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06 mars 2020

Au fil de Jean 13 – lavement des pieds – plus qu’un sacrement - pédagogie 20

« L'Église a fait de l'eucharistie le sommet des sacrements dont elle vit. Pourquoi le lavement des pieds n'est-il pas devenu à son tour un sacrement de l'Église ? Jésus y a posé le geste, a donné la parole et indiqué le devoir de le répéter. Ce cas est infiniment plus clair que ceux de plusieurs autres sacrements. Après quelques hésitations dans la tradition, la répétition liturgique s'est bornée au geste, devenu formel, accompli par l'évêque ou le prêtre le Jeudi saint. La réponse à cette question est dans la nature du geste lui-même : l'eucharistie est un symbole vrai du sacrifice du Christ. Ici nous sommes pas dans le symbole, mais dans la chose elle-même. Jésus ne demande pas de célébrer mais de réaliser tous les jours, comme il l'a fait lui-même [tout au long de sa vie], le service fraternel. Ce geste accompli le commandement de l'amour que Jésus ne cessera de redire aux siens (cf. Jn 14-17). (...). Ce geste est plus qu'un sacrement : il révèle Jésus (...). Et nous donne en même temps l'exemple et la tâche de servir tous les jours nos frères. Comme la croix, le lavement des pieds est la matrice de tous nos sacrements. Dans cette scène volontairement humble Jésus se révèle tout entier »(1)

On a là le sommet de la pédagogie de Jésus : nous conduire presque sans mots et avant le grand silence de la croix à l'essentiel. Et cette dynamique sacramentelle (2) est plus large que ce l'Église cristallise dans les sacrements : elle devient l'axe même de notre vie, de l'amour...

Jeune diacre je regrettais de ne pas avoir à agir le jeudi saint... L'enjeu n'est pas là, comme je le découvre en lisant Sesboué : le jeudi saint n'est qu'un rappel. La tâche du diacre est un perpétuel lavement des pieds...

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 335
(2) cf. mon essai éponyme

28 février 2020

Pédagogie du Christ - 17

En support au thème de mon livre en préparation, je découvre chez Sesboué la même idée (je n'ai rien inventé) qui nous décrit dans un long chapitre 12 la pédagogie du Christ face au pécheurs. Après l'évocation de Zachée je retiendrais l'épisode chez Simon le pharisien (Mc 14, Lc 7,36sq, Jn 12) où une femme pécheresse vient laver les pieds de Jésus - un geste qui pourrait avoir suscité l'épisode du lavement des pieds ? Plutôt qu'un enseignement moralisateur c'est par une parabole que Jésus travaille le cœur de Simon. «  la pédagogie de [Jésus passe par] une parole qui témoigne de sa même tendresse que vit à vis de la femme »(1)

Le terme de tendresse est bien trouvé. C'est l'amour de Dieu pour l'homme qui se manifeste là et va trouver son apogée dans le lavement des pieds et dans la croix. Suivre cela c'est percevoir tout le chemin et la pédagogie divine qui se manifeste depuis la genèse jusqu'à nous.

(1) Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 317

13 octobre 2019

Le chemin de Pierre - Au fil de Jean 13 à 21

Nous sommes un peuple d’êtres raisonnables qui bloquons de plus en plus souvent nos émotions au nom de l’intelligence des choses, de la maîtrise des événements. En fait, du fait de nos expériences de la souffrance, de la dureté du monde, nous construisons des tours de protection intérieure qui ne laisse plus de place à Dieu pour nous atteindre. 
La médiation du chemin de Pierre nous enseigne quelque chose de différent. Pierre refuse le lavement des pieds (Jn 13) parce qu’il est un combattant. Il veut dominer les choses et projette sur Jésus son propre désir de pouvoir (rappelons nous son épée en Jn 18). 

La phrase de Jésus en Jn 13, 8 le conduit à accepter le lavement des pieds, mais ne le change pas pour autant. « Pierre lui dit: Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit: Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi. Simon Pierre lui dit: Alors, Seigneur, pas seulement mes pieds, mais aussi mes mains et ma tête!» Jean‬ ‭13:8-9‬ ‭

Il faut qu’il aille jusqu’au triple reniement « je ne suis pas » (1) qui fait écho en négatif à la triple affirmation des « je suis » du Christ (Jn 18) pour que son obstination soit chemin de conversion. Alors se révèle en lui son entêtement et Dieu lui fait le don des larmes... (cf. Lc 22,62 - Jean ne le dit pas...)

C’est là où sa tour intérieure s’effondre et où Dieu peut venir en lui véritablement. 
Les larmes sont rares dans l’Ecriture. On trouve en Isaïe 22 une belle tour qui s’effondre : 
« Pourquoi donc es-tu montée avec tout ton peuple sur les toits en terrasse, (...) Tes capitaines, tous ensemble, prennent la fuite; (...)  C’est pourquoi je dis: Détournez de moi les regards, laissez-moi pleurer amèrement; ne me pressez pas de me consoler du ravage de la belle, de mon peuple.»
‭‭Isaïe‬ ‭22:1-4‬ 

L’expérience de Pierre est à contempler. Elle est en soi la première expérience ignatienne. Ce qu’Ignace nous fait découvrir n’est rien d’autre. Cessons de nous opposer à l’amour de Dieu. 

Laissons le s’agenouiller devant nous et nous toucher au coeur. Laissons le nous laver les pieds...

Pierre n’a pas compris tout cela du premier coup. En Jean 21 il est redevenu le maître de pêche. Il tourne en rond. Il veut encore maîtriser son destin. Et voici qu’à nouveau il pêche toute une nuit en vain. Nuit des hommes...

Alors quand le Seigneur lui donne à nouveau une leçon d’humilité en lui montrant le bon côté où il faut pêcher, il se rend compte de sa nudité devant Dieu (2). 

Vient enfin la triple et douloureuse question de Dieu. Le texte est discret et là encore le grec beaucoup plus riche (1), mais l’on peut s’imaginer les larmes de Pierre quand par trois fois il va crier du fond de son cœur : « Seigneur tu sais bien que je t’aime... ». Pierre est alors prêt à porter l’Eglise jusqu’à accepter qu’on lui attache la ceinture du martyr.
Ce n’est pas sur une pierre solide que Jésus a bâti son Eglise, mais sur une pierre fissurée à travers laquelle passe le Dieu d’amour, fleuve immense jailli du coeur transpercé.
L’expérience ignatienne est au cœur de ces mouvements. il faut aller jusqu’à cette dépossession de nous mêmes pour que notre faiblesse devienne la fêlure où Dieu va entrera dans notre intimité la plus intime.



C’est cela l’expérience de la fragilité dont Jean Vanier c’est fait l’apôtre. 
(1) Le grec est très expressif sur ce thème. Je développe tout cela dans mon livre « À genoux devant l’homme »
(2) Sur la nudité de l’homme voir aussi Gn 3, 7, Ex 33, 4, Marc 14, 52

10 juin 2019

L’effacement du Fils - Christoph Théobald - kénose n. 163

Au bout du chemin, on parvient à une chose remarquable : « celui qui est en face – le Christ Jésus s'efface. C'est toute la logique des récits évangéliques. Tout commence ainsi : « suis moi », ou chez Paul : « Imitez- moi. » On s'attache à lui, Christ, Parole de Dieu, par une sorte de « fascination », de « séduction d'amour » ; mais si l'on va jusqu'au bout de cette relation avec lui, il nous conduit ailleurs. Il ne s'attache pas aux gens. Le suivre c'est un sens aller là où il s'efface dans le mystère pascal : « il est bien que je m'en aille » (Jean 16,7). C'est dans la tradition chrétienne, un seuil que nous avons du mal à passer, car beaucoup occupe la « place du Christ », qu'il s'agisse des accompagnateurs, des supérieurs, de l'autorité ecclésiale. Saint Augustin nous dit que, s'il faut écouter la parole des maîtres, celle-ci ne peut être autant assimilé à la Parole de Dieu. Les maîtres autour de nous renvoie à l'Unique Maître qui, lui, passe en nous. Il s'efface, je l'ai dit, tout en nous renvoyant à quelqu'un d'autre, à notre origine, à la Parole de Dieu, au Père. c'est une expérience que j'appelle d'inversion, et qui est peut-être le seuil essentiel de l'expérience d'écoute. (…) On ne regarde plus vers Dieu, mais on se voir regardé par Dieu : « dans ta lumière, nous voyons la lumière » (Ps 36,10). Regarder le réel de ses propres yeux avec les yeux de Dieu, c'est approcher de manière radicalement nouvelles les limites des choses – les souffrances, les tragédies –, mais aussi la beauté des hommes et de la création ». (1)

On rejoint peut-être cet agenouillement de Jean 13 qui nous pousse à l'agenouillement devant l'homme. L'inversion (Christoph Théobald ne parle pas de kénose - mais c'est bien de cela qu'il s'agit) nous fait perdre toute tentation cléricale pour se mettre à l'écoute du Verbe incarné dans l'homme, de la Parole de Dieu qui transparait dans la dynamique propre de sa création et fait jaillir devant nous des fruits inattendus...

Écouter, sentir, contempler. Tels sont les fruits à atteindre d'un effacement à la suite du Christ... Danse trinitaire à laquelle on est invité dans la spirale folle de la triple kénose où Dieu se tait pour laisser place à l'Esprit enfoui dans le coeur de l'homme ?

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines, parole de Dieu, Salvator, 2015, p. 24-25

19 mai 2019

Au fil de jean 13 - Imitation et gloire - Homélie du 5eme dimanche de Pâques - Année C - 2

« Maintenant le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c'est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » (Jn 13)

Qu'elle est la gloire dont nous parle Jésus? La question mérite d'être travaillée en entendant l'Évangile. D'autant qu'elle mérite un énorme déplacement par rapport à notre vision humaine.

Frères et sœurs, cet évangile est court, mais nous conduis au terme d'un parcours inouï celui où Dieu nous invite à grimper sur une haute montagne, celle de l'amour.
Grimper ? Où plutôt descendre ?

Un journaliste que je ne citerais pas parlais récemment de la Tour Eiffel en lui donnant le surnom de Notre dame de fer... Tour de Babel.... pourrais-t-on dire. Il faudrait relire Apocalypse 18 (cf. Plus bas)
pour comprendre peut-être que notre tour à nous, à l’image de Notre Dame est descendue très bas...pour ne laisser qu’une chose, la Croix, visage du Père.

Je vous propose de le lire l’Evangile aussi à l'envers. 

Aimons-nous les uns les autres...
Pas à moitié, en passant, en critiquant par derrière La critique de l'autre trahit notre orgueil, notre jalousie 
Aimons-nous les uns les autres comme
Comme le dit Paul à plusieurs reprises dans ses lettres: imitez moi comme j'imite le Christ. Ce n'est pas sur l'apparence que cela se joue, mais bien dans cette course infinie où je me laisse saisir par lui (cf. Ph 3).
Il est le chemin...
C'est là un commandement nouveau. Il ne s'agit pas d'aimer comme le fond tous les hommes, dans une logique d'échange : je t'aime parce que ou pour que tu m'aimes. Non, la nouveauté du Christ c'est d'entrer dans le don gratuit, immense, sans limites, débordant d'un Dieu qui s'oublie pour se donner jusqu'à la Croix. 
C'est peut-être sous les pas de Jean Vanier que nous avons à chercher le chemin de l'amour gratuit.
Quelle est la découverte de Jean Vanier ? c'est peut-être de regarder les choses à l'envers. Le petit, le faible, le rejeté, le fêlé nous donnes accès à Dieu. 
Le fragile révèle ma fragilité et me fait tomber à genoux devant le petit et le faible.
Comme le diacre Philippe pendu par les pieds laissons nous retourner. La gloire de Dieu, c'est de voir le monde à l'envers des hommes : aimer le petit et le faible. 
C'est le chemin du Christ, la kénose, Écoutons ce que nous dit Paul en Ph. 2. Il s'est abaissé, c'est fait esclave, c'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui a donné la gloire. 
Nous en venons à l'Évangile.
À contempler : 
1 le contexte du discours  : le dernier repas, après le lavement des pieds ! À contempler !
2 L'inversion où nous conduit Paul (la kénose) par Paul en Ph 2, 11 : c'est de comprendre que c'est dans l'abaissement et l'humilité que le Christ dévoile sa gloire.
C'est à genoux que Dieu se révèle.

3 Le commandement : aimer vous comme, n'a de sens que sur le comme Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est dévoilé et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»
Quand nous comprenons cette clé de lecture tout s'éclaircit. Il est le chemin. Il est la Vie. 
Cette gloire, d'un amour transpercé, va prendre alors sens silencieusement. Nous pouvons suivre Paul dans sa course. C'est ce que nous révèle la première lecture. L'amour qui nous conduit à imiter le Christ est le royaume nouveau vers lequel il nous conduit. En nous avançant vers l'Eucharistie, nous pouvons dire Me voici. Je veux marcher à ta suite. Je veux m'agenouiller moi aussi. Aimer comme tu nous as aimé.

18 mai 2019

Au fil de Jean 13, 31 - ébauche d’homélie du 5eme dimanche de Pâques - hommage à Jean Vanier

Ébauche n.4 pour samedi...et dimanche (commentaires bienvenus)

« Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.
Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt.
Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous.
 Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres.
Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres.
 À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13)

Quelle est la gloire dont nous parle Jésus?
La question mérite d'être travaillée en entendant l'Évangile.
D'autant qu'elle mérite un énorme déplacement par rapport à notre vision humaine 
À développer : 
  1. le contexte du discours  : le dernier repas, après le lavement des pieds ! À contempler !
  2. La kénose décrite par Paul en Ph 2, 11 : c’est de comprendre que c’est dans l’abaissement et l’humilité que le Christ dévoile sa gloire
  3. Le commandement : aimer vous comme, n’a de sens que sur le comme 
La question légitime m'a été posée en groupe de lecture (lectio divina) sur ces deux versets de Jn 13 : « Νν δοξάσθη  υἱὸς το νθρώπου, κα  θες δοξάσθη ν ατ· ε  θες δοξάσθη ν ατ, κα  θες δοξάσει ατν ν ατ, κα εθς δοξάσει ατόν.» («Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt.») 
Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, à l'aune de Ph. 2,11 et de la kénose, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation kénotique de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est dévoilé et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»

Aimons-nous les uns les autres...
Pas à moitié, en passant, en critiquant par derrière 
La critique de l'autre trahit notre orgueil, notre jalousie 
Aimons-nous les uns les autres comme
Comme le dit Paul à plusieurs reprises dans ses lettres: imitez moi qui imite le Christ. Ce n’est pas sur l’apparence que cela se joue, mais bien dans cette course infinie où je me laisse saisir par lui (cf. Ph 3).
Il est le chemin...
C’est là un commandement nouveau. Il ne s’agit pas d’aimer comme le fond tous les hommes, dans une logique d’échange : je t’aime parce que ou pour que tu m’aimes. Non, la nouveauté du Christ c’est d’entrer dans le don gratuit, immense, sans limites, débordant d’un Dieu qui s’oublie pour se donner jusqu’à la Croix. 
C’est peut-être sous les pas de Jean Vanier que nous avons à chercher le chemin de l’amour gratuit.
Quelle est la découverte de Jean Vanier, c’est peut-être de regarder les choses à l’envers. Le petit, le faible, le rejeté, le fêlé nous donnes accès à Dieu. Comme le diacre Philippe pendu par les pieds laissons nous retourner. La gloire de Dieu, c’est de voir le monde à l’envers des hommes : aimer le petit et le faible. 
C’est le chemin du Christ, la kénose, Écoutons ce que nous dit Paul en Ph. 2. Il s’est abaissé, c’est fait esclave, c’est pourquoi Dieu l’a relevé et lui a donné la gloire. 



27 février 2019

Nuit obscure - 2 - François Marxer

Nouvelle méditation à la suite de l'excellent ouvrage de François Marxer, Au péril de la Nuit.

L'auteur nous conduit à une traversée profonde de nos nuits spirituelles à la suite des grandes mystiques du XXeme siècle à commencer par la petite Thérèse qui veut rejoindre le Christ dans sa joie simple et se trouve plongée dans les profondeurs de l'obscurité. Un chemin intérieur qui traverse l'orant au delà des réflexions et des sagesses du monde jusque dans la kénose du Fils.

"L'effacement de Jésus complete sa propre image : il se fait, devant les tout-petits, plus infime, s'il est possible, qu'eux tous, en disparaissant dans la louange dont ils sont le contenu. Il occupe ainsi sa véritable place. Cette extase est complète à la croix(1)"

L'humilité n'est pas dans la négation de soi même ou une fausse modestie, mais dans l'agenouillement devant celui qui s'est anéanti pour nous redonner vie.

«Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.»
‭(Jean‬ ‭12:24‬ ‭NBS‬‬)

Il nous faut "naître à nouveau" (cf. Jean 3).

Notre agenouillement devant Dieu nous porte, à sa suite, "à genoux devant l'homme" (2) pour voir en lui la trace de ce que Dieu a semé de bon et de grand.
L’effacement (..) ce n’est pas ambitionner la nudité de l’être (...) mais aimer à perte de vue” (3)
Je suis parti pour évangéliser la périphérie et c'est la périphérie qui me convertit, comme ce jeune pompier volontaire, rencontré samedi qui me donne une leçon de dévouement et d'abnégation. Même s'il ne confesse pas le Christ il est semence du Verbe.

Quel est l’enjeu du voyage ? Peut-être cette “vertu d’humilité (...) qui creuse en elle la profondeur de Dieu fait homme” qui cache l’éclat de sa divinité - ténèbre - dans cette pauvreté de l’humain que par amour il aura voulu devenir: laquelle profondeur est si grande que (...) la raison defaille, obscurité. (4)

(1) Paul Beauchamp, Le récit, La lettre et le Corps, Essais bibliques, Paris, Cerf, 1982, p. 99, cité par François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017
(2) cf. mon livre éponyme.
(3) F. Marxer, ibid. p. 68.
(4) p. 69

26 février 2019

Au fil de Marc 9,30-37. - Serviteur de tous - Grégoire de Naziance


« Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous »

Commentaire de saint Gregoire de Naziance
« Réponds à ceux que les stigmates de la Passion dans le corps du Christ plongent dans l'incertitude et qui posent la question : « Qui est ce roi de gloire ? » (Ps 23,8), réponds-leur que c'est le Christ « fort et puissant » (ibid.) en tout ce qu'il a fait et continue de faire…
Est-il petit du fait qu'il s'est fait humble à cause de toi ? Est-il méprisable du fait que, Bon Berger offrant sa vie pour son troupeau, il est venu chercher la brebis égarée, et l'ayant trouvée, la ramène sur ses épaules qui ont porté pour elle la croix, et l'ayant ramenée à la vie d'en haut, l'a mise parmi les brebis fidèles qui sont restées au bercail ? (Jn 10,11; Lc 15,4) Le méprises-tu du fait qu'il a allumé une lampe, sa propre chair, et qu'il a balayé sa maison, purifiant le monde du péché, pour chercher la pièce d'argent perdue, en perdant la beauté de son effigie royale par sa Passion ? (Lc 15,8s; Mc 12,16)…
Est-ce que tu l'estimes moins grand parce qu'il se ceint d'un linge pour laver les pieds de ses disciples, leur montrant que le moyen le plus sûr de s'élever, c'est de s'abaisser ? (Jn 13,4s) Est-ce un grief que tu fais à Dieu parce que le Christ s'abaisse, inclinant son âme vers la terre, afin de relever avec lui ceux qui plient sous le poids du péché ? (Mt 11,28) Lui reproches-tu d'avoir mangé avec les publicains et les pécheurs…pour leur salut ? (Mt 9,10) Comment mettre en cause un médecin qui se penche sur les souffrances et les plaies des malades pour leur apporter la guérison ? » (1)

«Ayez entre vous les dispositions qui sont en Jésus-Christ: lui qui était vraiment divin, il ne s'est pas prévalu d'un rang d'égalité avec Dieu, mais il s'est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains; reconnu à son aspect comme humain, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à la mort – la mort sur la croix. C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a accordé le nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu, le Père.» (2) 


(1) Saint Grégoire de Nazianze, Homélie pour la fête de Pâque ; PG 36, 624 (trad. Homéliaire patristique, Cerf 1949, p. 223s rev.), source  : l'Évangile au Quotidien 
(2) Philippiens 2:5-11 traduction NBS

06 juin 2018

La Gloire et la Croix - Jn 13,31-32

Une question légitime en groupe de lectio divina sur ces deux versets de Jn 13 : « Νῦν ἐδοξάσθη ὁ υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου, καὶ ὁ θεὸς ἐδοξάσθη ἐν αὐτῷ· ⸂εἰ ὁ θεὸς ἐδοξάσθη ἐν αὐτῷ,⸃ καὶ ὁ θεὸς δοξάσει αὐτὸν ἐν ⸀αὑτῷ, καὶ εὐθὺς δοξάσει αὐτόν.» («Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui, il le glorifiera aussitôt.»)
Difficile, avec nos yeux du XXIème siècle de voir la gloire divine dans le lavement des pieds et la bouchée à Judas. Et pourtant, à l'aune de Ph. 2,11 et de la kénose, il faut entendre les deux versets non sous l'angle de la gloire mondaine, mais sous celui de la révélation kénotique de la faiblesse divine : en paraphrasant et remplaçant « gloire » (doxa, kabod au sens d'Exode 34) par « lumière de la révélation » on obtient une version peut-être plus accessible à l'homme d'aujourd'hui : « Maintenant le Fils de l'homme s'est révélé amour, et Dieu a été révélé en lui comme Dieu humble et aimant. Si Dieu a été révélé en lui, Dieu aussi le/[se] révélera en lui, [et] il le glorifiera aussitôt.»

07 juillet 2017

Kérigmes comparés

Selon Gérard Donnadieu(1) le kérygme musulman s'articule sous le mot soumission.  En soi, se mettre sous le divin, s'agenouiller devant son Dieu n'est pas loin d'une démarche chrétienne.  Quelle est alors la différence avec le coeur de la foi chrétienne ? Elle est à trouver dans l'articulation complexe entre l'agenouillement devant Dieu et l'agenouillement de Dieu devant l'homme. Elle s'illustre "sacramentellement" par le  lavement des pieds des disciples par Jésus (Jn 13) où l'on trouve une réponse divine à l'agenouillement de Marie aux pieds de Jésus (Jn 12). Comme vous le faites,  je le fais aussi et je vous invite à le faire à votre tour. La kénose du Fils répond en même temps à celle de l'homme et à celle du Père et nous fait entrer dans l'acte kénotique.
"C'est pourquoi Dieu l'a relevé et lui a donné le nom", dit Philippiens 2. Dans la danse kénotique se dévoile aussi le fait que Dieu ne fait pas de nous des serviteurs mais des amis (cf. Jn 15, 15).
La soumission chrétienne est danse.

(1) conférence de novembre 2016 aux Bernardins

12 avril 2017

Judas et le mal

Difficile de commenter le choix de Judas par Jésus ex ante.  Le commentaire d'Augustin donne une piste qui ne satisfait pas totalement la victime du mal. Écoutons le néanmoins : "N'est-ce pas moi qui vous ai choisi tous les douze ? Et l'un de vous est un démon » (Jn 6,70). Le Seigneur devait dire : « J'en ai choisi onze » ; est-ce qu'il a choisi un démon, un démon est-il parmi les élus ?... Dirons-nous qu'en choisissant Judas, le Sauveur a voulu accomplir par lui, contre sa volonté, sans qu'il le sache, une œuvre si grande et si bonne ? C'est là le propre de Dieu... : faire servir au bien les œuvres mauvaises des méchants... Le méchant fait servir au mal toutes les bonnes œuvres de Dieu ; l'homme de bien au contraire fait servir au bien les méfaits des méchants. Et qui est aussi bon que le Dieu unique ? Le Seigneur le dit lui-même : « Personne n'est bon, sinon Dieu seul » (Mc 10,18)... Qui est pire que Judas ? Parmi tous les disciples du Maître, parmi les Douze, c'est lui qui a été choisi pour tenir la bourse et prendre soin des pauvres (Jn 13,19). Mais après un tel bienfait, c'est lui qui perçoit de l'argent pour livrer celui qui est la Vie (Mt 26,15) ; il a persécuté comme ennemi celui qu'il avait suivi comme disciple... Mais le Seigneur a fait servir au bien un si grand crime.
 Il a accepté d'être trahi pour nous racheter : voilà que le crime de Judas est changé en bien. Combien de martyrs est-ce que Satan a persécuté ? Mais s'il ne l'avait pas fait, nous ne célébrerions pas aujourd'hui leur triomphe... Le méchant ne peut pas contrarier la bonté de Dieu. Il a beau être artisan du mal, le suprême Artisan ne permettrait pas l'existence du mal s'il ne savait pas s'en servir pour que tout concoure au bien." (1) il accepté d'être la victime du mal pour un plus grand bien.

Pourquoi ? La question mérite de rester en suspens, car nous n'avons pas toutes les clés du mystère sauf à contempler que de ce mal est venu notre salut,  mais aussi que le malheur de Judas a contribué à la tristesse du Sauveur,  lui qui jusqu'au bout à tenté la miséricorde. 

( 1)  Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°27 p. 10, source evangileauquotidien.org

17 juillet 2016

La pastorale du seuil

Une contemplation de la première lrcture d'hier, hors de son contexte d'interprétation trinitaire traditionnnel peut nous amener fort loin. Relisons le d'abord : "Dès qu'il les vit, il courut à leur rencontre depuis l'entrée de la tente et se prosterna jusqu'à terre. 
Il dit : « Mon seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t'arrêter près de ton serviteur.
Permettez que l'on vous apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre.
Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d'aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l'as dit. »
Abraham se hâta d'aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. »
Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer.
Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l'on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, pendant qu'ils mangeaient."  (Gn 18).
A l'aune de Mathieu 25, qui nous demande de voir Jésus dans les affamés de Dieu, on pourrait y voir une autre façon de vivre la pastorale. Et l'appel du pape à nous concentrer sur la périphérie constituait à courir vers l'homme blessé, tuer le veau gras (cf. Luc 15) et lui laver les pieds (cf. Jean 13), ne serions nous pas au coeur du message évangélique.  Que ce texte de Gn 18, soit une référence commune aux trois religions monothéistes n'est pas neutre.  Le lire à lz lumière des trois évangélistes cités lui donne une couleur particulière.  Elle rejoint l'accent particulier du bon Samaritain (Luc 10)

05 juillet 2015

Lavement des pieds - Angelo Roncali

‎Voilà ce que le séminariste de 20 ans, futur pape Jean XXIII, écrivait en décembre 1902 plus de 50 ans avant d'initier le Concile Vatican II : "Jésus se penche pour laver les pieds des douze malheureux pêcheurs... Voilà la véritable démocratie, dont nous devons, nous ecclésiastiques, présenter au peuple l'image éloquente" (1)


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‎(1) Angelo Roncali - Jean XXIII , journal de l'âme, Paris, Cerf, 1964, p. 181