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01 mai 2020

Le bon berger... Méditation pour le 4eme dimanche de Pâques


Projet version 5 à discuter (merci à Georges pour sa contribution)

Qui est le bon pasteur ?
Le droit de l'Église qu'on appelle le droit canon distingue fort bien (canon 516sq) celui à qui est donné la tâche de diriger, des autres ministres de l'Église. Cela appelle au moins une double réflexion :
  1. D'où vient ce pouvoir ?
  2. Qu'est-ce que l'autorité ?
Peux-t-on distinguer les deux ?
La réponse à la première question est a priori simple. Elle se trouve directement dans l'évangile de la Passion dans le dialogue avec Pilate : «Tu n'as aucun pouvoir (...) à part celui que Dieu t'a accordé.» Jean‬ ‭19:11‬ ‭
De cette réponse peut dériver celle que l'on peut faire à la deuxième question. L'autorité viendrait de Dieu,. Mais le risque est d’abuser de cette affirmation. En réalité l’enjeu n’est pas  d’imposer une autorité, mais que cette autorité rejoigne l’agapè qui « prend patience, est longanime et ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13), c'est-à-dire qu'elle dérive de l'amour, est amour, n'est qu'amour(1)

Toute autorité qui n'est pas pétrie de cela sort de la « porte sainte », ne vient pas de Dieu. Depuis Luc et Matthieu 4, nous savons que le pouvoir est l'une des tentations centrales de l'homme. Elle n'échappe pas à Jésus lui même tenté au désert. Le Christ a dépassé cette tentation en prenant le chemin de l'humilité (kénose) et de l'amour jusqu'à la Croix, c'est pourquoi l'autorité lui est donnée par Dieu, non pour ses mérites et sa connaissance mais parce que l'amour est la véritable autorité, le chemin, la vérité et la vie.

Les épîtres pastorales complètent cette direction : « si quelqu'un souhaite la fonction de dirigeant dans l'Église, il désire une belle tâche. Il faut qu'un dirigeant d'Église soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, raisonnable et convenable, hospitalier, capable d'enseigner; qu'il ne soit ni buveur ni violent, mais doux et pacifique; qu'il ne soit pas attaché à l'argent; qu'il soit capable de bien diriger sa propre famille et d'obtenir que ses enfants lui obéissent avec un entier respect. En effet, si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre famille, comment pourrait-il prendre soin de l'Église de Dieu? Il ne doit pas être récemment converti; sinon, il risquerait de s'enfler d'orgueil et de finir par être condamné comme le diable. Il faut aussi qu'il mérite le respect des non-chrétiens, afin qu'il ne soit pas méprisé et qu'il ne tombe pas dans les pièges du diable.»
‭‭1 Timothée‬ ‭3:1-7‬ ‭BFC‬‬

Nous avons besoin d’une autorité qui reste collégiale et qui surtout demeure un agenouillement (2) devant l’inviolable nature d’autrui.
C’est tout le la difficulté. L’autorité n’a de sens que si elle est au service de l’unité. C’est le projet de l’Église, toujours visé, souvent manqué. Chacun doit travailler à y contribuer.

L’éternel risque est de désirer le pouvoir que nous apporte une éventuelle autorité en oubliant que la kénose (cf. Ph 2) est la porte étroite : le Christ en renonçant à l’autorité nous montre la « porte étroite », celle du bon berger, qui met ses brebis avant lui-même..., s’agenouille pour les soigner, cours après les perdus et les aime plus que lui-même, jusqu’à en mourir. La croix est la porte étroite, comme nous le rappelle la lettre de Pierre de la liturgie d’aujourd’hui (1P2, 20-25). Le Christ est l’unique pasteur, parce qu’il a été jusqu’au bout de l’amour.
Dans l’échange qui précède la consécration, le peuple s’efface devant le prêtre et lui confie le dialogue liturgique, mais cet effacement ne lui enlève rien, car ni le peuple, ni le prêtre n’a autorité pour reproduire le sacrifice unique, célébré par le Christ : « Ceci est mon corps, donné pour la multitude ».

(1) François Varillon, joie de vivre, joie de croire
(2) cf mon livre https://www.amazon.com/genoux-devant-lhomme-French-ebook/dp/B00HKTU838

Annexe :

Ajout tardif : pour Alain Madelin, cf. Heurs et malheurs de l’autorité (Éd. Lessius, 2018), l’autorité se mesure « à la capacité de faire grandir autrui pour lui permettre de donner sa pleine mesure ».

Pour mémoire : Can. 516 - § 1. Sauf autre disposition du droit, la quasi-paroisse est équiparée à la paroisse: elle est une communauté précise de fidèles dans l'Église particulière qui est confiée à un prêtre comme à son pasteur propre, mais n'est pas encore érigée en paroisse à cause de circonstances particulières2. Là où il n'est pas possible d'ériger des communautés en paroisse ou en quasi-paroisse, l'Évêque diocésain pourvoira d'une  autre manière à leur charge pastorale.
Can. 517 - § 1. Là où les circonstances l'exigent, la charge pastorale d'une paroisse ou de plusieurs paroisses ensemble peut être confiée solidairement à plusieurs prêtres, à la condition cependant que l'un d'eux soit le modérateur de l'exercice de la charge pastorale, c'est-à-dire qu'il dirigera l'activité commune et en répondra devant l'Evêque.
§ 2. Si, à cause de la pénurie de prêtres, l'Évêque diocésain croit qu'une participation à l'exercice de la charge pastorale d'une paroisse doit être confiée à un diacre ou à une autre personne non revêtue du caractère sacerdotal, ou encore à une communauté de personnes, il constituera un prêtre pour être muni des pouvoirs et facultés du curé, le modérateur de la charge pastorale.

21 avril 2020

Contempler la miséricorde divine

Dans son dernier article d'Études, intitulé Dépouillement, François Cassingena-Trévédy nous invite à trouver le chemin du dépouillement, à retrouver « Un Dieu qui ne nous exempte pas de l’aventure humaine avec ses inévitables affres, qui ne la domine pas du haut de sa toute-puissance, mais qui la partage, qui l’habite, qui cristallise, qui « précipite » au plus creux de la souffrance et de la compassion, celle-ci et celle-là se touchant dans le même Corps. Deus absconditus. Un Dieu caché. En ces jours, notre prière, [doit se faire sobre et descendre] (...), au lieu intérieur où le Père obscurément s’aperçoit, et nous découvrons que ce lieu est aussi le lieu commun d’une humanité dont Jésus reflète et rassemble le visage. Notre vœu le plus cher est alors qu’en sortant du confinement nous sortions aussi de la « religion » pour entrer dans la chair et dans l’esprit du christianisme, dans le mystère pascal qui seul est à la hauteur de l’homme »(1).

Quel est l’enjeu ?

Peut-être trouver ce qu’Urs von Balthasar appelle la triple kénose, cet effacement trinitaire qui part du Père qui s’efface devant le Fils et du Fils qui se dépouille jusqu’à la mort, laissant jaillir de son côté transpercé un fleuve de miséricorde - Esprit Saint confié au monde et glissé dans le silence de nos cœurs, danse sublime que les Pères de l’Église appellent circumincession et que j’ai osé appeler danse trinitaire.
Cette kénose est aussi la clé de la miséricorde divine que nous fêtons depuis dimanche. Un thème que notre pape à remis en avant dans son année de la miséricorde à la suite de sainte Faustine et de l’intuition de Jean Paul Il. Tout se tient. Le mouvement auquel nous invite François Cassingena-Trévédy n’est-il pas en quelque sorte cette kénose de l’Église que j’ai essayé de thématiser dans le tome 3 de ma trilogie « Humilité et miséricorde » que je viens de mettre en téléchargement libre depuis hier sur Kindle. Un travail qui reprend la thèse de Walter Kasper et les écrits du pape François et tente de pousser plus loin au service d’une église servante et à genoux, à la suite du Christ serviteur et miséricordieux.

Comme le suggère l’Évangile d’aujourd’hui : «Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle ».

(1) François Cassingena-Trévédy cf. le lien plus haut
(2) ma trilogie est accessible en téléchargement sous les liens du billet précédent ou sous ce lien, voir aussi « cette église que je cherche à aimer »


11 avril 2020

Homélie de la vigile pascale - année A

NB :  [cette homélie comme la plupart de celles préparées dans les jours derniers n’a pas été prononcée. Elle était pourtant « programmée » depuis février. Elle est comme toute les autres sur ce blog destinée principalement aux « chaises vides » d’hier soir, tous ces visages qui nous apparaissaient dans cette église vide de Nonancourt et que nous ne pouvions saluer, tous ces paroissiens confinés que nous avons porté, mon curé et moi dans la prière, en cette vigile pascale si particulière, mais aussi à toi lecteur inconnu qui cherche un éclair fugace de la présence divine dans un monde ombrageux]...

Version 3 


Quelle est notre espérance ?
Nous avons entendu beaucoup de lectures ce soir, et pourtant je vais faire une allusion à une autre, pour commencer cette méditation.
On la trouve dans le livre de Job, dans les derniers chapitres alors que les amis de ce dernier semblent abandonner tout argumentaire. Job se rend compte que ses questions le dépassent.
Pourquoi le mal ? pourquoi ?
Et Job de s'exclamer comme si le rideau s'était déchiré pour lui aussi : « je sais que tu peux tout. (...) J'ai parlé sans savoir de mystères qui nous dépassent » (Job 42, 1-3)

Ce soir, en cette vigile pascale, nous ne pouvons que nous taire. Dieu a déchiré le voile, pour nous montrer le mal et sa victime. Il nous introduit maintenant dans un éclair fugace et inexprimable : celui de la résurrection...

C'est là où, dans le silence, chacun des textes lus ce soir résonnent à sa manière comme un écho sublime de cette pédagogie divine qui nous a ouvert à l'acte créateur et nous introduit à l'espérance.

« Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance. (...) Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. (...)
Et Dieu vit tout ce qu'il avait fait ; et voici : cela était très bon. » Gn 1, 31

Si vous relisez attentivement le premier texte, vous noterez que le texte de la Genèse dit la création de l'homme et de la femme qu'elle est très bonne - à la différence des autres jours... Le reste de la création est « bonne », la ressemblance est très bonne. L'hébreu me-od est un superlatif courant dans la bible (191 occurrences), mais le plus souvent il est le signe d'un excès de la bonté divine...
C'est peut-être notre première contemplation...

Qu'est-ce qui est si bon en l'homme pour mériter ce superlatif ? L'erreur serait de croire qu'il nous qualifie. C’était l’illusion et en même temps la dynamique ou le rêve que cherchait le psaume 111/112. L’homme bon, parfait. (1). La croix a montré au contraire que nous sommes capables de la plus vile violence. Elle l'expose, la met à nu.

Certes, ce qui est bon en nous vient de Dieu. Cette lueur fragile mise en nous et qui nous conduit à aimer...  Mais ce qui est très bon, nous disent certains pères de l'Église ce n'est pas l'homme ou la femme, c'est la ressemblance avec Dieu et, comme insiste Bonanventure, ce n'est pas l'homme mais l'homme parfait, celui qui a tout abandonné pour se faire esclave, « s'est vidé de lui-même » (kénose) et a gagné le nom qui surpasse tout nom : Dieu sauve - Jésus... » (cf. Ph 2, 11sq)...

Le mystère est là. La résurrection n'est pas un éclair aveuglant qui nous laisserait sans liberté, elle est une brise légère, une petite espérance qui porte notre vie au delà de la mort, au delà de toute incertitude dans un acte de foi qui résume tout.

Dans cette église vide, cette brise légère qui fait vibrer la flamme du cierge Pascal  résonne bizarrement, mais n’est-ce pas, d’une certaine manière une leçon d’humilité pour notre église blessée ?

L’espérance s'inscrit pour nous au bout du chemin comme cette lumière fragile qui nous dit qu'au delà de nos reniements l'amour est plus fort.

Si Abraham croit, c'est en cela. Si l'Exode est signe, c'est bien de cela. Nous devons nous détacher de ce qui nous retient au monde pour nous vider de nous mêmes et de nos ambitions humaines. Le Christ est ressemblance par son humilité, sa kénose, son abandon de toute puissance et là se réalise le dévoilement d'un possible, l'éclat de Dieu, comme amour jusqu'au bout, au delà de toute mort...

    « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui.
Nous le savons en effet : ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n'a plus de pouvoir sur lui. Car lui qui est mort, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c'est pour Dieu qu'il est vivant. De même, vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ. » Rom 6, 9-11

Quant à vous, « soyez sans crainte ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n'est pas ici, car il est ressuscité, comme il l'avait dit. » Mat 28.

Soyez sans crainte. En ces temps de troubles, l’affirmation de Jésus est la clé qui introduit à la résurrection à venir. Notre foi, c’est de croire que l’amour est plus fort que la mort. Dans la résurrection de Jésus se révèle une clé : l’amour est vie, communion, unité et espérance. Croire qu’il est le chemin c’est croire en l’amour.



(1) qu’il faut lire en parallèle du psaume précédent nous dit Hans Urs von Balthasar, La Gloire et La Croix, 3, Théologie, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p 179sq.

09 avril 2020

Au fil de Jean 13 - contempler le Christ à genoux - Homélie du jeudi…

Projet 1 à critiquer / commenter

Voyons nous vraiment avec les yeux du cœur ?

Si nous avions le regard plus attentif, au lieu de chercher Dieu dans les étoiles ou dans les manifestations de puissance, nous pourrions saisir qu'il est là, devant nous, à genoux, comme Marie (Jn 11) ou la femme pécheresse, comme l'esclave qui faisait le geste à son époque.
Le voici à genoux devant Pierre comme devant Judas.
Le voici à genoux devant l’homme*, devant nous, en train de prendre nos pieds avec délicatesse et d'apaiser la fatigue de nos marches, affermir nos hésitations et, surtout pleurer sur le fait que nous ignorons son geste.

Comme le fils qui oublie la peine de sa mère pendant de longues années, comme l'ingrat qui ignore les dons reçus et les considèrent comme propres, nous avons à contempler cet abaissement divin, comme le sommet de toute révélation. C'est devant ce geste de faiblesse, cet agneau immolé, élevé  suite sur la croix, que nous sommes appelés à prendre de la distance par rapport à ce qui nous éloigne de l'essentiel.

Dieu n'est pas dans le tonnerre ou le feu ( cf. 1Rois 19) il est dans ce repas partagé évoqué par Paul (1 Co 6), dans ce geste d'humilité retracé en Jean 13, dans le jusqu'au bout qui donne sens à une vie...

« Ceci est mon corps, qui est pour vous.
Faites cela en mémoire de moi. »



En ce temps de jeûne eucharistique, prenons le temps de contempler que ce n'est pas tant la consommation physique du Corps qui est l'essentiel mais ce Christ qui se donne et se répand comme un fleuve spirituel immense (Jn 19, Ez 47) et à la fois comme la brise légère et insaisissable qui pénètre notre être au delà de toute corporéité. Le Christ se répand de manière plus essentielle que l'eucharistie dans cette réception toute intérieure qui se joue au delà de la présence réelle dans l'intimité d'un cœur à cœur. La liturgie est au service de la révélation, écrin sublime et fragile d'une réalité insaisissable. C'est pourquoi ceux qui ne peuvent communier ne sont pas privés de l'essentiel. Car l'essentiel est ailleurs, il est dans ce désir immense qu’à Dieu de nous habiter et de nous convertir à l'amour. Le moyen est au delà du geste, du lavement des pieds, du pain, de l'eucharistie et du rite, il ne vise que notre réceptivité toute intérieure et fragile de quelque chose qui nous dépasse et nous transcende...

« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
(...) Vous m'appelez "Maître" et "Seigneur",
et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître,
je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C'est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi,
comme j'ai fait pour vous. » (Jn 13)

L'interpellation est plus vaste que mon discours, que tout discours.

« Faites ceci en mémoire de moi » n'est-ce pas plus que le geste qui est en jeu. La dynamique sacramentelle (*) dépasse le sacrement.

L'enjeu c'est l'agenouillement, l'enjeu c'est le don...
Ne sacralisons pas l'accessoire.
En nous privant du rite, réalisons que l'essentiel est l'acte d'aimer...

Et contemplons celui qui est là à genoux quand nous courrons vers l’inutile.
« Marthe tu t’agites... » ta sœur a perçu l’essentiel : l’humilité, l’agenouillement, l’amour du faible et du pécheur.

* cf mes essais éponymes.

01 avril 2020

Homélie du dimanche des Rameaux et de la passion année A - Isaïe 50…

Projet 2


Jusqu'où peut-on aimer ?

À l'heure où de nombreux soignants donnent tout ce qu'ils peuvent et parfois leur vie pour sauver les plus fragiles d'entre nous, il nous faut rentrer dans le silence et la contemplation de la Passion.

« Ceci est mon corps (...) et mon sang versé »

On cherche trop Dieu dans les miracles et les bonheurs apparents alors qu'il est là dans le don, la souffrance, les outrages (cf. Is. 50, 6) et se révèle sur la croix. Dieu est nu...

Jamais Dieu ne se révèle mieux que dans la croix.

Si le rideau du temple se déchire de haut en bas, (Mat 27, .Mc 16) c'est que Dieu lui-même dévoile ce qui était caché.

C'est ce que nous dit Paul dans cet hymne magnifique des Philippiens 2 qui révèle le cœur du mystère :


Le Christ Jésus,
 ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l'égalait à Dieu.
    Mais il s'est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect,
    il s'est abaissé,
devenant obéissant jusqu'à la mort,
et la mort de la croix.
    C'est pourquoi Dieu l'a exalté :
il l'a doté du Nom
qui est au-dessus de tout nom,
    afin qu'au nom de Jésus
tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,
    et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père.

Il n'y a rien à ajouter... Sauf peut-être à ne pas fermer notre porte. Dieu se fait proche, petit, faible pour que nous puissions le laisser germer en nous. Ne laissons-pas cette lumière sous le boisseau, laissons-là transparaître.

Il y a une interaction subtile entre la lente révélation de Dieu et la prise de conscience intérieure de sa présence et surtout l'ouverture du cœur qui en résulte.
Ceux qui on compris cela ne demeure pas dans une contemplation stérile, mais deviennent acteurs, co-créateurs, mains de Dieu.

C'est peut-être ce que nous contemplons aujourd'hui dans cette belle mobilisation des aidants.
Nos soignants sont, par leur sacrifice, les nouveaux prêtres du saint mystère de l'amour donné, livré et nu, car fragile et exposé...

Nous autres clercs n'arriverons pas forcément à égaler cela. Ce que nous symbolisons virtuellement ils le rendent visible par leur vie.
Prions pour eux

07 février 2020

Créé pour aimer - Claudel et Lubac - 53

« C'est la fin qui est première et qui convoque et recrute les moyens » (1) disait Paul Claudel, renforçant cette thèse que je travaille de pédagogie divine. Dieu nous introduit progressivement à sa gloire, tissant en nous le désir de le suivre.

Pour paraphraser Henri de Lubac, c'est Dieu « qui suscite la nature avant de la mettre en demeure de l'accueillir »(2), de le désirer et de l'aimer en allant jusqu'à cette ressemblance qu’il vise en façonnant à l’image de ce qu’il espère de nous : le sacrement de l’amour qui le résume..

Pour traduire ce que Rahner appelle l'auto-communication, Dieu se fait proche , petit, faible pour que « connaissance et liberté » (...) soit aussi lieu « de proximité et d'immédiateté » (3).

Peut-être touche t-on à ce que j'appelle la danse trinitaire(4), par essence humble (kénotique) ? Au sommet de sa lente pédagogie, Dieu s’est fait homme pour nous conduire à l’amour.

« Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ » (2Th 3. 5)


(1) Paul Claudel, Introduction au livre de Ruth, DDB, Paris 1940 p. 35
(2) Henri de Lubac, Le mystère du surnaturel, Aubier, Paris, 1965, p.128
(3) Karl Rahner. Traité fondamental de la foi p. 154, cité par Bernard Sesboué, L'homme, merveille de Dieu, Paris, Salvator, 2015 p. 124
(4) cf, Sur les pas de Jean (reprise de À genoux devant l’homme).

30 décembre 2019

Au fil de Luc 2, 36-38 - Contempler la faiblesse de Dieu

«Il y avait aussi une prophétesse, appelée Anne, qui était la fille de Penouel, de la tribu d'Asser. Elle était très âgée. Elle avait vécu sept ans avec le mari qu'elle avait épousé dans sa jeunesse, puis, demeurée veuve, elle était parvenue à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne quittait pas le temple, mais elle servait Dieu jour et nuit: elle jeûnait et elle priait. Elle arriva à ce même moment et se mit à remercier Dieu. Et elle parla de l'enfant à tous ceux qui attendaient que Dieu délivre Jérusalem.»
‭‭Luc‬ ‭2:36-38‬ ‭
Un thème récurrent dans mes essais, cette contemplation d’un Dieu qui se fait petit devant l’homme (1), qui se met à genoux pour lui faire comprendre que son amour infini n’est pas chemin de puissance mais kénose, c’est-à-dire humilité et miséricorde(2). Il est probable qu’Anne la prophétesse du Temple avait saisi cela...

L’enfant Jésus est le remède du cléricalisme. Il nous fait tomber à genoux.



(1) cf. mon livre éponyme
(2) cf. mon livre éponyme


23 décembre 2019

Noël - Homélie de la messe du jour - au fil de Jean 1 - kénose 148

Notes pour l'homélie - version 4

Quel est l'enjeu de Noël ?
Il n'est pas uniquement la fête des familles que notre société de consommation entretien, non sans un certain intérêt.
Il n'est pas non plus uniquement dans la naissance d'un enfant il y a deux mille ans. Il nous révèle quelque chose d'immense : le plan de Dieu sur l'homme. C'est ce que les textes d'aujourd'hui nous dévoile et je voudrais prendre le temps de les relire et les commenter avec vous...

Isaïe 52 nous parle d'une annonce toute particulière, de cette joie du salut qui vient. Avons nous cela à cœur, porter la joie d'un Dieu sauveur ?

Dans le début de sa lettre aux hébreux Paul insiste à son tour sur ce chemin de Dieu vers l'homme et il n'est pas anodin de le rapprocher d'une parabole que vous connaissez bien, celle de la vigne (à développer)

Dieu se livre mais il ne le fait pas avec trompette et tremblement de terre, comme le croyait les. Générations passées. Il se livre dans la faiblesse et la fragilité d’un enfant...

C'est dans ce contexte que le début de l'évangile de Jean peut être lu...

« Le Verbe s'est fait chair, une chair que nous puissions voir, afin que soit guéri en nous ce qui pourrait voir le Verbe » nous dit saint Augustin dans son commentaire sur la première lettre de Jean [source AELF]

L'amour vient nous visiter ainsi de l'intérieur et c'est dans la faiblesse et la dépendance de l'Enfant que se révèle en nous ce qu'il y a corriger, ce qui n'est pas digne d'être enfant, ce qui n'est pas empli de confiance et d'amour. 

Qu'est-ce que le Verbe ?
Le logos grec [la raison ou la logique du monde) n'est qu'une partie de la réponse. Est-ce la Sagesse de Dieu ? Non, pas uniquement. N'est-il pas à la fois amour et créateur, désir et action, danse et silence, cercle et triangle, inaccessible et proximité ?
Le mot théologique le plus interpellant est tension.
Car c'est au sein de cette tension entre les opposés égrenés plus haut que se révèle le Dieu chrétien.
Ce que nous dévoile Noël c'est l'amour de Dieu en actes.
Il faut entendre Dieu à la fois comme créateur et amour pour saisir qu'il est infini, mais aussi retenue, silence et humilité (1).

Le grec des premiers versets de Jean 1 reprend et conjugue le mot « pros ». Le Verbe, ce désir de Dieu en actes, ce « dire » qui devient « dit » (2) sans se perdre est tension, tourné vers, pro-jection, pro-position, pro-action de Dieu vers l'homme (3).

Dans ce "pro" se souligne à la fois l'amour in-transitif et ex-tourné de Dieu. Les pères de l'Église parlent de circumincession c'est-à-dire de danse(4) entre les personnes divines. En se "tournant vers", elles ne cessent de se pro-jeter au devant de l'autre et en cela d'être amour.

Que nous dit Noël ?
Alors que Dieu pourrait être pouvoir et gloire, il se fait faiblesse et humilité. « Il n'a pas retenu le rang qui l'égalait à Dieu, mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2).

Dans sa faiblesse l'enfant Jésus conjugue grandeur et humilité, pureté et simplicité. Le Verbe qui se fait chair danse pour l'homme sa plus belle création. Il se dévoile amour.

Dans son dépouillement (kénose) (1) le dire devient dit (2) sans perdre son intention. Il est agenouillement (3).

Noël nous révèle le projet de Dieu : « Ce projet de la création de l'univers, non sous forme d'un plan d'organisation de toutes choses, mais d'une semence de liberté et d'amour jetée dans l'univers en formation pour que naisse en son sein une créature spirituelle avec qui Dieu pourrait entrer en communication intime, semence que Dieu confiait au monde (...) un appel, un souhait, une parole, un logos, l'invitation à naître adressée à un Premier-né destiné à ramener à Dieu toute sa famille humaine" (5) tout cela donne du sens à notre aujourd'hui. 

Le don de Dieu est appel... Il s'origine dans un don (Gn 1 et 2) et l'appel d'un "où es-tu ?" (Gn 3) qui est plus qu'un cri, une plainte d'un Dieu qui aime sa création et n'a pour but que de le ramener à lui... 

Et notre chemin ?
Il est aussi agenouillement (3). Non pas avilissement ou négation de nous mêmes mais décentrement et don, imitation et humilité, miséricorde et simplicité.

Ce petit homme, cet enfant fragile est chemin de vérité et d’amour.

Aujourd’hui nous est né un sauveur, verbe et gloire de notre Dieu et pourtant faible semence qui nous invite à aimer.
Que cette lumière et cette vie confiée par le Seigneur vienne inonder vos vies de grâce et de paix.

(1) cf. mon livre Kénose, humilité et miséricorde
(2) cf. Emmanuel Lévinas, Autrement qu'être 
(3) cf. À genoux devant l'homme
(4) cf. La danse trinitaire in L'amphore et le fleuve
(5) Joseph Moingt, L’esprit du christianisme, Paris, Temps présent, 2018, pages finales

15 décembre 2019

La voix, le silence et la Parole - saint Augustin - amour en toi, 49…

« La parole est déjà dans mon cœur ; mais lorsque je veux te parler, je cherche comment faire passer dans ton cœur ce qui est déjà dans le mien.

Si je cherche donc comment la parole qui est déjà dans mon cœur pourra te rejoindre et s'établir dans ton cœur, je me sers de la voix, et c'est avec cette voix que je te parle : le son de la voix conduit jusqu'à toi l'idée contenue dans la parole ; alors, il est vrai que le son s'évanouit ; mais la parole que le son a conduite jusqu'à toi est désormais dans ton cœur sans avoir quitté le mien.

Lorsque la parole est passée jusqu'à toi, n'est-ce donc pas le son qui semble dire lui-même : Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ? Le son de la voix a retenti pour accomplir son service, et il a disparu, comme en disant : Moi, j'ai la joie en plénitude. Retenons la parole, ne laissons pas partir la parole conçue au fond de nous.

Tu veux voir comment la voix s'éloigne, tandis que demeure la divinité de la Parole ? Où est maintenant le baptême de Jean ? Il a accompli son service, et il a disparu. Maintenant le baptême du Christ se multiplie. Tous nous croyons au Christ, nous espérons le salut dans le Christ : c'est cela que la voix faisait entendre.

Il est difficile de distinguer la parole de la voix, et c'est pourquoi on a pris Jean pour le Christ. On a pris la voix pour la parole ; mais la voix s'est fait connaître afin de ne pas faire obstacle à la parole. Je ne suis pas le Messie, ni Élie, ni le Prophète. On lui réplique : Qui es-tu donc ? Il répond : Je suis la voix qui crie à travers le désert : Préparez la route pour le Seigneur. La voix qui crie à travers le désert, c'est la voix qui rompt le silence. Préparez la route pour le Seigneur, cela revient à dire : Moi, je retentis pour faire entrer le Seigneur dans le cœur ; mais il ne daignera pas y venir, si vous ne préparez pas la route.

Que signifie : Préparez la route, sinon : Priez comme il faut ? Que signifie : Préparez la route, sinon : Ayez d'humbles pensées ? Jean vous donne un exemple d'humilité. On le prend pour le Messie, il affirme qu'il n'est pas ce qu'on pense, et il ne profite pas de l'erreur d'autrui pour se faire valoir.

S'il avait dit : Je suis le Messie, on l'aurait cru très facilement, puisqu'on le croyait avant même qu'il ne parle. Il l'a nié : il s'est fait connaître, il s'est défini, il s'est abaissé.

Il a vu où se trouvait le salut. Il a compris qu'il n'était que la lampe, et il a craint qu'elle ne soit éteinte par le vent de l'orgueil. » (1)



Il est au milieu de vous,                    
celui que vous ne connaissez pas ;
préparez le chemin du Seigneur,
écoutez sa voix, amis de l'Époux,
pour que votre joie soit parfaite.

℟ Réjouissez-vous dans le Seigneur !
Réjouissez-vous, car il est proche

(1) Saint Augustin, homélie pour la nativité de Jean Baptiste, source : office des lectures du troisième dimanche de l'avent

19 novembre 2019

Homélie du 24/11 - Christ Roi - sur les pas de Luc 23 - kénose 147

Projet 3
Qu'est-ce que la royauté du Christ ?
Quel est le roi que nous présente ces deux textes ?
Où sont leurs signes de pouvoir ?
Quel est le fils qu'a choisi Samuel ?
Rappelons nous ce récit.
«Samuel ajouta: «Sont-ils tous là?» – «Non, répondit Jessé; il y a encore le plus jeune, David, qui garde les moutons.» – «Envoie-le chercher, ordonna Samuel. Nous ne commencerons pas le repas sacrificiel avant qu'il soit là.» Jessé le fit donc venir. Le jeune homme avait le teint clair, un regard franc et une mine agréable. Le Seigneur dit alors à Samuel: «C'est lui, consacre-le comme roi.»»
‭‭1 Samuel‬ ‭16:11-12‬
Samuel ne prend pas le plus fort. L’élection se fait par le regard du prophète qui, grâce à Dieu , lit le cœur de l’homme.
Christ est roi. D’où vient sa royauté ?
Où sont les pouvoirs de Jésus ?
Il semble important de contempler cela avant de méditer où cela nous conduit
La liturgie nous invite à un déplacement.
Le Christ est rayonnant de gloire alors même qu’il est « élevé » sur un instrument de malédiction.
Jean 3,14 rappelle d’ailleurs le lien entre cette élévation et celle du serpent au désert. Moise le mettait au bon d’un bâton pour guérir le peuple.
Qu’est-ce qui est élevé ? Le bon larron voit ce que l’autre ne voit pas.
La violence n’est pas le chemin.
Et nous ?
« Tu n'aurais pas de pouvoir/autorité si elle ne t'avais été donnée... » (Jn 19,11) dit Jésus à Pilate
Où est notre vocation ?
Que veut dire être prêtre prophète et roi ?
N'est ce pas marcher sur les pas du Christ
Entrer dans l'humilité (la kénose)
« Le Christ n'a pas retint jalousement le rang qui l'égalait à Dieu.. mais il s'est anéanti ». (Ph 2)
Le royaume est à venir
Il est don de Dieu.
Tout à l’heure il va se faire tout petit pour entrer en nous. Laissons lui une place...
L’humilité de Dieu nous conduit à un autre royaume, celui de l’amour. Il nécessite de mourir à tout désir de puissance pour ce laisser porter par une seule puissance : « l'amour est ta force. Écoutez le Cantique des Cantiques : « L'amour est fort comme la mort » (8,6). (...) En effet, l'amour détruit ce que nous avons été, pour nous permettre, par une sorte de mort, de devenir ce que nous n'étions pas. (...) C'est cette mort qui était à l'œuvre en celui qui disait : « Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde » (Ga 6,14). C'est de cette mort que parle ce même apôtre quand il dit : « Vous êtes morts et votre vie est désormais caché avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). Oui, « l'amour est fort comme la mort ». Si l'amour est fort, il est puissant, il est de grande force, il est la force même. (...) Que ta paix soit donc dans ta force, Jérusalem ; que ta paix soit dans ton amour »(1)

(1) Saint Augustin Les Discours sur les Psaumes, Ps 121, §3,12

24 août 2019

Au fil de 1 Corinthiens 4, force est en toi 42 - La Croix et la faiblesse de Dieu comme chemin…

Au terme de notre voyage intérieur, il nous faut percevoir que rien n'arrête ceux qui ont tout laissé pour le suivre. Il y a dans la kénose, l'effacement et l'abandon de tout calcul humain une renaissance possible au sens soulevé par Jésus à Nicodème. Cette puissance c'est celle de la faiblesse d'un Dieu qui n'est qu'amour. De notre renoncement jaillit la force de l'Esprit.
«En fait, il me semble que Dieu nous a mis, nous les apôtres, à la dernière place: nous sommes comme des condamnés à mort jetés dans l'arène: nous sommes donnés en spectacle au monde entier, aux anges aussi bien qu'aux êtres humains. Nous sommes fous à cause du Christ, mais vous êtes sages dans l'union avec le Christ; nous sommes faibles, mais vous êtes forts; nous sommes méprisés, mais vous êtes honorés! A cette heure encore, nous souffrons de la faim et de la soif, nous manquons de vêtements, nous sommes battus, nous passons d'un endroit à l'autre; nous travaillons durement pour gagner notre pain. Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l'humanité.»
‭‭1 Corinthiens‬ ‭4:9-13‬ ‭

Écoutons à ce sujet saint Jean Chrysostome : « La croix a gagné les esprits au moyen de prédicateurs ignorants, et cela dans le monde entier. Il ne s'agissait pas de questions banales, mais de Dieu et de la vraie foi, de la vie selon l'Évangile, du jugement futur. Elle a donc transformé en philosophes des rustres et des illettrés. Voilà comment la folie de Dieu est plus sage que l'homme, et sa faiblesse, plus forte.

Comment est-elle plus forte ? Parce qu'elle s'est répandue dans le monde entier, qu'elle a soumis tous les hommes à son pouvoir et qu'elle a résisté aux innombrables adversaires qui voulaient faire disparaître le nom du Crucifié. Au contraire, ce nom s'est épanoui et propagé ; ses ennemis ont péri, ont disparu ; les vivants qui combattaient un mort ont été réduits à l'impuissance. Aussi, quand un Grec dit que je suis fou, il manifeste que lui-même l'est au maximum, puisque moi qu'il juge fou, je me montre plus sage que les sages ; s'il me traite de faible, il se montre lui-même plus faible encore. En effet, ce que des publicains et des pécheurs ont pu réussir par la grâce de Dieu, les philosophes, les rhéteurs, les tyrans, bref la terre entière, dans toute son étendue, n'a même pas été capable de l'imaginer. ~

C'est en pensant à cela que Paul disait : La faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes. Que la prédication soit l'œuvre de Dieu, c'est évident ici. Comment douze hommes, des ignorants, ont-ils pu avoir l'idée d'une pareille entreprise, eux qui vivaient auprès des lacs et des fleuves, et dans le désert ? Eux qui n'avaient jamais fréquenté les villes et leurs assemblées, comment ont-ils pu songer à se mobiliser contre la terre entière ? Ils étaient craintifs et sans courage : celui qui a écrit sur eux le montre bien, lui qui n'a voulu ni excuser ni cacher leurs défauts. C'est là une preuve très forte de vérité. Que dit-il donc à leur sujet ? Quand le Christ fut arrêté, après avoir fait d'innombrables miracles, la plupart s'enfuirent, et celui qui était leur chef de file ne resta que pour le renier.

Ces hommes étaient incapables de soutenir l'assaut des Juifs quand le Christ était vivant. Et lorsqu'il fut mort et enseveli, alors qu'il n'était pas ressuscité, qu'il ne leur avait donc pas adressé la parole pour leur rendre courage, d'où croyez-vous qu'ils se seraient mobilisés contre la terre entière ? Est-ce qu'ils n'auraient pas dû se dire : « Qu'est-ce que cela ? Il n'a pas été capable de se sauver lui-même, et il nous protégerait ? Quand il était vivant, il n'a pas pu se défendre, et maintenant qu'il est mort il nous tendrait la main ? Quand il était vivant, il n'a pu se soumettre aucune nation, et nous allons convaincre la terre entière en proclamant son nom ? Comment ne serait-il pas déraisonnable, non pas même de le faire, mais seulement d'y penser ? »

La chose est donc évidente : s'ils ne l'avaient pas vu ressuscité et s'ils n'avaient pas eu la preuve de sa toute-puissance, ils n'auraient pas pris un risque pareil. (1)

(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la première lettre aux Corinthiens, source office des lectures du 23/8/19, AELF


23 août 2019

Croix, mythe et raison

Face face au risque de l'irrationnel ou "les assauts d'une logique du monde, d'un logos lumineseument éclairant et raisonnable, [qui] du coup fait vaciller voire  même annul[er] le récit de ce qui se déploie dans l'histoire (...) Paul met sur le devant de la scène les mè-onta, les gens de rien, les absents du triomphe de la force de la puissance. Logos et mythos : chacune de ces instances a la prétention de s'imposer à l'autre, de lui imposer sa gouvernance, et voici que, sous la figure de la nuit, la croix (stauros) dépasse et annule l'une et l'autre de ces revendications [d'autonomie] et d'hégémonie. Paul parlera même d'un Logos tout staurou , d'un logos de la Croix qui disqualifie les logoï de la sagesse humaine (..)(1) "Dieu n'est pas plus du côté de l'infini de grandeur que de l'infini de petitesse" (2)

La citation de Merleau Ponty me laisse néanmoins rêveur. La Croix n'est elle pas chemin de kenose ? L'infini de petitesse est pour moi le langage de la Croix, le logos tou staurou évoqué. Et c'est pourquoi il relève dans ce mouvement si bien décrit de Ph 2, 12.



(1) François Marxer, Au péril de la Nuit, Femmes mystiques du XXeme siècle, Paris, Cerf, 2017, p. 594
(2) citation inédite de M. Merleau Ponty, ibid.

14 août 2019

Homélie de l'Assomption - 15 août - version 8

Homélie du 15 août 2019 - notes finales d’une homélie prononcée à Droisy 

Frères 
Êtes-vous dans la joie ? 
Cette joie profonde de la Résurrection et de l’Assomption, fondée sur l’Espérance que porte la fête d’aujourd’hui ?  

Il y a dans les textes d'aujourd'hui une triple dimension :
  • Une dimension historique par la manière dont les textes retracent les dons de Dieu depuis l'origine comme le fait superbement le magnificat, complétée par la tradition de l’Église jusqu’au texte de Pie 12 sur l’Assomption en 1950 (1)
  • Une espérance que l'on appelle eschatologique (propre à la fin des temps) avec l'annonce de la victoire de Marie et surtout de son Fils sur le monde
  • Enfin une dimension spirituelle, d'une certaine manière mystique et eucharistique en ce qu'elle touche l'aujourd'hui de nos vies et c'est là dessus que je voudrais insister, car c'est à la fois l'essentiel et souvent ce qui est oublié dans cette fête de l'Assomption
Il y a en effet, trois sous-points à cette troisième dimension si vous le voulez bien :
  • Marie est chemin pour nous. Elle est l'image même du chrétien "accompli" en ce qu'elle se dessaisit et se détache de toute logique humaine pour accueillir en son sein le Sauveur.. Par son fiat, elle est le chemin qu'il nous reste sans cesse à imiter. « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1)
  • Marie est celle qui, en union et à l'image de son Fils, porte le plus nos souffrances humaines. Dans sa présence jusqu'à la croix (stabat mater) se dévoile le cœur de ce qui est pour nous la voix royale. Elle est la première en chemin… C’est probablement pour cela que nous l’appelons souvent notre dame des douleurs... 
  • C'est entre ces deux tensions ; le détachement de soi et sa capacité à traverser la souffrance que que se révèle quelque chose de fragile en nous. Et c'est peut-être la clé ou la porte qu'il nous faut chercher dans cesse.
Prenons le temps de refaire doucement ce chemin. Il est en effet enchâssé dans les deux autres : au point focal entre dessaisissement et souffrance avec ou pour le monde. Nous ne pouvons accéder à Dieu que si nous quittons ce qui nous retient sur nous-mêmes. Et cela demande un grand pas en avant...

Marie est restée dans la nuit. Luc le dit avec ses mots à lui. Elle n’aura droit qu’au silence et parfois au mépris - rappelons nous ce « qui est ma mère » (Marc 3, 33 / Mat 12, 48 / Lc 8, 21) qui sonne comme un rejet de Jésus. Pourtant elle a cru au-delà de tout désespoir. Elle est, en cela, lumière dans notre nuit.  Et quand tout le monde a fui, elle est là debout...




Quel enseignement pour nous ?
La venue de Dieu en nous est comme un accouchement. Et c'est là où le monde féminin nous précède, c'est là où Marie est la première en chemin, la nouvelle Ève.
Qu'est-ce qu'un accouchement ? Je me sens petit pour parler de cela… Juste après la naissance de mon troisième petit-enfant. Petit et humble devant cette merveille de l'accouchement. 

Que dire sinon entrer dans le silence ?
Je vous invite à méditer cela d'ici dimanche. Il  y a là une clé que Marie nous révèle à sa manière par sa vie  ; En acceptant d'être visitée par Dieu, en Le portant en elle, en courant au service de sa cousine, en acceptant que son Fils soit détaché, oserait-je dire arraché de ses entrailles, qu'il quitte son giron familial, en se tenant debout et traversant la souffrance, elle nous enseigne la clé de toute vie chrétienne véritable. Plus loin qu’une fidélité de façade elle se fait instrument de Dieu. 
Prenons le temps d’accueillir cela en nous. Dieu vient nous visiter à sa manière, dans le silence particulier qui est propre à sa communication aimante. Il viendra tout à l'heure dans l'Eucharistie. Faisons à notre tour une juste place à sa venue. Devenons, comme elle, des porte-Christ.
Il est venu, il est mort et Dieu l'a ressuscité... 
Il revient en nous si nous le laissons vraiment tressaillir en nous, c'est-à-dire si nous lui laissons vraiment la juste place...
Il reviendra nous visiter.. 

L'Assomption de Marie, que nous fêtons aujourd'hui, s'inscrit dans cette espérance.
Alors accueillons le, par notre fiat... au-delà de nos peurs... au delà de nos souffrances
Qu'il me soit fait selon ta Parole !

(1) cf. la constitution apostolique sur l’Assomption de 1950
(*) Si j'ose partager avec vous ces balbutiements c'est dans l'espoir, parfois vérifié, que vos remarques m'aident à améliorer ce texte... alors n'hésitez pas à m'écrire.