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21 juillet 2019

Grâce et Gloire 4 - Exode 33

Nous évoquions Exode 33, au sujet de la nudité. C'est au début du chapitre que Dieu invite l'homme à enlever ses habits de fête pour se (re)mettre à nu devant lui..

Il n'est pas inintéressant d'entendre Urs von Balthazar développer tout le thème de la gloire dans la fin du même chapitre. « Moïse ayant prié Dieu de lui faire voir sa gloire, Dieu le cacha dans la fente du rocher et passa devant lui en criant : « Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse (rahum, du mot rèhèm) et de pitié (hanumm, de hun, hén), lent à la colère, riche en grâce (hèsèd) et en fidélité (emet).
Faisant cette expérience Moïse obtint de voir la gloire de Dieu de dos (Ex 33,23) à son passage devant l'homme. Toute la révélation de Dieu fait de lui-même est grâce ; la formule « lent à la colère » exprime que la grâce n'est pas un côté d'une révélation à deux faces, mais plutôt que la colère est fonction de la grâce » (1)

Voilà un thème à creuser.
La colère (même si j'ai du mal à l'entendre, croyant, à la suite de Varillon que Dieu n'est qu'amour), la colère donc serait fonction de la grâce. Est-ce à dire que plus Dieu nous fait grâce plus il devient exigeant ? Une remarque qui ne doit pas devenir morale pour les autres, mais interpellation toute intérieure.
Si l'on résume, en se mettant à nu, c'est-à-dire en vérité devant le Seigneur on peut se laisser appeler à le contempler. Mais voir Dieu, c'est-à-dire participer à sa gloire nous engage plus qu'avant à répondre à son appel, faute de subir sa « colère », qui est d'abord sa peine, sa tristesse (puisqu'il est « lent à la colère ».
Cette interpellation est datée et masque une partie de la miséricorde (même si on la trouve déjà en Exode et Osée (2). Il faut attendre le Christ et un texte comme le fils prodigue (Luc 15) pour percevoir que ce que la colère du Premier Testament cache, c'est le dévoilement d'un Dieu qui va jusqu'à mourir pour l'homme...

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 131
(2) cf. notamment mon livre « Dieu n'est pas violent »

Grâce et Gloire 3 - Nu devant Dieu

J'ai souvent commenté ce concept à propos de Gn 3 ou Exode 33(1). Balthasar développe dans GC3AT une thèse comparable : "Au bon sens du terme, est nu celui dont le coeur est dévoilé dans l'amour devant Dieu qui se dévoile à lui par amour : un tel homme est revêtu d'éclat et de gloire. Mais celui qui est privé de la grâce, et par là de la nudité de l'amour, doit se revêtir de la ceinture de feuilles de figuier, il est couvert de honte comme un manteau" (Jr 3,25, Mi 7, 10, Ps 35, 26 et 109, 29) (2)

Que dire de cette nudité véritable ? Jean Paul II développe ce thème dans ses catéchèses du mercredi (cf. homme et femme il le créa). On peut aller un cran plus loin dans l'analogie sponsale : la nudité conjugale qui appelle à une véritable exposition et transparence est image fragile de cette nudité réciproque entre un Dieu crucifié et mis à nu et l'homme qui conscent à son tour à l'humilité et la dépendance.
À méditer
(1) cf. notamment l'amphore et fleuve
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, Théologique 3, Ancien Testament GC3AT, ibid. p. 130

20 juillet 2019

Grâce et Gloire - Urs von Balthasar

La gloire et la grâce se conjuguent dans l'Ancien testament. La gloire est "sans aucun doute beaucoup plus qu'une certaine forme sensible d'apparition, elle est la manifestation totale du Dieu de la grâce, qui a ouvert ses biens divins aux hommes et les leur a rendu accessibles. Cela ne signifie pas que les contenus des concepts de gloire (kabod) et de grâce coïncident, mais la grâce à sa beauté propre qui s'ajoute essentiellement à la gloire divine. Le mot grec karis n'est pas seul à posséder le fameux double sens éthique et esthétique  : faveur bienfaisante et aspect gracieux ; d'autres termes hébreux (hén, hèsèd, gedula, ton, raham, rason) ont tous, avec une intensité diverse, leur aspect esthétique" (1).

Il nous reste à les conjuguer nous aussi dans le présent pour retrouver le goût de Dieu. Parmi ces termes bibliques on notera la délicatesse (hèsèd) qui n'est pas le vent cité plus haut (hèbèl) mais la délicatesse des œuvres divines (cf. Is 40, 6).

(1) Urs von Balthasar, GC3AT ibis p. 128

19 juillet 2019

Le souffle et le vent - Urs von Balthasar

Pour Urs von Balthazar, il faut distinguer le grand vent hèbèl de ruah, le souffle de Dieu qui souffle où il veut. 

Hèbèl est "sans poids et emporté à cause de sa pure légèreté. (...) 

Le souffle de l'irréalité court au-devant de la mort et la description de la mort, qui s'approche avec l'arrêt des mouvements et des bruits de la vie, est bien le sommet du livre de Qohélet et l'un des sommets de toute la Bible (Qo 12, 3-8). 

Mais (quand est comprise) la grande fin de la vanité (...), le souffle de l'Esprit de Dieu saisit le vent errant de la créature et lui fait apparaître cette vérité : de même que le "dieu des philosophes" était une abstraction pour un sage d'Israël, ainsi le sage en tant que philosophe est devenu une abstraction pour lui-même. (...)

Le Dieu vivant a "soumis à la vanité" sa propre image (Romains 8, 20), afin que celle-ci apprenne par expérience que la seule chose réelle et sans équivoque est la grâce par laquelle Dieu ouvre à sa créature un espace de vie.(1)

Une leçon mystique et théologique qui nous pousse à l'humilité.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, GC 3. Theologie Ancien Testament p. 124sq

29 avril 2019

Proverbes - Hans Urs von Balthasar - Liberté et grâce 3

"Plus clairement que partout ailleurs dans l'Écriture, on voit ici [dans les Proverbes] que le Dieu créateur ne contredit pas ou ne rejette pas l'effort de sa créature pour comprendre la vie et pour s'établir dans un rapport juste avec le principe divin, mais qu'il achève cette effort en le dépassant (gratia non destruit naturam, sed elevat et perficit), même si les pressentiments ils essayent de nature à la sagesse doivent devenir folie pour être introduit dans la sagesse tout aux autres de Dieu"(1)

Cette élévation par Dieu correspond en quelque sorte à ce que j'exprima plus haut sur la danse. En effet le travail de l'Esprit en nous nous élève et nous fait grandir. Que la grâce ne détruit pas la nature mais l'élève et nous rend perfectible faites entrer notre chemin de liberté dans une dimension plus immense, plus sublime, celle qui nous fait correspondre à la volonté de Dieu. En cela le Christ, plus que jamais, nous conduit par son oui "me voici" sur le chemin où déjà sa mère par son fiat de liberté nous appelle.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974, p. 115

Au fil de Jean 17, Sainte Catherine de Sienne - Danse Trinitaire

«afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous, nous sommes un, – moi en eux et toi en moi – pour qu'ils soient accomplis dans l'unité et que le monde sache que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé.»
‭‭Jean‬ ‭17:21-23‬ 
La contemplation de Jean 17 a conduit les Pères de l'Église à élaborer une trilogie particulière sur la Trinité qui se nourrit des affirmations de Paul et de Jean dans une contemplation du jeu des Personnes divines, entre unité (un seul Dieu), deux natures, trois Personnes et quatre relations (paternité ; la filiation ; la spiration active ; la spiration passive). Pourtant comme je l'ai souvent exprimé ici, c'est l'image de danse qui me semble la plus éclairante, même si elle est comme toute image réductrice de l'infinie nature de Dieu.
Ce que les grecs appellent en effet périchorèse (littéralement danser en rond) et les latins « circum-incession » décrit bien cette complexe et géniale ronde et inhabitation des personnes divines, expression de l'amour infini du Père et du Fils dans l'Esprit, qui nous emporte dans une ronde amoureuse et sublime. 
En cette fête de sainte Catherine écoutons là exprimer cela : « Ô Divinité éternelle, ô éternelle Trinité, par l'union de la divine nature tu as donné un si grand prix au sang de ton Fils unique ! Toi, éternelle Trinité, tu es comme un océan profond : plus j'y cherche et plus je te trouve ; plus je trouve et plus je te cherche. Tu rassasies insatiablement notre âme car, dans ton abîme, tu rassasies l'âme de telle sorte qu'elle demeure indigente et affamée, parce qu'elle continue à souhaiter et à désirer te voir dans ta lumière, ô lumière, éternelle Trinité. ~
J'ai goûté et j'ai vu avec la lumière de mon intelligence et dans ta lumière, éternelle Trinité, et l'immensité de ton abîme et la beauté de ta créature. Alors, j'ai vu qu'en me revêtant de toi, je deviendrais ton image, parce que tu me donnes, Père éternel, quelque chose de ta puissance et de ta sagesse. Cette sagesse est l'attribut de ton Fils unique. Quant au Saint-Esprit, qui procède de toi, Père, et de ton Fils, il m'a donné la volonté qui me rend capable d'aimer. Car toi, éternelle Trinité, tu es le Créateur, et moi la créature ; aussi ai-je connu, éclairée par toi, dans la nouvelle création que tu as faite de moi par le sang de ton Fils unique, que tu as été saisie d'amour pour la beauté de ta créature.
Abîme ! Éternelle Trinité ! Divinité ! Océan profond ! Et que pourrais-tu me donner de plus grand que toi-même ? Tu es le feu qui brûle toujours et ne s'éteint jamais ; tu consumes par ton ardeur tout amour égoïste de l'âme. Tu es le feu qui dissipe toute froideur, et tu éclaires les esprits de ta lumière, cette lumière par laquelle tu m'as fait connaître ta vérité. ~
C'est dans la foi, ce miroir de la lumière, que je te connais : tu es le souverain bien, bien qui surpasse tout bien, bien qui donne le bonheur, bien qui dépasse toute idée et tout jugement ; beauté au-dessus de toute beauté, sagesse au-dessus de toute sagesse : car tu es la sagesse elle-même, tu es l'aliment des anges qui, dans l'ardeur de ton amour, s'est donné aux hommes.
Tu es le vêtement qui couvre ma nudité, tu nourris les affamés de ta douceur, car tu es douce, sans nulle amertume, ô éternelle Trinité.(1)



(1) Sainte Catherine de Sienne, dialogues, source Office des Lectures AELF 
Pour aller plus loin :
  • Jean Noël Besançon, Dieu n'est pas bizarre
  • Danse trinitaire chez Elisabeth de la Trinité 
  • Emmanuel Durand, Périchorèse des Personnes divines, Immanence mutuelle, réciprocité et communion, Éditions du Cerf, Cogitatio Fidéi n° 243, Paris, 2005.
  • Karl Rahner Dieu Trinité, Fondement transcendant de l'histoire du salut, Cerf 1999 Traduction Yves Tourenne
  • Saint Augustin, De Trinitate
  • Hans Urs von Balthasar, Théologique (troisième partie de sa Trilogie en 18 volumes)
  • Et, dans une plus humble mesure, Claude Heriard, Danse trinitaire, in l'Amphore et le Fleuve

25 mars 2019

Inculturation, pneumatologie et témoignage

Je lis avec beaucoup d'intérêt le dernier livre du P. Georges Njila Jibiklayi sur Jésus-Christ le Témoin, qui vise un renouveau de la christologie africaine des titres. Sa démonstration est assez convaincante en ce qu'elle nous introduit à une saine articulation entre christologie et pneumatologie.

Dans sa troisième partie, il montre la voie d’une appellation de Christ- Témoin tout en rappelant qu’il est une “des deux mains du Père(1)”, insistant sur la place de l’Esprit dans notre théologie et notamment le rappel de son inhabitation (et non son incarnation). 

Plus loin, j’aime particulièrement cette interpellation : “Si ordinairement pour l’inculturation, on posait la question de comment trouver ou inventer un langage qui soit adapté à une culture donnée (2) dit-il, la question se pose en pour lui en termes de : “comment dois-je être pour qu’à travers moi, les hommes puissent trouver le Christ?” (3)


Une question à méditer.

(1) Expression de saint Irénée reprise par Hans Urs von Balthasar, cf. notamment La Théologique 3, L’Esprit de vérité, p. 168. cité par le P. Njila p. 77sq.
(2) P. Georges Njila Jibiklayi sur Jésus-Christ le Témoin, Critiques et propositions pour un renouveau de la christologie africaine des titres, Kinshasa, Médiaspaul, 2018, p. 130

(3) Hans Urs von Balthasar, L’heure de l’Église, p. 24, cité par le P. Njila

05 février 2019

Les larmes du Père - 5 - au pied de la Croix

"Plus grandit le sérieux de la participation à la passion du Seigneur plus grandit aussi la conscience de la différence. Le Seigneur souffre comme un innocent; je souffre, mais comme coupable de souffrance" (1)

La vision de la Croix, comme la contemplation des larmes du père ne doit pas conduire pour autant à une culpabilité malsaine qui nous vient du diviseur. Elle est cette épée tranchante qui nous libère de nos adhérences au mal. Elle nous fait grandir et progresser vers l'espérance de notre salut.

Et dans l'accomplissement final de l'incarnation kénotique du Fils, dans la contemplation de cet aboutissement qui devient révélation de l'amour infini de Dieu, je trouve enfin poindre la joie de croire que Dieu est plus grand que la haine, que l'amour me relève et me rend enfin digne, par sa miséricorde, de m'approcher de lui, même si ma tentation toute pétrinienne est de fuir.

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 273

03 février 2019

Création et accomplissement

« La création toute entière et l'homme en particulier ne sont-ils pas créés et disposés en vue du Christ ? Et celui-ci en tant qu'il achève le cosmos, en tant qu'il est la plénitude divine insérée dans le cosmos et remplissant le ciel et la terre, et la tête qui récapitule en lui [l'univers]. »(1)

A l'heure où je prépare mon homélie de Dimanche ce texte me semble un bon résumé sur l'implication de la Parole d'Isaie prononcée par le Christ. « c'est aujourd'hui que cette Parole s'accomplit ».

Le mot accompli est prononcé plusieurs fois par le Christ et notamment au début et à la « fin » de son ministère englobant une vie et une mort pour l'homme. N'est-ce pas ce que nous pouvons contempler ?

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 237

Les larmes du Père - 4

Croire en la souffrance du Père, c'est croire en sa miséricorde. Peut-on oser prononcer pour autant prononcer les phrases du cardinal Bona ? : "En toi, Seigneur, j'ai espéré, dans l'éternité je ne serai pas confondu. Et quand bien même un ange du ciel m'assurerait que je suis chassé de ta présence, je ne le croirais pas. Et quand bien même toi, Dieu suprême, me dirait: je t'ai damné pour l'éternité, je ne voudrais pas entendre tes paroles. Pardonne moi, Seigneur: sur ce point, je ne te croirais pas, car (...) j'espérerais pourtant toujours en Toi" (1)
Il faut pour cela avancer et persévérer dans notre foi.

Précisons pour être objectif qu’Hans Urs von Balthasar ajoute “dans la foi vivante, je ne peux au fond jamais croire qu’a ma propre damnation; pour le prochain, la lumière de la résurrection ne peux pas s’obscurcir à mes yeux, au point que je pourrais ou devrais cesser d’espérer pour lui.” (2)

(1) Cal Bona, Via compendii ad Deum, c. 12, decas 9, cité par Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 271
(2) ibid. p. 271-2

30 janvier 2019

Au fil de Marc 4, 1-20 - Le semeur et la bonne terre

« ceux qui ont reçu la semence dans la bonne terre :ceux- là entendent la Parole, ils l'accueillent, et ils portent du fruit : trente, soixante, cent, pour un. » (Marc 4, 20)

Aide nous Seigneur à creuser en nous un sillon pour recevoir ta Parole au fond de notre cœur. Débroussaille ce qui en nous empêche cette réception, libère nous de ce qui nous éloigne de toi, viens transformer nos vies, aide-nous à porter tes fruits....
Donne nous accès au sacrement de ta réconciliation....



Nous avons reçu l’accès au ciel (...) par une action et une grâce du Rédempteur “ (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 262

22 janvier 2019

Tension johannique - Hans Urs von Balthasar

Je poursuis ma lecture interrompue de La prière contemplative et tombe sur une longue relecture par Hans Urs von Balthasar des épisodes de révélations successives chez Jean. Au travers des rencontres de Jean-Baptiste, Nicodème, la Samaritaine et les autres personnages de l'Evangile, se succèdent, pour le théologien, toute une série de dévoilement qui forment autant de theophanies d'un Dieu qui se dévoile et se révèle comme la Vérité et la Vie. Cette succession prend sens et donne une étonnante clé de lecture de l'évangile, cohérente avec celle que j'ai entreprise dans « A genoux devant l'homme » mais éclairante à bien des aspects.
Quel est l'enjeu pour Balthasar et donc pour nous ? Toute rencontre est contemplatio et oratio. C'est pour moi aussi un agenouillement croisé entre l'homme et Dieu. Dieu trouve en l'homme une terre féconde dans lequel les semences du verbe peuvent germer. L'homme est invité à découvrir et contempler ce Dieu qui vient à nous et se révèle en nous tirant plus haut. 
Comme le disait un commentaire, la « hauteur, la profondeur, la largeur du mystère » évoqué par Paul est révélé en Christ et culmine en Croix.

A découvrir in La prière contemplative, ibid p. 224sq


02 janvier 2019

Philologie et contemplation

Il y a risque à passer trop de temps dans des considérations historico-critiques sur la Bible. C'est celui d'oublier ce que le contact de la Parole réalise en nous. Elle est un feu qui brûle et ravive en nous l'essentiel.
"De grands théologiens et maîtres spirituels comme Origène ont pu garder le regard de l'orant animé par l'amour et connaissant les dimensions divines de la Parole, à travers toutes les considérations philologiques. Ils ont même pu pratiquer l'anatomie de la Parole précisément par amour respectueux et brûlant pour le Logos devenu homme et Parole écrite" (1)

L'enjeu précise Hans Urs von Balthasar est de ne pas perdre l'orientation vers la prière, une certaine docilité qui nous expose à la radicalité et la lumière jaillissant de la rencontre.

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 199ss

30 décembre 2018

Au fil de Luc 2 - Sainte famille, homélie, version n.10

Où est le centre de nos vies ? Nos proches sont-ils l’essentiel ? Où est notre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les 8 Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir s’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.
Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.
En ce jour de la Sainte Famille vous pouviez vous attendre à une homélie sur les relations intra-familiales. Marie nous conduit plus loin, sur la source même de l’amour sans qui rien n’est possible.



2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur, refondre et recentrer notre vie. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté, y compris dans l’aujourd’hui de nos vies.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

29 décembre 2018

Au fil de Luc 2 - Homélie sur la sainte famille

Homélie sur la sainte famille
Où est votre trésor ?
La réponse pourrait être matérielle, elle peut-être de citer votre conjoint, vos enfants ou petits-enfants et vous n’auriez pas vraiment tort en le disant, mais l’Ecriture nous invite un pas plus loin. Un grand pas…. Car notre trésor à tous est ailleurs, il repose au fond de nos cœurs. Le trésor, c'est la présence de Dieu qui veut demeurer en nous (2e lecture). C’est le don le plus intime et le plus intérieur. C’est ce qu’a compris Marie. Pourtant, comme nous, elle a pris du temps…
Je vous propose de contempler cela avant de méditer sur ce que cela nous dit, pour nous...

  1. Contemplation
Prenons de la distance et contemplons Marie, la première en chemin. Le mystère de Marie Vierge et mère se contemple toujours dans la dynamique des textes de Luc.
Depuis la visite de l’ange, elle ne fait que se confronter à l’inattendu de Dieu. Très vite pourtant elle passe du ravissement au déchirement. Elle a porté en elle un trésor. Elle l’a maintenant mis au monde, et voilà déjà que Jésus lui échappe. La liturgie de l’octave de Noël (c’est à dire les ! Jours qui suivent le 25) nous permettent de contempler samedi 29/12 la présentation au Temple; À cette occasion, si vous vous souvenez du texte, c’est l’annonce par le vieux Siméon d’un glaive dans le cœur de Marie.
Nous savons par Jean, combien son chemin sera douleur. Triste réalité maternelle ?

Oui et non… car entre Marie dans les premières pages de l’Evangile de Luc et celle que nous découvrons à Cana chez l'Évangéliste Jean, où la Vierge demande à son Fils d’agir c’est fait un basculement. Elle s’est fait don.
Marie nous montre comment la parole prend chair en elle, l'émerveille et l'a fait aller là où elle ne veut pas aller.

Qu’est-ce à dire pour nous ? On croit que nos enfants nous appartiennent et ils nous échappent bien vite, car ils ne sont pas à nous, mais dons de Dieu. On croit pouvoir porter et retenir le don de Dieu et voilà qu’il s’éloigne, grandit, nous surprend et devient plus grand que nous.
Ce Verbe qui s’est fait chair en nous doit porter du fruit.
La mise en résonance de la première lecture peut accroître encore notre contemplation. Anne, la mère de Samuel a compris que ce qui lui est donné est pour le Seigneur. Marie, le sent, elle aussi au fond d’elle-même, dans cet épisode du Temple.

Ce que nous recevons nous fait grandir et appelle au don.

2. Méditation
Il y a, à ce sujet, dans la 2eme lecture et l’Évangile un mot en commun : garder.
  1. Garder les commandements de Dieu
  2. « Marie gardait tout cela dans son cœur »
Qu’est ce à dire ?
Même si les deux mots grecs d’origine sont différents, il me semble que cette notion peut-être source de méditation pour aller plus loin.
Garder la Parole de Dieu au fond de son cœur ne consiste pas à l’enfouir pour le cacher, comme on le ferait d’un magot. Bien au contraire, « il s’agit de Le saisir et de se laisser saisir » par Dieu (cf. Ph. 3), de le contempler ET se laisser déranger par lui.

La Parole n’est pas là pour être oubliée, mais bien pour nous creuser en nous de l'intérieur. Elle est tranchante et exigeante cette Parole.

Ce que Marie voulait garder pour elle lui échappe déjà. L’enfant Jésus n’est déjà plus sous la coupe maternelle. Il est déjà emplit du Verbe. En lui brûle Dieu en actes et il est prêt à discuter avec des docteurs de la loi.

Que faisons-nous de la Parole ? Le plus facile est de l’oublier, de la laisser à la porte de l’église en sortant, comme la feuille de messe qui la contient d’ailleurs. Si nous ne nous laissons pas travailler par l'Écriture disait un grand théologien (1) c’est parce qu’elle est trop exigeante. Notre erreur, notre tentation c’est de ne pas l’entendre, de la laisser de côté.

« La Parole exige l'amour de Dieu et du prochain » (1) et donc une cohérence.
Elle est le cri tout intérieur qui se fait écho du cri du prochain. Si Dieu pose sur nous son regard c’est pour que nous ne soyons pas indifférent à l’irruption du « visage d'autrui qui nous appelle » (2).

Le risque est de l'ignorer, de l’écouter sans l’entendre. Notre trésor ne doit pas rester enfoui.

A nous de percevoir, à notre tour, que ce qui nous est donné, notre trésor, vient de Dieu et loin d’être mis sous le boisseau, il doit être redonné à son tour.
Notre mission est de passer de la réception au don le plus total...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7
(2) Emmanuel Lévinas, cf. Autrement qu’être

Base pour une homélie à Vert en Drouais le 30/12/18





21 décembre 2018

Une Parole qui dérange

"En face de la Parole de Dieu, le chrétien se trouve profondément déchiré" (1). Une contradiction [s'installe] entre son "exigence" et sa propre vie. (...) "elle exige l'amour de Dieu et du prochain" et donc une cohérence. Le risque est de l'ignorer, de laisser de côté toute contemplation, de peur qu’elle mette à jour notre démission.

A méditer...

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 196-7

14 décembre 2018

L’ocean de l’amour - contemplation - Hans Urs von Balthasar

Après avoir emmené l'homme à se plonger dans « l'océan de l'amour », le théologien nous emporte vers une prière plus entière et plus contemplative qui n'est pas sans rejoindre ses propos sur Bonaventure déjà longuement cité dans mon livre sur l'amphore et le fleuve.
Mais écoutons le, à nouveau : « Celui qui aime de se détournera pas de la contemplation, au contraire c'est lui seul qui aspirera vraiment à cette source. Ici, dans la prière, Dieu se donne à lui (...) et, grâce à cet accomplissement par Dieu, il devient capable d'un nouvel amour joyeux et désintéressé pour ses frères. Par l'amour, la contemplation est entraîné elle-même dans le mystère de la métamorphose. Elle n'est plus le point neutre, duquel les métamorphoses de l'amour sont regardées. Elle est emportée dans le courant de l'amour toujours le même, et pourtant toujours nouveau, toujours se transformant. » (1)

Un texte qui n'est pas sans influencer mon homélie à paraître dimanche...

C'est ce que j'appelle mes résonances :-)

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 191

13 décembre 2018

Amour - Racine maîtresse - 25

« Tout amour chrétien établit la vérité entre deux ou plusieurs hommes, et cette vérité est finalement le Christ qui séjourne au milieu de ceux qui sont rassemblés en son nom (Mt 18, 20). L'amour est ici racine maîtresse, milieu et but de tous les sacrements de l'Église (...) initiation à la réalité. Et celle-ci est la participation de l'homme à l'amour de Dieu, qui a toutes les qualités que saint Paul énumère dans son hymne à la Charité (1 Co 13) ».(1)

A nous de découvrir en nous et faire fructifier cette racine maîtresse, cette source intérieure.

« À nous de plonger dans l’océan de l’amour et d’y nager vigoureusement »(2)



(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 191
(2) ibid p. 193

10 décembre 2018

Dans la main du potier

Un beau passage qui n'appelle pas de commentaire : « Le contemplatif (et en lui l'Église) doit être une argile dans la main du potier, argile qui se laisse modeler elle-même dans la contemplation, et ne prétend pas connaître d'avance la loi de transformation. Elle ne fait que la ressentir par anticipation grâce au contact des mains du sculpteur se posant sur elle fortement ou légèrement, rudement ou doucement. Les deux formes vont ensemble dans la même Eglise, de même que la doctrine et la vie, la théologie et la spiritualité » (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La prière contemplative, op. cit. p. 185

30 novembre 2018

Le voile de l’Écriture - Hans Urs von Balthasar

Le Verbe est au delà de tout discours, non aliud, tout autre... Et toute tentative de le mettre dans nos cases est vaine.
« C'est comme si le Saint-Esprit, l'auteur de la Sainte Écriture, étendait en elle, sur le mystère de la vie terrestre du Seigneur, un voile qui ne peut être écarté complètement. Il est là, indubitablement attesté par les descriptions, qu'aucun homme (...) n'aurait pus inventer (...) Beaucoup de choses dans le christianisme s'offrent à l'analyse exacte. Mais le fond suprême plonge dans la nuit des mystères silencieux de Dieu. Ce qu'il y a de suprême en Jésus (...) est tourné vers le Père, c'est quelque chose qui est lui-même contemplation et action au sein de la contemplation »(1)

Quel chemin pour nous dans notre prière ? Peut-être une attention particulière, une écoute silencieuse à ces appels discrets et répétés, mais non prévisibles de l'Esprit à agir. En cette fête de saint André, écoutons ces signes discrets qui tout en respectant notre liberté nous poussent toujours plus loin dans la contemplation et l'action.

(1) Hans Urs von Balthasar, la prière contemplative, op. cit. p. 155