Affichage des articles dont le libellé est Luc 6. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Luc 6. Afficher tous les articles

10 novembre 2018

Au fil de Luc 16,9-15. - l’amour de l’argent - Clément d’Alexandrie

« Faites-vous des amis avec l'argent malhonnête » Luc 16, 10
Il ne s'agit pas pour Luc de nous pousser à la malhonnêteté, mais bien à une générosité féconde, à nous servir pour autrui d'une mesure pleine et débordante.
Il ne s'agit pas d'acheter autrui et le royaume, mais de transformer notre cœur pour aimer au sens de l'agape. Un amour large, profond, élevé et durable. 

« Celui qui donnera à boire à l'un de mes disciples, même un simple verre d'eau fraîche, ne perdra pas sa récompense » (Mt 10,42)... 

 Écoutons saint Clément d'Alexandrie : « Les richesses dont nous disposons ne doivent pas ne servir qu'à nous ; avec des biens injustes on peut faire une œuvre juste et salutaire, et soulager l'un de ceux que le Père a destinés à ses demeures éternelles... Qu'elle est admirable, cette parole de l'apôtre Paul : « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9,7), celui qui fait l'aumône de bon cœur, qui sème sans compter afin de moissonner aussi abondamment, et qui partage sans murmure, hésitation ou réticence... Et il est encore plus grand, ce mot que le Seigneur dit ailleurs : « Donne à quiconque te demande » (Lc 6,30)... (...). 
Réfléchis alors à la récompense magnifique promise à ta générosité : les demeures éternelles. Quel beau commerce ! Quelle affaire extraordinaire ! On achète l'immortalité pour de l'argent ; on échange les biens caducs de ce monde contre une demeure éternelle dans les cieux ! Si donc, vous les riches, vous avez de la sagesse, appliquez-vous à ce commerce... Pourquoi vous laissez fasciner par des diamants et des émeraudes, par des maisons que le feu dévore, que le temps écroule, qu'un tremblement de terre renverse ? N'aspirez qu'à vivre dans les cieux et à régner avec Dieu. Un homme, un pauvre, vous donnera ce royaume... D'ailleurs, le Seigneur n'a pas dit : « Donnez, soyez généreux et larges, secourez vos frères », mais « Faites-vous des amis ». L'amitié ne naît pas d'un seul don, mais d'une longue familiarité. Ni la foi, ni la charité, ni la patience ne sont l'œuvre d'un jour : « mais celui qui aura persévéré jusqu'au bout sera sauvé » (Mt 10,22). (1)

L'agape n'est pas la simple philia de l'amitié des hommes. Même si Luc évoque la philia au verset 9, il vise l’agape au verset 13. On découvre la distinction dans l'échange de Pierre et de Jésus dans Jean 21. M'aimes-tu d'Agape, demande deux fois Jésus à Pierre, avant de passer à la philia. Là est l'enjeu final. 

Prenons de la distance et contemplons le chemin tracé par Luc : « Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni les gens de ta parenté, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne te rendent ton invitation et qu'ainsi tu sois payé de retour. Mais lorsque tu donnes un banquet, invite des pauvres, des estropiés, des infirmes, des aveugles. Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te payer de retour! En effet, tu seras payé de retour à la résurrection des justes.» Luc 14:12-14 NBS 

L'agape est déjà entre les lignes au chapitre 14. Elle se transforme en miséricorde au chapitre 15, prends de l'ampleur dans l'histoire du gérant malhonnête... (Luc 16, 1-8) et nous voici grimper une nouvelle marche, course en avant qui nous conduit dans la dynamique de Philippiens 3 (cf. Post de jeudi). Il y a là un chemin hyperbolique à contempler...
Le point ultime n'est-il pas Jésus sur la Croix ?

(1) Saint Clément d'Alexandrie, Sermon « Quel riche peut être sauvé ? », § 31 (trad. coll. Icthus, t. 6, p. 45 rev.), source Evangelizo 


01 novembre 2018

La danse des anges - 3 - saint Bernard - Toussaint - amour est en toi 24


Il viennent en chantant, le peuple des sauvés : immense fresque de joie, amour aux cent visages qui forment ensemble, dans la lumière, la seule icône de gloire : Jésus Christ ! Nous dit l'oraison finale de l'office des lectures. Alors que résonne dans nos églises l'hymne des Béatitudes (Luc 6, 26), contemplons la danse des anges (1)

« Pourquoi notre louange à l'égard des saints, pourquoi notre chant à leur gloire, pourquoi cette fête même que nous célébrons ? Que leur font ces honneurs terrestres, alors que le Père du ciel, en réalisant la promesse du Fils, les honore lui-même ? De nos honneurs les saints n'ont pas besoin, et rien dans notre culte ne peut leur être utile. De fait, si nous vénérons leur mémoire, c'est pour nous que cela importe, non pour eux. ~ Pour ma part, je l'avoue, je sens que leur souvenir allume en moi un violent désir. ~

Le premier désir, en effet, que la mémoire des saints éveille, ou plus encore stimule en nous, le voici : nous réjouir dans leur communion tellement désirable et obtenir d'être concitoyens et compagnons des esprits bienheureux, d'être mêlés à l'assemblée des patriarches, à la troupe des prophètes, au groupe des Apôtres, à la foule immense des martyrs, à la communauté des confesseurs ; au chœur des vierges, bref d'être associés à la joie et à la communion de tous les saints. Cette Église des premiers-nés nous attend, et nous n'en aurions cure ! Les saints nous désirent et nous n'en ferions aucun cas ! Les justes nous espèrent et nous nous déroberions !

Réveillons-nous enfin, frères ; ressuscitons avec le Christ, cherchons les réalités d'en haut ; ces réalités, savourons-les. Désirons ceux qui nous désirent, courons vers ceux qui nous attendent, et puisqu'ils comptent sur nous, accourons avec nos désirs spirituels. ~ Ce qu'il nous faut souhaiter, ce n'est pas seulement la compagnie des saints, mais leur bonheur, si bien qu'en désirant leur présence, nous ayons l'ambition aussi de partager leur gloire, avec toute l'ardeur et les efforts que cela suppose. Car cette ambition-là n'a rien de mauvais : nul danger à se passionner pour une telle gloire. ~

Et voici le second désir dont la commémoration des saints nous embrase : voir, comme eux, le Christ nous apparaître, lui qui est notre vie, et paraître, nous aussi, avec lui dans la gloire. Jusque-là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés. ~ Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision. Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête. » 

Cette gloire, il nous faut la convoiter d'une absolue et ferme ambition. ~ Et vraiment, pour qu'il nous soit permis de l'espérer, et d'aspirer à un tel bonheur, il nous faut rechercher aussi, avec le plus grand soin, l'aide et la prière des saints, afin que leur intercession nous obtienne ce qui demeure hors de nos propres possibilités.  (2)

Dans une belle contemplation du Paradis, Dante évoque cette danse des anges qui se réjouissent ensemble de la conversion d'une âme. Elle n'a de sens qu'au sein de la danse trinitaire, c'est à dire de cette communion polyédrique des âmes en Dieu, corps glorieux qui prends chair en nous. L'amour est en toi.. 


(1) voir mon livre éponyme 
(2) Saint Bernard, homélie pour la Toussaint source AELF 
(3) Fra Angelico, source https://goo.gl/images/skp5sA

23 août 2018

Au fil de Luc - 6, 20 - Les pauvres

"Heureux vous les pauvres,  le royaume des cieux est à eux" Luc 6, 20

Commentaire :
Il faudrait un livre entier pour traiter du sujet et le hasard me conduit vers "le visage des pauvres" publié en 2016 par l'AES (1).

Dans un premier colloque Emmanuel Aumônier y reprend les propos du cardinal Saliège en 1938 sur les "installés".  Une tentation qui nous guette,  à nous qui avons tout.  La porte est étroite (Mat, 19, 24) pour ceux qui amassent et jouissent de richesse sans entendre le cri du pauvre. Il ne suffit pas d'évoquer Lévinas ou Madeleine Delbrel.  Le visage du souffrant doit rester cette épine dans la chair de tout homme. La réponse au cri n'est pas écrite. Elle est aussi infinie que le cri.

(1) François Xavier de Guilbert, Le visage des pauvres, annales de l'AES, 2016

20 août 2018

Au fil de Luc - 6, 1 - Liberté

Nous reprenons chez Luc une lecture cursive (1) à partir de Luc 6. Quelques notes au fil de l'eau.

« Ses disciples arrachaient des épis, les frottaient dans leurs mains et les mangeaient » Lc 6, 1b

Commentaire 1 : il y a là une liberté essentielle des disciples de Jésus qui interpelle notre propre liberté. Comment agissons nous ? Quelle est notre liberté véritable ? Sommes nous libres des rites et des usages pour le royaume ou pour nos propres besoins ?

Commentaire 2 :
Sainte Thérèse de Lisieux le jour de sa première communion : « Ce jour là, ce n'était plus un regard, mais une fusion, il n'était plus deux, Thérèse avait disparu, comme la goutte d'eau qui se perd au sein de l'océan. Jésus restait seul, Il était le Maître et le Roi. Thérèse ne lui avait pas demandé de lui ôter sa liberté, car sa liberté lui faisait peur, elle se sentait si faible, si fragile que pour jamais elle voulait s'unir à la Force Divine »(2).
Notre liberté se limite à cette acceptation de la volonté de Dieu. Ouvrons nos mains à cet Amour qui nous guide.

Commentaire 3 : relire Ignace d'Antioche : je veux être la farine de Dieu (cf. Tag)

(1) cf. mon livre « Chemins de miséricorde »
(2) Manuscrit A, 35 verso, ibid p. 125