qui le nourrit et l'éternité qui l'inspire. Il est dans le monde, sans être jamais tout à fait de ce monde »(1)

C'est dans l'agir chrétien que se vérifie et rayonne le fruit de la grâce reçue dans le sacrement. La dynamique sacramentelle se joue dans cette continuité.

Et sur ce chemin que seul le Christ a parcouru jusqu'au bout nous nous trouvons petit, car nos œuvres sont vaines si elles ne viennent pas de Dieu.

(1) Emmanuel Mounier, L'engagement de la foi, Paris, Parole et silence, 2017, p. 81


26 février 2018

Dynamique 10 - la grâce reçue du Christ -Saint Jean Chrysostome

"Tu as vu le Christ dans sa gloire. Et Paul s'écrie : Nous, à visage découvert, nous reflétons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur. (...) vous, ce n'est pas seulement par la grâce du nouveau Moïse mais par votre obéissance.(...) nous avons, nous, un autre Moïse, Dieu lui-même, qui nous guide et nous commande.Quelle était, en effet, la caractéristique de ce Moïse ? Moïse, dit l'Écriture, était le plus doux de tous les hommes qui sont sur la terre. On peut sans erreur en dire autant de notre Moïse. En effet, il est assisté de l'Esprit très doux, qui lui est intimement consubstantiel. Alors Moïse a levé les mains vers le ciel et en a fait descendre le pain des anges, la manne ; notre Moïse lève les mains vers le ciel et nous apporte la nourriture éternelle. Celui-là frappa la pierre et fit couler des fleuves d'eau ; celui-ci touche la table, frappe la table spirituelle et fait jaillir les sources de l'Esprit. C'est pourquoi, comme une source, la table de l'autel est placée au milieu de l'église afin que, de toutes parts, les troupeaux des fidèles affluent à la source pour s'abreuver à ses flots qui nous sauvent.Puisque nous avons là une telle source, une telle vie, que la table regorge de mille bienfaits et que, de toutes parts, elle nous comble de dons spirituels, approchons avec un cœur sincère et une conscience pure pour obtenir grâce et miséricorde et recevoir du secours en temps voulu."(1)

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale,  source AELF,  office des lectures,  lundi semaine 1

Dynamique 9 - pauvreté - Mère Térésa

"Je suis habitée par le sentiment que sans cesse, partout, est revécue la Passion du Christ. Sommes-nous prêts à participer à cette Passion ? Sommes-nous prêts à partager les souffrances des autres, non seulement là où domine la pauvreté mais aussi partout sur la terre ? Il me semble que la grande misère et la souffrance sont plus difficiles à résoudre en Occident. En ramassant quelqu'un d'affamé dans la rue, en lui offrant un bol de riz ou une tranche de pain, je peux apaiser sa faim. Mais celui qui a été battu, qui ne se sent pas désiré, aimé, qui vit dans la crainte, qui se sait rejeté par la société, celui-là éprouve une forme de pauvreté bien plus profonde et douloureuse. Et il est bien plus difficile d'y trouver un remède. Les gens ont faim de Dieu. Les gens sont avides d'amour. En avons-nous conscience ? Le savons-nous ? Le voyons-nous ? Avons-nous des yeux pour le voir ? Si souvent, notre regard se promène sans se poser. Comme si nous ne faisions que traverser ce monde. Nous devons ouvrir nos yeux, et voir." (1)

A méditer

(1) Sainte Teresa de Calcutta, No Greater Love (trad. Il n'y a pas de plus grand amour, Lattès 1997, p. 65)