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10 octobre 2015

Dans la peau d'un incroyant

Kénose : se vider de soi-même pour épouser la souffrance de l'autre. Ce terme, dont l'origine remonte à Philippiens 2, 7 est surtout utilisé pour décrire l'incarnation du Christ. Dans Retire tes sandales (1), je souligne combien il peut décrire l'économie trinitaire. Mais ce mouvement de Dieu qui se met à genoux devant l'homme peut être aussi celui de l'homme devant autrui. 
Là encore, Madeleine Delbrel nous invite à une kénose, celle du croyant devant l'incroyant . Elle nous fait découvrir ce que nous ne pouvons connaître : l'angoisse infinie devant la mort de ceux qui ne croient pas que Dieu est là, la solitude infinie et inhumaine de ceux qui ne connaissent pas l'amour de Dieu. "Si nous réalisons chez l'incroyant cet état de malheur‎, oserions-nous déduire ce qu'il dit, ce qu'il fait, de ce qu'il cherche ? (...) ou bien le Dieu de l'évangile ne nous brûlerait-il pas insupportablement tant que nous n'aurons pas crié le nom [de Dieu] à voix haute parmi ces hommes désespérés sans le savoir. S'ils se retournent en nous entendant appeler Dieu, ce serait pour eux le début de la Seule Bonne Nouvelle" (2)

(1) Texte repris dans "L'amphore et le fleuve"
(2) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 190

28 septembre 2015

Chemins de désert - 2



A la suite de mes recherches sur ce thème, je note les commentaires toujours pertinents de Madeleine Delbrel : " Pour quitter l'Égypte il faut s'en dégager. A toutes les époques de son histoire l'Église a porté en elle des gens, qui perpétuels nomades, partent sans cesse du monde où ils sont mais dont ils ne sont pas, vers cette Terre où, par le Christ, ils sont déjà." (1)‎ 

Etern‎elle tension, ajouterai-je, à maintenir entre l'être au monde, qui ne peut être échappée par une fuite mystique, et l'être "en Christ", qui nourrit notre route.

Soumission aussi au bon vouloir de Dieu.  En effet,  "c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". ( 2)

(1) Madeleine Delbrel,  Nous autres gens des rues,  p. 118
(2) Philippiens 2,  13

22 mai 2015

Jean 21 - Agape et Philia, le dernier agenouillement

Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour.  Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus sur le lac de Tibériade. J'ai commenté longuement ce texte dans "A genoux devant l'homme",  et "Pastorale du seuil" notamment à propos de la subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement.  Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agape) avant  d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre pour lui répondre : "Philo te !" Je t'aime d'amitié.  

On sait que Pierre sort de son reniement,  qu'il doit avoir la honte du fils prodigue et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui. Et lui dit "paix mes brebis".

Écoutons ce commentaire d'Augustin que je découvre grâce à Evangelizo...

"Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant le menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur."

 N'est ce pas nos tentations pastorales,  qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert.  L'avoir,  le pouvoir, le valoir.

Augustin poursuit : "Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21)."

Prenons le temps de relire  Philippiens 2, dans son contexte, c'est à dire depuis l'évocation de la kénose du Christ (illustration théologique du lavement des pieds évoqué en Jn 13).

"Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé (grec : ekenosen) lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. (...) Agissez en tout sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez sans reproche, simples, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, dans le sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde, étant en possession de la parole de vie; et ainsi je pourrai me glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain, ni travaillé en vain. (...) Car je n'ai personne qui me soit tant uni de sentiments, pour prendre sincèrement à cœur ce qui vous concerne; tous, en effet, ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. (Ph2, 5-8, 14-16, 20-21)"

C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 /Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne.

"Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre."

À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous "met l'anneau",  nous revêt du "manteau" du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce.  Louange et gloire à notre Dieu.

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°123 
Source : levangileauquotidien.org/

31 octobre 2014

Christ serviteur (suite)

Dans la recherche sur la révélation d'un Christ serviteur,  je tombe également sur cette méditation de saint Bernard : (1) "Jusque là, il ne se présente pas à nous comme il est en lui-même, mais tel qu'il s'est fait pour nous : notre Tête, non pas couronnée de gloire, mais ceinte par les épines de nos péchés.  Il serait honteux que, sous cette tête couronnée d'épines, un membre choisisse une vie facile, car toute la pourpre qui le couvre doit être encore non pas tant celle de l'honneur que celle de la dérision." Cette contemplation n'exclue pas celle de la contemplation de la gloire à venir. La dynamique de Ph 2, 7-9 nous y prépare. (2) Mais, respecter cette chronologie laisse le temps à l'homme de voir la joue gauche du Christ (Mat 5, 38-39), dans ce geste qu'il décrit comme étant la réponse à toutes nos violences. S'il nous apparaît couronné d'épines et "suspendu sur le bois de la Croix" c'est bien que celui qui se met aux pieds de l'humanité comme il s'est mis aux pieds de Judas, attend ce mouvement intérieur qui nous conduira sur le chemin,  la Vérité et la Vie.  "Ego sum via, veritas, via"...


(1) homélie de saint Bernard sur la Toussaint
(2) Bernard ajoute :"Viendra le jour de l'avènement du Christ : alors on n'annoncera plus sa mort de manière à nous faire savoir que nous aussi sommes morts et que notre vie est cachée avec lui. La Tête apparaîtra dans la gloire, et avec elle les membres resplendiront de gloire, lorsque le Christ restaurera notre corps d'humilité pour le configurer à la gloire de la Tête, puisque c'est lui la Tête."
(3) Philippiens 2, 9 : "C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom"